J’aime Bellinzone [fr]

Bellinzone et moi, on ne se connaît que depuis quelques heures, mais je l’aime déjà. J’aime ses rues larges et plates, le pan de montagne tellement raide qui rejoint ce plat, les couleurs des bâtiments d’âges divers mais toujours soignés et harmonieusement coordonnés, les magasins et les terrasses, les arbres et les palmiers qui font penser aux vacances, l’odeur des plantes le soir.

J’aime l’excellent repas pris dans le restaurant recommandé par mon collègue, le parfum de l’homme de la table d’à côté qui parlait un allemand compréhensible, à me donner l’illusion qu’un jour je pourrai enfin suivre des conversations dans cette langue qui me donne tant de fil à retordre au quotidien. J’aime les petits cours d’eau qui ne semblent presque pas avoir leur place dans une ville, le sentier rouge et blanc sur lequel j’ai posé mes souliers de marche pour digérer le tiramisu maison auquel je n’ai pas résisté. J’aime ses chats et ses châteaux. L’atmosphère calme d’un jeudi en début de soirée. J’aime l’allure de cette ville qui ressemble à ce que doit être une ville, cette ville où malgré mes quatre heures de sommeil et ma longue journée de travail je me sens détendue et sereine.

J’aime Bellinzone, même si j’ai toujours envie de dire “Barcelone” quand j’ouvre la bouche pour prononcer son nom. Un moment d’hésitation, à chaque fois. Mais c’est dire combien cette ville ne faisait pas partie de mon monde jusqu’à ce que j’y mette les pieds tout à l’heure en sortant du train. Je n’avais aucune idée à quoi m’attendre. Rien.

Je réalise que j’ai très peu d’imaginaire des lieux où je ne suis pas allée. C’est peut-être pour ça que j’ai relativement peu d’envies de voyager, d’aller dans des endroits que je ne connais pas. C’est pas que ça me rebute, mais plutôt que je suis incapable de me projeter, puisque dans mon esprit il n’y a aucun contenu rattaché à un nom.

Une fois sur place, toutefois, tout bascule. Je veux y revenir, alors que je suis à peine arrivée. Je veux y rester plus longtemps, une myriade de petits projets prennent forme dans ma tête, comme des bulles de savon dans un bain moussant en train de couler. Je pourrai remplir une vie avec Bellinzone, je me dis.

C’est marrant, parce qu’il y a peu de temps, j’expliquais à quel point je trouvais difficile de dire si “j’aimais” une ville. Est-ce que j’aime Paris? Londres? Genève? Vevey? Quand la ville est grande, déjà, on n’a pu en voir qu’une infime partie, et du fait la question est mal posée.

Et là, subitement, à peine quelques heures après mon arrivée dans une ville inconnue, je le sens: j’aime cette ville.

Je l’aime aussi parce que c’est le début de trois jours de vacances dont j’ai bien besoin. Parce que le risotto aux asperges était délicieux. Parce que j’ai pu, sur un coup de tête, décider de louer un vélo pour pédaler jusqu’à Locarno, demain, au lieu de prendre le train. Parce que les rues n’étaient pas trop pleines et pas trop désertes. Peut-être qu’à un autre moment ça n’aurait pas été le cas. Il y a une certaine contingence à ce qui fait aimer un lieu. Il fait chaud et beau et c’est presque l’été aujourd’hui. J’aurais pu être ailleurs pour profiter de ça.

J’ai aimé pouvoir grimper, grimper, en faisant un petit crochet en rentrant de mon repas, petit crochet d’une bonne heure au final, pour voir jusqu’où je pouvais aller sur ce pan de montagne auquel s’accrochent des maisons modernes de riches mais aussi des vieux bâtiments qui sont là sans rien demander à personne. J’ai aimé pouvoir transpirer et m’essouffler correctement pour la première fois depuis des mois, des mois de maladie, de blessures, d’absence de sport. J’ai aimé la douche que j’ai prise en rentrant dans ma chambre d’hôtel.

Tout ça me fait aimer Bellinzone. J’y reviendrai.

De l’intention à l’action: mode d’emploi [fr]

[en] For people with executive dysfunction (ADHD for example) or when faced with particularly challenging tasks, it can really help to use some tools: make lists, decompose tasks in concrete actions, plan precisely when one is going to do a task and for how long.

Vous arrive-t-il d’avoir l’intention de faire quelque chose, sans réussir à passer à l’action de réellement « faire » ? C’est un problème courant pour les personnes qui ont une dysfonction exécutive (TDAH par exemple), mais cela peut aussi arriver à tout le monde, en cas de fatigue importante, surcharge mentale, de tâches particulièrement rebutantes au rébarbatives, de burn-out…

J’ai réalisé récemment en discutant autour de moi qu’il y a certains principes de base pour faciliter ce processus de passage de l’intention à l’action que beaucoup de personnes ne connaissent pas ou n’a appliquent pas, soit qu’elles n’en ont jamais eu besoin, ou qu’elles n’ont simplement jamais eu l’occasion de les apprendre.

Pour moi, voici les trois étapes de base:

  • Faire une liste des tâches à faire (il y en a généralement plus qu’une)
  • Décomposer la ou les tâches choisies en actions comportementales
  • Planifier quand et pendant combien de temps on va avancer sur une tâche.

Important: il faut mettre tout ça par écrit.

Voyons pour chacune de ces étapes pourquoi elles sont importantes, à quoi elles servent et comment s’y prendre.

1. Faire une liste

Cela peut sembler basique et inutile. Beaucoup de gens me disent “la liste elle est dans ma tête”. On ne s’en rend pas compte, mais le fait d’avoir cette liste qui se balade dans notre tête “prend de la place”, et peut aussi venir nous perturber au moment de nous mettre à l’action.

Le moyen le plus simple de faire une liste est de prendre un papier (ou une nouvelle note sur son téléphone ou votre ordi si vous préférez) et de simplement écrire, les unes sous les autres, les choses qu’on sait qu’on doit faire prochainement. Les petites, les grandes, peu importe l’ordre.

Ainsi, notre cerveau n’a plus besoin de “se souvenir” de tout ça (même si on a l’impression, à tort, que cela ne nous demande pas d’effort).

2. Décomposer la tâche en actions comportementales

Cette étape peut sembler peu naturelle voire superflue. Il y a en effet beaucoup de tâches au quotidien que l’on décompose en actions sans nous en rendre compte. Et pour beaucoup de personnes, cette étape est automatique. Mais si notre fonction exécutive est en vacances ou traine la patte (ou au lit avec une crève!), ça peut souvent bloquer à ce niveau sans qu’on s’en rende compte.

