Mercredi 19 mai 2010

- Présidence de M. Bruno Retailleau, président -

Audition de Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor et de M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances, et de M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance, à la direction générale du trésor.

M. Bruno Retailleau, président, a souhaité connaître l'état des lieux en matière d'indemnisation, le partage du coût et les propositions de réforme envisagées.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a présenté les règles relatives au régime d'indemnisation des victimes de catastrophes naturelles, dit régime « catnat », en soulignant qu'il était fondé sur la solidarité nationale à la faveur d'une large mutualisation du risque. Son champ est précisé, depuis la loi du 13 juillet 1982, par l'article L. 125-1 du code des assurances qui dispose que ce régime couvre « les dommages matériels directs non assurables ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance ou n'ont pu être prises ». En pratique, les risques concernés sont les diverses formes d'inondation (inondations de plaine, crue torrentielle, ruissellement en secteur urbain, coulées de boue et remontées de nappe phréatique), les phénomènes liés à l'action de la mer, les séismes, les mouvements de terrain (effondrement, affaissement, éboulement et chute de pierres, glissement et coulée boueuse associée, lave torrentielle), la sécheresse (y compris les mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation du sol), les avalanches, et, enfin, les effets du vent dû à un événement cyclonique. Le régime catnat bénéficie d'une réassurance publique avec garantie de l'Etat et s'appuie à cette fin sur la Caisse centrale de réassurance (CCR), institution détenue à 100 % par l'Etat, mais soumise au droit commun des sociétés d'assurances privées.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a observé qu'à la date du 11 mai 2010, 191 communes avaient été déclarées en état de catastrophe naturelle. Elle a rappelé que le Gouvernement s'était mobilisé en vue de faciliter le bon déroulement des procédures d'indemnisation. Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, de l'industrie et de l'emploi avait en particulier décidé de nommer un médiateur des assurances. En outre, le délai de déclaration des sinistres au titre du régime catnat a été exceptionnellement porté de dix jours à un mois.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du trésor, a précisé que le choix du Gouvernement a consisté à reconnaître dans un premier temps l'état de catastrophe naturelle dans l'ensemble des communes des quatre départements fortement touchés par la tempête Xynthia. Ce n'est que dans un deuxième temps que des arrêtés de reconnaissance plus classiques portant sur des communes spécifiques et non sur la totalité d'un département ont été pris. Il a souligné que les effets du vent sont assurables de plein droit, sans nécessiter le recours au régime catnat. Le montant de ce type de dégâts se situe souvent entre 1.000 et 2.000 euros. Les dommages résultant de risques classés catnat, tels que les inondations, font appel au régime spécifique couvrant ces risques.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur les marges d'amélioration du dispositif catnat.

En réponse, M. Sébastien Raspiller a souligné le caractère éprouvé de ce régime. Chaque mois, des communes sont reconnues victimes de catastrophes naturelles et, moins fréquemment quoiqu'assez régulièrement, des phénomènes de grande ampleur sont observés, à l'instar de la tempête de 1999, des inondations de la même année et de 2003, de la tempête Klaus de 2009 ou encore de la tempête Xynthia en 2010. Dans chacune de ces situations, le régime catnat démontre sa capacité, son efficacité et sa solvabilité.

Mme Maya Atig a précisé comment le partage du coût entre les assurances et l'Etat serait effectué. Sur un coût total de 1,5 milliard d'euros, les sociétés d'assurance devront prendre en charge 800 millions d'euros. Pour les inondations, environ 50 % des 700 millions d'euros de dommages seront pris en charge par la CCR, soit un coût de 250 à 350 millions d'euros.

M. Sébastien Raspiller a fait état d'un régime financé par une provision d'égalisation en franchise d'impôts, qui s'élève à 2 milliards d'euros environ. Le prélèvement de 12 % sur les cotisations et primes additionnelles catnat des contrats d'habitation est destiné à la fois aux assureurs et aux réassureurs. L'assureur s'accorde avec la CCR sur un traité de réassurance en quote-part, qui conduit à un partage du coût pour moitié entre les deux parties. La CCR, avec une garantie illimitée de l'Etat, offre de plus aux assureurs une clause de limitation des pertes. Dans les cas où les sinistres dépassent un seuil de 200 % de la valeur des primes, la CCR prend ainsi en charge le coût de l'indemnisation. S'agissant de la tempête Xynthia, il ne devrait pas y avoir de cas où ce seuil serait atteint. La survenance d'une catastrophe majeure de type séisme sur la Côte-d'Azur ou d'inondations à Paris conduirait en revanche à l'utilisation de cette clause.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, M. Sébastien Raspiller s'est montré optimiste sur la capacité de la CCR à participer rapidement aux procédures d'indemnisation au titre du régime catnat en cours.

En complément, Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a souligné le caractère parfaitement rôdé de ces mécanismes financiers.

M. Alain Anziani, rapporteur, a souhaité connaître le bilan des procédures d'indemnisation.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a précisé que des indemnisations ont déjà été versées, mais que les procédures nécessitent deux visites d'experts : une première pour identifier les dégâts suivie d'une seconde, plus approfondie, pour déterminer les sommes devant être allouées. Ces dernières ont eu lieu pour 80 % des sinistres en Vendée et pour 50 % en Charente-Maritime. Les assureurs se sont engagés à les terminer d'ici la fin du mois de mai.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la procédure d'indemnisation dans les zones d'acquisition amiable, ainsi que sur le rehaussement, qui a été réalisé par la voie réglementaire, du plafonnement des subventions accordées par le Fonds « Barnier » de 60.000 à 240.000 euros par maison.

