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Tableau des vols...De toute façon, avant d'embarquer, attendez la fin de l'enregistrement du Somm'airbus : surveillez la barre de contrôle au bas de l'écran... MERCI de suivre à la lettre les consignes de l'équipage. BON VOYAGE !...

Nous remercions la compagnie "Arrow's Air Lines" d'avoir accepté

d'assurer la transition entre les escales.

La Navigation de Saint-Brendan

L'homme, la nature et le progrès

Montaigne Les cannibales

Henri-David THOREAU

WALDEN

Chateaubriand Présentation d' ATALA

Voyager pour écrire

Polémiquer !

Extraits du "Voyage en Amérique"

La déclaration de guerre

Combats chez les indiens

L' iroquois

L' hospitalité chez les indiens

La demande en mariage

Le mariage

La chasse de l' ours

Navigation des indiens sur le lac Érié

Une ruine indienne

Le poisson d'or

La récolte du sucre d' érable

Le jeu des osselets


Georges DUHAMEL
Scènes de la vie future

Présentation

Activités

EXTRAITS, dans l'ordre qui suit :

Arrivée

Un divertissement cinématographique

Liberty

Paysage

Les abattoirs de Chicago

Le nouveau temple

La loi du plus fort

"L' assurance paiera"

Un restaurant américain

La cathédrale du commerce

La pauvreté, aussi...


New-york, by Paul Morand

La Statue de la Liberté selon Paul Morand




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Pictogrammes indiens
, in BÂTONS, CHIFFRES ET LETTRES, de Raymond Queneau, coll.
"Idées" NRF Gallimard 1965... Pour déchiffrer ce texte indien, cliquez ICI

Spécialités américaines

Jefferson

Martin Luther KING

Les mythes du cinéma américain

Charles CHAPLIN

Marilyn MONROE

L'habitat en Amérique

Le gratte-ciel

La ferme américaine

Groucho Marx

Pourquoi en faire tout un plat ?

L'autobiographie selon Groucho

LE POINT DE VUE ( suite )

Blaise Cendrars Publicité = Poésie

CHATEAUBRIAND Jugement sur les Etats-Unis



Groupement de textes

LE VOYAGE

A pied...au Moyen Age

Michel RAGON Fuir Le Roman de Rabelais (extrait)

Montaigne L'art de voyager

Louis-Philippe A cheval au Nouveau-Monde

Chateaubriand Libre comme la nature

Chateaubriand Arabes et américains

Guides des Chemins de Fer L'art de voyager au XIXè siècle

Xavier de Maistre : Voyage autour de ma chambre

Claude Lévi-Strauss Tristes tropiques

Jack Kerouac La fureur de voyager et...Sur la route

Jean Grenier Pourquoi voyager ?

J.M.G. Le Clézio L' extase matérielle

J.P. Sartre Tourisme contemporain

Louis Aragon adieu le ciel et la maison

 

 

 

 

 

 

 



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Seconde Columbus 

 

 

 

Vers l' île de Saint-Brendan

Veuillez éteindre vos cigarettes et boucler vos ceintures

 

 

 

 

 

 




LA NAVIGATION DE SAINT BRENDAN

découvreur de l'Amérique ?

"Point n'est besoin d'espérer pour entreprendre,
ni de réussir pour persévérer"

Guillaume d'Orange

Saint-Brendan, moine irlandais, vécut au Vè siècle, principalement en Bretagne qu'il évangélisa. Il "erra pendant sept ans par mer et y trouva bien des merveilles" ; ce fut la trame de nombreux récits établis du IXè au XIè siècle. S'il ne put que découvrir partiellement les beautés du Paradis, il aborda des îles fortunées avant d'atteindre l'Amérique, par le sud de Terre Neuve. Christophe Colomb étudiera avec complaisance cette aventure nautique.
L' une des versions romanes, celle d'
Achille Jubinal établie sur un texte du IXè siècle, est ici traduite en français moderne ; ce récit fabuleux, chargé de mystères et d'embruns, défie le temps ; mais c'est aussi un voyage initiatique imprégné de symboles. Ce conte celte christianisé, à la charnière de deux civilisations, reflète l'esprit populaire où faits matériels et fantastiques se mêlent à la poésie et au merveilleux.
Un thème bienveillant, pur, innocent et pacifique, dans une fascinante course qui aboutit au vagabondage de l'imagination mais aussi à une épopée spirituelle.


DE LA LÉGENDE DE SAINT BRENDAN
qui erra sept ans par mer et des merveilles qu'il trouva.



Légende du IXè siècle
D`après la traduction romane d'Achille Jubinal

Brendan fut un saint homme, fils de Finloch, né de haut lignage, descendant d'Eogène ; il naquit dans le pays d'Irlande, dans la région marécageuse des Mimensiens. Comme il fut de grande abstinence, et noble en vertus, il devint le père de trois mille moines.
Alors qu'il était en son oratoire au lieu qui est dit
« lande des vertus Brendaine » , il advint qu 'un de ses abbés vint à lui, à la vêprée ; cet abbé se nommait Barin et était le neveu du roi Neil. Comme il était ainsi aux pieds du saint père, Barin se mit à pleurer, se coucha à terre, et demeura longuement en oraisons ; alors Saint Brendan le releva et l'embrassa. Puis il lui dit: «Doux ami, pourquoi as-tu tristesse en ta venue, et ne viens-tu pas pour ma consolation ? Tu dois mieux nous montrer ta joie que ta douleur. Enseigne-moi la parole de Dieu, et réjouis nos âmes en nous racontant les divers miracles que tu as vus sur la mer. »
Donc commença à conter
Saint Barin à Saint Brendan à propos d'une île et il dit :

... la suite après la rentrée !
Extraits de LA LÉGENDE DE SAINT-BRENDAN, PAR JEAN-PIERRE BAYARD, AUX ÉDITIONS GUY TRÉDANIEL

( ED. DE LA MAISNIE ) 1988

La légende de Saint Brendan V-VIème siècle Moine irlandais

 

"Navigatio Sancti Brendani", écrit en latin probablement en Irlande au Xème siècle, décrit le voyage légendaire du

moine Brendan vers le paradis terrestre. La légende est remplie de riches descriptions et de plausibles détails de

navigation qui ont rendu l'histoire très populaire. Brendan croise une île aux moutons géants, une autre aux oiseaux

parlants. Une colonne de cristal, recouverte d'un brouillard, pourrait être un iceberg. Finalement, Brendan est

considéré comme le premier européen à découvrir l'Amérique.

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Seconde Turquoise Columbus 

 

 

 

 

Vers l'homme, la nature et le progrès...

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L'HOMME, LA NATURE ET LE PROGRÈS

Étude parallèle de deux oeuvres littéraires, l' une française, l'autre américaine :


François-René de CHATEAUBRIAND

ATALA ou les amours de deux indiens dans le désert ( 1801 )

et Henri-David THOREAU

WALDEN
ou la vie dans les bois (1854)

( extraits puisés aux éditions Gallimard, 1922, collection "L'imaginaire" )

 



Atelier d'écriture ... en module...

Vers une Architecture Naturelle ?

POÈMES EN BOIS ou LA VIE RETROUVÉE
Philosophie indienne



A mi-chemin entre l'HOMME de NATURE et l'HOMME de PROGRÈS...

... Humour et lucidité...

Travaux d'écriture en marge de Walden basés sur des photos de maisons-cabanes bâties en pleine nature par des charpentiers amateurs américains.
Renouant avec une vieille tradition de leur pays, ils construisirent de leurs propres mains des cabanes en bois, moitié palais, moitié abris, symbolisant la matérialisation d'une liberté retrouvée ou découverte.
Architecture libre, architecture sans architecte, où les déchets de la société de consommation et les matériaux les plus rugueux, les moins bien équarris, ramassés çà et là dans les ravines et chemins creux, se mêlent harmonieusement aux gadgets les plus élaborés de la technologie triomphante. C'est là le royaume de l'imagination et de la simplicité conjuguées.
(... ) En fait, c'est moins d'une fuite devant la technologie ou d'un retour à la terre qu' il s'agit, que de la tentative de retrouver un équilibre entre ce qui doit être produit par la main de l'homme et ce qui peut l'être par la machine.


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Vers Henri-David THOREAU...

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Henry David THOREAU ( 1817 - 1862 )
Se plaçant au coeur de la tradition libérale américaine, THOREAU voit la nécessité de la participation directe de l'intellectuel aux événements de son propre pays.

En 1849, il publie un opuscule, DÉSOBÉIR, après un séjour en prison pour avoir refusé de payer ses impôts, en signe de protestation contre la guerre du MEXIQUE...

L' idéologie de cette oeuvre ramène aux principes de la Déclaration des Droits de l'homme et elle se situe à la source de tous les mouvements d' opposition non violente qui suivirent. GANDHI et le pasteur Martin Luther KING s'en inspirèrent directement.

 


WALDEN OU LA VIE DANS LES BOIS ( 1854 )

Walden est le nom d'un petit lac proche de Concord , sur les rives duquel THOREAU se construisit une cabane où il vécut en solitaire de 1845 à 1847. Il ne s' agissait pas d'une fugue, puisque l' écrivain revenait souvent voir ses amis, mais d'un choix délibéré qui rappelle par bien des côtés l' expérience faite par ROUSSEAU dans la forêt d'Ermenonville. Thoreau donnait à ses contemporains l' exemple d' un rapport actif avec la nature, en dehors de toute contemplation romantique ; il s' élevait aussi contre la fausse morale de la société industrielle, avec son mythe de la productivité et d'un progrès à son avis illusoire.

Walden est un livre qui échappe à toute définition.

L' essai alterne avec la description, la narration, voire l'épopée, tel ce chapitre sur un combat de fourmis vues comme des guerriers antiques. L' ouvrage repose sur une formulation centrale : le contraste entre l' élément sauvage et primitif propre à la nature - wilderness, et l' élément "domestique", maté, propre aux institutions coercitives imposées par l' homme et la société ( tameness )... On y trouve une dénonciation passionnée de l'aliénation provoquée chez l'homme par la machine. Thoreau déclare ainsi la guerre aux instruments du progrès, au chemin de fer, au télégraphe...

Gallimard, 1922, coll. "L'imaginaire"...


Poèmes en bois...

Les écrits produits dans le cadre de l' Atelier d' écriture consacré aux maisons de bois ( cf. Vers une architecture naturelle et libre ? ) seront réunis dans un dossier intitulé WIGWAM - Ouigh Ouam ...mot indien signifiant "village, hutte, chaumière..."


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Vers WALDEN ou la vie dans les bois

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HENRY DAVID THOREAU


WALDEN OU LA VIE DANS LES BOIS

En plein 19è siècle, dans le pays qui est en passe de devenir le plus industrialisé du monde, Thoreau tourne le dos à la civilisation et s'installe seul, dans les bois, à un mille de tout voisinage, dans une cabane qu'il a construite lui-même, au bord de l'étang de Walden, Massachusetts. Il ne doit plus sa vie qu'au travail de ses mains. C'est là qu'il commence à écrire Walden , grand classique de la littérature américaine, hymne épicurien, souvent loufoque, à la nature, aux saisons, aux plantes et aux bêtes, toutes choses et tous êtres qui ne sont, selon les propres dires de Thoreau, que "l'envers de ce qui est au-dedans de nous".

Henry David Thoreau est né le 12 juillet 1817 à Concord, Massachusetts, dans une famille pauvre dont le père est marchand de crayons et où l'on cultive le souvenir du grand-père, corsaire et normand. Boursier grâce à la paroisse, Thoreau fait ses études à Harvard, revient à Concord comme maître d'école et se fait licencier pour avoir refusé d'appliquer la règle des châtiments corporels. Il fait la connaissance d'écrivains et de poètes parmi lesquels se trouvent Nathaniel Hawthorne et Emerson. Thoreau s'installe à vingt-huit ans sur les terres de ce dernier, dans une cabane qu'il a construite lui-même, au bord de l'étang de Walden. Il y vivra seul pendant deux ans et deux mois. Walden ou la vie dans les bois, tiré de cette expérience, paraîtra en 1854.
En 1860, après une vie partagée entre l'écriture, les vagabondages, la petite entreprise familiale de crayons et les prises de position publiques en faveur des opprimés ou des anarchistes, Thoreau contracte la tuberculose. Il meurt à
Concord le 6 mai 1862, après que la guerre civile a éclaté.

Outre Walden, considéré dans le monde entier comme un classique de la littérature américaine, Thoreau laisse A Week on the Concord and Merrimack Rivers (1845) , un journal : The Maine woods et Cape cod , publiés après sa mort.

Gallimard 1922, coll. "L'imaginaire"

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Vers les CANNIBALES...

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Montaigne

16è siècle ... Début d'un mythe


LES CANNIBALES

Quoiqu'ils pratiquent l'anthropophagie* , les indigènes du Brésil paraissent à MONTAIGNE fort sociables et fort sensés. Il a vu trois d'entre eux à Rouen en octobre I562 et s'est amplement renseigné, auprès d'un voyageur, sur leurs moeurs et leurs habitudes. Excellent exemple à l'appui de la relativité des coutumes. Montaigne amorce ici l'éloge de l'état de nature, qui sera si souvent repris au 18è siècle. Ses cannibales annoncent aussi le Huron de VOLTAIRE, dans L'Ingénu , et la critique sociale trouve ici des accents d'une hardiesse étonnante.


* Non pas pour se nourrir, mais pour
"représenter une extrême vengeance" ...
Attention ... le texte qui suit restitue fidèlement l' orthographe et les tournures d' origine. Comparez-le avec la version "adaptée" au lecteur d'aujourd'hui, que vous trouverez dans votre manuel de Littérature, pages 84 et 85...

Je trouve qu'il n'y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu'on m'en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n'est pas de son usage (1), comme de vray il semble que nous n'avons autre mire (2) de la vérité et de la raison que l'exemple et idée des opinions et usances (3) du païs où nous sommes. Là est toujours la parfaicte religion, la parfaicte police (4), perfect et accomply usage de toutes choses. Ils sont sauvages, de mesmes que nous appelons sauvages les fruicts que nature, de soy et de son progrez ordinaire, a produicts: là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons alterez par nostre artifice et detournez de l'ordre commun, que nous devrions appeler plutost sauvages. En ceux là sont vives et vigoureuses les vrayes et plus utiles et naturelles vertus et proprietez, lesquelles nous avons abastardies en ceux cy, et les avons seulement accommodées au plaisir de nostre goust corrompu...Trois d'entre eux, ignorans combien coutera un jour à leur repos et à leur bonheur la connoissance des corruptions de deçà (5), et que de ce commerce naistra leur ruyne (6), comme je presuppose qu'elle soit (7) desjà avancée, bien miserables de s'estre laissez piper au desir de la nouvelleté, et avoir quitté la douceur de leur ciel pour venir voir le nostre, furent à Rouan (8), du temps que le feu Roy Charles neufiesme y estoit. Le Roy parla à eux long temps; on leur fit voir nostre façon, nostre pompe, la forme d'une belle ville. Apres cela quelqu'un en (9) demanda leur advis, et voulut savoir d'eux ce qu'ils y avoient trouvé de plus admirable (10) ils respondirent trois choses, d'où j'ay perdu la troisiesme, et en suis bien marry (11); mais j'en ay encore deux en memoire. Ils dirent qu'ils trouvoient en premier lieu fort estrange quetant de grands hommes, portans barbe, forts et armez, qui estoient autour du Roy ( il est vray-semblable que ils parloient des Suisses de sa garde), se soubs-missent à obeyr à un enfant (12), et qu'on ne choisissoit (13) plus tost quelqu'un d'entr'eux pour commander; secondement ( ils ont une façon de leur langage telle, qu'ils nomment les hommes moitié (14) les uns des autres) qu'ils avoyent aperçeu qu'il y avoit parmy nous des hommes pleins et gorgez de toutes sortes de commoditez, et que leurs moitiez estoient mendians à leurs portes, décharnez de faim et de pauvreté; et trouvoient estrange comme (15) ces moitiez icy necessiteuses pouvoient souffrir une telle injustice, qu'ils ne prinsent les autres à la gorge, ou missent (16) le feu à leurs maisons.


MONTAIGNE
I,XXXI, Des cannibales.

QUESTIONS


1. Comparer les deux parties de ce texte : montrer qu'elles se
complètent en s'opposant.
2. Étudier dans le ler paragraphe: a) la lutte contre les préjugés
b) l'ironie discrète
c) le naturalisme
3. Dans le 2è paragraphe: a) montrer l'effet de surprise
b) résumer la critique politique et la critique
sociale exprimées par la bouche des cannibales
c) marquer la hardiesse et le ton de la critique

4.
GRAMMAIRE : Étudier l'accord des participes présents et passés.


1. Relativité des jugements. 2. Point de repère, critère. 3. Usages. 4. Régime politique. 5. De nos pays. 6. Que pensez-vous de ces réflexions ? 7. Subj. de supposition. 8. Rouen. .. 9. Leur avis à ce sujet. l0. A la fois remarquable et étonnant: Montaigne va jouer sur le mot. 11. Spontanéité de Montaigne 12. Charles IX avait alors 12 ans. -13. Noter le changement de mode. 14. De ce mot moitié, Montaigne dégage l'idée de fraternité 15. Comment. 16. Sans prendre... ou mettre.


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Vers la présentation d' ATALA...

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CHATEAUBRIAND / ATALA (1801)

Présentation / Commentaires

En 1801, lorsqu'il publie Atala, Chateaubriand est encore un inconnu. « C`'est de la publication d'Atala que date le bruit que j'ai fait dans ce monde », écrit-il dans les Mémoires d'outre-tombe. Ce récit est un épisode de l'histoire des Natchez, une tribu indienne de Louisiane massacrée par les Français en 1727. Dans Atala ou les amours de deux indiens dans le désert, Chateaubriand accomplit un rêve de jeunesse : décrire les moeurs des indiens et une nature exotique que son voyage en Amérique lui a permis de découvrir. Dans cette contrée que les habitants des Etats-Unis appellent le "Nouvel Eden" , Chactas, un vieil Indien, raconte à René, un jeune Français, son histoire. Dans sa jeunesse, Chactas, fait prisonnier et condamné à mort, a été délivré par Atala, une jeune fille chrétienne qui l'aime. Après avoir erré dans la forêt, les fuyards sont recueillis par un missionnaire, le père Aubry. Déchirée entre son amour et son voeu de se consacrer à Dieu, Atala met fin à ses jours en laissant Chactas, avec lequel elle devait se marier, dans le désespoir.
La poésie des déserts du
Nouveau Monde jointe à l'évocation des tourments de la passion devait avoir un retentissement considérable sur la sensibilité de la première génération romantique.

Tout en s'inscrivant dans la perspective ouverte par Rousseau d'une exaltation de la nature, Chateaubriand s'en distingue à la fois par son objectif et par l'évolution de l'homme de nature.

D'une part, Atala veut affirmer les « beautés de la religion chrétienne » ( sous-titre du Génie du christianisme, 1802 ) à travers le sacrifice de son héroïne : d'autre part, les relations entre indiens et blancs y sont ambiguës : si Chactas subit la loi des colons blancs, il est initié à la vertu par un « saint ermite », le père Aubry, et finalement converti. Ainsi la religion des "Blancs" atténue ce qu'a de violent le processus de « civilisation » des indiens. Pourtant l'extermination des Natchez rappelle la difficulté de concilier monde naturel et monde civilisé.


Claude ETERSTEIN
page 96

Coll. "LIRE"

Texte intégral d'ATALA à cette adresse ( cliquez ) :

http://hypo.ge-dip.etat-ge.ch/www/athena
Ed. GALLIMARD / 1993


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Vers les EXTRAITS du "VOYAGE en AMÉRIQUE"...

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Extraits de
"Voyage en Amérique"

François-René de Chateaubriand
Tous ces extraits du Voyage en Amérique ont été puisés dans l' ouvrage de Ferdinand Brunetière, Extraits de Chateaubriand, paru aux éditions Hachette en 1912 ( pages 19 à 31 )...
et dans un autre manuel scolaire, datant de 1927, CHATEAUBRIAND, morceaux choisis, par René CANAT, coll. La littérature française illustrée, éd. Didier / Privat ( pages 55 à 65 ). Quand les notes qui accompagnent les textes sont de Chateaubriand lui-même, cela est indiqué.

