Portraits: Le visage de l'Inde...

Varanasi 2006

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Varanasi 2006


Trichy 2006


Chidambaram 2005

Rameshwaram 2005

Ooty 2005

Trivandrum 2005

Mahabalipuram 2005

Mahabalipuram 2005

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Pondicherry 2005

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Portfolio Bénares 2006













Portfolio Rajasthan

Pushkar, Saï Baba Guest House 2006

Pushkar 2006

Jodhpur 2006

Jodhpur 2006

Pushkar 2006

Pushkar 2006


Pushkar 2006




Paris sur Gange

L’Hindouisme, une religion vieille depuis plus de 4 000 ans est en train de gagner l’occident. Tout les ans et aux quatre coins du monde, se déroulent festivals et processions. A Paris, plusieurs temples ont été construits et chaque année, depuis 1996, un défilé a lieu début septembre. Pourtant, lorsqu’ils sont en en France les hindous avouent pratiquer leur religion avec moins de ferveur et de régularité qu’en Inde.

Paris, le 3 septembre 2006 ; pour quelques heures, le quartier du faubourg st Denis prend des airs de Madras. Pour sa 11ème édition, le festival de Ganesha, célèbre divinité hindoue à la tête d’éléphant, réunit plus de 20 000 fidèles et curieux à une procession peu habituelle en occident. Des hommes, torses et pieds nus, en « lungui » (sorte de pagne) défilent dans les rues du 18ème arrondissement. Noix de coco fracassées (symbole de la perte de son égo), musique sacré, chants de prières hindoues, odeurs d’encens mêlées au parfum divinement entêtant du jasmin : tous les éléments sont réunis pour fêter comme il se doit l’anniversaire du Dieu qui porte chance.

Comme dans tout festival du Sud de l’Inde, un char ouvre la marche. Surmonté d’un dôme blanc et rouge, il porte une statue à l’effigie de Ganesha. Derrière, ce sont mille et une couleurs qui remplissent peu à peu les rues de Paris ; les saris fuchsias, jaunes et oranges donnent aux curieux l’impression d’avoir traversé plusieurs milliers de kilomètres en une poignée de secondes. Pour Marine, présente au défilé « l’atmosphère était joyeuse tout en étant très mystique ». Mystique oui, mais pas au point de choquer l’opinion publique. Pas de sacrifices d’animaux ni d’autres supplices corporels. En 2004, la Préfecture de Police de Paris aurait refusé qu’un éléphant accompagne la procession. Le char arrive enfin rue Barbès, dernières incantations, offrandes et prosternations devant le Dieu et la foule se disperse.

Une communauté de 25 000 personnes
Le Temple de Ganesh Sri Manicka Vinayakar Alayam qui organise le festival est le plus gros temple hindou en France. Fondée il y a 22 ans et située dans le quartier de Barbès, sa communauté est estimée à plus de 25 000 fidèles, majoritairement Sri Lankaise et originaire du Tamil Nadu (Sud Est de l’Inde). Quotidiennement, près d’une centaine de personnes assistent aux trois Poujas (offices religieux) que le temple organise pendant la semaine. Marimara, arrivé de Madras il y à cinq ans en témoigne « A midi, alors que la plus part des travailleurs français prennent leur pose déjeuner, je quitte l’imprimerie où je travaille pour me rendre au temple ». Le week-end, ce sont près de 500 fidèles qui accourent des quatre coins de la région parisienne pour assister à l’office.

Dans la salle sacrée, des statues de divinités sont exposées. A leurs pieds, bananes, noix de cocos brisées, fleurs en tous genres et pièces de monnaies ont été déposées par les fidèles dans la matinée. Avant que la Pouja ne commence, les derniers arrivants tournent encore autour des statues en chantant et en récitant incessamment leurs prières.

Les deux Brahmanes s’avancent devant la plus grosse des statues située au milieu de la pièce ; les deux hommes, torse nu, tirent un rideau, Shiva (père de Ganesha), Ganesha et Parvati (mère de Ganesha) y sont représentés. Derrière, le plus jeune des deux prêtres remplit les lampes d’huile et allume dans un bol en or un bâton de Dhoop, un encens naturel très concentré au parfum similaire à celui utilisé chez les chrétiens. Cloche en or à la main, il retire le rideau et exhorte un à un en langage sanscrit les dieux à le rejoindre. Chaque divinité est nommée, la syllabe OM retentit au rythme de la cloche, « OM Nama Shivaya, OM Nama Shivaya ! ».