M. Sébastien Raspiller a déclaré que l'indemnisation s'effectuerait en deux temps : d'une part, la fixation d'une valeur d'intervention pour la remise en état au titre du régime catnat, de l'ordre de 20.000 euros en moyenne pour une inondation, d'autre part, la prise en charge de la valeur vénale du bien, voire des marges ajoutées au titre des frais de notaire, d'agence ou, encore, de démolition. Le recours au fonds Barnier pour le rachat des habitations devrait suivre trois procédures distinctes :

- une procédure d'acquisition amiable pour les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale. L'arrêté qui a déplacé le plafond de 60.000 à 240.000 euros ne concerne que cette procédure. Environ 30 maisons devraient être concernées ;

- une procédure d'acquisition amiable pour les biens non sinistrés ou sinistrés à moins de 50 % de leur valeur vénale. Dans ce cas, l'indemnisation n'est pas soumise à plafonnement ;

- enfin, une procédure formelle d'expropriation, soumise à déclaration d'utilité publique au terme d'une enquête contradictoire.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la capacité du fonds Barnier à assumer de telles dépenses, qui pourraient s'élever à environ 800 millions d'euros, d'après M. Daniel Dubost, chef du service France Domaine, tandis que les sociétés d'assurance n'apporteraient qu'une contribution réduite à ces indemnisations.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a tout d'abord observé que l'évaluation de France Domaine tient compte d'environ 10 % de frais annexes (notaire, agence, déménagement...). Il a ajouté que le fonds Barnier dispose d'un flux de trésorerie de l'ordre de 150 millions d'euros par an et est contraint par des dépenses annuelles « fixes » d'environ 75 millions d'euros, y compris le plan séisme aux Antilles et le financement des travaux de reconstruction des digues.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une mobilisation des réserves de la CCR ou d'un abondement du fonds Barnier par l'Etat.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a indiqué que l'Etat avait la faculté de contribuer au financement du régime catnat. En revanche, la CCR est pour sa part soumise aux règles de droit commun des sociétés d'assurance, bien que l'Etat en soit actionnaire et garant. Elle doit disposer de fonds propres conséquents et ne peut donc être utilisée comme une « cagnotte », ni comme un instrument budgétaire.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, Mme Maya Atig a de nouveau précisé que le milliard d'euros de réserves de la CCR ne saurait être mobilisé par l'Etat pour abonder le fonds Barnier. Ces réserves apparaissent en effet incompressibles et il ne peut être distingué en leur sein une part de provisions et une part de fonds propres. Elle a souligné la différence de nature entre les deux structures : le fonds Barnier est un fonds budgétaire tandis que la CCR est un organisme de réassurance. Cette dernière répond donc à une logique spécifique qui ne lui permet pas de financer le fonds Barnier par ses réserves. L'hypothèse d'un financement budgétaire, sous forme d'avances, pourrait être, en revanche, envisagée. Une telle procédure devrait être approuvée par le Parlement à l'occasion de l'examen d'un projet de loi de finances.

M. Bruno Retailleau, président, a fait état des difficultés constatées dans les départements sinistrés pour le versement des indemnisations publiques dans le domaine agricole.

M. Sébastien Raspiller a rappelé que la CCR n'assure que la gestion du FNGCA, le pilotage de celui-ci relevant de la compétence exclusive du ministère de l'alimentation, de l'agriculture et de la pêche. Il a observé que les procédures d'indemnisation au titre de ce fonds peuvent prendre du temps et qu'elles nécessitent l'accord préalable de l'Union européenne.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé confirmation que l'arrêté fixant le plafond d'intervention du fonds Barnier à 240 000 euros ne fera pas obstacle au rachat au prix de leur valeur vénale de la totalité des habitations classées en zone d'acquisition amiable.

En réponse, M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a confirmé que ces biens seraient tous indemnisés en fonction de leur valeur sur le marché de l'immobilier. Il a rappelé que l'arrêté qui a déplacé le plafond de 60.000 euros à 240.000 euros ne concerne que les biens sinistrés à plus de 50 % de leur valeur vénale. Or seulement 30 maisons devraient être concernées par ce cas de figure. Les autres biens échapperont donc à cette procédure et ne seront soumis à aucun plafonnement.

Mme Maya Atig, sous-directrice des assurances à la direction générale du Trésor, a précisé que les habitations n'ayant pas subi de dégâts et donc indemnisées sans plafonnement devront faire l'objet d'une évaluation scientifique du risque naturel impliquant un danger mortel.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur l'opportunité d'une réforme plus générale du fonds Barnier.

Mme Maya Atig a souligné les qualités de ce dispositif, en particulier sa grande réactivité et son incitation à anticiper les risques de danger mortel. Elle a observé que les travaux de la mission d'inspection interministérielle sur le régime catnat ont surtout conclu en faveur d'un développement des politiques de prévention.

En réponse à M. Bruno Retailleau, président, Mme Maya Atig est convenue du faible intérêt d'une prise en compte du risque dans le calcul du montant des primes d'assurances, bien qu'aujourd'hui, deux mécanismes se rapprochent d'une telle logique :

- les franchises sont modulées en fonction de l'adoption de plans de prévention des risques (PPR) et de l'existence de risques naturels ;

- l'ouverture de la garantie catnat est conditionnée par le respect des règles en vigueur, ainsi que le prévoit l'article L 125-6 du code des assurances. Les cas d'exclusion d'assurés restent rares, les assureurs préférant faire preuve de souplesse dans l'application de cette disposition.

La modulation financière des primes catnat ne peut avoir d'effets incitatifs que si les montants en jeu sont réellement conséquents. Or, la surprime est très peu élevée puisqu'elle représente aujourd'hui, en moyenne, 18 euros par contrat d'assurance. Les marges de manoeuvre existantes apparaissent dont particulièrement réduites.

M. Sébastien Raspiller, chef du bureau des marchés et des produits d'assurance à la direction générale du Trésor, a rappelé que M. Nicolas Sarkozy, Président de la République, lors de son discours prononcé à La Roche-sur-Yon le 16 mars 2010, a invité à maintenir des dispositifs assurantiels fondés sur la solidarité nationale.

En outre, il a attiré l'attention de la mission sur les recommandations des deux rapports consacrés au régime catnat. S'agissant du risque sécheresse, des réponses spécifiques doivent être apportées. La simple définition de normes de construction plus rigoureuses permettrait de prévenir les difficultés liées à la nature argileuse des sols. Le régime catnat relève efficacement le défi de l'indemnisation des risques pesant sur les biens, mais, s'agissant des risques humains, le cadre juridique reste encore perfectible.