On peut trouver aujourd'hui la version complète de ce "Journal" aux éditions de la Pléiade.

Dérouler la page pour trouver les différents extraits...ou changer d'orientation...

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Vers la DÉCLARATION de GUERRE

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LA DÉCLARATION DE GUERRE

"La guerre se dénonce d'une manière extraordinaire et terrible. Quatre guerriers, peints en noir de la tête aux pieds, se glissent dans les plus profondes ténèbres, chez le peuple menacé : parvenus aux portes des cabanes, ils jettent au foyer de ces cabanes un casse-tête peint en rouge, sur le pied duquel sont marqués, par des signes connus des sachems, les motifs des hostilités : les premiers Romains lançaient une javeline sur le territoire ennemi. Ces hérauts d'armes indiens disparaissent aussitôt dans la nuit comme des fantômes, en poussant le fameux cri ou woop de guerre. On le forme en appuyant une main sur la bouche et frappant les lèvres, de manière à ce que le son échappé en tremblotant, tantôt plus sourd, tantôt plus aigu, se termine par une espèce de rugissement dont il est impossible de se faire une idée.
La guerre dénoncée, si l'ennemi est trop faible pour la soutenir, il fuit; s'il se sent fort, il l'accepte : commencent aussitôt les préparatifs et les cérémonies d'usage.
Un grand feu est allumé sur la place publique, et la chaudière de la guerre placée sur ce bûcher : c'est la marmite du janissaire
(*). Chaque combattant y jette quelque chose de ce qui lui appartient. On plante aussi deux poteaux, où l'on suspend des flèches, des casse-tête et des plumes, le tout peint en rouge. Les poteaux sont placés au septentrion, à l'orient, au midi ou à l'occident de la place publique, selon le point géographique d'où la bataille doit venir."


*La milice des janissaires, instituée au XIVè siècle par le sultan Amurat II, n'a été détruite que dans notre siècle par le sultan Mahmoud I. Comme à Rome les prétoriens, ils étaient devenus les maîtres de leurs maîtres, leurs caprices gouvernaient l'empire; quand ils renversaient leur marmite , c'était le signal de la révolte; et il était assez ordinaire qu'il en coûtât la vie au sultan ou au vizir.

( Note de Chateaubriand )

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Vers "COMBATS CHEZ LES SAUVAGES"

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COMBATS CHEZ LES SAUVAGES

"La mêlée est épouvantable; c'est un grand duel comme dans les combats antiques : l'homme voit l'homme. Il y a dans le regard humain animé par la colère quelque chose de contagieux, de terrible qui se communique. Les cris de mort, les chansons de guerre, les outrages mutuels, font retentir le champ de bataille; les guerriers s'insultent comme les héros d'Homère; ils se connaissent tous par leur nom:

« Ne te souvient-il plus, se disent-ils, du jour où tu désirais que tes pieds eussent la vitesse du vent, pour fuir devant ma flèche ? Vieille femme, te ferai-je apporter de la sagamité (1) nouvelle, et de la cassine (2) brûlante dans le noeud du roseau ?

- Chef babillard, à la large bouche, répondent les autres, on voit bien que tu es accoutumé à porter le jupon; ta langue est comme la feuille du tremble; elle remue sans cesse. »
Les combattants se reprochent aussi leurs imperfections naturelles: ils se donnent le nom de boiteux, de louche, de petit; ces blessures faites à l'amour-propre augmentent leur rage. L'affreuse coutume de scalper l' ennemi augmente la férocité du combat. On met le pied sur le cou du vaincu : de la main gauche on saisit le toupet de cheveux que les Indiens gardent sur le sommet de la tête; de la main droite on trace, à l'aide d'un étroit couteau, un cercle dans le crâne, autour de la chevelure : ce trophée est souvent enlevé avec tant d'adresse, que la cervelle reste à découvert sans avoir été entamée par la pointe de l'instrument.
Lorsque deux partis ennemis se présentent en rase campagne, et que l'un est plus faible que l'autre, le plus faible creuse des trous dans la terre; il y descend et s'y bat, ainsi que dans ces villes de guerre dont les ouvrages, presque de niveau avec le sol, présentent peu de surface au boulet. Les assiégeants lancent leurs flèches comme des bombes, avec tant de justesse qu'elles retombent sur la tête des assiégés.
Des honneurs militaires sont décernés à ceux qui ont abattu le plus d'ennemis : on leur permet de porter des plumes de killiou. Pour éviter les injustices, les flèches de chaque guerrier portent une marque particulière; en les retirant du corps de la victime, on connaît la main qui les a lancées.
L'arme à feu ne peut rendre témoignage de la gloire de son maître. Lorsque l'on tue avec la balle, le casse-tête ou la hache, c'est par le nombre des chevelures enlevées que les exploits sont comptés.
Pendant le combat, il est rare que l'on obéisse au chef de guerre, qui lui-même ne cherche qu' à se distinguer personnellement. Il est rare que les vainqueurs poursuivent les vaincus : ils restent sur le champ de bataille à dépouiller les morts, à lier les prisonniers, à célébrer le triomphe par des danses et des chants: on pleure les amis que l'on a perdus : leurs corps sont exposés avec de grandes lamentations sur les branches des arbres : les corps des ennemis demeurent étendus dans la poussière.
Le guerrier détaché du camp porte à la nation la nouvelle de la victoire et du retour de l'armée : les vieillards s'assemblent; le chef de guerre fait au conseil le rapport de l'expédition : d'après ce rapport, on se détermine à continuer la guerre ou à négocier la paix."


1.Bouillie de farine de maïs en usage chez certaines peuplades
de l'Amérique du Nord.


2. Nom de la viorne luisante qu'on emploie, en Amérique, en guise de
thé.


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Vers "L'IROQUOIS"

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L'IROQUOIS

"L'Iroquois était d'une forte stature : poitrine large, jambes musculaires, bras nerveux. Les grands yeux ronds de l' Iroquois étincellent d'indépendance; tout son air était celui d'un héros; on voyait reluire sur son front les hautes combinaisons de la pensée et les sentiments élevés de l'âme. Cet homme intrépide ne fut point étonné des armes à feu lorsque, pour la première fois, on en usa contre lui : il tint ferme au sifflement des balles et au bruit du canon, comme s'il les eût entendus toute sa vie; il n'eut pas l'air d'y faire plus d'attention qu'à un orage. Aussitôt qu'il se put procurer un mousquet, il s'en servit mieux qu'un Européen. Il n'abandonna pas pour cela le casse-tête, le couteau, l' arc et la flèche; mais il y ajouta la carabine, le pistolet, le poignard et la hache; il semblait n'avoir jamais assez d'armes pour sa valeur. Doublement paré des instruments meurtriers de l'Europe et de l'Amérique, avec sa tête ornée de panaches, ses oreilles découpées, son visage barbouillé de noir, ses bras teints de sang, ce noble champion du Nouveau Monde devint aussi redoutable à voir qu' à combattre sur le rivage qu'il défendit pied à pied contre l'étranger.
C'était dans l'éducation que les Iroquois plaçaient la source de leur vertu. Un jeune homme ne s'asseyait jamais devant un vieillard : le respect pour l'âge était pareil à celui que Lycurgue avait fait naître à Lacédémone. On accoutumait la jeunesse à supporter les plus grandes privations, ainsi qu'à braver les plus grands périls. De longs jeûnes commandés par la politique au nom de la religion, des chasses dangereuses, l' exercice continuel des armes, des jeux mâles et virils, avaient donné au caractère de l'Iroquois quelque chose d'indomptable. Souvent de petits garçons s'attachaient les bras ensemble, mettaient un charbon ardent sur leurs bras liés, et luttaient à qui soutiendrait plus longtemps la douleur. Si une jeune fille commettait une faute, et que sa mère lui jetât de l'eau au visage, cette seule réprimande portait quelquefois cette jeune fille à s'étrangler.

L'Iroquois méprisait la douleur comme la vie : un sachem de cent années affrontait les flammes du bûcher; il excitait les ennemis à redoubler de cruauté; il les défiait de lui arracher un soupir. Cette magnanimité de la vieillesse n'avait pour but que de donner un exemple aux jeunes guerriers, et de leur apprendre à devenir dignes de leurs pères."

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Vers "L'HOSPITALITÉ CHEZ LES SAUVAGES"

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L'HOSPITALITÉ CHEZ LES SAUVAGES

"L'hospitalité est la dernière vertu naturelle qui soit restée aux Indiens au milieu des vices de la civilisation européenne. On sait quelle était autrefois cette hospitalité : une fois reçu dans une cabane, on devenait inviolable; le foyer avait la puissance de l'autel; il vous rendait sacré. Le maître de ce foyer se fût fait tuer avant qu'on touchât à un seul cheveu de votre tête.
Lorsqu'une tribu chassée de ses bois, ou lorsqu'un homme venait demander l'hospitalité, l' étranger commençait ce qu'on appelait la
"danse du suppliant". Cette danse s'exécutait ainsi : le suppliant avançait quelques pas, puis s'arrêtait en regardant le supplié, il reculait ensuite jusqu'à sa première position. Alors les hôtes entonnaient le chant de l'étranger : "voici l'étranger, voici l'envoyé du Grand Esprit". Après le chant, un enfant allait prendre la main de l'étranger pour le conduire à la cabane. Lorsque l'enfant touchait le seuil de la porte, il disait: " Voici l'étranger!" et le chef de la cabane répondait: "Enfant, introduis l'homme dans ma cabane" L'étranger, entrant alors sous la protection de l'enfant, allait, comme chez les Grecs, s'asseoir sur la cendre du foyer. On lui présentait le calumet de paix; il fumait trois fois, et les femmes disaient le chant de la consolation: "L'étranger a retrouvé une mère et une femme : le soleil se lèvera et se couchera pour lui comme auparavant."
On remplissait d'eau d'
érable une coupe consacrée : c'était une calebasse ou un vase de pierre qui reposait ordinairement dans le coin de la cheminée, et sur lequel on mettait une couronne de fleurs. L'étranger buvait la moitié de l'eau, et passait la coupe à son hôte, qui achevait de la vider."


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Vers "LA DEMANDE en MARIAGE"

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LA DEMANDE EN MARIAGE

"Lorsqu'un Indien s'est résolu au mariage, il va avec son père faire la demande aux parents de la femme. Le père revêt des habits qui n'ont point encore été portés ; il orne sa tête de plumes nouvelles, lave l'ancienne pointure de son visage, met un nouveau fard et change l'anneau pendant à son nez ou à ses oreilles; il prend dans sa main droite un calumet (1) dont le fourneau est blanc, le tuyau bleu, et empenné (2) avec des queues d'oiseaux ; dans sa main gauche, il tient son arc détendu, en guise de bâton. Son fils le suit, chargé de peaux d'ours, de castors et d'orignaux ; il porte en outre deux colliers de porcelaine à quatre branches, et une tourterelle vivante dans une cage.
Les prétendants vont d'abord chez le plus vieux parent de la jeune fille ; ils entrent dans sa cabane, s'asseyent devant lui sur une natte, et le père du jeune guerrier, prenant la parole, dit : "
Voilà des peaux. Les deux colliers, le calumet bleu et la tourterelle demandent ta fille en mariage."
Si les présents sont acceptés, le mariage est conclu; car le consentement de l'aïeul ou du plus ancien sachem de la famille l'emporte sur le consentement paternel. L'âge est la source de l'autorité chez les Indiens : plus un homme est vieux, plus il a d'empire. Ces peuples font dériver la puissance divine de l'éternité du Grand Esprit. Quelquefois le vieux parent, tout en acceptant les présents, met à son consentement quelque restriction. On est averti de cette restriction si, après avoir aspiré trois fois la vapeur du calumet, le fumeur laisse échapper la première bouffée au lieu de l'avaler, comme dans un consentement absolu.
De la cabane du vieux parent, on se rend au foyer de la mère et de la jeune fille. Quand les songes de celle-ci ont été néfastes, sa frayeur est grande. Il faut que les songes, pour être favorables, n'aient représenté ni les esprit, ni les aïeux, ni la patrie, mais qu'ils aient montré des berceaux, des oiseaux et des biches blanches. Il y a pourtant un moyen infaillible de conjurer les rêves funestes, c'est de suspendre un collier rouge au cou d'un
marmouset (3) de bois de chêne : chez les hommes civilisés l'espérance a aussi ses colliers rouges et ses marmousets."


(1) La pipe des indiens. (2) Garni de plumes, in penna.
(3) Petite figure grossièrement sculptée.

Notes de Chateaubriand

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Vers le "MARIAGE"

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LE MARIAGE

"Enfin le grand jour arrive. Les jongleurs et les principaux sachems sont invités à la cérémonie. Une troupe de jeunes guerriers va chercher le marié chez lui; une troupe de jeunes filles va pareillement chercher la mariée à sa cabane. Le couple promis (1) est orné de ce qu'il a de plus beau en plumes, en colliers, en fourrures, et de plus éclatant en couleurs.
Les deux troupes, par des chemins opposés, surviennent en même temps à la hutte du plus vieux parent. On pratique une seconde porte à cette hutte, en face de la porte ordinaire : environné de ses compagnons, l'époux se présente à l'une des portes; l' épouse, entourée de ses compagnes, se présente à 1'autre. Tous les sachems de la fête sont assis dans la cabane, le calumet à la bouche. La bru et le gendre vont se placer sur des rouleaux de peaux à l'une des extrémités de la cabane.
Alors commence en dehors la danse nuptiale entre les deux choeurs restés à la porte. Les jeunes filles, armées d'une crosse recourbée, imitent les divers ouvrages du labour; les jeunes guerriers font la garde autour d' elles, l' arc à la main. Tout à coup, un parti ennemi sortant de la forêt s'efforce d'enlever les femmes; celles-ci jettent leur
hoyau et s' enfuient ; leurs frères volent à leur secours. Un combat simulé s' engage ; les ravisseurs sont repoussés.
A cette pantomime succèdent d'autres tableaux tracés avec une vivacité naturelle: c'est la peinture de la vie domestique, le soin du ménage, l'entretien de la cabane, les plaisirs et les travaux du foyer; touchantes occupations d'une mère de famille. Ce spectacle se termine par une ronde où les jeunes filles tournent à rebours du cours du soleil, et les jeunes guerriers selon le mouvement apparent de cet astre.
Le repas suit : il est composé de soupes, de gibier, de gâteaux de maïs, de canneberges, espèce de légumes; de pommes de mai, sorte de fruit porté par une herbe; de poissons, de viandes grillées, et d'oiseaux rôtis. On boit dans de grandes calebasses le suc de l'
érable ou du sumac (2), et dans de petites tasses de hêtre une préparation de cassine, boisson chaude que l'on sert comme du café. La beauté du repas consiste dans la profusion des mets.
Après le festin, la foule se retire. Il ne reste dans la cabane du plus vieux parent que douze personnes, six sachems de la famille du mari, six matrones de la famille de la femme. Ces douze personnes, assises à terre, forment deux cercles concentriques; les hommes décrivent le cercle extérieur. Les conjoints se placent au centre des deux cercles: ils tiennent horizontalement, chacun par un bout, un roseau de six pieds de long. L'époux porte dans la main droite un pied de chevreuil; l'épouse élève de la main gauche une gerbe de maïs. Le roseau est peint de différents hiéroglyphes qui marquent l'âge du couple uni, et la lune où se fait le mariage. On dépose aux pieds de la femme les présents du mari et de sa famille : une parure complète, le jupon d'écorce de mûrier, le corset pareil, la mante de plumes d'oiseau ou de peaux de martre, les mocassines brodées en poil de porc-épic, les bracelets de coquillages, les anneaux ou les perles pour le nez et pour les oreilles.
A ces vêtements sont mêlés un berceau de jonc, un morceau d'
agaric (3), des pierres à fusil pour allumer le feu, la chaudière pour faire bouillir les viandes, le collier de cuir pour porter les fardeaux, et la bûche du foyer. Le berceau fait palpiter le coeur de l'épouse, la chaudière et le collier ne l' effrayent point : elle regarde avec soumission ces marques de l'esclavage domestique.
Le mari ne demeure pas sans leçons : un casse-tête, un arc, une pagaie lui annoncent ses devoirs : combattre, chasser et naviguer. Chez quelques tribus, un lézard vert, de cette espèce dont les mouvements sont si rapides que l'oeil peut à peine les saisir, des feuilles mortes entassées dans une corbeille, font entendre au nouvel époux que le temps fuit et que l'homme tombe. Ces peuples enseignent par des emblèmes la morale de la vie, et rappellent la part de soins que la nature a distribués à chacun de ses enfants.
Les deux époux, enfermés dans le double cercle des douze parents, ayant déclaré qu'ils veulent s'unir, le plus vieux parent prend le roseau de six pieds; il le sépare en douze morceaux, lesquels il distribue aux douze témoins : chaque témoin est obligé de représenter sa portion de roseau, pour être réduite en cendres si les époux demandent un jour le divorce.
Les jeunes filles qui ont amené l'épouse à la cabane du plus vieux parent l'accompagnent avec des chants à la hutte nuptiale : les jeunes guerriers y conduisent de leur côté le nouvel époux. Les conviés à la fête retournent à leurs villages : ils jettent, en sacrifice aux manitous, des morceaux de leurs habits dans les fleuves, et brûlent une part de leur nourriture.
En Europe, afin d'échapper aux lois militaires, on se marie : parmi les Indiens de l'Amérique septentrionale, nul ne se pouvait marier qu'après avoir combattu pour la patrie. Un homme n'était jugé digne d'être père que quand il avait prouvé qu'il saurait défendre ses enfants. Par une conséquence de cette mâle coutume, un guerrier ne commençait à jouir de la considération publique que du jour de son mariage."


1. Le couple des promis. 2. Arbrisseau de la famille des térébinthacées.

3. Sorte de champignon. Notes de Chateaubriand

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Cherchez "L'OURS"

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CHASSE DE L'OURS

"La chasse de l'ours est la chasse la plus renommée chez les Indiens. Elle commence par de longs jeûnes, des purgations sacrées et des festins; elle a lieu en hiver. Les chasseurs suivent des chemins affreux, le long des lacs, entre des montagnes dont les précipices sont cachés dans la neige. Dans les défilés dangereux, ils offrent le sacrifice réputé le plus puissant auprès du génie du désert : ils suspendent un chien vivant aux branches d'un arbre, et l'y laissent mourir enragé. Des huttes levées chaque soir à la hâte ne donnent qu'un mauvais abri : on y est glacé d'un côté et brûlé de l'autre; pour se défendre contre la fumée, on n'a d'autre ressource que de se coucher sur le ventre, le visage enseveli dans des peaux. Les chiens affamés hurlent, passent et repassent sur le corps de leurs maîtres : lorsque ceux-ci croient aller prendre un chétif repas, le dogue, plus alerte, l'engloutit. Après des fatigues inouïes, on arrive à des plaines couvertes de forêts de pins, retraite des ours. Les fatigues et les périls sont oubliés, l' action commence.
Les chasseurs se divisent, et embrassent, en se plaçant à quelque distance les uns des autres, un grand espace circulaire. Rendus aux différents points du cercle, ils marchent, à l'heure fixée, sur un rayon qui tend au centre, examinant avec soin sur ce rayon les vieux arbres qui recèlent les ours : l'animal se trahit par la marque que son haleine laisse dans la neige.
Aussitôt que l'Indien a découvert les traces qu'il cherche, il appelle ses compagnons, grimpe sur le pin, et, à dix ou douze pieds de terre, trouve l'ouverture par laquelle le solitaire s'est retiré dans sa cellule : si l'ours est endormi, on lui fend la tête ; deux autres chasseurs, montant à leur tour sur l'arbre, aident le premier à retirer le mort de sa niche, et à le précipiter.
Le guerrier explorateur et vainqueur se hâte alors de descendre : il allume sa pipe, la met dans la gueule de l'ours, et, soufflant dans le fourneau du calumet, remplit de fumée le gosier du quadrupède. Il adresse ensuite des paroles à l'âme du trépassé; il le prie de lui pardonner sa mort, de ne point lui être contraire dans les chasses qu'il pourrait entreprendre. Après cette harangue, il coupe le filet de la langue de l'ours, pour le brûler au village afin de découvrir, par la manière dont il pétillera dans la flamme, si l'esprit de l'ours est ou n'est pas apaisé.
L'ours n'est pas toujours enfermé dans le tronc d'un pin, il habite souvent une tanière, dont il a bouché l'entrée. Cet ermite est
quelquefois si replet, qu'il peut à peine marcher, quoiqu'il ait vécu une partie de l'hiver sans nourriture.
Les guerriers, partis des différents points du cercle, et dirigés vers le centre, s'y rencontrent enfin, apportant, traînant ou chassant leur proie : on voit quelquefois arriver ainsi de jeunes Indiens qui poussent devant eux avec une baguette, un gros ours trottant pesamment sur la neige. Quand ils sont las de ce jeu, ils enfoncent un couteau dans le coeur du pauvre animal.
La chasse de l'ours, comme toutes les autres chasses, finit par un repas sacré. L'usage est de faire rôtir un ours tout entier, et de le servir aux convives, assis en rond sur la neige, à l'abri des pins, dont les branches élaguées sont aussi couvertes de neige. La tête de la victime, peinte de rouge et de bleu, est exposée au haut d' un poteau. Des orateurs lui adressent la parole; ils prodiguent les louanges au mort, tandis qu'ils dévorent ses membres.
" Comme tu montais au haut des arbres ! Quelle force dans tes étreintes ! Quelle constance dans tes entreprises ! Quelle sobriété dans tes jeûnes ! Maintenant tu n'es plus; mais ta dépouille fait encore les délices de ceux qui la possèdent. "
On voit souvent assis pêle-mêle avec les Indiens, à ces festins, des dogues, des ours et des loutres apprivoisées."


