A la rencontre des Premières Nations ...

 

"DIALOGUES CURIEUX AVEC UN SAUVAGE"

LE BARON DE LA HONTAN



Photos Yves Clady

© Copyright 2001

Camp des Capucindiens

Koenigshoffen


 

 
"Le baron Louis-Armand de la Hontan ( ou Lahontan), né en juin 1666 aux confins du Béarn et de la Guyenne, débarque à l'âge de 17 ans, en novembre 1683, dans la baie de Québec, après avoir obtenu une lieutenance au régiment de Bourbon...( Sa famille s'est ruinée dans des procès successifs )... Dans la Nouvelle-France, il partage la vie des Indiens et des Coureurs de bois, et il se prend immédiatement de sympathie pour la liberté des Indiens. Il est exaspéré par la conduite du clergé : "On ne saurait faire aucune partie de plaisir, ni jouer, ni voir les dames, que le Curé n'en soit informé..."

Durant l'hiver, il commence à écrire vingt-cinq lettres à un vieux cagot de parent qui se trouve à La Rochelle, et qui le lui a demandé... Lettres qui constitueront par la suite les Mémoires sur l'Amérique septentrionale, publiés à La Haye et à Londres dans l'année 1703. Le Supplément aux voyages du Baron de La Hontan où l'on trouve les Dialogues Curieux entre l'Auteur et un Huron de bon sens qui a voyagé est aussi publié en 1703.

Le Huron de bon sens se nomme ADARIO - anagramme tiré de Kondiaronk. C'est dans ces Dialogues que l'on trouve la célèbre apostrophe :"Crois-moy, mon cher Frère, songe à te faire Huron... tu seras délivré des passions qui tyrannisent les Français ; tu n'auras que faire d'or, ni d'argent..." Tirade dont on dit qu'elle fonde pour un siècle au moins la croyance dans le droit naturel. ( En fait, on peut faire remonter ce thème jusqu'au 16è siècle : Montaigne, que La Hontan a sûrement lu, lance véritablement cette idée dans ses Essais...)

 

Le 27 juillet 1692, La Hontan fait escale à Plaisance (Terre-Neuve) avec une flotte de pêcheurs de morue. Au moment où le convoi allait mettre à la voile, Plaisance est attaquée par cinq vaisseaux anglais. La Hontan organise la défense avec cinquante matelots basques. Il est félicité pour son courage. Il débarque à Saint-Nazaire le 23 octobre 1692. C'est en attendant le bateau, au retour, qu'il rencontre un médecin portugais, grand voyageur, qui devint son premier interlocuteur, dans la forme qui préfigure celle des Dialogues. Revenu à Terre-Neuve, il accuse le gouverneur Brouillan de concussion et compose sur lui plusieurs chansons satiriques. M. de Brouillan réunit un dossier pour le perdre. La Hontan prend peur. Il donne mille écus à un capitaine et se fait jeter sur les côtes du Portugal en 1694. Il ne reviendra plus jamais aux Amériques.

 

 

Le plus souvent, la sympathie active du Baron pour les Hurons séduit le lecteur des Mémoires et des Dialogues, surtout quand il décrit les moeurs de la Société indienne - notamment quand "ils courent l'alumète" (sic)... Le baron devait avoir lu Montaigne, qui possédait une demeure dans le village de Lahontan. En ce pays où l'on "s'appelle Sorcier, comme ailleurs on s'appellerait Camarade..." Comme Montaigne, il a la curiosité d'autrui et une véritable passion d'observer les moeurs et coutumes des autres peuples.

 

Il y a, dans l'existence de La Hontan, un épisode particulier... En 1688, alors qu'il se trouve à Missilimakinac, dans la région où se rejoignent les Grands Lacs, et bien qu'il ait l'ordre de revenir à Québec, il s'embarque avec sa compagnie de soldats et cinq Indiens de la tribu des Outaouais pour une exploration qui va le mener très à l'Ouest. On ne sait pas bien où il est allé, ni ce qu'il cherche dans une errance sur les lacs et rivières... On suppose qu'il veut découvrir - comme beaucoup - ce passage qui le conduirait au Pacifique par-delà les Montagnes Rocheuses et la chaîne des Cascades. Dans un récit intitulé Expédition de la Rivière longue, il prétend avoir rencontré "les Eokoros qui adorent le Soleil, la Lune et les Etoiles. Les Nadouessis et les Panimoah. Les Essanapés qui sont une secte de Pythagoriciens et que la métempsychose a pénétré. Les Gnacfi ou Gnacsitares qui campent près de la Rivière Morte..." ...etc...

On a souvent reproché ce texte au baron de La Hontan, mettant en cause sa probité et son sérieux, son authenticité, et la réalité même de ce voyage. C'est plutôt un excès de l'imagination, un écho d'anciennes lectures ( le Quart Livre de Rabelais...)...

 

Le succès des Mémoires et des Dialogues est considérable ; à partir de 1704, on relève une trentaine de rééditions : en français, allemand, anglais et hollandais. Une édition est réalisée en 1705 par Nicolas Gueudeville, moine défroqué, fils d'un médecin de Rouen, libertin déclaré. Il est exilé à Rotterdam depuis 1690. Gueudeville en profite pour transformer le texte du baron. Il le radicalise pour appuyer sa thèse antimonarchiste et libertaire.

Ensuite l'influence du baron décroît, les éditions se raréfient et l'on finit par presque l'oublier. C'est à peine aujourd'hui si on le cite à propos du Canada. On l'ignore, surtout à cause de son anticléricalisme et de son insolence. Mais il existe une autre raison : on a si souvent pillé son oeuvre qu'il devient difficile de lui rendre hommage, à moins d'avouer le crime au passage."

Extrait d'un ouvrage de Paul Louis ROSSI

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LES ECRIVAINS DU BOUT DES TERRES VERS LES ÎLES éd. Hatier 1993


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