Audition de M. Michel Casteigts, inspecteur général de l'administration, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia

Puis la mission a procédé à l'audition de M. Michel Casteigts, inspecteur général de l'administration, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia.

A titre liminaire, M. Bruno Retailleau, président, a rappelé que M. Michel Casteigts est chargé de la coordination de deux missions interministérielles différentes. La première est chargée de préparer la remise de la demande d'aide, au titre du Fonds de solidarité de l'Union européenne (FSUE), à M. Johannes Hahn, commissaire européen à la politique régionale. La seconde procède à l'évaluation des dégâts portant sur les biens non assurables des collectivités territoriales.

M. Bruno Retailleau, président, a ensuite souhaité connaître le bilan de l'activité de ces deux missions et la perspective des suites envisagées à leur travail.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a rappelé que le dossier remis à la commission européenne au titre du FSUE a été finalisé par le secrétariat général des affaires européennes et la direction de la sécurité civile du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il a précisé avoir rapidement renoncé au dépôt d'un dossier faisant état d'une « catastrophe majeure ». En effet, le seuil requis de 3,4 milliards d'euros de dommages ne sera pas atteint dans le cas de la tempête Xynthia. Le montant des dégâts devrait, en effet, se situer autour de 2,4 milliards d'euros. La mission interministérielle d'évaluation a donc travaillé au dépôt d'un dossier au titre d'une catastrophe régionale. L'intervention du FSUE étant dans ce cas exceptionnelle, elle est soumise à des critères plus stricts :

- un périmètre territorial doit être précisément délimité ;

- la majorité de la population doit être affectée dans ses conditions de vie, de manière grave et durable (c'est-à-dire supérieure à un an) ;

- la stabilité économique de la zone doit être atteinte.

M. Michel Casteigts a indiqué que le contrôle rigoureux de ces conditions par la Commission européenne a nécessité le montage d'un dossier particulièrement argumenté. Il a donc été choisi de déterminer, en tant que périmètre pertinent, les zones submergées. Celles-ci sont, en effet, apparues plus conformes aux critères requis. La ville de La Rochelle, apparaissant comme le point faible de l'argumentation, il a été décidé de l'exclure de la zone, tout comme la partie de Rochefort non submergée. Une telle démarche permet de mieux répondre à la condition de déstabilisation économique du territoire sinistré.

La Commission européenne ayant fait valoir l'interdépendance économique entre La Rochelle et l'ensemble des zones sinistrées, la mission interministérielle a bâti une démonstration appuyée sur le dualisme entre deux sous-secteurs économiques, en s'inspirant des théories de l'économiste Laurent Davezies :

- d'une part, un pôle urbain centré sur une économie de services et de tourisme nautique et culturel ;

- d'autre part, des territoires ruraux fondés sur une économie agricole et un tourisme populaire.

M. Michel Casteigts a fait part de ses réserves sur l'issue de la procédure, tout en conservant un optimisme raisonnable.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur la possibilité pour la Commission européenne de faire preuve d'une certaine souplesse s'agissant de l'application des critères de mobilisation du FSUE.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a déclaré que, pour les demandes qui lui avaient été antérieurement soumises, la Commission européenne avait, dans l'ensemble, fait preuve d'une grande rigueur dans la mise en oeuvre des conditions prévues. L'absence de précédent, pour ce qui concerne des dégâts causés par un phénomène de submersion marine, représente un facteur d'incertitude plutôt favorable à la France. En effet, les conséquences précises de la salinisation demeurent incertaines, qu'il s'agisse des paysages, des terrains agricoles ou, encore, des fondations et des sous-sols des maisons.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur le montant des aides qui pourraient être versées à la France au titre de l'intervention du FSUE pour le financement des conséquences de la tempête Xynthia.

M. Michel Casteigts a rappelé que le taux de couverture des dégâts par le fonds est de 2,5 % du coût total de la catastrophe sur la zone considérée. Dans la mesure où le dossier s'est focalisé sur un territoire restreint, le montant déclaré des dommages n'est que de 1,5 milliard d'euros. La somme versée à la France par l'Union européenne pourrait donc être de l'ordre de 40 millions d'euros. Par ailleurs, l'assistance financière au titre du FSUE est limitée au financement d'interventions d'urgence entreprises par les autorités publiques pour faire face à des dommages non assurables, tels que la réparation d'infrastructures vitales, le coût des opérations de sauvetage ou, encore, la mise à disposition de logements provisoires.

Mme Nicole Bonnefoy a souhaité savoir si les aides versées à la France pourraient, au moins partiellement, faire l'objet d'une affectation aux collectivités territoriales.

M. Michel Casteigts est convenu d'une telle possibilité, en particulier au profit des communes et des départements les plus touchés ou, encore, des services départementaux d'incendie et de secours (SDIS). Electricité réseau distribution France (ERDF) devrait également pouvoir en bénéficier.

M. Bruno Retailleau, président, s'est ensuite demandé comment les collectivités territoriales seraient indemnisées et s'il ne s'agit que de verser des aides relatives à des dommages provoqués sur leurs biens non assurables. Il a également souhaité savoir si le montant versé au titre de la solidarité nationale pourrait compenser, pour ce qui concerne ces derniers, le coût total des dégâts.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a précisé que, à la différence du FSUE, l'aide aux collectivités territoriales, rattachée au programme budgétaire 122 « Concours spécifiques et administration » de la mission « Relations avec les collectivités territoriales » ne peut pas prendre en compte l'ensemble des travaux de remise en état mais ne considère que les biens non assurables. D'après une estimation provisoire et très approximative, les collectivités territoriales pourraient déclarer entre 400 et 500 millions d'euros de dommages.

M. Alain Anziani, rapporteur, a rappelé que M. Brice Hortefeux, ministre de l'Intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales, lors de son audition par la mission, avait fait état d'un coût de 117 millions d'euros.

M. Michel Casteigts a déclaré que l'écart peut résulter de l'absence de prise en compte des travaux de renforcement des digues, évalués à plus de 4 milliards d'euros sur 20 ans. Alors qu'il serait pertinent de les prévoir, au moins s'agissant des travaux d'urgence réalisés par les communes, les données annoncées par le ministère de l'Intérieur ne les intègrent pas dans son évaluation.