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Allez naviguer sur le lac ÉRIÉ...

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NAVIGATION DES SAUVAGES

SUR LE LAC ERIÉ
"
C'est une chose effrayante que de voir les Sauvages s'aventurer dans des nacelles d'écorce sur ce lac, où les tempêtes sont terribles. Ils suspendent leurs Manitous à la poupe des canots, et s'élancent au milieu des tourbillons de neige, entre les vagues soulevées. Ces vagues, de niveau avec l'orifice des canots, ou les surmontant, semblent aller les engloutir. Les chiens des chasseurs, les pattes appuyées sur le bord, poussent des cris lamentables, tandis que leurs maîtres, gardant un profond silence, frappent les flots en mesure avec leurs pagaies. Les canots s'avancent à la file : à la proue du premier se tient debout un chef qui répète le monosyllabe OAH , la première voyelle sur une note élevée et courte, la seconde sur une note sourde et longue : dans le dernier canot est encore un chef debout, manoeuvrant une grande rame en forme de gouvernail. Les autres guerriers sont assis, les jambes croisées, au fond des canots; à travers le brouillard, la neige et les vagues, on n' aperçoit que les plumes dont la tête de ces Indiens est ornée, le cou allongé des dogues hurlant, et les épaules des deux sachems, pilote et augure : on dirait des dieux de ces eaux. "

 


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VISITEZ LA "RUINE INDIENNE"

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UNE RUINE INDIENNE

"Un spectacle inattendu frappa nos regards : nous découvrîmes une ruine indienne : elle était située sur un monticule au bord du lac; on remarquait sur la gauche un cône de terre de quarante à quarante-cinq pieds de haut; de ce cône partait un ancien chemin tracé à travers un magnifique bocage de magnolias et de chênes verts, et qui venait aboutir à une savane. Des fragments de vases et d'ustensiles divers étaient dispersés çà et là, agglomérés avec des fossiles, des coquillages, des pétrifications de plantes et des ossements d'animaux. Le contraste de ces ruines et de la jeunesse de la nature, ces monuments des hommes dans un désert où nous croyions avoir pénétré les premiers, causaient un grand saisissement de coeur et d'esprit. Quel peuple avait habité cette île ? Son nom, sa race, le temps de son existence, tout est inconnu; il vivait peut-être lorsque le monde qui le cachait dans son sein était encore ignoré des trois autres parties de la terre. Le silence de ce peuple est peut-être contemporain du bruit que faisaient de grandes nations européennes tombées à leur tour dans le silence, et qui n'ont laissé elles-mêmes que des débris.
Nous examinâmes les ruines : des anfractuosités sablonneuses du
tumulus (*) sortait une espèce de pavot à fleur rose, pesant au bout d'une tige inclinée d'un vert pâle. Les Indiens tirent de la racine de ce pavot une boisson soporifique ; la tige et la fleur ont une odeur agréable qui reste attachée à la main lorsqu'on y touche. Cette plante était faite pour orner le tombeau d'un Indien ; ses racines procurent le sommeil, et le parfum de sa fleur, qui survit à cette fleur même, est une assez douce image du souvenir qu'une vie innocente laisse dans la solitude."


(*) Proprement, grand amas de terre que les anciens élevaient au-dessus d'une sépulture.

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Allez pêcher le "POISSON D'OR"

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LE POISSON D'OR
"Il est impossible de voir rien de plus beau que ce petit roi des ondes : il a environ cinq pouces de long, sa tête est couleur d'outremer; ses côtes et son ventre étincellent comme le feu, une barre brune longitudinale traverse ses flancs ; l'iris de ses larges yeux brille comme de l'or bruni. Ce poisson est carnivore.
A quelque distance du rivage, à l'ombre d'un cyprès chauve, nous remarquâmes de petites pyramides limoneuses qui s'élevaient sous l'eau et montaient jusqu'à sa surface. Une légion de poissons d'or faisait en silence les approches de ces citadelles. Tout à coup l'eau bouillonnait : les poissons d'or fuyaient. Des écrevisses armées de ciseaux, sortant de la place insultée, culbutaient leurs brillants ennemis. Mais bientôt les bandes éparses revenaient à la charge, faisaient plier à leur tour les assiégés ; et la brave, mais lente garnison rentrait à reculons pour se réparer dans la forteresse.
Le crocodile, flottant comme le tronc d'un arbre, la truite, le brochet, la perche, le cannelet, la basse, la brème, le poisson tambour, le poisson d'or, tous ennemis mortels les uns des autres, nageaient pêle-mêle dans le lac, et semblaient avoir fait une trêve, afin de jouir en commun de la beauté de la soirée : le fluide azuré se peignait de leurs couleurs changeantes. L'onde était si pure, que l'on eût cru pouvoir toucher du doigt les acteurs de cette scène, qui se jouaient à vingt pieds de profondeur dans leur grotte de cristal."


Influence de BUFFON ( 17è siècle ), écrivain naturaliste...

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Goûtez au sucre d' érable...

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LA RECOLTE DU SUCRE D'ÉRABLE
"
La récolte du sucre d'érable se faisait et se fait encore parmi les Indiens deux fois l'année. La première récolte a lieu vers la fin de février, de mars ou d'avril, selon la latitude du pays où croît l'érable à sucre. L'eau recueillie après les légères gelées de la nuit se convertit en sucre, en la faisant bouillir sur un grand feu. La quantité de sucre obtenue par ce procédé varie selon les qualités de l'arbre. Ce sucre, léger de digestion, est d'une couleur verdâtre, d'un goût agréable et un peu acide.

La seconde récolte a lieu quand la sève de l'arbre n' a pas assez de consistance pour se changer en suc. Cette sève se condense en une espèce de mélasse, qui, étendue dans de l'eau de fontaine, offre une liqueur fraîche pendant les chaleurs de l'été.

On entretient avec grand soin le bois d'érable de l'espèce rouge et blanche : les érables les plus productifs sont ceux dont l'écorce paraît noire et galeuse. Les Indiens ont cru observer que ces accidents sont causés par le pivert noir à tête rouge, qui perce l'érable dont la sève est la plus abondante. Ils respectent ce pivert comme un oiseau intelligent et un bon génie.

A quatre pieds de terre environ, on ouvre dans le tronc de l'érable deux trous de trois quarts de pouce de profondeur, et perforés du haut en bas pour faciliter l'écoulement de la sève.

Ces deux premières incisions sont tournées au midi ; on en pratique deux autres semblables du côté du nord. Ces quatre taillades sont ensuite creusées, à mesure que l'arbre donne sa sève, jusqu'à la profondeur de deux pouces et demi.

Deux auges de bois sont placées aux deux faces de l'arbre au nord et au midi, et des tuyaux de sureau introduits dans les fentes servent à diriger la sève dans ces auges.

Toutes les vingt-quatre heures on enlève le suc écoulé; on le porte sous des hangars couverts d'écorce; on le fait bouillir dans un bassin de pierre, en l'écumant. Lorsqu'il est réduit à moitié par l'action d'un feu clair, on le transvase dans un autre bassin, où l'on continue à le faire bouillir jusqu'à ce qu'il ait pris la consistance d'un sirop. Alors, retiré du feu, il repose pendant douze heures. Au bout de ce temps on le précipite dans un troisième bassin, prenant soin de ne pas remuer le sédiment tombé au fond de la liqueur.

Ce troisième bassin est à son tour remis sur des charbons demi-brûlés et sans flamme. Un peu de graisse est jetée dans le sirop, pour l'empêcher de surmonter les bords du vase. Lorsqu' il commence à filer, il faut se hâter de le verser dans un quatrième et dernier bassin de bois appelé le refroidisseur. Une femme vigoureuse le remue en rond, sans discontinuer, avec un bâton de cèdre, jusqu'à ce qu'il ait pris le grain du sucre. Alors elle coule dans des moules d'écorce qui donnent au fluide coagulé la forme de petits pains coniques; l' opération est terminée .

Quand il ne s'agit que des mélasses, le procédé finit au second feu.

L'écoulement des érables dure quinze jours, et ces quinze jours sont une fête continuelle. Chaque matin on se rend au bois d'érables, ordinairement arrosé par un courant d'eau. Des groupes d'Indiens et d'Indiennes sont dispersés au pied des arbres; des jeunes gens dansent et jouent à différents jeux ; des enfants se baignent sous les yeux des sachems. A la gaieté de ces Indiens, à leur demi-nudité, à la vivacité des danses, aux luttes non moins bruyantes des baigneurs, à la mobilité et à la fraîcheur des eaux, à la vieillesse des ombrages, on croirait assister à l'une de ces scènes de Faunes et de Dryade, décrites par les poètes :

Tum vero in numerum Faunosque ferasque videres Ludere .(*)"


(*) Vous auriez vu alors les Faunes et les bêtes fauves danser en cadence.

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Découvrez le "JEU DES OSSELETS"

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LE JEU DES OSSELETS

"Au jeu des osselets, appelé aussi jeu du plat, deux joueurs seuls tiennent la main ; le reste des joueurs parie pour ou contre ; les deux adversaires ont chacun leur marqueur. La partie se joue sur une table, ou simplement sur le gazon.
Les deux joueurs qui
tiennent la main (1) sont pourvus de six ou de huit dés ou osselets, ressemblant à des noyaux d'abricots taillés à six faces inégales : les deux plus larges faces sont peintes, l'une en blanc, l'autre en noir.
Les osselets se mêlent dans un plat de bois un peu concave ; le joueur fait pirouetter ce plat; puis, frappant sur la table ou sur le gazon, il fait sauter en l'air les osselets.
Si tous les osselets, en tombant, présentent la même couleur, celui qui a joué gagne cinq points; si cinq osselets, sur six ou huit, amènent la même couleur, le joueur ne gagne qu'un point pour la première fois; mais si le même joueur répète le même coup, il fait rafle de tout et gagne la partie qui est en quarante.
A mesure que l'on prend des points, on en défalque autant sur la partie de l'adversaire.
Le gagnant continue de tenir la main ; le perdant cède sa place à l'un des parieurs de son côté, appelé à volonté par le marqueur de sa partie; les marqueurs sont les personnages principaux de ce jeu : on les choisit avec de grandes précautions, et l'on préfère surtout ceux à qui l'on croit
le manitou (2) le plus fort et le plus habile.
La désignation des marqueurs amène de violents débats : si un parti a nommé un marqueur dont le manitou, c'est-à-dire la fortune, passe pour redoutable, l' autre parti s'oppose à cette nomination : on a quelquefois une très grande idée de la puissance du manitou d'un homme qu'on déteste ; dans ce cas, l'intérêt l'emporte sur la passion, et l'on adopte cet homme pour marqueur, malgré la haine qu'on lui porte.
Le marqueur tient à la main une petite planche sur laquelle il note les coups en craie roue ; les Indiens se pressent en foule autour des joueurs; tous les yeux sont attachés sur le plat et sur les osselets; chacun offre des voeux et fait des promesses aux bons génies. Quelquefois les valeurs engagées sur le coup de dés sont immenses pour des Indiens; les uns y ont mis leur cabane; les autres se sont dépouillés de leurs vêtements, et les jouent contre les vêtements des parieurs du parti opposé ; d'autres enfin, qui ont déjà perdu tout ce qu'ils possèdent, proposent contre un faible enjeu leur liberté ; ils offrent de servir pendant un certain nombre de mois ou d'années celui qui gagnerait le coup contre eux."


1. Terme de jeu : être le premier à jouer.

2. Nom des divinités de l'Amérique du Nord. Ici, divinité protectrice.


Tous ces extraits du Voyage en Amérique ont été puisés dans l' ouvrage de Ferdinand Brunetière, Extraits de Chateaubriand, paru aux éditions Hachette en 1912 ( pages 19 à 31 )... et dans un autre manuel scolaire, datant de 1927, CHATEAUBRIAND, morceaux choisis, par René CANAT, coll. La littérature française illustrée, éd. Didier / Privat ( pages 55 à 65 ). Quand les notes qui accompagnent les textes sont de Chateaubriand lui-même, cela est indiqué.

On peut trouver aujourd'hui la version complète de ce "Journal" aux éditions de la Pléiade.

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Déchiffrez les PICTOGRAMMES INDIENS

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PICTOGRAMMES ( l928 ) Pictogrammes Peaux-Rouges d'après R. THÉVENIN et P. COZE (Moeurs et Histoire des Peaux-Rouges, Paris, 1928, p. 303).
De droite à gauche et de haut en bas ( voir pictogrammes agrandis ci-dessous ) :

- première ligne : Homme avec son calumet de paix -Tente - Écouter - Voir - Parler.

- deuxième ligne : Feu de camp -Montagnes -Nuages -Nuages -Nuage de pluie.

- troisième ligne : Eau - La mer - Aller - La guerre - Soleil.

- quatrième ligne : Soleil - Journée - Midi - La nuit - Étoiles.

- cinquième ligne : L'année -Trois ans - La vie, l'éternité - Repas - Faim - Beaucoup.

- sixième ligne : Homme faisant la"médecine" - Homme faisant la"médecine" - Oiseau, tonnerre - Indiens Mandous - Indien Omalla.
in Raymond QUENEAU BATONS, CHIFFRES et LETTRES
coll. "Idées" éd. Gallimard 1980

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LE VOYAGE EN AMÉRIQUE DE CHATEAUBRIAND - Commentaires et polémique
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"A la fin du XVIIIè siècle, la mode poussait vers l'Amérique, où l'on pensait trouver, chez les Américains, "l'homme libre de la société", et chez les Indiens,"l'homme libre de la nature". En outre, Chateaubriand, ayant formé le projet d'écrire "l'épopée de l'homme de la nature", avait choisi pour sujet la lutte de la tribu des Natchez contre les Français, en Louisiane, en 1727.
Le décor de ses
"chimères" ne différait donc pas beaucoup de celui des rêves des jeunes officiers poètes de son temps.
Mais voici le point où son
caractère original éclate et que l'on n'a pas bien remarqué. Il a consulté les ouvrages des missionnaires et des voyageurs, des géographes et des botanistes. Travail préparatoire suffisant pour un ouvrage poétique, au jugement des littérateurs qu'il fréquente et qui sont pour lui les oracles du goût. Ils eussent trouvé naturel qu'il poursuivît son épopée sans bouger de place... Voltaire et Rousseau avaient-ils seulement envisagé un voyage possible auprès des Hurons, ingénus et justes, et autres hommes candides de la nature ? Marmontel songeait-il un moment à traverser l'Océan pour aller regarder vivre ses Incas ? Si Bernardin de Saint-Pierre entreprit des pérégrinations, ce ne fut jamais dans le but de découvrir des paysages nouveaux pour ses ouvrages. Volnay voyageait en économiste et en philosophe, non en poète. André Chénier, soigneusement documenté pour son grand poème historique et philosophique, l'Amérique, n'a jamais parlé d'excursion complémentaire. Combien de ses animaux exotiques avait-il directement contemplés, Buffon, avant d'en écrire l'histoire naturelle?

Et pourtant
Chateaubriand décide de se mettre en route pour acquérir une connaissance directe et personnelle des sites et des peuples qu'il veut mettre dans son épopée.

"Je jetai quelques fragments de cet ouvrage sur le papier ; mais je m'aperçus bientôt que je manquais des vraies couleurs, et que si je voulais faire une image semblable, il fallait, à l'exemple d' Homère, visiter les peuples que je voulais peindre."

Voilà un trait qui nous paraît capital et qu'on a négligé. Son imagination, alertée par les récits des explorateurs, ne parvient pas à se satisfaire de ses rêveries exotiques. Il s'aperçoit qu'il ne pourra peindre de seconde main un tableau véridique. Son génie exige la vision réelle, vivante, qui pourra seule lui procurer la coloration vraie, c'est-à-dire belle, de ses peintures.
Cet artiste, que l'on voudra nous représenter par la suite comme un
compilateur incapable de créer autrement qu'en prenant pour point de départ des pages écrites par les autres, et jamais en copiant directement la nature, prétend s'embarquer dans une coûteuse, longue, fatigante et dangereuse expédition dont le but principal est de découvrir des beautés naturelles afin d'embellir un ouvrage poétique !
Le but avoué, c'était un voyage d'exploration patronné par
Malesherbes : découvrir par terre le passage tant cherché du nord-ouest du Canada permettant de naviguer du Pacifique à l'Atlantique. De cette expédition, il comptait récolter la gloire de l'explorateur utile à son pays et à l'Europe...
Les deux ordres de mobiles ne sont pas contradictoires chez Chateaubriand. Il a toujours été poète et homme d'action tout ensemble. Remarquons que son ambition aurait pu, là encore, se contenter d'une célébrité de géographe sédentaire ou de
narrateur en chambre d'aventures exotiques, comme bien d'autres avant lui. Or Chateaubriand, qui est couramment représenté comme donnant le pas à l'imaginaire sur le réel, inflige à cette thèse un éclatant démenti en exigeant, non seulement des tableaux vus , mais aussi des actions vécues , à la place des représentations livresques des unes et des autres."


Extrait de l'ouvrage "CHATEAUBRIAND", par H. LE SAVOUREUX, éd. Rieder, 1930


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FICTION ou VÉRITÉ ?...

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Polémique : insincérité de l'écrivain, irréalité du voyage ?

"De ce voyage, certains ont nié tour à tour toutes les phases et toutes les péripéties.
La première
thèse soutenue - celle du voyage entièrement fictif - nie l' existence du voyage en Amérique à cause de l' "invraisemblance" des récits de Chateaubriand... La partie nautique de l'expédition n' est plus contestable, puisque l'on a retrouvé le récit de prêtres qui avaient voyagé avec Chateaubriand de Saint-Malo à Baltimore.
On ne possède pas de témoignages comparables pour la partie terrestre de l' expédition de Chateaubriand. Mais des témoins oculaires ont vu ce dernier à New York et Philadelphie. Son entrevue avec Washington est plus que vraisemblable depuis que l'on a retrouvé dans les archives du Congrès américain une lettre d'introduction annotée par le Président lui-même...

Il n'y a guère de détail du trajet de New York aux chutes du Niagara dont l'authenticité n' ait été suspectée. Mais aujourd'hui, on a acquis la certitude du passage de Chateaubriand sur le site des célèbres chutes... Mais est-il allé au delà, comme il le prétend dans son journal, puis dans d' autres oeuvres ultérieures ...( surtout Atala et les Mémoires d' Outre Tombe...) ?

A-t-il vraiment longé l' OHIO et le MISSISSIPPI ?

A-t-il poussé son expédition jusque dans les terres des FLORIDES ?...

L' indécision règne encore à ce sujet...