Donc, on choisit sur notre liste la tâche qu’on veut faire. (S’il y en a plusieurs, on fait ça pour une à la fois.) On se pose la question: “quelle est la première action que je dois faire pour accomplir cette tâche?” Voici quelques exemples:

  • changer les pneus de la voiture => appeler le garage pour prendre rendez-vous
  • faire mes impôts => chercher dans ma pile de papiers tous ceux dont j’ai besoin pour les impôts (ou peut-être: faire une liste des différents documents dont j’ai besoin pour les impôts)
  • ranger le salon => ramasser les différents objets qui trainent par terre
  • faire la vaisselle => me lever du canapé et aller à la cuisine

Il ne faut pas hésiter à définir un très petit “premier pas” pour sa tâche. Parfois, ça peut sembler ridicule: “m’asseoir à mon bureau”. En fonction de la tâche (et des gens), il est nécessaire de faire des premiers pas plus ou moins petits.

Ce premier pas doit être très concret. Par exemple, ci-dessus, on a “appeler le garage pour prendre rendez-vous” et pas juste “prendre rendez-vous”. Suivant la situation, peut-être que le premier pas est même “chercher le numéro de téléphone du garage”.

Cette décomposition diminue le travail mental nécessaire pour “comment” faire une tâche et nous laisse donc avec plus d’énergie pour “faire”: il n’y a qu’à commencer avec le premier pas. On va donc mettre par écrit ce premier pas pour la tâche que l’on souhaite faire.

3. Planifier quand et combien de temps

Parfois les gens font assez bien les deux première étapes et brûlent cette troisième: j’ai ma liste, j’ai bien mis mes tâches sous forme d’actions, mais je n’ai quand même pas fait ce que je voulais faire aujourd’hui!

Faire une tâche, cela consiste à commencer à un certain moment, s’y atteler pendant un certain temps, puis arrêter (soit qu’elle est finie, soit qu’on passe à autre chose). Il est donc utile de planifier quand dans le déroulement de notre journée on va faire telle ou telle chose. Sinon, cela veut dire qu’on compte sur notre présence d’esprit, alors qu’on est pris dans l’instant présent de notre journée, pour nous dire “hah! maintenant est le bon moment pour appeler le garage!” – et réalistement, pour une tâche que l’on peine à accomplir, il y a peu de chances que ça se produise.

Une fois la tâche choisie et décomposée, on va donc décider quand on va la faire, ou du moins quand on va faire le premier pas. On va aussi prévoir une certaine quantité de temps pour ça (prévoir large! ce n’est pas grave s’il y a trop de temps, mais plus embêtant s’il n’y en a pas assez). Par exemple:

  • appeler le garage pour prendre rendez-vous pour les pneus: demain à 10h30, je prévois 20 minutes (ces petits appels c’est toujours plus chronophages que ce qu’on croit)
  • ranger le salon: samedi à 9h30, je commence par ramasser tout ce qui traine au sol, et je continue pendant 1h

On va noter ces plages consacrées à des tâches dans notre calendrier comme s’il s’agissait d’un rendez-vous. Cela aide à rendre visible le fait que durant ce temps, on n’est pas disponible pour autre chose.

Si vous n’utilisez (encore) pas de calendrier, vous pouvez simplement mettre par écrit le plan de votre journée sur une feuille:

  • 9h réveil, douche, petit-déjeuner => 10h
  • 10h30 appeler garage => 10h50
  • 11h30 préparer à manger => 12h00
  • etc

Le fait de préparer le déroulement de sa journée la veille augmente les chances qu’on réussisse à s’y tenir.

FAQ et objections

Je complèterai cette section en fonction des retours et commentaires.

Faire une liste augmente mon stress

Si on fonctionne un peu en mode “tête dans le sable”, le fait de mettre les choses par écrit peut effectivement faire monter le stress dans un premier temps, parce que la liste nous oblige à nous confronter à ce qu’on évite généralement de regarder.

Mais une fois les choses par écrit, on va se rendre compte que ça libère de la place dans notre tête – et de l’énergie (garder la tête dans le sable prend de l’énergie). Et identifier ce qu’on a à faire est une première étape requise pour avoir une chance de le faire avant d’avoir le couteau sous la gorge.

Je fais des listes mais ensuite je ne les regarde plus

Travailler avec une liste, comme toute stratégie de compensation, est une habitude à prendre. Si vous avez tendance à faire des listes qui ensuite disparaissent dans un trou noir, il vaut la peine de vous arrêter quelques instants pour réfléchir à comment vous allez intégrer la cette liste dans votre quotidien, et aussi sur quel support vous allez avoir moins de chances de la perdre ou de l’oublier.

Par exemple, un cahier est plus difficile à égarer qu’un post-it. Donc peut-être que pour certaines personnes, avoir un joli “cahier de tâches” ou “cahier de planification” est une solution. D’autres personnes préfèrent le numérique: peut-être qu’une note dans le téléphone sera plus appropriée (attention au piège de la recherche du “parfait outil” numérique, qui peut devenir simplement un autre moyen de procrastiner; si vous êtes là-dedans, retour au papier pour un temps).

Au début, cela peut être utile de prévoir un petit moment chaque jour pour regarder sa liste et préparer sa journée du lendemain (15 minutes). Comme pour les autres tâches, c’est quelque chose à noter dans son planning. Réfléchissez à votre routine de fin de journée pour voir où vous pourriez insérer cette nouvelle activité.

Je veux garder mes jours libres et ne pas tout planifier!

Attention! il ne s’agit pas de remplir le calendrier du matin au soir avec des choses à faire, mais de rendre visible quand vous allez faire une tâche spécifique. Il peut y en avoir plusieurs dans la journée, et avec l’entrainement on peut en arriver à planifier un déroulement complet de journée, avec les pauses et les moments “ouverts”, mais si vous commencez tout juste avec ce genre de chose, ne blindez pas votre journée.

Il faut toutefois garder en tête que quand on a du mal à passer à l’action, planifier peut être le prix à payer pour pouvoir surmonter ça. Cela ne signifie pas qu’il faut le faire du matin au soir et tous les jours. Mais si on insiste à refuser de planifier, le prix qu’on paie est peut-être qu’on… ne fait pas grand-chose de ce qu’on souhaite – ou doit – faire.

Je n’ai pas besoin de faire tout ça, quand il y a un truc à faire je le fais, point

Quelle chance! Les cerveaux fonctionnement différemment, et tout le monde n’a pas la même facilité pour “faire”. Cette facilité (ou difficulté) peut aussi évoluer au cours de la vie, et en fonction des périodes. Donc si vous n’avez pas besoin de faire de listes, de décomposer des tâches ou de planifier pour faire ce que vous voulez faire, tant mieux. Ces stratégies s’adressent aux personnes pour qui ça ne se fait pas “automatiquement”.

Je décompose mes tâches mais j’ai toujours l’impression d’être face à une montagne

Il est possible que vous ne fassiez pas des “pas” assez petits. Si la résistance est grande pour une tâche donnée, ou si on décompose mais que ça ne “marche” toujours pas, cela vaut la peine de voir s’il y a une plus petite “première action”. Cela peut être aussi bête que: m’asseoir à mon bureau.

Si le problème est qu’après la première action, on coince, alors cela peut aider de préparer les quelques actions suivantes, assez pour réussir à être “dedans” (souvent, une fois qu’on a réussi à commencer, c’est beaucoup plus facile de continuer). Donc on pourrait avoir: m’assoir à mon bureau => allumer l’ordinateur => ouvrir Word => mettre la date, l’adresse => écrire une première phrase.