M. Bruno Retailleau, président, s'est étonné de l'absence de versement d'indemnités aux collectivités territoriales, en particulier au bénéfice de certaines structures intercommunales, proches de la cessation de paiement suite à l'engagement important de dépenses pour faire face aux conséquences de la tempête Xynthia.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a rappelé que le recours au programme budgétaire 122 nécessitera un passage devant le Parlement à l'occasion de l'examen d'une loi de finances. La deuxième loi de finances rectificative pour 2010 a d'ores et déjà permis de dégager 25 millions d'euros en autorisations d'engagement (AE) et 5 millions d'euros en crédits de paiement (CP). La mission interministérielle ne pourra à elle seule permettre la mise à disposition de fonds conséquents au profit des collectivités territoriales, cette tâche incombe tout d'abord au législateur.

M. Alain Anziani, rapporteur, s'est interrogé sur le calendrier et la méthode retenue pour l'élaboration du plan digues.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a rappelé que le plan digues ne ressort pas de sa compétence. La mission chargée de préparer ce plan a déjà remis un rapport d'étape mais n'a pas encore terminé son travail. De nombreux arbitrages gouvernementaux devront être rendus suite à la remise de son rapport définitif. En effet, l'efficacité des digues en tant qu'outils de défense contre la mer reste une question très débattue. De plus, la forte variation du coût des travaux de renforcement des digues selon le type d'ouvrage visé, comme le montre l'exemple des Pays-Bas, invite également à une démarche prudente.

M. Bruno Retailleau, président, a relevé que la fixation du taux de subvention à un pourcentage de 40 % des coûts conduirait à une perte nette de richesse considérable pour les collectivités territoriales, au premier plan desquelles les petites communes frappées par la tempête Xynthia.

M. Michel Casteigts a insisté sur la limitation de son mandat à la constitution de deux dossiers d'évaluation des dommages provoqués par la tempête Xynthia, en vue de la sollicitation du FSUE, d'une part, et de la mobilisation d'une aide au titre du programme budgétaire 122, d'autre part. Il s'est engagé à communiquer le rapport relatif à ce dernier volet aux membres de la mission dès sa finalisation.

M. Bruno Retailleau, président, s'est interrogé sur la pertinence d'une réforme des conditions de mise en oeuvre de l'aide aux collectivités locales par l'intermédiaire du programme budgétaire 122.

M. Michel Casteigts, chargé de la coordination de la mission interministérielle d'évaluation des dommages causés par la tempête Xynthia, a attiré l'attention de la mission sur une situation paradoxale. Alors que le taux de 40 % paraît assez bas et semble traduire une certaine forme de sévérité, les deux critères que représentent l'appartenance à une zone où a été déclaré l'état de catastrophes naturelles et l'existence de dommages paraissent, quant à eux, excessivement larges et insuffisamment discriminants. Des critères qualitatifs et quantitatifs plus objectifs et équitables limitant les phénomènes d'effets d'aubaine devraient être déterminés. Une définition plus fine et plus stratégique des bénéficiaires des crédits doit permettre d'allouer plus efficacement les ressources disponibles.

Audition de M. Christian Kert, président de l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles, président du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs

Enfin, la commission a procédé à l'audition de M. Christian Kert, président de l'association française pour la prévention des catastrophes naturelles, président du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs.

A l'invitation de M. Bruno Retailleau, président, M. Christian Kert a tout d'abord présenté M. Paul-Henri Bourrelier, l'un des fondateurs et principal animateur du conseil d'orientation pour la prévention des risques naturels majeurs (COPRNM), qui l'accompagnait. Précisant que cette structure, qui avait été créée par un décret de juin 2003 du ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de la mer, M. Jean-Louis Borloo, comptait une quarantaine de membres, dont des élus, des fonctionnaires et des acteurs de la société civile tels que des assureurs, il a énuméré les sujets d'étude des quatre groupes de travail mis en place dès l'origine, structures temporaires dont le rapport d'étape est attendu courant juin :

- la stratégie nationale pour la prévention du risque d'inondation, groupe qui est présidé par le sénateur Eric Doligé ;

- la prévention des risques sismiques ;

- les risques naturels et les actions internationales ;

- l'efficacité des plans de prévention des risques naturels (PPRN.

Il a précisé qu'il coprésidait le COPRNM avec la secrétaire d'Etat chargée l'écologie, Mme Chantal Jouanno, et que la sénatrice Mme Marie-France Beaufils en était vice-présidente. Il a indiqué que le conseil travaillait plus particulièrement sur la tempête Xynthia, une session spécifique y ayant été consacrée trois semaines auparavant. Il a par ailleurs mentionné les sujets d'étude prioritaire pour le conseil :

- les fleuves et littoraux ;

- la mise en oeuvre de la stratégie nationale de gestion des risques d'inondation ;

- la collaboration entre l'Etat et les échelons de proximité ;

- la maîtrise des digues. Il a fait état, à cet égard, de l'existence de barrages dépourvus de propriétaires tandis que d'autres en possèdent une pluralité, ainsi que de divergences d'avis, chez les mêmes fonctionnaires et selon les circonstances locales, sur l'utilité de la végétation recouvrant les ouvrages de protection. Il a regretté par ailleurs l'absence de révision de digues protégeant des secteurs urbanisés alors qu'elles avaient été initialement conçues pour abriter des zones agricoles ;

- les plans de prévention des risques d'inondation (PPRI). Plutôt que de poser des objectifs de couverture de communes dans un horizon de temps déterminé, il a préconisé de commencer par identifier les zones nécessitant en urgence de tels plans.

Faisant allusion à la mission d'information sur la tempête Xynthia créée à l'Assemblée nationale, il a recommandé que les deux assemblées travaillent de concert sur ce thème.

Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur d'éventuels travaux consacrés au dispositif d'alerte, M. Christian Kert a indiqué qu'il constituerait le thème du premier des nouveaux ateliers qui seront mis en place à l'automne.