La précision n' existe que dans l'interprétation abusive de Joseph Bédier.
Le texte des
Mémoires sur lequel s'appuie ce savant est certainement incomplet, tronqué, interpolé. On s' explique mal qu'un technicien célèbre de l'exégèse des manuscrits ait préféré trouver le récit de Chateaubriand absurde et mensonger, plutôt que d' émettre l'hypothèse qu' il épiloguait sur des textes erronés...

En fait d' itinéraire, le guide le plus sûr, c' est peut-être Chateaubriand lui-même.
Il a deux façons de s'exprimer : l'une à la
première personne, l'autre à la troisième. On peut tenir pour assuré que, lorsque' il parle à la première personne, il veut dire explicitement qu' il a vu ou exécuté la chose par lui-même, et que, lorsque sa phrase est à la forme impersonnelle, c'est un rapport fait d'après autrui. Si l'on reprend avec ce fil la suite de sa narration, la plupart des prétendues invraisemblances de l'itinéraire disparaissent...
Ce qui est invraisemblable, ce n'est pas l'itinéraire que relate Chateaubriand, c'est celui qu'on lui prête...


Comment, dans la
thèse de l'itinéraire impossible, rendre compte des descriptions de pays qu'il n'aurait pas eu le temps de visiter ? Par compilation des auteurs. C'est la critique philologique .

Le critique Joseph Bédier a mis dans cette recherche des sources une ténacité particulière. Il cite en première ligne le père Jésuite F. X. de Charlevoix , puis William Bartram , voyageur et naturaliste américain, enfin Jonathan Carter.
La démonstration se fait sur deux colonnes, l'une reproduisant les extraits de Chateaubriand et l'autre les passages des auteurs dont il s'est inspiré. A première vue, la conclusion paraît accablante pour Chateaubriand. Sauf pour les quatre vingts premières pages du
Voyage ( éd. Pourrit ), M. Bédier prétend avoir retrouvé toutes les sources de Chateaubriand... Après quoi, ce dernier ne ferait plus du tout figure de voyageur à la rude, mais de simple compilateur en chambre.
On peut distinguer, dans le
Voyage en Amérique , comme du reste dans Atala et les Natchez , ainsi que dans les passages américains de l'Essai , du Génie et des Mémoires, deux grandes catégories de faits relatés. Les uns se rapportent aux souvenirs directs du voyageur, les autres représentent des renseignements sur l'histoire naturelle et humaine du pays. Chateaubriand n' a jamais laissé entendre qu'en cinq mois il aurait pu étudier de première main les moeurs et les coutumes des Indiens, la flore et la faune de l'Amérique !
Cependant M. Bédier et ses disciples mélangent tout cela et tirent profit pour leur thèse de l'ambiguïté ainsi créée. Si bien qu'ils se donnent beaucoup de mal pour démontrer ce qui sautait aux yeux du plus simple des lecteurs, qui n'a jamais pensé rechercher son Chateaubriand à travers l'histoire naturelle des
castors, des orignaux , des bisons, des rats musqués et des carcajoux ; encore moins dans la description de l'agave vivipare , de la senika ou du souche d'Amérique ; ni même dans l'énumération des moeurs, langues et gouvernements des indiens !

Quiconque a parcouru, même rapidement, les articles de M. Bédier peut se convaincre que les rapprochements introduits par ce dernier portent presque exclusivement sur des précisions techniques de géographie, de zoologie et de botanique. Il eût été au moins équitable de faire la distinction entre les deux ordres de littérature: l'érudite et la personnelle . Car la réalité de tels emprunts n'exclut pas la possibilité du voyage dans les régions décrites, si, d'autre part, on trouve dans le récit la marque d'impressions vécues. Or, malgré tout l'effort de cette critique tendancieuse, l' authenticité des impressions originales de Chateaubriand subsiste.
Elles se trouvent constituées par des notations qui sont presque exclusivement des
"tableaux de la nature". Ne vouloir y trouver que de la rhétorique, c'est ne posséder aucun sentiment du beau dans la nature. Car Chateaubriand évoque ses souvenirs avec une couleur et une sensibilité que l'on ne trouve ni dans la littérature ni dans la peinture qui le précèdent. Ces tonalités, il n' a donc pu les prendre ailleurs que sur place. Il est parvenu à fixer avec précision les aspects d' une nature qui n'est pas européenne et qui n'est plus celle des régions du nord de l'Amérique. Il a donc parcouru des pays d' un climat et d' une végétation subtropicales .
A la
critique quantitative de pourcentage d'emprunts, employée par l'école de Joseph Bédier, on peut donc opposer une critique qualitative qui tient compte de la valeur intrinsèque des textes. Le grand événement du voyage de Chateaubriand, c'est de lui avoir procuré des spectacles naturels inconnus de lui, qui l'ont étonné, ravi, transporté d`une émotion qu'il a pu exprimer avec une éloquence nouvelle. Cet élément d'inspiration originale ne représenterait-il que 10 % du tout , c'est encore celui-là que nous proclamerions l'essentiel, parce que, inimité par Chateaubriand, il reste inimitable. Ces visions personnelles de la nature américaine constituent le sujet même du Voyage. Nous défions quiconque de trouver des sources ( autres que l' inspiration originale, directe, sur le terrain ) à des pages telles que : le séjour chez les Onondagas, La Nuit chez les Indiens de l'Amérique, le Journal sans date, l'orage sur le fleuve, le coucher de soleil dans un site de la Floride, le bain et le sommeil avec les Floridiennes, le réveil de René sous le catalpa , la partie de pêche des Natchez, la lumière tropicale d' Atala... etc...
Il faut presque s'excuser d'en être réduit à utiliser une
critique esthétique dans une discussion qui était demeurée jusqu'ici sur le terrain de la géographie et de la philologie. Mais la valeur esthétique a pourtant son rôle scientifique à jouer dans les recherches de paternité des oeuvres d'art. . A nous de choisir comme experts des esprits qui possèdent les deux cordes, l'artiste et la scientifique.


Que conclure ? Le peu de précision que nous fournit Chateaubriand sur la plus longue partie de son séjour aux Etats-Unis n'autorise pas la négation de ses incursions sur l'Ohio et dans les Florides.
Pourtant on ne peut dissimuler que bien des obscurités persistent dans l'histoire de ce voyage. Mais, pour les élucider, la
"menterie" est une hypothèse trop simpliste, insuffisante et injustifiée. C'est ce que nous pouvons montrer pour finir.

De ce que Chateaubriand ne conte pas d'incidents, il ne s'ensuit pas qu'il ne lui soit rien arrivé.
Qui nous dit que certaines de ses aventures n'ont point passé dans ses romans ? Il l'a souvent laissé entendre. C'est peut-être ce qui s'est produit pour certains faits historiques. En novembre 1791, les Indiens des rives de l'Ohio écrasent deux mille hommes des troupes américaines du général Saint-Clair. La région était très dangereuse, sauf toutefois pour les Français. Chateaubriand ne parle pas de cet événement qu'il a dû cependant connaître, sinon sur le moment même, au moins dans les écrits consultés au moment de la rédaction du Voyage, "pour amener son récit jusqu'à l'époque actuelle". Si bien que l'on ne peut rien déduire de ce massacre quant à l'étendue du voyage vers le Sud. Car, même s'il avait imaginé son voyage, Chateaubriand n'avait pas de raison de taire cet événement considérable et bien connu.


Eh bien, qui nous empêche de penser que, comme le
René des Natchez, il s'était lié avec des Indiens en rébellion contre les blancs ? N'est-ce pas la raison de son mutisme sur le massacre de l'armée de Saint-Clair ? Quand Chateaubriand a quelque chose à nous cacher, il devient vague et lacunaire. Son mode de dissimulation n'est pas le renchérissement mais la réticence.
Aussi croyons-nous que l'imprécision de cette partie du voyage est en partie voulue. Non pas qu'il n'ait point vu l'Ohio, le Mississippi et les Florides, mais parce qu'il désirait nous voiler quelques épisodes de son existence.
C'était son droit de transposer ses expériences dans ses romans et de les omettre dans ses Mémoires. Joseph Bédier émet , quant à lui, une hypothèse qui nous semble inadmissible psychologiquement, car elle expliquerait tout par une opération semi-consciente, par autosuggestion : Chateaubriand aurait fini par croire qu'il avait voyagé dans des régions qu' en fait il avait seulement parcourues en imagination. C'est la thèse psychologique du voyage imaginaire : "La poétique légende du Voyage en Amérique offre en effet un exemple achevé d'autosuggestion. C'est un beau cas." (Bédier). Mais il n'est pas permis de formuler une hypothèse psychologique en l'air, sans apporter d'autres preuves, en rapport avec l'ensemble du caractère de l'individu. Or, rien de ce que l'on connaît de l'activité intellectuelle de Chateaubriand n'est de cet ordre. N'oublions pas que ce que l'on peut reprocher à Chateaubriand, ici, c'est le manque de détails, non l'abondance. Or, les Tartarins, les vantards et les menteurs pèchent par excès, non par défaut. Relisons Chateaubriand.

" Ici, le manuscrit original de mes voyages n' offre plus qu' une masse informe de feuilles volantes, mêlées, déchirées, rongées par l'humidité, sans ordre, sans suite, souvent illisibles. On y trouve des descriptions de la nature, des fragments d'un journal sans date, ou n'en ayant d'autres que celles des heures, des notes sur la botanique, évidemment destinées à M. de Malesherbes. Le poète avait vaincu le voyageur ; j'errais pour errer sans autre but que de rêver. "

Aussi l' hypothèse la plus raisonnable se résout-elle à accepter ce que Chateaubriand nous dit, tout bonnement, sans se perdre en conjectures non vérifiables."


Extrait de CHATEAUBRIAND, par H. LE SAVOUREUX, éd. Rider, 1930

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"Apprécier" les ETATS-UNIS...

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CHATEAUBRIAND Mémoires d' Outre-Tombe, 1ère partie, livre VIII, chapitre 6

JUGEMENT SUR LES ÉTATS-UNIS

"Il est difficile de créer une patrie parmi des États qui n'ont aucune communauté de religion et d'intérêts, qui, sortis de diverses sources en des temps divers (1), vivent sur un sol différent et sous un différent soleil. Quel rapport y a-t-il entre un Français de la Louisiane, un Espagnol des Floride, un Allemand de New-York, un Anglais de la Nouvelle-Angleterre, de la Virginie, de la Caroline, de la Géorgie, tous réputés Américains? Celui-là léger et duelliste, celui-là catholique, paresseux et superbe (2) ; celui-là luthérien, laboureur et sans esclaves (3) ; celui-là anglican et planteur avec des nègres (4) ; celui-là puritain et négociant (5) ; combien faudra-t-il de siècles pour rendre ces éléments homogènes!
Une aristocratie chrysogène
(6) est prête à paraître avec l'amour des distinctions et la passion des titres. On se figure qu'il règne un niveau général aux Etats-Unis : c'est une complète erreur. Il y a des sociétés qui se dédaignent et ne se voient point entre elles ; il y a des salons où la morgue des maîtres surpasse celle d'un prince allemand à seize quartiers (7). Ces nobles plébéiens aspirent à la caste, en dépit du progrès des lumières qui les a faits égaux et libres. Quelques-uns d'entre eux ne parlent que de leurs aïeux, fiers barons, apparemment bâtards et compagnons de Guillaume-le-Bâtard (8). Ils étalent les blasons de chevalerie de l'ancien monde, ornés des serpents, des lézards et des perruches du monde nouveau. Un cadet de Gascogne abordant avec la cape et le parapluie au rivage républicain, s'il a soin de se surnommer marquis , est considéré sur les bateaux à vapeur (9).L'énorme inégalité des fortunes menace encore plus sérieusement de tuer l'esprit d'égalité. Tel Américain possède un ou deux millions de revenu - aussi, les Yankees de la grande société ne peuvent-ils déjà plus vivre comme Franklin (10) : le vrai gentleman , dégoûté de son pays neuf, vient en Europe chercher du vieux ; on le rencontre dans les auberges, faisant, comme les Anglais avec l'extravagance ou le spleen, des tours en Italie. Ces rôdeurs de la Caroline ou de la Virginie achètent des ruines d'abbayes en France, et plantent, à Melun, des jardins anglais avec des arbres américains. Naples envoie à New-York ses chanteurs et ses parfumeurs, Paris ses modes et ses baladins, Londres ses grooms et ses boxeurs : joies exotiques qui ne rendent pas l'Union plus gaie. On s'y divertit en se jetant dans la cataracte de Niagara, aux applaudissements de cinquante mille planteurs, que la mort a bien de la peine à faire rire.
Et ce qu'il y a d'extraordinaire, c'est qu'en même temps que déborde l'inégalité des fortunes et qu'une aristocratie commence, la grande impulsion égalitaire au-dehors oblige les possesseurs industriels ou fonciers à cacher leur luxe, à dissimuler leurs richesses, de crainte d'être assommés par leurs voisins. On ne reconnaît point la puissance exécutive, on chasse à volonté les autorités locales que l'on a choisies, et on leur substitue des autorités nouvelles. Cela ne trouble point l'ordre ; la démocratie pratique est observée, et l' on se rit des lois posées par la même démocratie, en théorie
(11) . L'esprit de famille existe peu ; aussitôt que l'enfant est en état de travailler, il faut, comme l'oiseau emplumé, qu'il vole de ses propres ailes. De ces générations émancipées dans un hâtif orphelinage et des émigrations qui arrivent de l'Europe, il se forme des compagnies nomades qui défrichent, les terres, creusent des canaux et portent leur industrie partout sans s'attacher au sol ; elles commencent des maisons dans le désert où le propriétaire passager restera à peine quelques jours (12) .
Un égoïsme froid et dur règne dans les villes ;
piastres (13) et dollars, billets de banque (14) et argent, hausse et baisse des fonds, c'est tout l' entretien ; on se croirait à la Bourse ou au comptoir d'une grande boutique. Les journaux, d'une dimension immense, sont remplis d'expositions d'affaires ou de caquets grossiers. Les Américains subiraient-ils, sans le savoir, la loi d'un climat où la nature végétale paraît avoir profité aux dépens de la nature vivante, loi combattue par des esprits distingués, mais non pas tout à fait mise hors d'examen par la réfutation même ? On pourrait s'enquérir si l'Américain n'a pas été trop tôt usé dans la liberté philosophique, comme le Russe dans le despotisme civilisé.
En somme, les États-Unis donnent l'idée d'une colonie et non d'une patrie-mère : ils n'ont point de passé, les moeurs s'y sont faites par les lois. Ces citoyens du Nouveau-Monde ont pris rang parmi les nations au moment que les idées politiques entraient dans une phase ascendante : cela explique pourquoi ils se transforment avec une rapidité extraordinaire. La société permanente semble devenir impraticable chez eux, d'un côté par l' extrême ennui des individus, de l'autre par l'impossibilité de rester en place, et par la nécessité de mouvement qui les domine : car on n'est jamais bien fixé là où les
pénates (15) sont errants. Placé sur la route des océans, à la tête des opinions progressives aussi neuves que son pays, l'Américain semble avoir reçu de Colomb plutôt la mission de découvrir d'autres univers que de les créer."


Chateaubriand Mémoires d' Outre-Tombe, 1,VIII, 6


NOTES

1. Allusion à l'immigration européenne en Amérique du Nord au cours des XVIIè et XVIIIè siècles.

2. Images typiques du Français et de l'Espagnol (superbe : orgueilleux).

3. Les Allemands, mêlés à d'autres Européens, habitaient les États du Centre, occupant les villes et des propriétés de toutes sortes.

4. Allusion aux grandes plantations anglaises des États du Sud.

5. Allusion aux puritains anglais qui, chassés par une crise économique, émigrèrent en 1620 sur la May Flower vers la côte Nord.

6. Née de l'or.

7. Quartiers de noblesse ; les nobles allemands passaient pour les plus vaniteux.

8. Duc de Normandie, puis roi d'Angleterre, héros de la bataille d'Hastings (1066).

9. Fulton avait instauré en 1807 un service régulier de bateau à vapeur sur l'Hudson , symbole du monde nouveau juxtaposé au monde traditionnel .

10. Le célèbre négociateur de l'Indépendance américaine avait conquis les Français par sa bonhomie.

11. Ces divergences entre les principes fédéralistes (Constitution de 1787) et les exigences propres à chaque État ont toujours été une source de difficultés.

12. Jusqu'en 1850, les pionniers continuent la poussée territoriale vers le Pacifique.

13. Monnaie des pays de langue espagnole.

14. Leur émission avait été réclamée lors de la crise économique de 1783 (allusions aux divergences d'intérêts entre les riches colons et les pionniers).

15. Le foyer ; utilisation plaisante d'une image latine.


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SCÈNES DE LA VIE FUTURE
"Roman" de l' écrivain français Georges DUHAMEL ( 1884 - 1966 ), publié en 1930. Malgré l'humour, malgré l'ironie et l'apparente allure de pamphlet , cet ouvrage est un cri d'angoisse provoqué par la vue d'une civilisation fausse dont le plus grand tort, aux yeux de Duhamel, est de diminuer, jusqu' à les réduire à néant, le rôle et donc la dignité de la personne humaine. Pour lui, les Etats-Unis offrent l'image de ce que seront demain les peuples de l'Ancien Monde, si nul d'entre nous n'y met bon ordre, d'où le titre indiquant le dessein du livre...

Ainsi, l'auteur affirme-t-il son dédain pour tout ce qui tend, dans la civilisation européenne, de plus en plus américanisée, à faire reculer la liberté devant la réglementation, à faire disparaître l'initiative et l'enthousiasme au profit de l'automatisme exigé par la machine, à perdre l'individu dans l' immense tourbillon de la collectivité. Duhamel ne peut croire que la civilisation soit seulement une sorte de conformisme universel qui supprime la pensée.
Le plus souvent, l'intérêt du livre se tient dans le
ton inimitable de fine raillerie et dans le choix ingénieux et spirituel des détails révélateurs. Il ne faut pas s'attendre à une histoire... Duhamel lui-même laisse entendre qu' il ne peint que l'envers d'une civilisation, laissant à d'autres le soin d'en présenter l'endroit. Ses tableaux, tels quels, ont une verve et une saveur qui font tout accepter : bouderie, brusquerie, exagération, caricature. Ainsi peut-on percevoir la disproportion entre les efforts ambitieux des hommes et leurs misérables réalisations, l'insondable profondeur de la sottise et de l'ignorance, la valeur illusoire de ce que nous appelons orgueilleusement le "progrès".

Le désenchantement n'est amer que par instants : le plus souvent, il sait faire jouer, à travers la satire, le miroitement d' une agréable ironie. A travers tableaux, anecdotes et formules définitives, c'est l'Amérique et son appétit dérisoire qu'il vise - et plus loin encore l'humanité, sous le déguisement universel de ses modes d' action, de ses sentiments et de ses espoirs.

L'auteur triomphe dans la forme. La richesse et l'imprévu du vocabulaire, le mouvement et la vigueur incisive du dialogue, la force des sous-entendus et des réticences sont un enchantement pour l'esprit.


Article extrait du Dictionnaire des oeuvres Collection "Bouquins" Laffont 1986

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Prenez des NOTES !...

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Activités
Certains écrivains américains, tel Henry JAMES, se tournent, au début du siècle, vers une Europe où ils croient trouver un refuge sûr et durable, face au matérialisme de la collectivité américaine. Or, l'américanisation de l'Europe ne tardera guère... et c'est à ce phénomène que s'en prend Georges DUHAMEL en 1930... après un séjour aux USA.
Argumenter, réfuter, développer un point de vue... à la manière de G. Duhamel.

Cf. séquence 2 en Salle de Français

 

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U.S.A. en vue...

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Arrivée

Le matin du second jour, sentant les mouvements du navire diminuer, je compris que nous venions d'entrer dans le Mississippi. La lumière de l'aurore ne tarda pas à me montrer la triste campagne du delta. Je m'installai tout aussitôt sur le pont pour admirer le grand fleuve aux eaux jaunes. Nous en remontâmes le courant pendant plusieurs heures. Enfin, nous aperçûmes les fumées et les buildings de la Nouvelle-Orléans. Le fleuve, au sortir de la ville, décrit une large boucle, et c'est là que les navires mouillent, pour les opérations de police et d'hygiène. Nous dûmes patienter presque trois heures d'horloge avant que les officiers préposés à ces divers services daignassent se déranger. Enfin, parut le médecin.