Aussi, si votre tâche est quelque chose qui va vous prendre des heures et des heures, il peut être utile de la “saucissonner” en plusieurs sous-tâches. Par exemple: ranger le salon = ramasser les objets qui trainent par terre + ranger le coin à sacs + ranger ce qui est sur la table + arroser les plantes et ôter les feuilles mortes + faire la poussière de la bibliothèque + passer l’aspirateur.

Est-ce qu’il faut décomposer toutes les étapes nécessaires pour faire la tâche?

Il n’est pas forcément nécessaire d’aller au-delà du “premier pas”, mais ça peut aider de mettre aussi par écrit les quelques actions qui suivront la première (cf. exemple ci-dessus). Par contre, essayer de décrire en détail toutes les actions nécessaires jusqu’à la fin de la tâche est probablement un très bon moyen de se noyer. Généralement, une fois qu’on est dans l’action, il devient plus facile de “voir” ce qu’on doit faire.

Si on a beaucoup de soucis de distraction, alors c’est un problème un peu différent que simplement avoir du mal à initier une tâche (ce dont il est question ici), et dans ce cas peut-être qu’avoir une feuille de route plus détaillée pour l’accomplissement de la tâche est utile.

Body doubling: mode d’emploi [fr]

[en] I've done body doubling for years before learning it was a coping strategy for ADHD.

Pour les personnes qui aiment ça, j’ai fait une rapide (10 min) vidéo sur facebook pour expliquer ce que c’est le body doubling et comment le faire.

Le principe du body doubling est assez simple: il est plus facile de “faire” quand on est accompagné. C’est un peu le principe du “soutien moral”: je viens te tenir compagnie pendant que tu ranges tes habits ou les cartons qui moisissent au fond de la cave depuis des années.

Personnellement, j’ai pratiqué ça pendant des années avant de découvrir que c’était une stratégie de compensation répertoriée pour le TDAH. Evidemment, pas besoin d’avoir un TDAH pour en bénéficier: si vous êtes pas motivé, fatigué, face à des tâches particulièrement difficiles ou coincé à procrastiner, ou simplement, si vous voulez alléger un peu le fardeau de certaines tâches, c’est un très chouette outil.

Il y a quinze ans, je faisais ça sous forme de ce qu’on appelait à l’époque “buddy working“, avec une amie en particulier. On était les deux indépendantes. On se retrouvait sur Messenger le matin on papotait cinq minutes pour se dire bonjour, on disait chacune quelles étaient nos tâches/objectifs pour l’heure à venir, et hop, on se mettait au travail chacun de notre côté et on revenait à l’heure suivante pour faire un petit point de situation: j’ai fait ci, et toi, moi je suis restée coincée sur cela, ce truc en fait ça prend vachement plus (moins) de temps que je pensais, bravo, courage, etc. Et on repartait pour un tour.

Autour de cette époque, j’avais aussi organisé des “journées à thème“, un peu comme des ateliers de travail virtuels, pour avancer avec d’autres personnes sur des choses comme nos sites professionnels, notre administratif, et même nos sauvegardes. Les choses qu’on remet toujours à plus tard. J’avais compris, intuitivement, qu’un peu de structure et de compagnie ça aidait à “s’y mettre”. J’ai aussi, au fil des années, sollicité des copines pour venir me “soutenir moralement” pendant que je rangeais, trouvé un pote avec qui faire nos recherches d’emploi en tandem quand on était au chômage, etc. C’est aussi pas pour rien que je me suis investie dans le coworking.

Bref, ça a un nom, je l’ai appris relativement récemment: le body doubling. C’est bien que ça ait un nom, parce que ça en fait un “truc” dont on peut parler plus facilement. On peut dire “je cherche quelqu’un pour faire du body doubling dimanche matin”. C’est plus simple que de tenter d’expliquer.

Donc, concrètement, c’est quoi, le body doubling?

C’est avoir quelqu’un qui, d’une façon ou d’une autre, nous “tient compagnie” pendant qu’on fait des choses. La personne ne nous aide pas. La seule aide qu’elle nous apporte c’est sa présence, et peut-être un tout petit peu de contact social. Mais à la base, elle n’est pas là pour “faire avec nous” (même si c’est une variante possible).

A ce stade, je vois trois variantes possibles:

  • le body doubling “pur”
  • le body doubling “en tandem”
  • le body doubling “aidant” (ou “donnant-donnant”)

Quelle que soit la formule, il y a quelque chose dans la présence de l’autre et le cadre de temps que cela impose qui aide à se focaliser sur la tâche à faire. On part aussi du principe que chacun est autonome dans ses tâches: on sait ce qu’on veut faire, ou du moins on a une série de possibilités devant soi, et chacun prend en charge et est responsable de son avancement. L’autre n’est pas là pour nous prendre par la main, juste pour être une sorte de témoin de notre activité.

La présence peut être physique, ou par visio, ou par messages (éventuellement par téléphone, dans certains cas de figure).

Body doubling “pur“: l’autre personne est simplement présente, elle tricote ou lit son bouquin, elle est dans la même pièce ou à côté, ou bien au bout d’une visio.

Body doubling “en tandem“: chacun a des choses à faire et sert de “double” à l’autre. C’est la formule que je pratique le plus.

Body doubling “aidant“: dans cette version, le “double” participe à la tâche de la personne, en aidant, en faisant avec (rangement par exemple), en donnant des idées, aidant à résoudre des problèmes. Souvent, il y a réciprocité, avec inversion des rôles: “donnant-donnant”. Suivant le degré d’implication, on glisse hors du body doubling et on se retrouve dans de l’aide tout court.

D’après ce que je peux voir, il n’y a pas encore vraiment de recherche solide sur l’efficacité de cette technique, ni sur le mécanisme exact qui la rend efficace. Mais on a probablement à peu près tous expérimenté ça une fois ou l’autre (“oui mon chéri je vais m’asseoir avec toi pendant que tu fais tes devoirs”) et je crois que c’est assez clair que c’est quelque chose qui marche.

En fait, je pense que c’est une technique puissante qui est desservie par sa banalité. C’est tellement simple qu’on ne pense pas forcément à l’utiliser activement, à la considérer comme un véritable outil, et on sous-estime à quel point elle peut avoir un impact. Lui donner un nom, ça aide à lui donner plus de place. (En passant, il y a même maintenant des sites, comme Focusmate, qui aident les gens à trouver un partenaire de body doubling. Jamais testé, mais ça existe!)

La semaine dernière, j’ai commencé à faire des séances de body doubling avec quelqu’un que j’ai rencontré sur facebook. On avait les deux des tâches de rangement ou ménage à faire – ça tombait bien que c’était le même genre de tâche, mais ce n’est pas obligatoire. On a donc fait toute une série de séances de body-doubling, certains matins de 10h à 11h30. Et on a prévu de continuer. On se retrouve sur Messenger à 10h, on échange 2-3 mots pour se dire bonjour, on dit ce qu’on a prévu de faire, on s’y met, on fait un point de situation à 10h30, etc. Et à 11h30, on a déjà coché une série de choses sur notre liste, et on part continuer notre journée chacune de notre côté.