La fumée blanche et épaisse qui sort du bol que le Brahmane vient de reposer remplit très rapidement la salle. Les fidèles se lèvent, se prosternent l’un après l’autre ; ici pas d’ordre établi, chacun fait comme il le souhaite, mains sur la tête, sur les yeux, debout ou en tailleur. Si le désordre semble régner, la ferveur se fait fortement ressentir.
Incontournable rituel dans la pouja, le Brahmane passe entre les fidèles avec un plateau de poudre à la main. Avec le pouce, il dépose une marque blanche sur le front des fidèles, le tilak, symbole de pureté. Une pièce de monnaie dans la main, Marimara accepte de le recevoir et dépose sa pièce sur le plateau. L’autre brahmane, est lui aussi en pleine activité, avec une moitié de noix de coco, il arrose les fidèles du lait qu’elle renfermait. Tous acclament le brahmane, ils veulent que le lait, symbole de prospérité tombe sur leurs mains et sur leurs visages.

Parmi la petite trentaine de pratiquants présente à l’office, quelques uns sortent du lot. Alors que la plupart des fidèles portent les vêtements traditionnels, d’autres sont en costume cravate. Vasker, 32 ans, garde son ordinateur portable près de lui. Chemise rose moulante et un ceinturon Dolce & Gabana très voyant, le jeune informaticien est une preuve vivante de la double culture qui règne ici. Si, en entrant dans le temple, un novice peut avoir l’impression de passer une frontière entre deux mondes, l’habitué de ce genre de cérémonie ne s’y trompe pas. La ferveur et les rites sont bien là, mais le manque de brouhaha, de foule et de couleurs rendent l’événement moins magique que dans un temple en Inde. A la sortie de la Pouja, Marimara acquiesce, « En France, les hindous viennent moins au temple, ils travaillent et sont trop occupés ».

Une culture qui se perd ?
Etroit et sombre telle une petite ruelle de Bénarès, le passage Brady est un autre lieu important de la culture indienne en France. Restaurants de spécialités indiennes, pakistanaises ou sri lankaises de chaque côté. Le vieux passage est réellement pris d’assaut par les sous continentaux asiatiques. A l’heure du déjeuner, occidentaux et indiens grouillent dans le passage parfumé aux odeurs de massala et de curry. Dans un de ces restaurants, Arumurgan originaire de Bombay, 40 ans, est en France depuis 12 ans. Derrière lui, un cadre met en valeur une image du Dieu Shiva. Des fleurs sont déposées et de l’encens brûle à ses côtés. Sur le front de la divinité, le restaurateur a déposé un Tilak de poudre couleur safran directement sur le verre. « Je ne vais pas au temple très souvent, j’y vais quand je rentre en Inde, tout les deux ans », affirme Arumurgan.

La ferveur religieuse des hindous vivant en France a-t-elle diminué ? Peut être pas !
Si, en France, Arumurgan ne va pas au temple, il « reste constamment dans la prière ». Chaque soir, vers 19 heures, il fait le tour de son restaurant bâton d’encens à la main « c’est pour la chance ». Devant les trois images religieuses représentant Lakshmi (Déesse de la prospérité), Brahma (Dieu créateur) et de Shiva (Dieu de la destruction de l’enfer), l’homme se met à genoux, les mains sur le visage. « Si je pratique, c’est parce que j’ai grandi en Inde, alors que mes enfants, élevés en France, ne sont pas du tout attirés par la religion ». Sa fille, Amara, 14 ans, est une adolescente française à part entière. Aujourd’hui elle n’a pas école, elle aidera ses parents au restaurant. « Nous lui donnons un peu d’argent en échange » avoue son père un peu gêné de constater à quel point la culture française a pris le pas sur son ancien mode de vie. En Inde, il serait inimaginable de payer sa fille pour aider ses parents « Ici c’est différent et nous sommes français ; beaucoup n’ont pas cette chance ».

Ramesh, 23 ans, serveur dans le restaurant est habillé comme un acteur de film Bollywood ; Pantalon moulant à patte d’éléphant, chemise rayée et cheveux gominés, il termine l’installation des couverts. Pour lui, « les hindous français ne vont pas au temple par ce qu’il n’y a pas une communauté suffisamment importante, pour les musulmans c’est plus simple ». Pourtant, en 2003, on estimait la communauté hindoue d’île de France à 150 000 personnes.

Une autre hypothèse pourrait expliquer le manque de ferveur des indiens en France : les Dieux n’ont jamais foulé les terres occidentales. Le Veda et le Mahabharata les deux principales doctrines de l’hindouisme n’évoquent que des lieux du sous continent indien. Dans le reste du monde, il existe quelques centaines d’autres temples, majoritairement dans les anciennes colonies où beaucoup d’indiens ont été transportés. Dans les villes comme New-York, Londres, Paris ou Sydney quelques communautés se sont reformées. Mais les origines, les dialectes et les pratiques sont tellement différents d’un endroit à l’autre de l’Inde qu’il est souvent difficile de retrouver toute la ferveur et la magie de ses anciennes prières.

Sébastien Rosset.