C'était un jeune médecin en uniforme militaire, botté, harnaché comme pour une expédition coloniale. Il prescrivit que les passagers, au nombre d'une centaine environ, fussent rangés sur le pont-promenade, en une seule file et au complet.
Il vint alors sur nous, suivi d'un infirmier qui portait un bloc de bois foré d'une infinité de petits trous. De chacun de ces petits trous, le médecin tirait un thermomètre. Avec des gestes raides, précis, automatiques, il introduisait cet instrument dans la bouche d'un passager. Puis il passait au suivant. Nous eûmes tous bientôt l'air de fumer la cigarette. Le temps de parcourir le front du troupeau, et le médecin revint, au pas accéléré, vers les premiers patients. Il commença de retirer les thermomètres qu'il examinait avec soin et plongeait ensuite dans une solution antiseptique.
L'opération terminée, non sans de tranchants commentaires, l'officier regagna le bout de la file et, se plaçant devant chacun des passagers, lui fit, de l'index, bâiller la paupière inférieure pour examiner l'aspect et le coloris de la membrane conjonctive.
Cette scène étonnante me rappela le début des
Morticoles , et je m' attendais à recevoir, de force ou de gré, quelque douloureuse injection de vaccin, quand le médecin, surgi de nouveau devant moi, tenta de glisser un doigt sous mes lunettes. Je n' aime pas beaucoup qu'un monsieur, même diplômé à cet effet, palpe quelque partie que ce soit de ma personne après avoir manipulé plusieurs douzaines de mes semblables. En peu de mots, j'avertis l'officier que j' étais médecin moi-même, que je n'avais ni trachôme ni conjonctivite d'aucune sorte et que je jugeais son examen superflu. Il eut un geste de dépit, tel un clerc contrarié dans l'accomplissement d'un rite et , non sans hésitation, se tourna vers mon voisin.
-
Avez-vous, me dit le commissaire, quand j'obtins de nouveau licence de me promener sur le pont, avez-vous rempli et signé la déclaration concernant les objets que vous comptez soumettre à la douane ?
- Mais, fis-je, je ne porte rien qui mérite déclaration.
- Ne vous hâtez pas de l'affirmer, dit le commissaire du bord. Lisez d'abord soigneusement la liste des objets ou matériaux dont l'importation est interdite. Les États-Unis protègent tout ce qu'ils fabriquent dès maintenant, tout ce qu'ils fabriqueront plus tard, tout ce qu'ils pourraient fabriquer s'ils en avaient jamais la fantaisie. Vous souriez ? Vous avez tort. Voulez-vous un exemple ? La douane américaine frappe durement les clavecins, qu'on ne fabrique pas ici, mais que l'on fabriquera probablement bientôt. On s'avisera sans doute aussi de fabriquer des antiquités. Avant de toucher le "nouveau monde", dites-vous bien que, dans l'ordre matériel, ce pays dispose d'une puissance qui ne semble jamais atténuée par le doute. Les Etats-Unis fournissent le monde entier de fruits frais, en sorte que, dès maintenant, chez nous, les arbres se découragent. Avant dix ans, l'Amérique aura trouvé le moyen de nous expédier des roses. Cher Monsieur, lisez votre liste et signez, c'est - à - dire, jurez.
- Mais, dis-je, au cours d'une vie passablement vagabonde, c'est la première fois que je présente à la douane une déclaration écrite.
- Que voulez-vous? A moins qu'il soit annoncé par une prodigieuse réputation de boxeur ou de pitre, le voyageur qui prétend aborder aux États-Unis, surtout dans un port secondaire, doit s'armer de patience. Bah ! vous serez dédommagé de ces menues misères par l'affable hospitalité de vos hôtes américains. L'empressement des citoyens peut encore faire oublier la brutalité des institutions. Tenez ! On vous hèle du wharf .
Des amis, en effet, multipliaient les signaux. Pourtant, deux heures se passèrent en palabres administratives avant qu'ordre nous fût donné d'aller enfin sur le quai rejoindre nos bagages.
- Il semble que ce soit fini, dis-je au docteur de la main. - C'est à peu près fini pour votre entrée, fit-il. Mais il vous faudra sortir. L'Amérique est le seul pays du monde qui demande au voyageur, avant de le laisser s'enfuir, une déclaration signée concernant les bénéfices qu'il a pu faire pendant son séjour sur le territoire de l'Union. Cela vous fait rêver ? - Oui. Je pense, fis-je, que les étrangers qui débarquent en France, dans notre vieux port du Havre, sont transportés, en cinq minutes, avec toutes sortes d'égards, dans les voitures du chemin de fer. Je pense qu'avant la guerre, j' ai parcouru la moitié de l'Europe, portant, pour toute pièce d'identité, une vieille carte de visite. Je pense... Le docteur haussa cordialement les épaules.
- Nous ne sommes plus « avant la guerre » et vous n'êtes pas en Europe.

Je lui rendis sa poignée de mains, fis quatre pas qui me vieillissaient, chacun, d'une dizaine d'années, et je me trouvai dans le monde futur.


Georges DUHAMEL

Scènes de la vie future
chap. 1, Abord du monde futur
pages 13 à 18 ( extraits )

Ed. Fayard , coll. Le livre de demain 1934

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Allez au CINÉMA !...

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INTERMÈDE CINÉMATOGRAPHIQUE
OU LE DIVERTISSEMENT DU LIBRE CITOYEN

( Accompagné de PITKIN, son hôte américain, Georges DUHAMEL part à
la découverte d' un cinéma de Chicago... )

- Toutes ces lumières, dit Pitkin, c'est là que nous allons. C'est le cinéma.
Puis il murmure en regardant le ciel :
-
Un cinéma réellement splendide. L' un des plus grands du monde. Vous allez voir.
Il articule cette phrase d'un air faussement détaché. Je vois bien qu'il se rengorge. Que ce cinéma soit riche et "réellement splendide", il en éprouve une sorte d'orgueil personnel. Pitkin, homme intelligent et cultivé, Pitkin est fier d'appartenir au grand pays qui peut édifier des cinémas aussi considérables.
-
C'est dimanche, me dit-il. Nous devrons payer un dollar par place. Tous ces gens que vous voyez ici, faisant la queue, payent également un dollar. Le cinématographe est une chose démocratique.
C'est vrai. Ces gens payent tous très cher leur plaisir favori. Ils payent cher le droit d'attendre, tassés le long du building, sous une petite pluie finement mêlée d'escarbilles, leur admission dans le sanctuaire des
"movies", dans le temple des images qui bougent.

Comme il y a foule et que nous ne renonçons pas à notre propos, force nous est de prendre rang dans la queue. Les gens qui composent cette queue ne parlent guère. Ils patientent, l' oeil trouble, déjà prêts à l'hypnose qui les saisira bientôt, dans l'ombre enchantée. De temps en temps, le building semble déglutir par ses bas orifices un notable tronçon de la queue... Elle se reforme et, de nouveau, bourgeonne, s'allonge.

Une secousse encore et nous voici dans l' antre du monstre. C'est là que le pèlerin présente l'obole, le dollar. C'est là que des valets en livrée princière divisent la foule et la poussent, par larges palerées, vers les jabots du Gargantua. Nous traversons, au pas de course, des foyers spacieux et déserts. Le sol est assourdi par des tapis imitant les tapis d'orient. Aux murs, des tableaux où je reconnais les copies de toiles illustres et hideuses. Sur des socles, mille statues en matière plastique et translucide qui semblent des allusions à la sculpture grecque et que des lampes électriques éclairent ingénieusement par l'intérieur.
-
C'est riche ! fait Mr. Pitkin d'un air ambigu, pour le cas où j' admirerais.
C'est vrai. Un luxe de grand lupanar bourgeois. Un luxe industriel, fabriqué par des machines sans âme pour une foule que l'âme semble déserter aussi. Un luxe d'uniforme que l'on peut retrouver, d'un bout à l'autre de l'Union, dans tous les établissements du même genre. Mais n'allons pas nous égarer en oiseuses méditations. Nous voici, de nouveau, poussés, tels des animaux de boucherie, entre deux rampes de corde. Nouvelle queue, nouvelle attente dans l'oesophage du monstre. De cinq minutes en cinq minutes, les portes s'ouvrent et lâchent, dans une bouffée de musique et de nuit, une cinquantaine de gaillards qui semblent anesthésiés, qui sortent du plaisir comme ils sortent du restaurant ou du bureau, avec une funèbre indifférence. Immédiatement, les spectateurs gavés sont remplacés par un nombre égal de spectateurs à jeun, pour que la salle demeure comble. Quelques minutes passent et, soudain, vient notre tour. Nous sommes poussés dans l'abîme d' oubli.
Encore des cordes, encore des barrières. Encore des valets dédaigneux qui nous guident, comme les gendarmes font les recrues, au conseil de révision. Nouvelle station préalable, en attendant que des places assises soient libres. Cependant, nous sommes à l'intérieur du temple et nous voyons les images. Elles passent, là-bas, quelque part, dans une bousculade frémissante, comme les éclairs d'un orage. Elles ont l'air toutes proches. Elles disent quelque chose, sans doute. Une histoire dont nous ne savons rien encore et qui ne peut s'emparer de nous tout de suite. La foule, alentour, dans l'ombre, est paisible et comme somnolente. De temps en temps, elle rit, et nous comprenons alors que c'est une très grande foule...

Bon Français que je suis, j'attends ma place assise et j'y pense comme à mon dû. Pitkin, déjà, participe. Il s'exerce à reconnaître les visages suspendus, là-bas, dans la nuit. Pitkin a l'habitude. Il devine, dès l'abord, que l'histoire approche du dénouement. Entendre le début après avoir entendu la fin, c'est la nouvelle façon de lire et de vivre. Cela ne compromet pas l'émotion américaine. Quoi ! Le spectacle roule, comme l'humanité, comme les astres ! On le prend, ce spectacle, où on le trouve. On attend une révolution complète et l'on se retire, gavé. On en a pour son dollar. On se retire bien sagement.

Ah ! Une brève bousculade. Et nous nous trouvons assis. Les fauteuils sont assez bons. Le confort américain. Le confort des fesses. Un confort purement musculaire et tactile.

Si je quitte les images une seconde, si je lève les yeux au plafond, j'aperçois un ciel où clignotent des étoiles et que parcourent des nuées légères. Bien entendu, c'est un faux ciel, avec de fausses étoiles, de faux nuages. Il nous verse une fausse impression de fraîcheur. Car, ici, tout est faux. Fausse, la vie des ombres sur l'écran, fausse, l' espèce de musique répandue sur nous par je ne sais quels appareils torrentueux et mécaniques. Et, qui sait ? fausse, aussi, cette multitude humaine qui semble rêver ce qu'elle voit et s'agite parfois, sourdement, avec des gestes de dormeur. Tout est faux. Le monde est faux. Je ne suis peut-être plus, moi-même, qu'un simulacre d' homme, une imitation de Duhamel...

... « Évidemment, que l'officier de la garde ait souffleté ce libre paysan, voilà qui n'est pas tolérable... »
Je sens encore toutes les parties de mon corps, mais je commence à ne plus très bien sentir mon âme. Tout à fait comme chez le dentiste. La place de mon âme devient dure, étrangère, douloureusement étrangère. Est-ce qu'on va me l'arracher, mon âme, comme chez le dent...

... " Que le jeune paysan se révolte ! Il a bien raison. Et qu'il fuie son indigne patrie, qu'il imite ses frères aînés et s'embarque à son tour pour la libre Amérique..."

Je ne peux déjà plus penser ce que je veux. Les images mouvantes se substituent à mes propres pensées. La musique... C'est vrai ! La musique ! Qu'est donc cette musique ? On l'entend sans l'écouter. Elle coule comme le vent, elle passe comme un insensible vent. Allons ! Un effort de protestation. Que j'écoute cette musique ! Je veux ! Je veux ! Je veux écouter cette musique et non pas seulement l'entendre.

Je le pensais bien : c'est de la fausse musique. De la musique de conserve. Cela sort de l'abattoir à musique comme les saucisses du déjeuner sortaient de l'abattoir à cochons. Oui ! Il doit y avoir, là-bas, quelque part, dans le centre du pays, une immense bâtisse de brique noire, enjambée, pourfendue par les arches d'un "elevated". C'est là qu'on tue la musique. Elle est égorgée par des nègres, comme les gorets du middle-west. Elle est assommée par des brutes lasses, à moitié endormies. On la dépèce, on la sale, on la poivre, on la cuit. Cela s'appelle "les disques". C'est de la musique en boîtes de conserve.

Attention ! Attention ! Je viens de reconnaître... Quoi donc, grands Dieux ! Ce torrent bourbeux charrie tant de choses ! Du recueillement ! Du calme ! Je ferme les yeux pour éloigner les images, pour écouter avec force et sévérité. Ah ! je ne suis pas encore un ilote. Je ne suis pas d'ici. Je suis un homme libre. Je fais encore ce que je veux. Je sais encore ce que je fais.

Voilà : c'est une sorte de pâte musicale anonyme et insipide. Elle passe, elle coule. Elle est truffée de morceaux connus, choisis probablement pour leurs rapports momentanés au "texte" cinématographique. Les fiancés doivent traverser l'écran, car, de cette mélasse musicale, surgit tout à coup la
marche nuptiale de Lohengrin. Dix mesures, pas plus. Par quel miracle s'enchaînent-elles soudain à la symphonie militaire de Haydn ? C'est, sans doute, que l'écran vient de vomir un défilé d'infanterie. Ouvrons l'oeil et vérifions. De la cavalerie, maintenant ! J'aurais dû m'en douter : voici le premier allegro de la symphonie en la de Beethoven. Puis, de nouveau, la filandreuse pâte intermédiaire. Et pourtant... Ma parole! Nulle erreur possible. Est-ce parce qu'on s'embrasse, là-haut, que ces charcutiers ont osé glisser quatre mesures de Tristan ? Puis la mélasse encore. Eh quoi ? Ah ! misère ! La symphonie inachevée ! Trésor et victime des cinémas. Pauvre symphonie ! Elle n'a jamais été plus gravement inachevée qu'ici. Et quoi ? Déjà le jazz ? Et il n'y a personne pour crier à l'assassin ? Cette foule somnole, mâche de la gomme, rote, soupire, lâche parfois un rire intestinal, digère dans l'ombre en contemplant les images hystériques. Et nul ne crie à l'assassin ! Car, ici, on assassine les grands hommes. Toutes ces oeuvres que nous avons, dès l'adolescence, balbutiées avec notre coeur plus encore qu'avec nos lèvres, tous ces chants sublimes qui furent, à l'âge des grandes amours, notre pain, notre étude et notre gloire, toutes ces pensées qui représentaient la chair et le sang de nos maîtres, on les a dépecées, hachées, mutilées. Elles passent, maintenant, comme de honteuses épaves, sur ce flot de saindoux tiède. Et il n'y a personne pour crier au meurtre. Moi-même, je ne crie pas, je ne souffle pas mot. Tout ce que j'aimais... Le robinet de musique est ouvert.

Le robinet d'images aussi. Cela continue, là-haut. Ou plutôt, cela se termine. Deux visages dont le grossissement montre le maquillage, la vaseline, la laideur, les saletés, deux visages s'approchent, lentement, et se joignent, bouche à bouche. Parker P. Pitkin se penche vers mon oreille et murmure :
-
Il y a une nouvelle loi. Cela ne peut excéder sept pieds.
- Quoi ?
- Le baiser sur la bouche. Autrefois, ces baisers duraient si longtemps qu'on a fait une loi. Pas plus de sept pieds.
-
Je ne comprends pas.
-
Eh bien ! pas plus de deux mètres vingt, environ, sur la bande, sur le film. C'est déjà considérable. Réfléchissez.
Je ne peux pas réfléchir : trop de bruit, trop de mouvement. Les gens entrent et sortent sans cesse. Nulle songerie n'est possible. Ce n'est pas une salle de spectacle, c'est un vestibule, un courant d'air, une place publique, une salle des pas perdus, des heures perdues, de toutes les espérances et de toutes les illusions perdues.
Le grand film dramatique "sonore" vient de prendre fin. Voici le divertissement de music-hall, celui qui, dans toute l'étendue de la fédération, coupe, de deux en deux heures, l' épanchement des cinémas. D'une fosse, un orchestre a surgi, véritable, celui-là, un orchestre qu'une puissante machine élévatoire présente sur un plateau. L'orchestre s'évertue dans les plus pures et les plus cruelles couleurs du spectre. Parfois, les grandes orgues éclatent, comme à l'église. Car le cinéma remplace tout, procure tout, contient un abrégé de tout. A peine les orgues calmées, cinquante girls, surgies dans une lumière de féerie chimique, lèvent la jambe et montrent nues jusqu'à la racine les cuisses de la pudibonde Amérique. On ne fait que les entrevoir. Tout cela dure trente secondes. Les plaisirs "se succèdent" en une bousculade vertigineuse. Il ne faut pas que le citoyen s'ennuie, c'est-à-dire qu'il se réveille de son sommeil de ruminant. Vingt secondes pour le
« chanteur à voix », dont la voix, égarée dans l'énorme vaisseau, donnera bientôt à mesurer la puissance des images parlantes. Trente secondes, quarante secondes pour les jeunes fantaisistes au pantalon charleston, au veston rase-pet, qui surviennent au pas de course, débitent quatre balivernes et repartent au pas de course, symboles vivants du jeune Américain qui joue sa chance, sympathique, illettré, résigné, anonyme, fabriqué en série, dans les nuits "standard", fabriqué par une défaillance du malthusianisme national.

Allons, ne rêvons pas. Trente secondes aux musiciens grotesques. Dix secondes à l'acrobate. Allons, allons ! Plus vite ! Plus vite ! Tout de suite, la suite ! Et la suite de la suite ! Que l' orchestre se renfonce dans sa cave. Que l'écran laisse filtrer les ondes
évanescentes de la publicité multicolore. Ah ! les actualités parlantes ! Le dernier discours de Mr. Hoover, discours qui s'échappe avec ordre d'un sourire des joues bien pleines, d' un sourire laborieux, mais photogénique. Puis, le nègre chanteur. Un peu long ...deux minutes, une véritable erreur. Le professeur de gymnastique, espèce de femme-serpent qui veut nous apprendre à respirer. Que ne puis-je lui apprendre à être belle ! Allons, ne vous endormez pas, c'est-à-dire ne vous réveillez pas ! Voici le grand film ! Nous allons voir le commencement de cette fameuse fin. Attention ! La musique, encore. L'égout musical qui charrie, comme des épluchures, les débris de nos plus beaux rêves. Et, déjà, les images. Elles passent, c'est le mot. Alors que toute oeuvre digne de ce nom cherche à demeurer, elles passent, ces images qui ne représentent pas la vie, mais un monde à part, le monde cinéma, où tout est faux, arbitraire, absurde. Les images dont une quelconque, isolée, immobile, apparaît, par son échelle, ses dimensions, sa mise en page, ses trucs, ses conventions, ses poncifs, ses accessoires, ses costumes, sa gesticulation, apparaît, dis-je, comme prodigieusement étrangère à ce que nous savons de la vie véritable et vivante.

Cette fois, parfaitement ressaisi, maître de moi comme de ce misérable univers, sûr de mon jugement, je ferme les yeux et, dans mon esprit bien étanche, impénétrable, incorruptible, j' instruis paisiblement le procès.


Georges DUHAMEL

Scènes de la vie future
chap. III , pages 24 à 29

Ed. Fayard, coll. LE LIVRE DE DEMAIN
juillet 1934


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Liberté chérie...

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LIBERTY

L' auteur, Georges Duhamel, s' entretient avec son hôte américain, Mr. Pitkin, de l'évolution de la société américaine et des dangers que fait peser sur les libertés individuelles une bureaucratie plutôt tatillonne...