En plus d’être utile (on avance et on fait), c’est aussi sympa!

SOS mites alimentaires: vive les bocaux! [en]

Depuis plus de 20 ans que je vis dans un immeuble où les mites alimentaires circulent régulièrement dans la ventilation passive entre les cuisines, et ayant eu droit à une ou deux invasions mémorables par ma faute, j’ai “un peu d’expérience” en la matière. Cet article rassemble donc mes conseils à ce sujet.

La clé c’est de mettre tous les aliments susceptibles d’intéresser les mites dans des bocaux ou des boîtes hermétiques. Je sais, c’est très enquiquinant, j’ai longtemps résisté à l’idée, mais à chaque fois que j’y ai dérogé, je l’ai regretté. Même les emballages neufs ne sont souvent pas hermétiques (le riz et les pâtes dans les emballages carton par exemple). Et… les mites peuvent aussi entrer dans notre cuisine via les aliments contenus dans ces emballages (surtout si c’est bio, vrac, etc…). Il ne faut pas sous-estimer non plus à quel point elles peuvent aussi rentrer dans des emballages plastiques qui nous semblent hermétiques.

Valeur sûre: bocaux KORKEN chez IKEA ou similaires chez Landi. Prendre différentes tailles, des gros aux petits. Pour ranger les emballages neufs j’aime ce type de boîte IKEA 365+, à prendre aussi en différentes tailles.

De quels aliments on parle? Tout ce qui contient des céréales ou des fruits secs: biscuits, pâtes, farine, riz, lentilles, épices, noisettes moulues… En gros, tous ces machins secs qui se conservent longtemps. On en a aussi vu dans le café, le chocolat, les croquettes pour chat, et même le sucre (elles étaient peut-être perdues). Bref, moi je trouve plus simple de considérer que ça concerne tout ce qui n’est pas dans une boîte de conserve.

Pour moi, tout jeter est inutile, c’est surtout du gaspillage. Par contre, tout sortir placard par placard, inspecter, mettre en boîte ou bocal, donner un coup au meuble, oui. On trouve des fois des asticots qui se baladent sur les étagères (contrôler aussi la face du dessous!) et des mites planquées un peu partout. Elles peuvent pondre aussi dans le bois des meubles… Difficile donc de s’en débarrasser complètement, d’où l’intérêt de les priver entièrement d’accès à toute source de nourriture possible, en isolant les aliments. Il vaut mieux dépenser son argent à investir dans des bocaux et boîtes qu’à refaire tout son stock.

Les pièges à mites (à phéromones) sont d’une efficacité limitée. Alors certes, ça peut peut-être aider à évaluer la gravité d’une infestation, mais ça peut aussi attirer les mites d’ailleurs, si l’infestation principale est chez un voisin, par exemple. Personnellement cela fait bien dix ans que j’ai arrêté d’en mettre. Une autre chose à laquelle je fais attention: ne pas ouvrir la fenêtre de la cuisine de nuit en été, encore moins avec la lumière allumée. Elles rentrent!

Ma dernière infestation en date, cet été je crois, c’était un emballage de risotto bio encore fermé. J’étais devenue une peu insouciante avec les années, et j’avais aussi des emballages de pâtes en carton fermés que je n’avais pas mis en boîte. Ils ont été touchés. Heureusement, comme tout le reste de mes réserves était en bocaux ou en boîte, les dégâts ont été minimes et le nettoyage a été réglé en une heure. Mais on ne m’y reprendra plus.

En résumé: il faut isoler la nourriture, mettre en bocaux ou en boîtes hermétiques, même si l’emballage d’origine semble bien fermé. Tout le reste est secondaire, donc mettons notre énergie là où ça servira le plus!

Viral Christmas [en]

Today I’m finally feeling “well enough” to try and blog, after five days of fever. This is the third time I’m ill since mid-November. As I’m sick (!) of lying around, doing puzzles and watching TV series, and I don’t really feel up to much, I figured I could try and chronicle this – for science. So don’t expect anything really exciting from this post. My neurones are still reconfiguring.

It’s not impossible my first illness mid-November was covid, come to think of it. It could explain the two next back-to-back bouts. It might also be that my poor immune system is feeling down in the dumps after Monique’s death and the difficult times that have been following for me.

Illness 1

Late in the evening of November 14th I was suddenly hit with an awful sore throat. The last time that happened was in early July 2022 when I got covid. Why didn’t I think it was covid this time? The next morning, aside from the sore throat, I felt “fine”. Went to work the two next days with a mask and painkillers, but I didn’t seem to have any fever.

I remember being surprised at how functional I was, because usually, as soon as I come down with any kind of cold I feel like utter crap. Here, my throat was hurting, but I felt “generally OK”.

On the 16th however, I had a very strange episode of motion sickness. On the train back home to work I felt so nauseous I thought my midday sandwich was to blame. I got home, ate something felt better, took the car to drive to my dad’s where I was expected for dinner. After 10 or 15 minutes driving, I found myself wondering where on earth I was going to stop the car on the packed motorway with no emergency lane if I was sick. I couldn’t go any further and had to turn the car around at Morges. I arrived home feeling so horrible I expected to barely have time to rush to the bathroom, but no: between the time I got out of the car and into my flat, it had started to subside, and was back to normal within a short hour. Clearly the virus I was dealing with did something really weird to my inner ear.

On the 17th I rested. My nose was runny and I was coughing, but I’d seen worse. On the 18th I felt well enough to go and help out with the garden at the chalet. Maybe not the best idea (no hint of motion sickness though). I gave in mid-afternoon, and the next day I was out of it and my cough was worse (no surprise). I put myself on codeine and worked from home on the 20th. The next day I felt on the mend enough for my normal work regime, though the cough lingered on, as it usually does.

Illness 2

By December 2nd I was feeling ready to pick up judo again the next week. Woke up on the 3rd with a sniffly nose, and by end afternoon I was knocked out and slept a good 2.5 hours until 7.30pm. Had a dreadful night, not feeling well and upset that I was falling ill again. Stayed at home in bed on the 4th (nose and couch and slight fever, “my usual”), and bravely (stupidly) decided that after this day of total rest I would be well enough to go to work the next day.

Bad idea. After 10 minutes on the train I knew I had made a mistake. The friend I sometimes travel with was there and told me (kindly) that I looked like crap. I headed back home early afternoon, as soon as “the meeting” I’d been going for was dealt with. I took the 6th off (couch and rest), and saw my doctor on the 7th as I was still not feeling fit for work (I still had some fever). She put me on leave until the 11th, included. It was needed, though I felt terribly guilty about missing work and being ill. Symptoms this time around were mainly cough, cough, cough, some fever, a stuffy nose and feeling generally weak and miserable. The usual cold for me.

On the 12th I was back to being “normally” functional again, but taking the lift instead of stairs, though. At least my brain was back.