Déplorant la forte culture de protection par l'Etat existant en France et l'absurdité d'un système organisé de façon extrêmement hiérarchisée, fonctionnant du haut vers le bas, M. Paul-Henri Bourrelier a estimé qu'il devait revenir au maire, au plus près des circonstances locales, de prendre les décisions. Reconnaissant toutefois à l'Etat la légitimité pour relier les connaissances générales que possèdent sur le sujet des grands organismes avec le vécu des populations et des élus, il a estimé que l'état de la science de notre pays était, en ce domaine, équivalent à celui de nos partenaires. Il a préconisé, surtout pour les PPR littoraux, le développement d'un « échelon-charnière » entre l'Etat et le niveau local, d'échange et de débat entre maires et administrés, qui pourrait être départemental ou régional.

Observant que des pays comme la Belgique, l'Allemagne ou la Grande-Bretagne axaient l'essentiel de leur effort sur la prévention, là où la France se concentrait sur l'assurance et l'indemnisation, M. Paul-Henri Bourrelier a prôné une révision de l'aléa de référence au niveau local. Enfin, il a recommandé que le dispositif de vigilance météo, qui doit être élaboré localement, concerne et intègre un maximum de types de risques.

Faisant remarquer qu'une juste évaluation de la surcote avait été donnée par les services météo, mais aucune traduction en termes de submersion marine, M. Bruno Retailleau, président, a interrogé les intervenants sur les possibles améliorations du dispositif de vigilance.

M. Paul-Henri Bourrelier a suggéré l'extension de la vigilance météo à un ensemble de phénomènes naturels dérivés (crues, submersion, verglas, glissements de terrain ...). Il a rappelé que cela existe en matière en matière d'avalanche, où les stations de montagne se sont associées et ont créé des interfaces avec Météo France leur permettant de décider des procédures d'alerte en toute connaissance de cause, ainsi qu'en matière de crues, où un organisme composé d'hydrologues procède à des relevés de précipitations qu'il transforme en prévisions de débordement et transmet aux maires.

M. Paul-Henri Bourrelier a souligné la nécessité de disposer, dans les préfectures, de services aptes à transcrire les informations météo en messages d'alerte immédiatement compréhensibles. Il a par ailleurs recommandé de distinguer l'alerte proprement dite, décrétée par l'autorité préfectorale, pouvant consister en une indication de confinement ou d'évacuation, de la vigilance en amont, réalisée par les services météo.

Reconnaissant que les maires recevaient des messages d'alerte, M. Christian Kert a regretté, toutefois, que ces derniers ne soient pas accompagnés d'une analyse précise des risques encourus et de conseils de comportement. Le COPRNM, a-t-il ajouté, va travailler sur cette question.

Répondant à une objection de M. Alain Anziani, rapporteur, qui faisait observer que les préfets seraient sans doute mieux placés que les maires pour prendre les décisions opérationnelles, M. Christian Kert a indiqué que les préfets craignaient que les maires s'abritent derrière leurs instructions, et qu'au demeurant les maires possédaient une connaissance des circonstances locales que n'ont pas les représentants de l'Etat.

M. Paul-Henri Bourrelier a noté que le maire pouvait agir comme relais du préfet dans sa commune, et que l'intercommunalité constituait parfois le bon échelon d'intervention.

M. Alain Anziani, rapporteur, a fait observer que la compétence technique se trouvait au niveau, non de la commune ou de l'intercommunalité, mais du département.

M. Paul-Henri Bourrelier a reconnu qu'il relevait indiscutablement du préfet de décider, dans des circonstances exceptionnelles, du lancement des procédures d'alerte.

M. Christian Kert a fait valoir que, lors de l'épisode de crues du Rhône, il avait été difficile de lier la compétence concomitante de trois préfets ayant donné des consignes divergentes. Il a recommandé une meilleure coordination interrégionale au niveau des préfectures.

S'étonnant de la multiplicité des opérateurs de l'Etat susceptibles d'intervenir en cas de catastrophe naturelle, M. Bruno Retailleau, président, s'est demandé auxquels il appartenait plus spécifiquement de gérer la vigilance.

M. Paul-Henri Bourrelier a estimé que la réponse différait aléa par aléa, selon qu'il s'agit de risques incendie, crue, avalanche ou submersion marine, mais qu'il faudrait aller vers un regroupement ou une coordination des structures.

M. Bruno Retailleau, président, ayant questionné les intervenants sur les modes de transcription des risques dans la cartographie et les prescriptions opérationnelles, M. Christian Kert a évoqué les réticences des élus à réaliser des PPR, dues à la tutelle imposante de l'Etat, au coût des décisions à prendre, au risque d'une sanction électorale et à l'attachement des scientifiques à la seule historicité de l'aléa. Il s'est dit en revanche optimiste quant à la progression de la culture du risque, appelant à bien préciser aux maires ce qui relève de leur responsabilité et à travailler plus avant sur la constructibilité en zone inondable, envisageable dès lors qu'elle constitue une dérogation et s'accompagne de prescriptions particulières.

M. Paul-Henri Bourrelier a recommandé de mieux coordonner et hiérarchiser les différents niveaux de planification et de décision. Observant que les architectes du Grand Paris avaient tous envisagé de construire dans des zones inondables, il a reconnu qu'un travail « d'intelligence du territoire » restait, plus généralement, nécessaire sur ce thème.

A M. Alain Anziani, rapporteur, qui se demandait s'il serait utile de renforcer les liens entre PPR et documents d'urbanisme, M. Paul-Henri Bourrelier a indiqué qu'il s'agissait d'une question d'importance secondaire pour les plans locaux d'urbanisme, mais davantage centrale pour les schémas de cohérence territoriale (SCOT). Insistant sur le manque de plans locaux de sécurité (PCS), il a fait état de travaux en cours sur les conséquences du changement climatique.