- La liberté, je crois vous l'avoir déjà dit, M. Duhamel, n'est pas dans les institutions, mais dans le sentiment que nous en prenons. Nous sommes le peuple le plus libre de la terre.
-
Je sais. Voyez plutôt. J'ai, dans ma poche, plusieurs petites pièces de votre monnaie sur lesquelles est imprimé le mot liberty . Et que voyez-vous, juste sous ce mot ? Une figure d'Indien ou de bison . O ironie ! Deux races vivantes et libres que vous avez anéanties en moins de trois siècles. Au reste, cher monsieur, mes réflexions d'étranger trouvent à s'alimenter dans les écrits mêmes de vos plus illustres concitoyens. Et je ne parle pas de vos poètes qui, presque tous, se détournent avec amertume de leur terre natale. Je parle de vos philosophes sociaux et de vos hommes d'État qui considèrent la marche de votre civilisation et ne dissimulent pas leur angoisse. J'ai noté, sur mes tablettes, certaines phrases de Mr. Hugues qui vous étonneront peut - être : "La liberté , dit cet homme sage, a besoin maintenant de sauvegarde et de protection contre les efforts organisés et contre la bureaucratie, afin que les citadelles de la liberté individuelle ne capitulent pas. Nos institutions n'ont pas été faites pour amener l'uniformité d'opinion ; s'il en était ainsi, nous pourrions abandonner tout espoir. "Je ne vous donne pas ces phrases pour des modèles d'éloquence. Telles, pourtant, elles disent quelque chose, quelque chose de fort, de terrible. Avouez, cher Pitkin, que cette brillante civilisation dont l'Amérique est, aujourd'hui, le protagoniste, le héraut, le prophète, semble nous conduire vers une de ces périodes qui figurent, dans l'histoire de l'esprit, comme de mornes lacunes, vers une de ces périodes où le voeu le plus cher de l'homme vraiment libre est de chercher refuge au désert. Malheureusement, il n'y a plus de désert. Partant, plus d'espoir de refuge. Les gens qui, jadis, ont conquis, labouré, peuplé l'Amérique venaient vers elle pour fuir des pays incléments. Ils devaient être, comme le dit admirablement Baudelaire, " joyeux de fuir une patrie infâme ..." Et voilà donc ce qu'ils ont édifié : cette patrie dure, âpre, féroce, où la liberté n' est qu' un vocable électoral.
Mr. Parker Pitkin se gratte la tête. Il semble troublé, si bien que j'en ai du remords.

- C'est vrai, dit-il enfin. Nous sentons obscurément ces choses. Nous avons même, par-ci, par-là, formé des ligues.
- Parfait ! cher Pitkin. Formez, formons des ligues. J'en ai plusieurs à vous offrir.
- Méfiez-vous ! Ici, les idées les plus étranges font parfois leur chemin. - Tant mieux donc ! Je vous propose d'abord de constituer une ligue pour la pratique du scandale public - Oh ! dit Pitkin en fermant les yeux, ne plaisantez pas sur un tel sujet.
- Mais si ! Mais si, monsieur Pitkin. Et mon scandale, à moi, n'est pas ce que vous croyez. Sera membre de la ligue tout citoyen qui voudra bien accomplir, chaque jour, un acte de non-conformisme, oh ! même très modeste ; par exemple faire repriser ses chaussettes, refuser l'ascenseur et demander l'escalier, se priver de cinéma, ne pas acheter d'automobile à crédit, refuser une marque de savon dont le propriétaire avoue faire, chaque année, pour deux millions de réclame, se promener familièrement avec un ami noir, ne pas prononcer le mot standard , offrir sa place dans le subway à une vieille dame, sourire, chanter, se promener sans but, etc...etc...
- Ah ! monsieur Duhamel, vous n' êtes pas sérieux.
- Seconde ligue ! Écoutez : ligue pour développer et favoriser la désobéissance aux lois ridicules ou oppressives.
- Hélas ! dit Mr. Pitkin. Ce besoin de désobéissance a fait de grands progrès depuis la loi de prohibition .
- En ce cas, monsieur Pitkin, hourra pour la loi de prohibition ! Je continue. Troisièmement : grande ligue pour apprendre à ne rien faire.
- Que voulez - vous dire ?
-
Par ne rien faire , j' entends s'arrêter parfois d'agir afin de réfléchir un peu.
-
Décidément, fait Parker P. Pitkin, vous n'êtes pas sérieux. Jamais vous ne ferez entendre ici des choses pareilles. Allons ! Nous avons beaucoup parlé, venez vous rafraîchir.Voulez-vous un verre de coca-cola ? Un verre de root-beer ? C 'est de la bière de racines, de la bière pour rire, bien entendu. Mille excuses, j'offre ce que j'ai.
- Cher Pitkin, laissons les ligues. Ce qu'il faut trouver, dans l'intérêt de l'Amérique d'abord et bientôt du monde entier, c'est la raison profonde et secrète du mal.
- De quel mal parlez-vous ? Le mal de la liberté ? Mais n'y pensez pas tant. Faites comme nous et tout s'arrangera. Comment trouvez-vous nos boissons sans alcool ?

- Très mauvaises, cher Pitkin. J'ai regret à le dire. Absolument mauvaises et sans pouvoir social. Rappelez-vous que le gouvernement soviétique a conservé l'alcool. Et c'est d'une habileté machiavélique. Ce n' est pas avec un gobelet de coca-cola qu'un citoyen inquiet peut oublier son tourment. En vérité, la prohibition fera peut-être le salut de l'Amérique, mais pas comme vous le pensez.


Georges DUHAMEL
Scènes de la vie future
Ch. IV, Petit dialogue sur le sentiment de la liberté
pages 33 à 38 ( extrait )

Ed. Fayard, coll. Le livre de demain

juillet 1934

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Un paysage : CHICAGO...

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CHICAGO : PAYSAGE...

Quelques pas, et nous nous trouvons sur les degrés d'un escalier de pierre, au bord du fleuve Chicago.
Je te salue, vieux fleuve ! Sur tes bords marécageux et déserts,
Cavelier de La Salle est venu camper quand il allait, poussé par son génie vagabond, à la recherche de la grande vallée intérieure. Est-ce bien toi, vieux fleuve indien ? Toi que les hommes blancs ont enchaîné, toi dont ils ont changé le cours, toi qui ne te jettes plus, au gré de tes eaux paresseuses, dans le lac Michigan, car, transformé en égout, tu coules, honteux et contraint, vers le Mississippi qui t'entraîne, avec d'autres immondices, au golfe du Mexique, riche en requins ?
Large, profond, fétide, ici le fleuve est un port. Les deux rues, superposées, le traversent sur un pont à deux étages. Deux fleuves d'hommes, de voitures, de bruit, par-dessus le fleuve d'eau sale.
Dominant tout à coup le hurlement des rues, voici que s'élève une voix nouvelle. Un paquebot, venu du lac, demande le passage, à longs coups de sirène. Alors, à la racine des ponts, s'allument des grappes de feu, doublées intimement par des grappes de bruit. Des buissons rouges, haut poussés, brûlent, de seconde en seconde, avec des flammes convulsives, et chaque flamme est accompagnée, bien en mesure, par une sonnerie stridente, dure, au grain serré. La flamme et le bruit sont si parfaitement mêlés qu'on croit entendre la lumière avec l'oreille et que la sonnerie vous éblouit, vous aveugle.
A ce signal impérieux, les voitures s'arrêtent dans les deux étages de rues. Tout de suite, elles sont deux mille à frémir l'une derrière l'autre, dans une grésillante odeur d'huile brûlée. Les flammes sautent, les sonneries ronflent, les sonneries pareilles à des douleurs fulgurantes. Le pont est vide, le double pont a l'air abandonné. Alors, il s'ouvre par le milieu, dans toute son épaisseur. Les deux moitiés se soulèvent, très vite, avec leurs deux morceaux de rues, leurs pavés, leurs trottoirs. Elles se soulèvent et, bientôt éclairées par le dessous, font, dans le ciel comblé de brume, basculer d'immenses cubes d'ombres. Pendant qu'entre les moignons de pont le grand bateau s'avance en lançant son cri d'éléphant furieux, là-bas, d'autres ponts s'entr'ouvrent pour lui préparer le passage. Là-bas d'autres buissons de feu se prennent à vibrer et d'autres grappes de sonneries s'allument. Et d'autres milliers d'autos tremblent d'impatience et puent. Et tout cela se passe, dirait-on, dans le fond d'une fosse. Cette scène est dominée par trente buildings hors de mesure qui flambent, à cette heure, de tous les feux de l'orgueil. Chaque building est une enseigne : celui du marchand de gomme, celui de ce fameux journal, celui de ce grand cinéma. Et celui qui sert de phare pour les bateaux, sur le lac, et celui qui porte, au sommet, une église méthodiste, avec son portail, sa nef et son clocher, pourquoi pas son cimetière ? Et, du haut de leurs quarante étages, les buildings regardent le fleuve où le bateau glisse en grognant.
Le bateau passe. Il est passé. Les ponts se referment. Les flammes se taisent. Les autos s'élancent. Où suis-je ? A mes pieds, contre le quai, clapotent de petites vagues. C'est de l'eau sale, de l'eau quand même, quelque chose de naturel et de simple. Le murmure de cette eau est, ce soir, plus proche de mon âme que tous les bruits de la vie des hommes.
-
Ici, s'écrie Mr. Merriman, ici, c'est Chicago.
-
Oui, dis-je, c'est Chicago. Ah ! si j'étais Italien, j'inventerais Chicagissimo.
Nous rions un peu, très peu. Mr. Merriman est un savant, un lettré. Il est né dans cette ville. De jour en jour il l'a vue s'
hypertrophier, délirer, devenir folle. Il en parle avec une espèce d'effroi mêlé d'orgueil qui ne m'abuse pas. Il confond, je le vois bien, l'amour et l'étonnement. Les confond-il réellement ? Je balance à l'affirmer. Mr.Merriman gagne sa vie, à Chicago.Il fait des économies, je le sais, il me l'a dit , pour acheter, en France, sur les bords de la Méditerranée, une vieille petite maison de pierre où il viendra passer ses vacances et, plus tard, mourir en paix.


Georges DUHAMEL

Scènes de la vie future
chap. VII , Paysages ou l' impuissance du peintre
Ed. FAYARD, coll. "Le livre de demain", pages 52 à 55

juillet 1934

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Entrez dans les ABATTOIRS de CHICAGO

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LES ABATTOIRS DE CHICAGO

L'auto, la rue, le bruit. La pluie, ce sous-produit d'un ciel immolé. L'odeur qui, soudain, s'élève, monte, s'enfle comme un cri de sirène. Les bâtiments incohérents. Les ascenseurs et, tout à coup, derrière une porte peinte en rouge, le cri ! Le cri des bêtes !

Nous entrons. Le cri fait, dans l'intensité, une sorte de bond hardi. Il remplit maintenant l'univers jusqu'au bord. Est-il possible qu'ils ne l'entendent pas, là-bas, de l'autre côté de l'Atlantique ? Une chaude vapeur se colle au verre de mes lunettes et m'aveugle. Une étrange odeur de fiente bouillie me suffoque tout d'abord. J'essuie mes lunettes et regarde. Nous sommes sur une passerelle et dominons la scène.

Une grande salle confuse. Elle donne accès, dans un angle, à la galerie couverte par laquelle arrive le
fleuve de cochons. Les bêtes, toutes fangeuses, sont saisies par une patte, saisies dans un noeud coulant et accrochées à la chaîne. Elles pendent, la tête en bas, et hurlent en choeur leur affreux chant de mort. Mais, déjà la chaîne les entraîne et, tout de suite, les présente au tueur.

C'est un nègre athlétique. Il porte une salopette gluante de sang jusqu'aux aisselles. Il tient, dans sa main droite, un solide coutelas. Il est seul sur une estrade, comme un acteur. La chaîne passe devant lui et présente à bonne hauteur les cochons que leur poids rend presque inertes. Alors, d'un geste calme et sûr, le nègre leur enfonce le coutelas dans la gorge. Aucune hésitation, aucune violence. Le fer s'enfonce, sans hâte. Un ruisseau de sang jaillit qui s'unit à d'autres ruisseaux, coule dans les caniveaux du sol et tombe aux étages inférieurs où l'on en fait je ne sais quoi : des aliments, des drogues, des bijoux, des explosifs...

Le sang jaillit. L'animal pousse un dernier cri gargouillant. Un autre cri, déjà, remplace, dans le choeur, celui du chanteur égorgé. L'animal qui vient de périr bascule dans l'échaudoir. Imaginez une cuve longue et puante où les cadavres sont débarrassés de leur crasse. Ils y entrent couleur de terre. Ils en sortent roses, roses pour l'éternité, de ce rose pâle et fragile qu'on voudrait pouvoir qualifier autrement que
rose-tuberculeux .


Mais nous perdons du temps et, cependant, la chaîne marche, avec son roulement funèbre et ses craquements arthritiques. Les cochons échaudés sont pendus par les tendons, la tête en bas. Et la promenade continue. La chaîne se plie et se replie plusieurs fois dans la grande salle.

Sur son passage, les hommes attendent, par couples. Les hommes silencieux, à l'air accablé, qui savent, chacun, faire un geste. Celui-ci fait flamber le corps dans une large flamme de gaz. Ceux-ci, armés de tranchets, grattent la couenne, région par région. La chaîne marche, chaque homme rase un pied carré de porc. Toujours la même place. Le même homme fait cela chaque jour de la semaine. Il gagne deux dollars ou deux dollars et demi par jour... Mr. Pickleton me l'avoue en ajoutant, comme excuse, que c'est là de ces métiers dont, en deux heures, on achève l'apprentissage...
Mais la chaîne marche. Un homme attend. D'un seul coup de couteau, il détache la tête qui pendille, tenue par la peau du menton. Un autre homme commence à fendre la bête au milieu. Un autre achève l'estocade. Un autre entreprend l'étripage qu'un autre encore achève. La chaîne marche. Les experts jettent sur toute cette viandaille un regard dès longtemps émoussé. La chaîne marche. Les porcs blêmes et roses avancent l'un derrière l'autre en procession. Tous de ce même rose fatal. Ils perdent petit à petit toutes les parties de leur être et quand, de la chaîne, enfin, tombe le dernier morceau, seize minutes se sont écoulées depuis le geste du nègre sacrificateur.
Et le cri ! Le cri toujours, qui renaît au bout de la chaîne. Le cri, si fort et si vivant qu'on en fera quelque chose, un jour. Il est absurde que cette énorme somme d'énergies s'évapore ainsi, se perde dans l'espace. On en fera de la musique, de beaux airs de jazz-band.
Allons, ne rêvons pas. En marche ! En avant ! De nouveau, des passerelles, des toits, des terrasses. La pluie, la fine pluie de cendres mouillées. L'odeur des porcs et leur cri nous poursuivent quelque temps encore. De pesantes portes de fer, peintes en rouge écarlate, comme une insistante allusion. Ah ! l' abattoir des boeufs ! On l'aborde au ras du sol. Il est moins bruyant que l'autre. Les bêtes, ici, sont passives, ahuries. Elles arrivent, tassées dans des
wagonnets. Les nègres tueurs circulent sur un trottoir en surplomb. Ils font halte devant chaque charretée. Ils lèvent leurs bras armés d'un merlin au long manche souple. Cinq ou six boeufs par wagonnet. Cinq ou six coups de merlin. Parfois, le petit marteau pointu dévie et fait voler au loin une corne brisée. Parfois un sourd mugissement monte de cette masse pantelante.

Déjà le nègre s'éloigne. Les cinq ou six bêtes restent côte à côte un instant, maintenues debout les unes par les autres. Alors le
wagonnet bascule et décharge d'un seul coup les monstres agonisants. On les saisit par les pattes de derrière. On les hisse jusqu'à la chaîne. On les passe à l'égorgeur. Un torrent de sang. Quelques soubresauts. Mr. Pickleton me tire par la manche. " Venez ! Venez , nous avons tant de choses à voir... " Je suis, malgré tout, fasciné par le geste des tueurs. J'ai vu mourir des centaines d'hommes et la faculté d'horreur n'est pas morte au fond de mon coeur. Même mécanisée de cette manière, ramenée aux strictes proportions d'un acte industriel, la mort reste un grand mystère. Je ne peux détacher mes yeux du nègre au visage froid qui distribue des coups de maillet sur ces fronts qu'Homère disait majestueux.

La chaîne marche.
Les grands cadavres des boeufs commencent leur promenade macabre. Nous les escortons un moment. Nous montons, nous descendons, derrière Mr. Pickleton, dans le tumulte de l'usine à mort. Parfois nous croisons, sur une passerelle, un groupe de visiteurs - j'allais dire un convoi ... Ils cheminent à la queue leu leu, menés par des guides à casquette d'uniforme qui hurlent dans un porte-voix pour dominer le bruit des mécaniques et des victimes. Les visiteurs ont cet air sérieux, indifférent, assoupi, que l'on voit aux foules américaines dans les endroits de plaisir. Je distingue un couple d'amoureux, serrés l'un contre l'autre, deux jeunes mariés, sans nul doute, qui font leur voyage de noce et visitent les lieux célèbres. Peut-être, au tournant du couloir, entre le pavillon du lard et l'étage de la saucisse, vont-ils se donner, comme au cinéma, un long baiser sur la bouche, en attendant la nuit, la nuit sans remords, au trente-troisième étage, dans un hôtel du centre.

Cependant, les cadavres de boeufs défilent, fantômes bigarrés. Tous les cinq pas, un homme les attend, un homme en bonnet et en blouse, qui fait son geste rituel, son métier, l'acte essentiel de sa vie.
Trente-deux minutes et le boeuf est en morceaux.

L'usine à moutons va plus vite. Une théorie de bêtes affolées y vient trébucher dans la mort. Le nègre égorgeur, la chaîne et la funèbre promenade.

Plus vite ! Plus vite, nous-mêmes. Mr. Pickleton nous entraîne, d'un geste courtois, mais autoritaire, vers d'autres spectacles. Couloirs. Portes rouges. Escaliers. Parfois, nous retrouvons, pour une seconde, l'air du dehors avec son goût de brouillard, de houille et de sentine. Des étuves suffocantes où les quartiers de bidoche ballent dans la vapeur, nous passons aux chambres froides, salles immenses, désertes, mortelles, que nous traversons au pas de course, entre deux haies de boeufs écorchés, raides comme des soldats à la parade.

Voici les ateliers inférieurs où se fait la grosse cuisine. Un peuple de charcutiers pour émincer le lard ! Un peuple de boyaudiers pour laver toute la tripaille ! Et ces hachoirs monstrueux, où se triturent des montagnes de chair à saucisse ! On pourrait aller en barque sur cette mer de saindoux chaud. Plus vite ! Descendons un étage. Descendons, comme la marchandise. Le saindoux, nous le retrouvons ici. Une machine éjaculatrice en lâche une livre à la fois dans des boîtes de carton qu'une autre machine, cliquetante, fabrique, au fur et à mesure, fabrique comme avec des mains.
Bjj ! Bjj ! La cracheuse passe d'une boîte à l'autre et les comble, d'un seul jet. Le saindoux se fige aussitôt, sous le regard endormi de girls à bonnets blancs.

Voici l'empire des saucisses. La chair arrive des étages supérieurs dans des canalisations. Elle est salée, poivrée, de façon stricte et régulière. Elle est là, dans les tuyaux sur lesquels les charcutiers, avec un geste rapide et bizarrement lubrique, empalent des toises de boyaux. Quand l'appareil est paré, l'homme ouvre le robinet de chair, et la saucisse, enfin lâchée, se propage à la vitesse d'un cycliste. Un apprenti la recueille et l'enroule, en longs écheveaux, baveurs de place en place, sur des cadres de métal.

Assez ! Assez ! Allons plutôt retrouver la pluie fidèle, finement mêlée de houille. Je sais, Mr. Pickleton. Je sais, je vois : tout cela est propre. Plus propre, je vous le concède, que la boucherie et la charcuterie de mon village. Qu'une main de nègre, parfois, s'égare dans la mécanique et passe dans le saucisson, comme le disent les médisants, c'est, au fond, sans importance. Tout cela est stérilisé dans les marmites gigantesques. Je répète que tout est propre. Propre et désespérant.
Nous cheminons maintenant dans la rue, entre les bâtisses fumantes où se prépare - à quel prix ! - notre manger de carnivores. Je prends Mr. Pickleton par le bras et lui pose, tout à coup, cette question ridicule et presque cruelle
- Est-ce que vous vous plaisez ici ?
Mr. Pickleton me regarde. Un voile imperceptible glisse sur ses beaux yeux noirs.
- Je n'habite pas ici , fait-il.
Il attend une seconde et reprend plus bas:
- Ma famille vit à la campagne. J'habite la campagne.
- Mais il y a des dizaines de milliers d'hommes et de femmes qui vivent ici, qui consument toute leur existence ici ?