Illness 3

The cough lingered on as it always does but within a week I felt in good enough shape that I was running up stairs again and looking forward to finally going back to judo and skiing during the winter break (though I skipped singing practice on the 13th).

On the 21st morning I woke up with a painful trachea and a nastier cough than the day before. That didn’t bode well. Thankfully I was working from home. In the afternoon I noted that the two flights of stairs between my office and my flat felt like an exhausting trek and that I was pretty out of breath. As I suspected, my temperature was rising. I saw my doctor the next day, who checked that nothing scary was afoot, and I went back to rest, hoping I’d be fit for our first family Christmas party on the 25th.

As I’m trying to determine objective indicators I can use to decide if I’m “fit for work” or not (after the fiasco of illness 2), I though I’d keep track of my temperature and associated symptoms.

I can therefore confirm that when I’m running 37.1 or even 37.0 I feel like crap: my body is painful, moving anywhere is a huge effort, to say nothing of walking up a flight of stairs. My brain is mush. I am, however, able to watch TV series and listen to podcasts. When it climbs up to 37.5 or a bit more, it gets worse. Concentrating on a TV show or a podcast feels like an effort, and I’ll find myself not wanting to or giving up. I can cook a simple meal, however. You know, fry some fish fingers in the pan, make some pasta and heat some frozen vegetables. At 38.5 or more, we enter the world of “just let me close my eyes and wait until it’s over”. No podcasts, no TV. I can still crawl out of bed and put a frozen pizza in the oven. But no more than that. Mainly, I will be lying down, awake or asleep, mind blank, waiting.

So, on the 21st, 37.1; 22nd, 37.5; I don’t know what happened during the night between the 22nd and 23rd, but I know I hit 38.7, woke up at one point so drenched in sweat that I had to change, woke up another time shivering, woke up another time feeling my symptoms were much diminished (pain, inflammation), and in the morning of the 23rd I was still above 38.5. At some point in the afternoon I got so fed up that I took something to bring the fever down. 38 already felt much better, and 37.5 was positively wonderful – in comparison. I hovered around 37 and 37.5 on the 24th, and yesterday (the 25th) I was “almost normal”: down to 36.3 at times, my “base temperature”, but then back up to 37 in the evening.

Back to now

Today, on the 26th, is the first day I really feel “ok” and my temperature is normal (so far). Of course, I’m still coughing my lungs out, exhausted, and my whole body is painful. Codeine is going to continue being my best friend for the next days. I won’t be going to family Christmas tomorrow, but with a bit of luck I’ll be able to attend the one we postponed until the 29th.

I hope you enjoy all these calendar and numerical details. As you can see, it’s what’s coming out of my brain right now.

For those of you who may be concerned: of course I’m taking medicine for all this. As we all know, with viruses all you can do is rest and treat the symptoms. And I have the nasty, efficient, deadly drugs you need for that. Codeine, cortisone inhalers, decongestants that you shouldn’t take for too long, painkillers when needed, antihistamines for the night, steam thingy with an essential oil mix, stuff you pour down your nose, you name it, I have it. Yes, the sad reality of life is that you can “do everything right” and still fall ill.

Well, I’m not exactly doing everything right. One thing I have trouble doing is resting enough and taking it easy when I need to. A topic for another blog post.

I’ll leave you with a selection of TV series I’ve been watching, as I’ve gone through the existing offering of Star Trek. Definitely watch Slow Horses and The Night Manager if you like spy stuff. Catch up with Good Omens for something funny (and wicked). As Doctor Who season 14 is starting, have you caught up with the three 2023 Christmas specials? If you’ve missed them so far, I also recommend making your way through The Mandalorian, Picard, Ms. Marvel (love the South-East Asian cultural context) and, last but not least, Loki (even if you’re not into the Marvel stuff). Currently watching: The Wheel of Time (medieval fantasy, friendship, adventure, a quest, magic, powerful women…). Away from fiction, if, like me, you’re wondering if you maybe missed something by not knowing much about Taylor Swift, watch Miss Americana. I might be a fan now.

Saisir une envie pour avancer dans des tâches moins motivantes [en]

Il y a six mois environ, je faisais le constat que parfois, quand j’étais motivée à faire une tâche, mais que je me disais “ah je vais juste faire ça avant!” j’arrivais à être vraiment très productive. Et je me demandais comment contrôler ça, ou le reproduire. J’ai peut-être trouvé la clé.

Par exemple, l’autre jour j’avais envie de boire une ovo (je le fais souvent le soir). J’ai sorti le mug, tendu le bras pour l’ovo et… je me suis arrêtée net en regardant la vaisselle dans l’évier. Je me suis dit “yes je vais me faire mon ovo mais je vais faire la vaisselle avant, comme ça l’ovo viendra faire ‘récompense’ après la vaisselle” (état d’esprit “renforcement positif” toujours). J’ai fait ça.

Et je pense que ce qui se passe dans ces situations où je veux faire un truc de ma liste de choses à faire mais où je me dis “ah, mais je vais juste faire cet autre truc avant”, c’est que vu que je suis dans une situation où je suis motivée à faire ce truc de ma liste, il y a une impulsion, donc limite un besoin à satisfaire, eh bien faire ce truc, ça va donc être “libérateur”. 

Vous voyez ce que je veux dire? Quand on sent vraiment l’envie-pression-impulsion de faire un truc, et qu’on le fait, on se sent bien, non? Et du coup, ce truc prend un rôle de récompense. Là, c’est une carotte qui tire vraiment en avant, et pas qui menace de disparaître. Je veux ce truc, et j’avance dans sa direction, mais en chemin je peux glisser d’autres trucs à faire pour profiter de cette énergie qui avance, pour autant que ce soit des choses qui semblent “terminables”, et je vais les liquider pour pouvoir arriver à la carotte. Et à la fin, j’aurai la satisfaction de manger la carotte – ou de boire mon ovo.

Donc, concrètement, pour reproduire ce phénomène: il faut avoir sous la main quelque chose qu’on a envie de faire et pour lequel on ressent une impulsion, une traction. Genre, j’ai envie de regarder ce film. Ou j’ai envie de faire la vaisselle (sait-on jamais, il y a des gens qui aiment). Ou j’ai envie de ranger ce truc. J’ai envie de faire cette tâche qui est sur ma liste au travail. Il faut pas juste que ce soit une envie de la tête, c’est pour ça que je parle “d’impulsion”, d’une pression intérieure qui nous pousse vers la chose en question, cette “tâche-cible”. Genre “je vais limite pas pouvoir m’empêcher”.

Et une fois qu’on tient cette tâche-cible, l’idée est de ne pas se jeter dessus tout de suite, mais tout en le gardant dans le collimateur, choisir une autre chose qu’on aimerait liquider avant et “vite juste le faire avant“. 

On tire ainsi parti de la focalisation de l’attention sur la tâche-cible, en lui mettant momentanément des rênes pour aller dans la direction qu’on souhaite, avant d’arriver au but qui va la satisfaire.