M. Bruno Retailleau, président, ayant évoqué les réticences de l'administration à tenir compte de l'augmentation du niveau de la mer pour rehausser le niveau des digues, M. Christian Kert a convenu de cette frilosité. Reconnaissant ainsi qu'on ne construirait a priori plus de digues, tout en ajoutant qu'un programme de réhabilitation avait été décidé au niveau national, il a appelé à analyser de façon détaillée les cas où elles sont indispensables. Estimant que l'unicité du maître d'ouvrage était une garantie de bonne conception et d'exécution des travaux, il a jugé que l'Etat n'était pas le seul acteur envisageable, un syndicat représentatif pouvant être tout aussi efficace. Mentionnant la possibilité, envisagée par les scientifiques, d'un tsunami dans le bassin méditerranéen qui aurait des conséquences dramatiques sur les côtes du sud de la France, il regretté les réticences des élus locaux concernés à construire des digues en vue de le prévenir.

M. Paul-Henri Bourrelier a jugé que le relèvement attendu du niveau de la mer, de l'ordre de quelques dizaines de centimètres, n'était pas considérable. Par contre, il a fait observer que les Pays-Bas se protègent contre des risques plus rares. La différence d'aléa prise en compte aux Pays-Bas - qui intègrent un risque susceptible de survenir tous les 5 000 ans - et notre pays - où ce taux est simplement centennal - aboutit à une divergence substantielle de 1 à 1,5 m de hauteur d'eau.

Jeudi 20 mai 2010

- Présidence de M. Alain Anziani, rapporteur -

Audition de M. Gilles Bessero, directeur général du service hydrographique et océanographique de la marine (SHOM) et de M. Jean-Claude Le Gac, chef de département au SHOM

La mission a tout d'abord procédé à l'audition de M. Gilles Bessero, directeur général du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM) et de M. Jean-Claude Le Gac, chef de département au SHOM.

M. Gilles Bessero, directeur général du Service Hydrographique et Océanographique de la Marine (SHOM), a présenté le SHOM, héritier du premier service hydrographique officiel au monde créé en France en 1720, devenu établissement public national à caractère administratif en 2007, et placé sous la tutelle du Ministère de la Défense. Son objet est de garantir la qualité et la disponibilité des informations sur l'environnement maritime par le recueil, la diffusion et l'archivage de ces informations, et de satisfaire les besoins civils et militaires. Le SHOM est à la fois le service hydrographique national, un service d'appui au Ministère de la Défense pour certaines applications militaires et un service de soutien aux politiques publiques maritimes et littorales. La coexistence de ces trois missions permet d'établir des synergies face à des besoins croissants en termes de sécurité de la navigation maritime, de conduite des opérations militaires et d'expertise sur le littoral. Le SHOM dispose de 525 personnes et d'un budget de 60 millions d'euros ainsi que de moyens à la mer mis à sa disposition par la Marine Nationale pour environ 25 à 30 millions d'euros par an. Sous la présidence du Chef d'Etat major de la Marine, le conseil d'administration rassemble les représentants des ministères, des partenaires du SHOM, et des personnalités qualifiées dont le Président de l'association nationale des élus du littoral. Le SHOM est certifié ISO 9001 depuis 2004. Il poursuit une logique de coopération avec les autres organismes de recherche et opérateurs au plan national et international. Si sa culture interne privilégie davantage le « savoir-faire » que le « faire-savoir », le SHOM met l'accent sur les actions de long terme, et utilise ainsi des données qui datent de plus de deux siècles relatives au niveau de la mer.

M. Gilles Bessero a fait valoir que le SHOM est l'organisme de référence pour l'évaluation du niveau de la mer et la prévision des marées ; il est responsable de la cartographie des fonds marins et développe une fonction de soutien opérationnel des forces. Une océanographique opérationnelle s'est développée grâce à des efforts communs avec le Centre National d'Etudes Spatiales (CNES), le Centre National de Recherche Scientifique (CNRS), l'Institut Français de Recherche pour l'Exploitation de la Mer (IFREMER), l'Institut de Recherche pour le Développement (IRD) et Météo-France, sous la forme d'un groupement d'intérêt public (GIP) Mercator-Océan créé en 2002.

M. Gilles Bessero a souligné que, malgré ces outils, le SHOM n'est que l'une des « briques » en matière de prévision marine et le Grenelle de la Mer a bien mis en valeur le besoin abyssal de connaissances en la matière. Il faut associer des compétences multidisciplinaires et croiser les informations, comme l'a montré l'expérience de la tempête Xynthia, et maintenir l'effort de recherche-développement. A ce titre, il faut citer le projet de service national d'océanographie côtière opérationnelle (SNOCO) ainsi que le lancement du centre national d'alerte aux tsunamis en 2009 et le projet de dispositif « vagues submersion » piloté par Météo-France, auxquels le SHOM est associé.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé si le SHOM estimait disposer de données fiables sur la cartographie marine et s'il avait des connaissances sur le niveau des terres.

M. Gilles Bessero a répondu que les données du SHOM étaient fiables mais que le problème résidait dans la densité des informations recueillies. En effet, la qualité d'une modélisation est fonction du degré de résolution du modèle bathymétrique, c'est-à-dire de la représentation des fonds marins en trois dimensions. C'est pour améliorer la densité de ces informations qu'a été lancé le projet « Litto3D » sous l'impulsion du Comité Interministériel de la Mer (CIMER), en 2003, et du Comité Interministériel pour l'Aménagement et le Développement du Territoire (CIADT), en 2004. Le CIMER a demandé la mise en place d'un programme national en décembre 2009. Pour la connaissance du niveau des terres, cette compétence relève de l'Institut Géographique National (IGN). Le trait de côte, défini conjointement entre le SHOM et l'IGN marque en effet la frontière de leurs compétences respectives. Cependant, il faut remarquer que la cartographie terrestre nécessite des outils plus simples à manipuler que la cartographie marine, car tous les sites sont accessibles pour des photographies aériennes et des mesures par lasers aéroportés.

M. Alain Anziani, rapporteur, a interrogé M. Gilles Bessero sur la multiplicité des organismes intervenant dans le domaine de la recherche sur le milieu marin. Il lui a demandé s'il fallait regrouper ces organismes, mieux les coordonner ou les laisser en l'état.