Mr. Pickleton esquisse des épaules un geste d'impuissance, puis il me saisit le bras pour m'entraîner plus loin, car c'est un homme d'action qui ne perd pas son temps en rêveries inutiles...


Georges DUHAMEL

Scènes de la vie future

Chap. VIII, Royaume de la mort , pp. 60 à 69

Ed. Fayard, coll. Le livre de demain

juillet 1934

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Dans le NOUVEAU TEMPLE...

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LE NOUVEAU TEMPLE

De loin, de très loin, à travers les fanfares du vent d'automne, par-dessus les rauquements, les apostrophes et les colères de dix mille autos qui se querellent pour la place, on entend le souffle du stade, ses clabauderies, ses orages.

Une banlieue crasseuse, confuse, encombrée. Un grand terrain vague et le stade que la foule occupe comme une forteresse conquise. Ce n'est pas le
Colisée, ni l'amphithéâtre d' El Djem si fier, là-bas, dans la plaine altérée. C'est une bâtisse de ce style qui s'avoue, cyniquement, utilitaire. Une énorme et, dirait-on, frêle coquille de ciment, ouverte face au ciel et que recouvre une couche grouillante et grenue de chair humaine.
Nous avons passé les guichets, car le dieu de l'endroit exige une assez lourde obole. Nous avons cheminé dans des couloirs et des escaliers. Enfin nous parvenons à l'air libre.
Voici la plus grande multitude qu'il m'ait été donné de voir, rassemblée, rangée, tenue en respect par un rite quasi religieux. Que sont , au prix de celle-ci, les foules du théâtre ou du concert, celles des réunions politiques, ou même celles des églises, ou même celles des cinémas ? En vérité, je découvre ici l'un des temples de l'Amérique moderne.

Quelle haute et noble pensée peut amener en ces lieux un si grand concours de peuple ? Quelles passions font grimacer tous ces visages, hurler toutes ces gorges ? Quelles espérances ? Quelles haines ? Un instant, je ferme les yeux pour sentir cette puissante foule d'une façon plus interne, pour mieux percevoir ses soupirs, ses élans de rage ou de joie, pour me laisser non pas enivrer, mais tout au moins emporter, rouler, bercer peut-être par cette vague d'humanité. Puis, de nouveau, la lumière.
Éparpillés sur un gazon divisé par des raies blanches, une trentaine d'hommes jouent au ballon. Autant qu'il est possible de juger à la distance où je me trouve, ce sont des hommes jeunes. Ils ont le crâne protégé par un casque à bourrelets, et de même les tibias par des jambières à la romaine. Collées sur leurs maillots, de larges étiquettes portant un numéro d'ordre.
Ce n'est pas un jeu radieux, allègre, aérien ; mais quelque chose de sombre, de farouche et de contenu. Une trentaine d'hommes, à peu près, sur la pelouse, en deux camps.
Ils s'immobilisent d'abord, assez longtemps, dans des postures étranges. Ils semblent s' épier du regard, tels des fauves à l'affût. Puis le ballon s'envole. Alors une mêlée très courte, confuse, d'une indicible brutalité.
Oh ! rien d'une danse harmonieuse, rien de la statuaire grecque. Nulle élégance, nulle fantaisie et, surtout, nulle beauté sinon celle, repoussante, qui se peut découvrir dans une scène de sauvagerie. Et, tout de suite, un coup de sifflet : la meute s' immobilise, se contracte de nouveau, se reprend à guetter sa proie, avant la nouvelle rixe.
Voilà ce que l'on voit sur la pelouse. Pour moi, pour le profane impénitent, ce n'est pas là qu'est le spectacle.
Le spectacle est sur les gradins, avec la foule. Combien sont-ils ? Quarante, cinquante mille, peut-être plus, je ne saurais dire. L'université de la ville a défié l'université d'un État voisin. Chacune des tribus, face à face, arbore ses oriflammes. Garçons à droite, filles à gauche. Le menu peuple achève de remplir le gigantesque vaisseau : une foule
roturière, sans caractère et sans mandat, qui n'est là, et qui le sait, qu'en qualité de ballast, de bourre ou d'appoint. Une foule dans laquelle on pourrait reconnaître et compter cinq cents fois le même chapeau d'homme, gris à ruban noir, mille fois le même chapeau de femme, le bleu, la forme, la cocarde, tous les stocks imposés par l'industrie locale. Bref, la foule, dans toute sa monotone horreur.
L'élément aristocratique de l'assemblée, ce sont, aujourd'hui, ces étudiants, avec leurs couleurs, avec leurs
orphéons aux instruments burlesques, avec leurs chants, avec ces cris concertés que lancent les deux tribus pour exciter les gens d'en-bas. Chaque groupe a son capitaine, son chairman-leader . C'est une enviable dignité. L'heureux titulaire est pourvu d'un porte-voix de lutteur forain. Il commente, pour la foule, toutes les phases du match, annonce le point ou la punition ( que l'on appelle en français un penalty ), déchaîne ou refrène les enthousiasmes, provoque, par ses traits d'esprit ou sa gesticulation, les réflexes du public.

Poudrées, fardées, les écolières s'alignent sur les bancs de ciment, telles des brochettes de perruches. De leurs gorges, encore vertes comme des pommes de juillet, elles tirent des cris suraigus, perforants, que l'on dit spécialement toniques pour les nerfs des compétiteurs. La capitaine de ces demoiselles est une assez belle personne. Elle arbore, m'assure-t-on, un des noms les plus honorables de toute la contrée. Le porte-voix au poing, la jupe au vent, elle hurle, elle se démène, elle exécute avec furie une suggestive danse du ventre, tout comme les prostituées dans les ports méditerranéens. De minute en minute, elle rassemble sa volière et la convie au glapissement.
Je ne connais pas ce jeu de ballon, fameux pourtant sur toute la terre. Ce que font les forcenés, là-bas, dans le cirque, me semble hors de mesure avec ces vociférations indécentes. La plus grande part du public n'en sait guère plus que moi, voit mal ou ne comprend pas. Parfois, les oiselles partent à contretemps, s'embrouillent, huent quand il faut applaudir, approuvent quand il faut protester. Beaucoup papotent, d'autres bâillent. Alors les
orphéons se déchaînent et couvrent de leurs mirlitonnades les piaillements de l'assistance. Puis les hordes de jeunes mâles poussent, d'une seule voix, en rythmant chaque syllabe, les maîtres-mots, les maîtres-cris, les " slogans" de la tribu. Cependant que, tête baissée, comme des fourmis furieuses, les gaillards de la pelouse continuent à se disputer rageusement le gros oeuf de cuir.

Que demande cette multitude ? Que viennent chercher, ici, ces milliers d'hommes et de femmes ? Est-ce vraiment pour observer cette dispute hasardeuse entre deux clans d'écoliers que tout ce peuple accourt, patiente, donne de l'argent, et trépigne sur les gradins, dans la soirée fraîchissante ?

N'est-ce pas plutôt, ô grande foule, pour te griser de toi-même, de ta propre voix, de ton propre bruit, pour te sentir nombreuse, chargée de puissance, d'effluves, pour goûter aux délices mystérieuses des grands troupeaux, des bancs de poissons, des essaims, des fourmilières ?

Et puis, qu'est-ce que c'est que ce sport où vingt-cinq gaillards s'essoufflent, pendant que quarante mille bougres, immobiles, attrapent des rhumes, fument la cigarette et ne donnent d'exercice qu'à leurs cordes vocales ? Vrai, cela me fait songer aux gens que l'on dit, chez nous, de fervents
sportsmen , de distingués sportsmen , parce que, deux fois la semaine, ils vont voir galoper des chevaux et perdre quelques centaines de francs avec la complicité des pouvoirs publics.

Je ne suis pas de ces
clercs quinteux, économes de leurs muscles, paresseux ou timides, que tout effort physique inquiète et décourage. J'ai parcouru la moitié de l'Europe à pied et le sac au dos. Je sais, comme tout homme raisonnable, nager, aller à bicyclette, conduire une voiture, tenir une raquette, voire un aviron. J'ai, pendant des années, battu le sol des salles d'armes pour infliger quelque fatigue à ma carcasse de citadin. J'entends bien que mes trois fils seront agiles, adroits, robustes, si la vie me prête assistance. Je ne dédaigne pas l'exercice corporel : je l'aime, je le recommande, je le souhaite souvent, au fond d' une retraite trop studieuse. Mais cette comédie du sport avec laquelle on berne et fascine toute la jeunesse du monde, j'avoue qu'elle me semble assez bouffonne.

Dans la mesure même où il participe de l'hygiène et de la morale, le sport , acceptons le terme puisqu'il a forcé notre vocabulaire , le sport devait être, avant tout, une chose personnelle, discrète, ou même un jeu de libres compagnons, une occasion de rivalités familières et surtout, comme disait le mot avant ses aventures modernes, un plaisir, un amusement, un thème de gaieté, de récréation. Le sport, entre les mains de traitants ingénieux, est devenu la plus avantageuse des entreprises de spectacles. Il est , corollaire obligé, devenu la plus étonnante école de vanité. L'habitude, allégrement acquise, d'accomplir les moindres actes du jeu devant une nombreuse assistance a développé, dans une jeunesse, mal défendue contre les chimères, tous les défauts que l'on reprochait, naguère encore, aux plus arrogants des cabotins. Il s'est fait un bien étrange déplacement de la curiosité populaire. Quel ténor d'opérette, quel romancier pour gens du monde et du demi-monde, quel virtuose de l'éloquence politique peut se vanter, aujourd'hui, d'être aussi copieusement adulé, célébré, caricaturé que les chevaliers du "ring", du stade ou de la piste ? Et je ne parle pas des princes, des spécialistes exceptionnels, des inventeurs, de ceux qui ont des traits d'inspiration, créent un genre, une tradition, se montrent, en quelque mesure, grands par la patience, le courage, la grâce ou la fantaisie. Non, je parle de ces honnêtes garçons qui font correctement les gardiens de but, courent assez bien les cent mètres, savent pédaler longtemps et qui ne peuvent plus ouvrir un journal sans y chercher de l'oeil leur profil et le récit de leurs exploits dominicaux. Je parle de ces gentils compagnons qui, dès l'enfance, chérissaient la force, la souplesse, le beau jeu, l'acte élégant et difficile, de ces bons gars que l'on a, petit à petit, gâtés d'orgueil, engagés dans des concurrences absurdes, livrés au pire des publics, celui du cirque, enivrés d'une gloire grossière, perfide, bientôt plus nécessaire que l'alcool. Je parle de tous ces enfants que l'on disait avec juste raison des
amateurs parce qu'ils aimaient quelque chose, et que l'on voit se transformer bien vite en sportsmen de métier, vaniteux, cupides, que la moindre défaveur aigrit et dévoie, qui cessent d'aimer leur plaisir dès qu'il devient un gagne-pain.

L'ambition, sans doute noble en soi de briller au premier rang, pousse un grand nombre de jeunes hommes à réclamer de leur corps des efforts auxquels ce corps paraît peu propre. Le sport n'est plus, pour beaucoup, un harmonieux amusement, c'est une besogne harassante, un surmenage pernicieux qui excède les organes et fausse la volonté. Trop vite spécialisé, l' athlète ne se développe pas dans un heureux équilibre. Il accuse les stigmates, les déformations et les laideurs où se marque tout excès professionnel.

Dès que les compétitions perdent leur gracieux caractère de jeux purs, elles sont empoisonnées par des considérations de gain ou de haines nationales. Elles deviennent brutales, dangereuses ; elles ressemblent à des attentats plutôt qu'à des divertissements.
Les jeunes hommes qui prennent, sur leur loisir ou sur leur ouvrage, le temps de cultiver un de ces sports exigeants que soignent les hommes d'affaires avec leur attirail de presse et de gloire, ces jeunes gens risquent de compromettre une carrière substantielle pour une brillante illusion. Quel saint, ayant à choisir entre un emploi obscur dans quelque ministère et l'espoir d'être un jour capitaine de football, garderait la sérénité? Qui ne lâcherait l'austère proie pour l'ombre enivrante ?

Dans le dessein de pousser notre jeunesse française à ce culte des sports, on a fait jouer les plus vénérables ressorts. On a dit que la patrie menacée, appauvrie, peut avoir besoin, quelque jour, d'une jeunesse endurcie, trempée par les jeux de force et d'adresse. L'argument est sans valeur si l'on s'en rapporte à l'histoire. La grande guerre fut faite, en France du moins, par des paysans, des employés, des ouvriers, des bourgeois, des intellectuels, sans culture sportive pour la plupart et qui, pendant près de cinq ans, ont montré des vertus physiques et morales dignes de considération. En revanche, certains princes du sport n'ont même pas compromis leur grandeur dans les misères de la troupe.

Entre tous les griefs que soulève cette curieuse querelle, on ne saurait passer sous silence l'éternelle question du langage. Les professionnels du sport ont acclimaté, chez nous, un jargon ébouriffant, presque intraduisible, farci de mots étrangers, employés hors de propos, prononcés de façon comique, engagés dans des métaphores que le bon sens désavoue, je ne parle pas du bon goût...

Au lendemain de la guerre, nombre d' écrivains ont fait une généreuse tentative pour doter le sport d'une littérature lisible. Grand dessein, assez vite abandonné. Le public lettré n'a pas encouragé ces effusions olympiques. Pour le public des stades, il se moque bien des belles-lettres. Quant aux acteurs des orgies musculaires, ils sont grisés d'un encens tout autre que celui des jeunes romanciers ; ils n'ont même pas ouvert les livres qui célébraient seulement la chose et ne nommaient pas toujours les gens. Comme on écrit, somme toute, dans l'espoir de se faire lire, les poètes, désappointés, ont restitué le sujet aux journalistes spéciaux.

Hélas! Hélas ! jeunes gens de France, n' étais-je pas en Amérique? N'étais-je pas, tantôt encore, dans le grand stade tout pareil à quelque cratère de béton, parmi les
girls glapissantes, les orphéons d'étudiants, la foule déchaînée ? Est-ce bien ma faute, ce soir, si mes reproches passent la mer ?


Georges DUHAMEL
Scènes de la vie future
chapitre XII, LE NOUVEAU TEMPLE
pages 90 à 96
Ed. Fayard, coll. "Le livre de demain", juillet 1934


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Accepter la loi du plus fort ?...

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LA LOI DU PLUS FORT

Pendant la journée, le soleil les réduit à l'impuissance. Mais la nuit leur appartient. Ils se sont partagé le royaume de l'ombre. Ils s'éveillent, de-ci, de-là, dès le crépuscule... Avec une obstination, une sérénité parfaitement mécaniques, ils se remettent à leur besogne d'endoctrinement et d'intimidation.

C'est un hourvari de lumière, une émeute, une mêlée. Le triomphe de la discordance et du désordre. La discipline est au ras du sol, tout juste bonne pour la multitude rampante. Dans l'espace ténébreux, seule règne la
loi du plus fort.. La brousse, avec toutes ses sauvageries.
Voici les éléphants et les hippopotames, les grands pachydermes de la publicité, qui dominent, sans conteste, par leur masse. Voici les brutes vigoureuses : lions et tigres. Voici les renards de la fable, les maigres et les fourbes. Les singes enfin, ceux qui ne savent quelle acrobatie inventer pour attirer sur eux l'oeil effaré du passant. Ceux qui, tel un bonneteur ses cartes, étalent tout leur jeu, lettre à lettre, et le raflent d'un revers de main. Ceux qui jonglent avec des mots, les rattrapent, les relancent et ne se trompent jamais : inhumaine monotonie. Ceux qui, de deux en deux minutes, donnent les dernières nouvelles politiques, le résultat des courses, l'heure exacte, ou quelque autre renseignement qu'on ne leur demandait point. Ceux qui cherchent à nous séduire, à nous braver, à nous lasser, à nous irriter, à nous surprendre, à nous vaincre, à nous convaincre de quelque façon que ce soit. Tous ceux qui jaillissent, retombent, naissent, meurent, tournent, serpentent, bondissent, se raidissent, se brisent, éclatent, germent, bourgeonnent, se décomposent, se recomposent, changent de couleur, de rythme, de démarche, de vitesse, clignent de l'oeil, battent de l'aile, frappent du pied, tremblent de la bedaine, respirent, chantent, crient, pètent, avec des grimaces, des tics nerveux, des contractions, des spasmes, des inventions d'épileptiques, d'hystériques, d'ivrognes ou d'aliénés.
Le moment me semble venu de fonder, aux États Unis d'abord, puis dans le monde entier, une ligue de protestation contre les publicités indiscrètes. La grande loi de la réaction, qui joue dans tous les ordres de phénomènes, demeurera-t-elle muette devant cette prodigieuse entreprise de contrainte et d'abrutissement ? Osons un suprême effort pour défendre les choses sacrées, mais en perdition, en décadence : la nuit, le ciel, l'horizon, le silence, la rêverie, la courtoisie, l'élégance, le sourire, le libre arbitre, la muraille vierge, le papier blanc. Que diable ! le domaine de la publicité commence seulement où finissent ma patience, mon plaisir, mon bon vouloir. Ne tolérons pas d' empiétements.

Vous qui me cachez le paysage avec vos panneaux bariolés, vous n'aurez pas ma clientèle. Vous qui souillez le silence comme s'il n'était à personne, en quarantaine ! Vous qui trompez ma confiance en me poussant à lire vingt lignes qui se terminent par un piège, indemnisez-moi tout de suite, faites-moi rire, ou craignez ma rancune. Vous qui salissez les vitres de l'autobus, n'imaginez pas vous en tirer à trop bon compte. Vous êtes marqués sur ma liste : je vous dénonce et pour votre impudence et pour votre maladresse.
Un fâcheux nous répète à satiété qu'il vend la meilleure savonnette du monde, et nous n'avons rien inventé pour le réduire au silence et le repousser dans le rang. Nous supportons tout de ces trafiquants effrontés qui prétendent forcer notre assentiment, nous faire travailler à leur fortune et qui, pour atteindre ce mirifique résultat, souillent tout ce qui se peut encore souiller sur la planète, nous traitent comme un troupeau stupide, démoralisent les pauvres gens, les poussent à de sottes dépenses et dilapident en niaiseries coûteuses une bonne part de notre richesse commune.

La publicité moderne marque, pour le public, un injurieux mépris. Elle traite l'homme comme le plus obtus des animaux inférieurs. Quoi ! J' ai des sens aigus, déliés, instruits par la pratique des arts les plus nobles. Je suis de ces êtres qui savent deviner, traduire, établir des rapports, analyser, suivre une piste, déceler une trace, comprendre une allusion. En un mot, je suis un homme et, comme dit
Unamuno, "rien de moins que tout un homme". Est-ce à moi que s'adresse, est-ce à moi qu'ose s' adresser cette publicité à éclipses, à répétitions, à explosions qui semble conçue pour exciter les réflexe d'un mollusque sédentaire ?
Les Américains ont donné le plus fastueux développement à ces grands parcs forains où les citoyens vont, moyennant force dollars, se faire véhiculer, secouer, triturer, pilonner, bref abrutir. Je ne peux songer à ces pratiques sans humiliation. Pour distraire un homme, pour l'émouvoir, faut-il donc de pareilles secousses? Est-ce à de tels usages que nous consacrons nos sens? Avez-vous jamais vu le dernier des roquets flairer le bas d'une borne? Quelle délicatesse ! Quel soin minutieux ! Il ne prend pas tout : il choisit. Juste une goutte d'air, l'extrême pointe du fumet. Ah ! le chien ne se sert pas de ses sens avec grossièreté, je vous assure. Mais nous, nous les hommes ! Qu'on nous agite ! Qu'on nous mette la tête en bas ! Qu'on nous fasse pivoter, tourner, toupiller ! Qu'on nous éblouisse et qu'on nous aveugle ! Il n'en faut pas moins pour nous faire vibrer. Pouah !
La publicité moderne me rappelle tous les
Luna Parks, toutes les Magic Cities de l'Europe et surtout de l'Amérique. Elle donne, de l' homme, une idée par trop grossière, par trop méprisable aussi. Je refuse énergiquement une telle honte et propose de former une ligue. Honnis soient ces mercantis qui pensent nous amadouer et nous obtenir en nous considérant comme des imbéciles !