Depuis 2-3 jours que j’ai compris ça, j’essaie de le mettre en pratique. J’attrape au vol mes “envies de faire”, et je les suspends momentanément en insérant avant la tâche-cible quelque chose que je veux/dois faire. La tâche-cible, elle peut être petite ou grande, importante ou pas, c’est pas très grave. Ça peut être “manger un chocolat” ou “enfin je suis décidée à faire ma compta”. Ce qui compte c’est l’envie de s’y mettre.

Pour moi cette clé est étroitement en lien avec ma prise de conscience récente sur comment bien utiliser les récompenses pour me motiver, mais pas tant avec la procrastination structurée, même si en surface il peut sembler y avoir des similarités: ici, il s’agit d’utiliser la tâche qu’on repousse pour se tirer en avant, et non de “meubler” pour pouvoir l’éviter.

Je vois aussi un lien avec une des caractéristiques de la méthode “Final Version” de Mark Forster (voir aussi ce descriptif), le fait de créer des chaînes de tâches justement en se demandant “quelle autre tâche est-ce que j’ai envie de faire avant celle-ci?” Il fait d’ailleurs référence à la procrastination structurée comme source d’inspiration.

Une autre notion à laquelle ça me fait penser, c’est celle des “open loops” de l’effet Zeigarnik: l’engagement dans une tâche crée une motivation d’achèvement. En fait, c’est exactement ça qu’on exploite, ici. “Avoir envie de s’y mettre”, c’est déjà s’engager dans la tâche.

Moralité: être aux aguets pour les “tâches-cibles” ou “envies-cibles” qui peuvent être exploitées comme moteur pour “vite juste faire avant” d’autres choses.

Comment me récompenser efficacement (sans carotte) [en]

Il y a quelques temps, genre avant l’été je crois, on me suggérait, pour certaines choses que j’avais du mal à faire, de me récompenser. Ma réaction classique devant ce genre de proposition a fusé: pas question, avec moi ça ne marche pas, parce que la récompense, si j’en ai envie, je me l’octroie d’office, que j’ai fait ou pas, que je “mérite” ou pas, et les carottes ça tue la motivation intrinsèque, de toute façon.

Mais ça m’a trotté dans la tête, cet échange, durant les semaines qui ont suivi. Et un jour, face à une de ces tâches pour lesquelles j’aurais pu imaginer tenter de me “récompenser”, j’ai réalisé que je regardais cette histoire de récompense par le faux bout. Il ne s’agit pas de me récompenser si je fais la chose, mais parce que je l’ai faite.

Deux choses ont alimenté cette prise de conscience:

  • en training avec des animaux, on récompense les comportements désirés pour les renforcer
  • Dan Pink, dans son livre Drive, que j’avais lu avec grand intérêt à l’époque, racontait qu’il fallait utiliser des récompenses “parce que… donc” au lieu de “si… alors” pour motiver les gens (au lieu de “si on bosse bien alors on fera une fête”, tenter “on a bien bossé donc on va faire une fête” – vous sentez la différence immédiate que ça fait?)

Tout ça est venu ensemble: si la récompense est brandie comme une carotte, là clairement pour moi ça ne marche pas. “Allez, si tu fais xyz alors je te donnerai la jolie carotte.” Ça ne marche pas, parce que moi si je veux la carotte je vais la prendre toute seule, condition ou pas. 

Ce qui me rebrousse-poile dans ce scénario c’est la condition, qui implique une menace de rétribution/privation/punition en cas de non-compliance, en fait: si tu fais pas xyz alors je ne te donnerai pas la jolie carotte, tant pis pour toi!

Et moi, là, je prends la carotte et je la mange ostensiblement sans avoir fait xyz, majeur en l’air.

Donc me dire, allez, si je fais ça je m’octroie un truc sympa, c’est limite comme si je préparais un moyen de me punir quand j’échouerai à le faire.

Par contre, l’idée de rajouter un truc sympa après avoir fait un truc un peu chiant pour me féliciter/récompenser de l’avoir fait, après coup, ça me parle. Eh, j’ai fait xyz! Allez, pour marquer le coup, renforcement positif, je vais manger une bonne petite carotte. Et en faisant ça, mon cerveau fait une association “xyz => carotte” qui rend xyz plus agréable et moins aversif, et augmente mes chances de refaire xyz à l’avenir.

Tout comme, si le chat reçoit une friandise alors qu’il est monté sur la table, on augmente les chances qu’il monte à la table à nouveau.

J’ai fait ça avant-hier. J’avais fini de manger, et j’avais envie de taper dans les excellents caramels à la crème (fleur de sel des Alpes, siouplaît) qui attendaient au fond de mon tiroir. Mais je n’avais pas fait la vaisselle. Donc je me suis dit, allez hop, je fais vite la vaisselle, et après je vais savourer mes trois petits caramels, avec une tasse de thé en bonus. J’ai vite fait ma vaisselle, puis savouré tranquillement mes caramels et mon thé.

Ce qui est clair par contre, c’est que si je n’avais pas du tout envie de faire ma vaisselle, et que je m’étais dit “hmmm, qu’est-ce que je pourrais m’offrir de sympa pour me motiver à faire ma vaisselle?” (état d’esprit: comment je me corromps, quelle carotte je brandis), ça n’aurait pas marché. Ça aurait même été contre-productif, l’idée qu’il faut “mériter” son plaisir me rendant très grinche.

Et aujourd’hui, il se passe un truc intéressant. Je lorgne sur les trois derniers caramels du paquet. J’ai failli tendre la main et les prendre. Puis je me suis dit, me souvenant de mon agréable moment thé-caramels: ok, en fait je vais d’abord écrire l’article de blog que je procrastine depuis hier, je vais faire la vaisselle, faire un saut au magasin pour faire les courses de la semaine, faire quelques pas dehors comme me l’a ordonné la médecin, puis je m’installerai sous une couverture avec un thé, les caramels, et un podcast…

PSA: Don’t Use Your Mobile Number For 2FA Or Password Reset [en]

[fr] N'utilisez pas le code par SMS comme solution pour la double authentification, utilisez une application genre "Google Authenticator" sur votre téléphone à la place. Pourquoi? A cause du SIM-swapping.

People nowadays rely heavily on their online presence: in today’s world, your e-mail, facebook, tiktok or instagram account has become part of your identity. So, you’ll want good passwords for your accounts, and an extra layer of security provided by two-factor authentication (2FA). But don’t use SMS for that!

You definitely want to use two-factor authentication (2FA) on at least all your important online accounts (e-mail, facebook, website, etc). This means in addition to using a strong password (do use a password manager) you also have to indicate you are in physical possession of your phone (usually) or some other device (newer: security keys).

SMS is the basic (but outdated) way of doing 2FA. You get a code through SMS when you try to sign in from another device.

However, as this episode of the Perfect Scam podcast on the multi-million SIM swapping business demonstrates, there is no way to safeguard oneself against SIM-swapping (though I do suspect it is less likely to happen in Switzerland than in the USA).

Do listen to this podcast, and to other episodes of “A Perfect Scam“. It’s really a great way to become familiar with the kinds of bad actors a normal person can encounter today, and how they operate.