M. Gilles Bessero a répondu que chacun de ces organismes disposait de compétences spécifiques et que, dès lors, un regroupement ne créerait pas d'économies. Il existe déjà une grande coordination, un partage de données avec des sites à disposition du public comme le géoportail. Par ailleurs, se met en place une coordination à la carte, en fonction des compétences et des problématiques, comme pour la coopération sur l'alerte aux tsunamis par exemple. La problématique est davantage celle du donneur d'ordre et du« chef de file ». Les priorités doivent être définies par les pouvoirs publics.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé dans quelle mesure le SHOM était intervenu avant, pendant et après le déroulement de la tempête Xynthia.

M. Gilles Bessero a répondu que le SHOM n'avait pas joué de rôle « en amont » de la catastrophe, mais seulement en aval. Il a rappelé que le déclenchement de la tempête Xynthia était dû à un phénomène météorologique. Le SHOM apporte sa contribution grâce à l'observation instantanée du niveau de la mer, mais les marégraphes des Sables d'Olonne et de La Rochelle n'étaient pas équipés pour une transmission des données en temps réel.

M. Jean-Claude Le Gac, chef de département au SHOM, a précisé que seulement 17 marégraphes disposaient de cette faculté sur le littoral métropolitain. Il a ajouté que le programme de mise à niveau des marégraphes avait débuté en 2009 dans le cadre du projet d'alerte aux tsunamis et que la généralisation du dispositif était prévue pour fin 2012.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, sur l'utilisation qui aurait pu être faite de telles données en temps réel, il a indiqué que Météo-France aurait sélectionné les données pour obtenir le meilleur modèle de prévision et d'alerte.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé si les données recueillies par les marégraphes pouvaient être considérées comme fiables par Météo-France.

M. Jean-Claude Le Gac a répondu que Météo-France développait un modèle « vague submersion » qui serait mis en place d'ici la fin 2011, avec un dispositif d'avertissement selon des couleurs (vert, orange, rouge etc). Les données seraient révisées toutes les six heures. Le maître d'oeuvre est Météo-France et les données des marégraphes ne font qu'alimenter le dispositif.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé pourquoi les données n'étaient pas toutes intégrées dans un seul système opérationnel.

M. Gilles Bessero a répondu que les volumes d'information étaient trop importants pour être assemblés dans un même modèle, c'est la raison pour laquelle il y avait plusieurs modèles en parallèle. Les données sont publiques mais il manque un passage au stade opérationnel. Il faut veiller à générer des alertes à bon escient et, par exemple, à ne pas procéder à des évacuations inutiles.

M. Jean-Claude Le Gac a expliqué qu'il existait une dualité entre les systèmes opérationnels qui devaient fonctionner 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7, et la démarche scientifique de long terme d'amélioration des modèles de prévision.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé s'il ne manquait pas un schéma d'ensemble qui relierait les phases de prévision, prévention et protection.

M. Gilles Bessero a estimé qu'il convenait effectivement d'avoir une approche intégrée mais que la phase « aval », c'est-à-dire la diffusion du message d'alerte et les mesures qui sont prises en conséquence, ne relevait pas de la compétence du SHOM. Il a indiqué que cela relevait d'une concertation entre la direction de la sécurité civile et la direction générale de la prévention des risques, ainsi que de l'interface entre les Préfets, les maires et les habitants. Lors de la tempête de 1953 aux Pays-Bas et en Grande-Bretagne, qui a fait plus de 2.000 morts, les messages d'alerte n'étaient pas parvenus jusqu'aux communes concernées.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé à M. Gilles Bessero s'il pensait qu'un phénomène comme Xynthia pouvait se renouveler et, d'une manière générale, s'il constatait un développement de ce type de phénomènes.

M. Gilles Bessero a répondu que Xynthia était un phénomène exceptionnel avec malheureusement une coïncidence d'un vent fort, d'une élévation du niveau de la mer due à la pression atmosphérique et au vent et d'une pleine mer de fort coefficient. Si la dépression atmosphérique était passée quelques heures plus tôt ou plus tard, les conséquences auraient été moins lourdes. Le phénomène peut évidemment se reproduire mais sa probabilité d'occurrence est infime.

M. Alain Anziani, rapporteur, a cité le récent « coup de mer » sur la Côte d'Azur en demandant si les tempêtes se faisaient plus fréquentes.

M. Gilles Bessero a répondu que le SHOM n'avait pas de compétence pour répondre sur ce sujet. Sur le niveau de la mer, il observe grâce aux marégraphes à Brest et Marseille notamment, une élévation de 1,2 millimètres par an du niveau de la mer sur les deux cents dernières années, mais avec des variations suivant les décennies comportant des phases d'accélération et de décélération, sans qu'il soit toujours possible de distinguer les évolutions conjoncturelles des évolutions structurelles. Des observations par satellite, sur des périodes plus courtes, font état d'une élévation du niveau de la mer de 2 à 3 millimètres par an. Enfin, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) a observé une élévation du niveau de la mer très variable suivant les océans, avec des cas très problématiques comme ceux des Etats insulaires du Pacifique. Sur les côtes françaises, à Brest ou au Mont-Saint-Michel, l'évolution tendancielle du niveau de la mer n'a pas beaucoup d'impact, tant sont grandes les amplitudes de marées.

M. Alain Anziani, rapporteur, a demandé si l'on aurait pu répondre autrement au phénomène Xynthia.

M. Gilles Bessero a répondu, qu'à titre personnel, il estimait qu'il convenait de s'interroger sur le message d'alerte adressé aux citoyens et sur le fait que l'alerte parvienne aux bonnes personnes. On pouvait aussi regretter que les efforts de recherche et de mise en oeuvre opérationnelle des données ne soient pas allés plus vite. Il a constaté que, dans nos sociétés modernes, on oubliait trop souvent les risques naturels.

M. Alain Anziani, rapporteur, a rappelé, qu'au cours d'une précédente audition, il avait été indiqué à la mission que des pays comme la Belgique mettaient beaucoup plus de moyens sur la prévention et que la France mettait davantage l'accent sur la protection.

M. Gilles Bessero a répondu que tout était une question de dosage et de culture du risque. Les ouvrages de protection comme les digues sont faits pour s'inscrire dans la durée, mais il faut mesurer toutes les conséquences de s'installer dans des zones à risques.

