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Alessi, le mariage réussi de l'art et de l'industrie

Rendre beaux ou drôles lesobjets duquotidien, c'est lamission, depuis cinquante ans, del'entreprise italienne. Au total, quelque 500 designers ontmis leurs talents à son service.

Alessi, le mariage réussi de l'art et de l'industrie
Bouilloire avec oisillon.

Par Valérie Leboucq

Publié le 9 janv. 2017 à 01:00Mis à jour le 9 janv. 2017 à 11:36

Anna G., la petite poupée tire-bouchon, Juicy Salif, le presse-agrume en forme de fusée de Tintin, la bouilloire avec l'oisillon qui siffle comme un merle… Depuis cinquante ans, les produits Alessi rendent la vie quotidienne plus légère. On le doit à Alberto Alessi, qui a transformé en « usine à rêves » la fabrique d'ustensiles de cuisine en Inox fondée en 1921 par son grand-père. Un cas d'école sur lequel s'est récemment penché un professeur d'entrepreneuriat de l'Insead, Henriche Greve, se référant lui-même à un article de « l'Administrative Science Quarterly » consacré à la saga Alessi.

Utilité versus esthétique

Après-guerre, l'entreprise avait pressenti le potentiel commercial du mariage entre esthétique moderne et production standardisée. Le Bombé, son service à café de style Art déco, offre ainsi un parfait exemple de « proto-design » italien. Tout comme la 370, une corbeille à fruits en fil de fer sortie en 1952 et restée depuis un des best-sellers maison.

La société de consommation et la production de masse vont donner à la troisième génération - Alberto (et ses frères) - les moyens de réconcilier art et industrie. Grâce au design, « qui est l'art et la poésie de notre temps », déclare ce dernier aux « Echos ». Resté président de l'entreprise depuis l'arrivée, fin 2015, d'un manager extérieur (Marco Pozzo) à la direction opérationnelle, Alberto Alessi a toujours cru que l'utilité et la fonctionnalité d'un objet, aussi importantes soient-elles, comptent moins « que ses qualités esthétiques et poétiques. C'est elles qui sont le plus sûr déclencheur d'achat ».

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« Design victims »

C'est encore plus vrai avec la mondialisation. « Les coûts de production italiens resteront durablement plus élevés que ceux de l'Asie. Pour survivre, le made in Italy doit non seulement garantir la meilleure qualité de fabrication possible, mais il doit aussi apporter une survaleur esthétique et affective. » Bien avant Apple, Alessi a compris les mérites et l'intérêt des « design victims ». Ceux et celles pour qui les objets, comme les vêtements, « sont des moyens de communication mettant en valeur la personnalité de leur propriétaire. C'est ce qui justifie leur prix plus élevé », souligne Alberto Alessi. Et pour accroître l'accessibilité de ses produits, l'entreprise a multiplié les collections de petits accessoires en résine colorée, moins chers que l'acier.

Formule du succès

De ce constat appliqué à tous les objets de la vie courante, de la cafetière au téléphone, en passant par la vaisselle ou les marmites à pâtes, Alberto Alessi a tiré ce qu'il appelle la « formule du succès ». Un secret maison qu'il partage avec les étudiants d'écoles d'art et de design nombreux à assister à ses conférences. Combinaison mathématique de quatre variables notées sur une échelle de 1 à 5, la formule mesure la capacité d'un prototype à « toucher les sens et s'adresser à l'imaginaire, qui sont les deux critères centraux ». La fonctionnalité et le prix ? Ils n'interviennent que de manière « périphérique ». Démonstration avec le Juicy Salif, la création de Philippe Starck la plus connue à ce jour. Sorti en 1990, Alessi en vend encore plus de 50.000 exemplaires par an, alors que ses qualités fonctionnelles sont loin d'être démontrées. Quant à la bouilloire avec oisillon de Michael Graves, trente ans après son lancement, il s'en écoule toujours plus de 100.000 chaque année, méritant bien la note de 18 sur 20 décernée par Alberto Alessi !

Humour et déstabilisation

Quoique devenu emblématique du design italien, Alessi, contrairement à Ikea, ne dispose pas d'une équipe interne de designers. La maison préfère inviter des auteurs venus de tous les horizons à travailler au siège de l'usine. Depuis les années 1970, les plus grands noms de la discipline (quelque 500 au total) ont fait le voyage à Crusinallo, la petite bourgade des rives du lac d'Orta, transformant le catalogue Alessi en Who's Who du design. Tous ceux qui comptent y figurent : des « maîtres » italiens du XXe siècle - Ettore Sottsass (huilier et vinaigrier), Aldo Rossi (cafetières Cupola et Conica) - aux stars internationales - Richard Sapper (cafetière espresso, râpe géante à fromage…) ou encore les frères Campana et Bouroullec. L'humour est apprécié. « Le bon design doit aussi amuser », rappelle Alberto à ceux qui, notamment en France (et à l'exception notable de Philippe Starck), « se prennent un peu trop au sérieux. On n'est pas non plus en train de refaire la Joconde ! » Mais attention, comme dans la danse, la légèreté s'obtient au prix de gros efforts. Voire au risque d'une certaine déstabilisation. Bruno Moretti, qui a conçu le service de table de La Monnaie, le trois-étoiles de Guy Savoy, raconte : « Chez Alessi, on vous pousse toujours dans vos derniers retranchements. Les autres industriels sont souvent trop respectueux du travail des designers. »

ALESSI EN Chiffres :

90 millions de chiffre d'affaires20 boutiques en propre, 200 shops in shop dans les grands magasins (Printemps, Harrods, La Rinascente…).

Valérie Leboucq

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