A couple of extra tips:

  • your e-mail allows to reset all your social media accounts, so it should be extra secure
  • in addition to making sure you don’t use SMS for 2FA, make sure it is not possible to reset your account password by receiving a code or link by SMS
  • use an authenticator app on your phone like Google Authenticator
  • make sure to print out the backup codes which will allow you to access your account if ever you’re locked out, and store them in a safe place.

Stay informed and stay safe!

Histoire de ce soir [en]

J’ai envie de te raconter une histoire. Je ne sais pas où elle ira, je suivrai dans ses pas. J’ai croisé un homme qui avait vécu cent ans dans les collines aux couleurs de l’automne, au pied d’un glacier blanc qui touchait presque le ciel. Il m’a raconté les chagrins mais aussi la sagesse, il m’a montré la rivière et les poissons dedans, j’ai touché sa main au cuir épais, je me suis endormie au coin de son feu.

Le matin tout avait disparu, il n’y avait sur ma couche qu’une lettre manuscrite. En la lisant tout est revenu, tous les souvenirs, la peine et les larmes, j’ai pleuré et hurlé dans les collines, crié ma rage et mon désespoir, ce vieux couple usé qu’on convoque encore malgré tout, parce qu’ils sont si bien ensemble, la rage et le désespoir, des mots un peu creux mais on n’a pas mieux pour raconter ce qui nous déchire. 

J’ai repris la route car je suis en voyage, et il faut avancer, inexorablement, quoi que dise l’intérieur on met un pied devant l’autre. L’aiguille tourne toujours dans le même sens, sans retour possible, malgré notre désir perpétuel de retrouver notre état “d’avant”. Un troupeau de moutons blancs à la tête noir pâture dans le vert. Le soleil est sorti et la température est douce. Pourquoi cette histoire nous amène-t-elle dans la nature? La nature est ressource, la déesse de nos jours, alors tout mène à elle, me dit la bergère. Oui, elle est là, au milieu des moutons, sans son petit âne gris au sort tragique.

Un voyage, un vieil homme, une bergère, les animaux et les paysages. C’est là que mon histoire nous mène. C’est souvent là, d’ailleurs. On finit rarement dans un sous-sol glauque à jouer au poker, dans une salle de tribunal, ou dans un supermarché. Alors qu’on pourrait, au fond. La vie c’est là aussi, surtout en fait. La vie grouille aussi dans les réseaux, courant après les électrons qui ne se contentent plus d’occuper fils et câbles.

Pourquoi raconter? Pourquoi t’emmener dans les collines, ou dans le sous-sol oppressant d’une partie de poker à l’air enfumé? Parce que nous sommes faits d’histoires, notre vie est histoires, et notre âme aussi. Dans les histoires nous trouvons du sens, la matière première pour mettre un pas devant l’autre entre notre naissance et notre disparition inéluctable.

Alors on fait ça: on commence par essayer de raconter une histoire, et on finit par raconter une histoire d’histoires. Demain je reprendrai mon baluchon, je traverserai une journée entière et tout ce qu’elle contient, et le soir je ferai un feu qui attirera les papillons de nuit, je chanterai peut-être quelques chants avec mes compagnons de route, et je m’endormirai au son des rêves qui s’évaporeront avec l’aube.

Fenêtre de tolérance émotionnelle: comment me ressourcer? [en]

Mon retour d’Inde a été (est?) difficile. Aujourd’hui ça va – en fait, depuis une petite semaine, “ça va”. La semaine dernière j’ai galéré, par contre. Et depuis, je réfléchis pas mal, non pas à ce qui fait ou a fait que ça va pas, mais à ce que j’ai fait, ou comment ça se fait, que j’ai réussi à me sortir du fossé où j’étais embourbée.

En fait, à un moment donné, je me suis souvenue que j’avais une boîte à outils (cognitive) pour faire face au type de situation où j’étais coincée. Je l’ai mise en action, et ça a tout de suite été mieux – même si évidemment, globalement, ceci reste une période difficile. C’est un schéma que je connais, à part ça: aller mal et n’avoir plus aucune conscience qu’on sait faire des choses pour aller mieux. La boîte à outil n’existe plus, comme les légumes au fond du bac en bas du frigo. Si je le vois pas, c’est pas là.

J’ai eu une discussion fort enrichissante lors de ma séance en début de semaine à As’trame. Petite parenthèse, cette fondation ne s’adresse pas qu’aux enfants, et en ce qui me concerne je suis enchantée par leur accompagnement. Si je devais résumer cette discussion, pour ce qui nous intéresse ici, elle portait sur l’idée de la fenêtre de tolérance émotionnelle, et sur identifier les choses qui me ressourçaient.

La métaphore de la fenêtre de tolérance émotionnelle (window of tolerance) est intéressante et me permet de mettre des mots sur quelque chose que j’avais de la difficulté à exprimer jusque-là. Ce sentiment de ne pas avoir “d’amortisseurs”, ou de rouler sur les jantes, les pneus usés jusqu’à ne plus être là, et donc de ne pas avoir la capacité à faire faire ou “gérer” les événements un peu contrariants de la vie.

L’idée est la suivante (si vous googlez vous allez trouver ce concept proposé en 2019 à un peu toutes les sauces, y compris pseudoscientifiques; j’ai mis deux liens plus haut qui me semblent pas trop mal): il y a une zone dans laquelle on arrive à réguler correctement ses émotions. C’est la fameuse “fenêtre”. Hors de cette zone, on n’arrive plus, ou pas assez bien, on peut avoir le sentiment que l’émotion prend le dessus et on tombe soit d’un côté “hyperactivation” (crise de colère ou de panique par exemple, “ON”), soit “hypoactivation” (dépression, engluement… “OFF”). La largeur de cette fenêtre peut être variable selon les individus (merci la loterie et les aléas de la vie) et aussi selon les périodes, suivant ce qui nous arrive. J’ai trouvé un article avec des illustrations/schémas un peu parlants.

Donc là, clairement, je suis dans une période où ma fenêtre de tolérance émotionnelle n’est pas très large. Ma tolérance au stress ou aux contrariétés est très limitée. Il suffit de pas grand chose pour que je “dégringole”. Clairement, un deuil, ou la réactivation de celui-ci, ça fait rétrécir la fenêtre. Avec le temps, mais aussi avec certaines activités, elle va tranquillement s’élargir. Mais ce n’est pas un processus linéaire.

La question suivante c’est donc: quelles sont les choses qui, pour moi, permettent d’élargir cette fenêtre? En somme, les choses qui me ressourcent? J’avais toujours eu du mal avec cette question, “qu’est-ce que tu fais pour te ressourcer”, parce que je ne comprenais pas bien ce qu’on entendait concrètement par “se ressourcer”. Maintenant, si on dit “se ressourcer = élargir la fenêtre de tolérance”, ça me parle beaucoup plus. (On pourrait discuter: est-ce élargir la fenêtre, ou revenir dedans quand on en est sorti? et est-ce qu’on y revient de la même façon si on a filé du côté “hypo” ou “hyper”? Laissons ça de côté pour le moment.)