Audition de M. Stéphane Raison, directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement (DDE) de la Vendée

Puis, la mission a entendu M. Stéphane Raison, directeur de l'aménagement et de l'environnement de Dunkerque port, ancien chef du service maritime et des risques de la direction départementale de l'équipement (DDE) de Vendée.

Ayant brièvement décrit ses fonctions à la préfecture de Vendée entre 2005 et 2008, M. Stéphane Raison a exposé qu'il avait étudié les digues de La Faute-sur-Mer à l'occasion du congrès « Génie civil, génie côtier » de Nice en 2008 ; à ce titre, il a observé que les côtes vendéennes, considérées comme représentatives des côtes en érosion, étaient fréquemment étudiées par les universitaires et les spécialistes du trait de côte. Il a indiqué que sa communication avait repris les éléments figurant dans l'atlas des zones submersibles -qui avait été élaboré par la DDE et qui mettait en évidence la vulnérabilité des secteurs situés à l'arrière des digues en les classant en « zone rouge »-, ces éléments ayant été portés à la connaissance des élus locaux et de la population dès 2002.

M. Stéphane Raison a, de plus, rappelé qu'un arrêté préfectoral de classement des digues de La Faute-sur-Mer avait été prescrit en 2005, et qu'il avait alors été demandé à la commune de faire réaliser un diagnostic de ses ouvrages de protection. Ce diagnostic a révélé que la partie sud de la digue avait une altimétrie insuffisante et qu'elle présentait certains défauts structurels (une expertise géotechnique de structure a, en effet, montré que les matériaux qui composaient la digue étaient hétérogènes et que, en conséquence, celle-ci n'assurait pas une protection optimale des populations).

Sur une question de M. Charles Gauthier, il a précisé que l'altimétrie de crête de digue était de 4 mètres NGF, c'est-à-dire 50 à 70 centimètres de moins que ce qui aurait été nécessaire pour faire face à des évènements extrêmes.

M. Stéphane Raison a précisé que cette démarche avait été étendue à la moitié des digues de Vendée au cours de l'année 2005, si bien que 43 kilomètres de digues sur 100 avaient fait l'objet d'un diagnostic complet ; dans ce cadre, la DDE a noté que les digues étaient d'autant mieux entretenues que les gestionnaires avaient une forte conscience du risque.

Interrogé par M. Alain Anziani, rapporteur, sur les délais d'approbation des plans de prévention des risques (PPR), M. Stéphane Raison a souligné que la démarche de classement des ouvrages de protection lancée par la préfecture de Vendée en 2005 avait permis d'accélérer la signature des arrêtés portant anticipation des PPR. En outre, il a expliqué que la question de la gestion du trait de côte et des systèmes littoraux n'avait été prise en compte que de manière récente. Il a relevé que les submersions marines comparables à celle qui était intervenue lors de la tempête Xynthia avaient une récurrence très faible et que, de ce fait, elles n'étaient que rarement perçues comme un problème urgent par les élus locaux.

En réponse à une remarque de M. Alain Anziani, rapporteur, qui envisageait la mise en place d'une « date butoir » ou d'un délai maximal pour l'approbation des PPR, M. Stéphane Raison a fait valoir que le corpus réglementaire existant permettait déjà aux préfets de faire obstacle à la délivrance de permis de construire dans les zones à risque. Il a indiqué que la préfecture de Vendée avait utilisé l'article R. 111-2 du code de l'urbanisme à cette fin à de multiples reprises à partir de 2007, et avait profité de sa mission de « porter à connaissance » auprès des élus locaux pour mettre en avant l'existence d'un risque naturel grave.

À M. Alain Anziani, rapporteur, qui lui demandait comment les conclusions de sa communication avaient été prises en compte sur le terrain, M. Stéphane Raison a répondu que la préfecture avait mené de nombreuses actions de communication (par exemple, 3 000 plaquettes d'information ont été distribuées dans les communes de La Faute-sur-Mer et de L'Aiguillon lors de l'approbation anticipée du PPR couvrant ces communes), mais que les élus locaux n'avaient pas pleinement tiré les conséquences de ces informations en raison d'une défaillance de la « mémoire du risque », qui peut parfois mener à un véritable « déni ». Par ailleurs, il a estimé que les moyens affectés à la défense contre la mer avaient été insuffisants et qu'il était nécessaire de trouver de nouvelles solutions de gestion et de financement des digues.

En réponse à M. Alain Anziani, rapporteur, qui s'interrogeait sur la manière de fédérer le savoir-faire des acteurs impliqués dans la « chaîne » de gestion des risques (selon le triptyque « prévision, prévention, protection ») et de mettre en place un schéma d'intervention global, M. Stéphane Raison a souligné que la question du niveau le plus pertinent pour mettre en oeuvre cette vision globalisée devrait alors être posée et que, plus particulièrement, il conviendrait de déterminer si cette mission devait être confiée aux services déconcentrés du niveau départemental (directions départementales des territoires et de la mer, DDTM) ou du niveau régional (directions régionales de l'environnement, de l'aménagement et du logement, DREAL).

M. Alain Anziani, rapporteur, a estimé nécessaire d'affirmer et de renforcer la responsabilité des préfectures en matière de diffusion des alertes et d'évacuation des populations. Il a ensuite interrogé M. Stéphane Raison sur les modalités d'amélioration de la culture du risque.

M. Stéphane Raison a estimé que l'insuffisance de la mémoire du risque (dont témoignaient les difficultés qu'il avait rencontrées pour collecter des informations sur les évènements climatiques majeurs passés lors de sa prise de fonctions à la préfecture de Vendée) faisait obstacle au développement d'une véritable culture du risque en France métropolitaine.

M. Stéphane Raison a fait valoir qu'un travail de caractérisation et de recensements des tempêtes passées était indispensable. En outre, il a exposé que les travaux sur la gestion du trait de côte, bien que nombreux et de qualité, n'avaient pas été vulgarisés et n'étaient donc pas accessibles au public. Enfin, il a considéré qu'un effort de pédagogie devait être mené sur le terrain, et notamment dans les écoles, et que de telles actions pourraient être organisées en partenariat avec les associations de protection de l'environnement.