J’ai donc commencé à faire un inventaire de ces activités. L’une d’entre elles, un peu surprenante, c’est de faire un puzzle, par exemple. La semaine passée j’ai eu une impulsion soudaine de démarrer un puzzle, et quelques heures après je me sentais déjà bien mieux. Pourquoi? Que s’est-il passé? Comme je le comprends, j’étais dans un état émotionnel qui n’était pas gérable pour moi. Je ne voulais plus sentir ce que je sentais parce que c’était “trop”, et je n’arrivais pas à en faire quoi que ce soit si ce n’est rester bloquée dans une spirale descendante. En faisant un puzzle, je sors de cet état “figé”, parce que c’est une activité facile pour mon cerveau, qui demande de la concentration mais qui est très rentable niveau gratification: les couleurs, le toucher, et surtout, trouver deux pièces qui vont ensemble! C’est donc une activité qui me demande très peu d’effort à initier, qui est active, gratifiante, et m’aide à prendre de la distance avec mes émotions.

Sinon, clairement, les activités sportives “intenses” comme le judo, le ski, la voile dans certains contextes, ça permet d’une part de me dépenser physiquement (et les émotions… c’est physiologique!) et en faisant une activité qui m’oblige à y consacrer mon attention. Quand je suis en train de combattre au judo, je laisse toutes mes préoccupations du moment au vestiaire. Je n’y pense pas une seconde. En combat, on ne peut pas être distrait: on se fait tourner. Et avec les années (30 ans bientôt) il y a un ancrage qui se fait: personnellement, dès le moment où je me change et où je suis sur les tapis, je suis, par habitude, en “mode judo”. Le ski, comme j’aime skier, vite, c’est similaire. Si je ne suis pas ultra concentrée, je risque la chute. Je suis donc 100% concentrée sur ce que je fais, ma trajectoire, les sensations corporelles, etc.

Marcher en montagne ça le fait aussi, être dehors, dans la nature, avec de grands espaces autour de moi. Un bain chaud, un massage, un hammam, les bains thermaux – plus directement corporel, mais ça le fait. Ecrire, évidemment, et aussi les moments de lien et de partage véritable, où je peux être entendue. Un peu de méditation, une turbo sieste, de la relaxation. Il y en a peut-être d’autres mais maintenant que j’ai compris de quoi on parle, je vais enrichir mon inventaire.

Il y a des activités que j’aime mais qui ne me ressourcent pas, ou pas toujours. Le chant par exemple, ou voir du monde. Les jeux de société, j’adore, mais après je suis épuisée dans la tête. Faire à manger, j’aime mais ça ne me ressource pas. Ça fait quelques années que j’ai mis ensemble que le fait d’aimer quelque chose ne signifie pas qu’on se “ressource” ou qu’on en sort en étant “mieux” après. Avant, je n’avais pas fait ce lien. C’est important.

Aujourd’hui j’ai une journée assez libre devant moi, et je réalise, en contraste avec mes journées tranquilles au Rajasthan, que j’ai du mal à vraiment ralentir, me poser et “débrancher” (mon cerveau des soucis de la vie). Et je me demande pourquoi. Et j’ai une piste. Ici, je n’arrive pas à ne pas avoir en tête la liste interminable des choses que je devrais ou pourrais faire. Il y a la poubelle à vider, un peu de vaisselle à faire, la lessive, le coin du couloir à ranger, la valise à finir de ranger, l’autre coin ici à ranger (en gros tout l’appart est à ranger), faire des choses pour décorer mon lieu de vie et le rendre plus accueillant, chaleureux et agréable, du courrier à ouvrir, des photos à regarder et avec lesquelles jouer (je n’aime plus dire traiter ou trier), quelques soucis sur mon site web à gérer, des vidéos à faire pour Diabète Félin, une pile de documents à compléter, je pourrais sortir faire une promenade, ah oui descendre au bord du lac voir le bateau après tout ce gros temps, faire les courses, planifier les prochaines vacances, regarder ma série, aller au cinema, pourquoi pas, enfin commander les cartes de crédit avec cashback dont m’a parlé mon père, organiser une après-midi jeux de société, réorganiser les armoires de la cuisine, les habits pour la saison froide, acheter ou louer des skis… Ça vous fatigue, tout ça? Eh bien moi aussi.

Donc, même quand j’ai décidé de prendre une journée tranquille pour me relaxer, je n’arrive pas à ne pas “voir” tout ça. Je lutte contre une paralysie du choix, soit je fais des trucs utiles et je me suis pas ressourcée, soit j’essaie de me ressourcer mais je culpabilise de ne pas avoir avancé sur toutes ces choses que j’ai à faire.

Au Rajasthan c’était simple. J’étais en vacances, physiquement loin. Sur le menu, je pouvais: prendre des photos, sortir me balader, m’étendre sur mon lit en écoutant un podcast si j’étais pas trop en forme, regarder mes photos, écrire, attendre le repas suivant…

Je pense qu’il me manque des outils, par là, ou que je n’ai pas encore bien trouvé comment adapteur ceux que j’ai à cette situation. Je sens que c’est à chercher en direction de la restriction – je fais ça quand j’ai une “obligation de productivité” et que je n’arrive pas à démarrer sur quoi que ce soit: au lieu d’essayer encore et encore, je me donne 15 minutes avec timer pour essayer, et si ça ne marche pas, je laisse tomber jusqu’à l’heure suivante (ou la journée suivante, la semaine suivante). Donc là, pour créer un contexte où je me sens plus libre de faire des activités ressourçantes, inventorier/limiter les activités productives que j’ai le droit de faire dans la journée? Je réfléchis à haute voix en écrivant, c’est gentil de me tenir compagnie.

Aujourd’hui par exemple: la lessive et les courses, c’est assez obligatoire que je les fasse. Et les poubelles. Ce week-end il faut que j’ouvre mon courier et probablement que je fasse un peu d’administratif. Les autres choses, même la valise éventrée dans ma chambre à coucher, ça peut attendre. Le bateau, ce serait quand même bien que j’y passe. Samedi je suis au chalet toute la journée pour m’occuper du jardin avec mon frère. Donc je pourrais dire, aujourd’hui je fais la lessive, les courses, les poubelles et je fais un crochet au bateau en allant aux courses. Dimanche, je fais 1 à 2h d’admin et c’est tout. Et le reste du temps, je n’ai pas le droit de faire des choses “productives”. Ça me stresse, l’idée de procéder comme ça, je vous dis pas! C’est pas évident de trouver l’équilibre entre “j’ai besoin de faire des activités qui me ressourcent” et “j’ai besoin de diminuer ma pile de “je devrais” pour me sentir moins stressée et sous pression.

Sur ce, je vais chercher une photo sympa et sans rapport pour illustrer cet article, et aller mettre ma lessive. Puis je vais démarrer un nouveau puzzle. Ah ben voilà: je vais vous mettre en photo le puzzle que j’ai terminé hier, celui qui m’a aidée à sortir de mon trou. Je sais, il manque deux pièces. C’est triste mais ça ne me sort pas de ma fenêtre de tolérance émotionnelle!