Georges DUHAMEL

SCÈNES DE LA VIE FUTURE

chap. X, pages 78 à 83
Ed.Fayard, coll.
Le livre de demain (1934 )


Comparez cette opinion à celle de Blaise Cendrars, émise à la même époque, dans le texte intitulé PUBLICITÉ = POÉSIE...

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Assurances comprises...

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« L'ASSURANCE PAIERA »

" N'allez pas croire, monsieur Stone, que je sois de ces hommes qui rêvent d'empêcher la mer de monter. Je suis assuré, comme tout le monde, contre toutes sortes de calamités, de fautes ou de sottises. La différence entre nos façons de considérer et d'accepter les choses, c'est que je m'efforce toujours de bien voir où le vent m'emporte. Celui qui, dans le monde moderne, se refuserait à contracter un certain nombre d'assurances, du même coup se condamnerait soit à vivre comme une larve, soit à courir d'extravagantes aventures. J'ai donc signé maintes polices. Je sais que, par là, j'acquiesce à la commercialisation de certaines valeurs morales, que, par là, je les déprécie et les avilis, que la vie, la mort, la souffrance, la joie, du fait même que je leur laisse assigner une valeur marchande, perdent partie de leur valeur humaine ou, si le mot ne vous fait pas peur, de leur valeur divine, perdent aussi leur majesté, leur grandeur véritable. Je sais qu'en payant mes polices, j'entreprends de me dérober à toutes sortes d'inquiétudes ou de responsabilités. Je paie, donc, monsieur Stone. Je paie et je ne suis pas dupe. Je comprends qu'à nombre de mes contemporains l'assurance, en même temps, tient lieu de conscience, d'ange gardien, d'honneur, de gratitude, et de bien d'autres choses encore. Alors, ça me fait rire, tout au moins les jours où le rire demeure possible.
« L'assurance paiera ! » Voilà donc la formule magique en laquelle se résument l'acte de foi, l'acte d'espérance et l'acte de contrition. Rions, monsieur Stone ! "

 


Georges DUHAMEL,
Scènes de la vie future extrait du chapitre XIII, pages 100-101

éd. Fayard, coll. "Le livre de demain", juillet 1934


Précisez la thèse défendue ici par l' auteur, en la reformulant.

Quelles sont les réserves exprimées par Duhamel ? Sur quel ton ?


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Un petit creux ?...

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UN RESTAURANT AMÉRICAIN

Je marche le long du trottoir. Là-haut, vers le trente-cinquième étage, un nègre, la moitié du corps dans le vide, frotte les fenêtres d'un building. Je ferme les yeux une seconde et je passe.
Un soupçon de faim s'éveille dans un pli de mon estomac. Je n'aime pas ce qu'on mange ici. Rien n'a l'air sain, naturel. Même les fruits, même les oeufs semblent touchés par la mécanique. Les nourritures les plus élémentaires ont comme un arrière-goût de déchets industriels.
Que vend-on, dans ce magasin ?
C'est une grande et longue salle qui s'enfonce à perte de vue sous la falaise du building. Malgré les glaces nues et quelques lampes, cette caverne est mal éclairée. Petit à petit, mon oeil s'accommode et je distingue de longues files de fauteuils. Est-ce un de ces endroits où l'on distribue de la musique ? Non. Est-ce une salle de spectacle ? Point.Et quel spectacle ? Un gigantesque salon de décrottage et de cirage ? Voire ! C'est un restaurant.
Toutes les files de fauteuils s'enfuient, parallèles. Chaque file, comme dans les théâtres, tourne le dos à la file qui la suit. Et les tables ? Pas de tables. Le client de ces étranges distributeurs de mangeailles va chercher, au fond de la salle, une assiette garnie qu'il rapporte à la place élue. Le bras gauche du fauteuil est étalé, aplati en forme de spatule. C'est là-dessus que le mangeur pose l'assiette et le pain. Il croise les jambes, regarde, devant soi, les nuques des autres clients et, d'une mâchoire mélancolique, il se met à mastiquer ses aliments.
Disparaîtrez-vous un jour, petits bistrots de chez nous, petites salles basses, chaudes, enfumées, où trois bougres, épaule contre épaule, autour d'un infime guéridon de fer, bâfrent le boeuf bourguignon, se racontent des histoires et rigolent, tonnerre, rigolent en sifflant du piccolo ?
Je regarde encore une fois les fauteuils à bras aplatis, pareils, en leur difformité, à ces appareils suspects que l'on voit dans les cliniques, et je me remets en route. Des restaurants semblables, en voici deux, en voici dix. C'est donc ainsi que mangeront les hommes du monde futur ? Désespérante pauvreté.
Plus la moindre trace d'appétit dans le creux de mon estomac...


Georges DUHAMEL SCÈNES DE LA VIE FUTURE chap. XIV , pages 106 - 107 Ed. FAYARD, coll.Le Livre de Demain, juillet 1934

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MÉDITATION SUR LA CATHÉDRALE DU COMMERCE

Le continent est immense, opulent. De tout sans mesure : l'or, l'argent, le fer, la houille, le pétrole, le bois, la chair des bêtes, l'infinie variété des plantes. Ils n'ont qu'à prendre et qu'à mettre en oeuvre. Ils ont de tout, sauf, je crois, des alouettes. Impardonnable oubli du créateur. Alors, ils prennent, ils pillent. Résultat paradoxal : il faut, ici, plus d'or qu'ailleurs pour payer un morceau de pain, dormir dans un lit, avoir place au soleil.
L'étranger, le Français qui parcourt ces territoires démesurés ne verra, dans aucun lieu public, un mot, un avis, un conseil écrits en sa langue natale. Est-ce défaut de courtoisie ? Non certes. Est-ce parce que l'Amérique est trop isolée des autres nations ? Peut-être. Surtout c'est parce que l'Amérique, malgré la vive curiosité qu'elle soulève à l'heure actuelle, décourage le voyageur. Elle exigerait du touriste une fortune à dissiper. Aussi n'y rencontre-t-on que des gens d'affaires, attirés là par l'éblouissement d'une monnaie toute-puissante.
C'est attirés par ce même flambeau que sont venues, de tous les points du globe, les multitudes misérables dont se compose, aujourd'hui, la chair de l'Amérique vivante. Ces hommes ont tout accepté, dans l'espoir d'une vie meilleure, plus ouverte, plus libre ; ils ont accepté l'exil, le long voyage, les engagements rigoureux, les sévérités de l'admission, la misère des commencements. Ils ont dû même accepter le salaire médiocre, s'ils n'étaient pas les ouvriers de l'heure, les maçons dans le
boom du bâtiment, les mécanos dans l'élan de l'automobile. Ils ont accepté les exigences de la standardisation, le labeur ingrat, anonyme, la discipline de fer.
Et que leur a donné la nouvelle patrie, en échange de tels sacrifices ? Elle leur a donné des besoins nouveaux, des besoins et des désirs. Toute la philosophie de cette dictature industrielle et commerciale aboutit à ce dessein impie : imposer à l'humanité des besoins, des appétits.
Ils venaient, le plus souvent, ces immigrés, d'un pays naïf où le fils pouvait, sa vie durant, porter le manteau de son père. L'Amérique leur a donné la chemise qui ne supporte pas deux cylindrages, la chaussette que l'on jette au premier trou, parce qu'elle ne vaut pas une reprise, que d'ailleurs on ne saurait plus faire, le pardessus de confection qui dure tout juste un hiver et demande un remplaçant. Ils venaient, ces pauvres gens, d'un pays où les arbres des vergers portent toutes sortes de fruits, variés à l'infini, riches de saveurs innombrables. L'Amérique leur a fait comprendre qu'il était bien préférable, pour obtenir un bon rendement, de ne cultiver que deux variétés de pommes et qu'une seule « variété » de poire, si le mot de variété souffre un tel contresens.
Est-ce donc en cela que résident le luxe et le confort ? Je suis né dans un pays qui, par son sol, ses êtres et ses oeuvres, est divers, bigarré, changeant, ingénieux. Du lait, cette nourriture simple, élémentaire, nous savons faire, nous Français, plus de cent espèces de fromages. Tous sont bons, sains, forts, substantiels, amusants. Tous ont leur histoire, tous ont leurs affinités, leur rôle. A ce seul trait, je reconnais et j'admire le génie de ma patrie, à ce seul trait, je comprends qu'elle ait produit tant de grands hommes en toutes carrières.

Le luxe suprême, pour une femme de chez moi, c'est de porter un chapeau qui soit seul de son modèle dans toute la ville de Paris. Le confort suprême, ce n'est pas nécessairement cette courte baignoire américaine que l'on fait intervenir dans toutes les phases du débat, c'est le silence, l'air vierge, la vraie musique, la liberté de l'esprit, l'allégresse des moeurs.
J' appartiens à un peuple de paysans qui cultivent avec amour, depuis des siècles, cinquante prunes différentes et qui trouvent à chacune un goût délicieusement incomparable.
Mais quoi ! il s'agit bien, ici, de ces délicates richesses ! Les êtres qui peuplent aujourd'hui les fourmilières américaines ne veulent plus de ces viandes creuses. Ils réclament des biens palpables, incontestables, dont l'usage leur est recommandé, mieux encore : prescrit par les divinités nationales. Ils veulent, frénétiquement, des phonographes, des appareils de T. S. F., des magazines illustrés, des cinémas, des ascenseurs, des frigidaires, des autos, des autos, encore des autos. Ils veulent posséder, le plus vite possible, tous ces objets si merveilleusement commodes et dont ils deviendront, aussitôt, par un étrange retour des choses, les esclaves soucieux.
Ils n'ont pas d'argent ? Pas encore assez d'argent ?
Qu'importe ! Le principal est de vendre, même à crédit, surtout à crédit. Le commerce américain connaît la manière de reculer sans cesse les limites du marché, de remettre sans cesse au lendemain la menaçante saturation. Et l'Amérique entière s'endette avec ardeur pour permettre à l'Amérique de vendre quelque chose de plus. Beau dévouement !


Georges DUHAMEL
Scènes de la vie future
Chap. XV, pages 116 à 118

Ed. Fayard, coll. Le livre de demain ( 1934 )

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LA PAUVRETÉ, AUSSI ...

Il en est qui n'espèrent plus rien si ce n'est de manger chaque jour quelque chose de comestible et de dormir chaque nuit dans un endroit clos. Si vous voulez en observer quelques échantillons, installez-vous sur une banquette du subway , ou de l'elevated , entre onze heures du soir et une heure du matin.

En face de vous, dix bonshommes sans âge. On les dirait aussi sans vie. Ils ressemblent assez bien à des fantômes. Où vont-ils ? De quel morose enfer sortent-ils ? Leurs traits sont effondrés, distendus comme par l'effet d'un instrument de torture. Les yeux clos, ils somnolent, jetés les uns contre les autres par les cahots du wagon. Presque tous, en dormant, mâchent de la gomme ; on dirait de ces trémulations involontaires des mandibules que l'on voit aux moribonds dans les grandes famines. Parfois, l'un d'eux lance un long jet de salive blanche sur le plancher, au mépris des affiches comminatoires. Parfois, l'un de ces misérables ouvre les yeux et vous adresse un regard chargé de désespoir, de haine ou d'ennui.

Ceux-là ne sont pas les ouvriers légendaires qui, comme l'univers entier le sait, gagnent cent dollars par semaine et consacrent magnifiquement au cinéma tout le temps qu'ils ne passent pas dans les délices de l'usine standard. Ces gens-là sont ceux qui peuplent les hideux quartiers de
Brooklyn ou ces faubourgs misérables qui s'étendent à perte de vue dans la plaine de Chicago.

J'ai vu, dans la belle
New-York, autant de mendiants qu'à Moscou. J'ai vu, le long des rues délirantes, errer ces étranges clochards qui, s'ils ne sont pas encore citoyens de la terre promise et, de ce fait, réservés à d'autres traitements, achètent, un soir de lassitude, avec leurs derniers cents, une vieille caisse à savon, grimpent dessus, au coin d'un square, prononcent vaguement des paroles séditieuses, sont coffrés, conduits sous bonne garde jusqu'au port, et généreusement pourvus d'un billet de troisième classe pour repasser l' Océan.

Qu'importent les buildings montagneux que le soir couronne de flammes ! Qu'importent les docks regorgeant de marchandises, les gares bourrées de convois, comme des canons branchus, les fabriques, les banques, les palais ! Qu'importe tout cela ! "Chez nous, m'avouait un magistrat américain en baissant à demi les yeux, chez nous, quand on est pauvre, on est bien pauvre."
Georges DUHAMEL

Scènes de la vie future
chap. XV, pages 119 - 120
Ed. Fayard, coll. Le livre de demain ( 1934 )

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Blaise Cendrars ( 1887 - 1961 )
Publicité = Poésie
Né en Suisse, Cendrars s'est lancé très tôt dans l'aventure et les grands voyages. Toute son oeuvre littéraire en porte la trace, de Prose du Transsibérien (1915) à Bourlinguer (1948). A l'avant-garde de la poésie, son oeuvre est marquée profondément par le développement du monde moderne. Il n'est donc pas étonnant. de voir ici Cendrars s'intéresser à ce qui lui semble être une forme contemporaine d'expression.

" La publicité est la fleur de la vie contemporaine ; elle est une affirmation d'optimisme et de gaieté ; elle distrait l'oeil et l'esprit. C'est la plus chaleureuse manifestation de la vitalité des hommes d'aujourd'hui, de leur puissance, de leur puérilité, de leur don d'invention et d'imagination, et la plus belle réussite de leur volonté de moderniser le monde dans tous ses aspects et dans tous les domaines. Avez-vous déjà pensé à la tristesse que représenteraient les rues, les places, les gares, le métro, les palaces, les dancings, les cinémas, le wagon-restaurant, les voyages, les routes pour automobiles, la nature, sans les innombrables affiches, sans les vitrines (ces beaux joujoux tout neufs pour familles soucieuses), sans les enseignes lumineuses, sans les boniments des haut-parleurs, et concevez-vous la tristesse et la monotonie des repas et des vins sans les menus polychromés et sans les belles étiquettes? Oui, vraiment, la publicité est la plus belle expression de notre époque, la plus grande nouveauté du jour, un Art. Un art qui fait appel à l'internationalisme, ou polyglottisme, à la psychologie des foules et qui bouleverse toutes les techniques statiques ou dynamiques connues, en faisant une utilisation intensive, sans cesse renouvelée et efficace, de matières nouvelles et de procédés inédits . Ce qui caractérise l'ensemble de la publicité mondiale est son lyrisme. Et ici la publicité touche à la poésie.Le lyrisme est une facon d'être et de sentir, le langage est le reflet de la conscience humaine, la poésie fait connaître ( tout comme la publicité un produit ) l'image de l'esprit qui la conçoit. Or, dans l'ensemble de la vie contemporaine, seul, le poète d'aujourd'hui a pris conscience de son époque, est la conscience de cette époque. C'est pourquoi je fais ici appel à tous les poètes : Amis, la publicité est votre domaine. Elle parle votre langue.

Elle réalise votre poétique."


Aujourd'hui ( 1927 ), Grasset

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CHARLOT...

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Fiches techniques MYTHES ET PERSONNALITÉS D'AMÉRIQUE

Charles CHAPLIN

MA VIE

Pocket n° 3330


A. JALONS ET REPÈRES

1. L' oeuvre

Le titre, court et dense, laisse transparaître un certain penchant, sensible tout au long de l'oeuvre, pour l'autosatisfaction, ou du moins la contemplation un peu complaisante de son propre passé : "ma vie", en ce qu'elle a... d'exceptionnel, ce que les dernières pages confirment, en guise de conclusion: "Il me faut donc maintenant mettre un terme à cette odyssée que j'ai vécue. Je me rends compte que le temps et les circonstances m' ont favorisé" (...) ". Ma vie est pourtant plus passionnante que jamais...Je suis en bonne santé, mon esprit créateur fonctionne toujours !... "
Charles Chaplin a écrit ses
Mémoires dans sa retraite de Vevey, en Suisse, et les publie en septembre 1964.

2. L'auteur

1928: The Circus ( Le Cirque ).
1931:
City Lights ( Les Lumières de la ville )
1936:
Modern Times ( Les Temps modernes )
1940:
The Great Dictator ( Le Dictateur ).
1947:
Monsieur Verdoux.
1953:
Limelight ( Limelight ou Les Feux de la rampe )
1957:
The King in New York ( Un Roi à New York )
1966:
The Countess from Hong Kong ( La Comtesse de Hong Kong )

3. Structures

- L' organisation :

Aucun problème particulier, puisque, comme dans la plupart des biographies, l'
ordre chronologique est rigoureusement respecté. Des chapitres, certes, (31), mais sans titre : le repérage, par exemple à des fins pédagogiques, en est rendu un peu malaisé, d'autant plus que l'auteur n' a pas toujours un souci scrupuleux des dates. Chaplin arrête son récit vers 1956 : il évoque à peine ses années en Suisse, et ne mentionne pas ses deux derniers films : Un Roi à New York, 1957, et La Comtesse de Hong Kong, 1966 .

B. PISTES de travail :

 

1. Autour de l'oeuvre

Compte tenu de la spécificité de cette oeuvre, son étude peut se faire selon trois axes :

a) Approche de l'oeuvre de Chaplin : un film par groupe...

Analyse des films : chaque approche sera accompagnée d'une fiche reprenant ce que Chaplin dit lui- même de l'oeuvre dans son autobiographie (
ex.: pour Les Lumières de la Ville, cf. p. 398-405 ) . Ces propos peuvent alimenter de façon fructueuse les travaux de groupes qui suivront, puis les dossiers et les exposés qui en résulteront...

b) Difficultés d'un genre : l'autobiographie

- Sur un plan plus littéraire, on pourra traiter du problème de la sincérité de la confession autobiographique . Il importera de diversifier témoignages et documents sur les épisodes-clés de la vie de Chaplin ( épisodes parfois contestés, comme son départ des USA pour l'Europe...).
- Cet ouvrage a donné lieu à un
film récent , d' Attenborough. On peut comparer avec profit les deux oeuvres.
- 0n peut également évoquer le genre de la
biographie au cinéma : de l'hagiographie au document-réquisitoire, l'éventail est large... Quelques pistes, simplement à titre indicatif : Gandhi , Danton , Napoléon , Camille Claudel ...


c) Deux sociétés sont ici longuement évoquées, dont une étude plus globale, et moins subjective, peut être envisagée:

- D'abord
Londres à la fin du XIXè siècle ( urbanisme, cf. les différents déménagements de la famille Chaplin ; contrastes sociaux violents, misère ; vie artistique )... On pourra confronter les témoignages, comme celui de Dickens...
- Puis
Hollywood et les débuts du cinéma (cf. Good morning , Babylonia ).


d) Enfin on pourra juger judicieux :

- d'étudier les problèmes liés à l'apparition du parlant ( cf.
Singing in the Rain ).

- de commenter les quelques pages qui développent la conception qu' a Chaplin de ce qu'est un film (p.303 sq.) et ce qu'il entend par "jouer la comédie" ( p. 308 sq )

- de comparer le livre avec d' autres autobiographies de cinéastes célèbres.

2. Pour en savoir plus...

Bibliographie :

1. G. Sadoul, Vie de Charlot, 1953 ( Éditions françaises réunies ), rééd. 1978 (Lherminier).

 

2. J. Mitry, "Les films de Chaplin", mars 1957

(Image et Son, n° 100).

 

3. M. Bessy, Charlie Chaplin, 1984 (Pygmalion).


4. M. Martin, Charles Chaplin, 1983 (Veyrier).

5. A. Bazin et É. Rohmer, Charlie Chaplin, 1972 (Cerf), rééd. 1985 Ramsay Poche Cinéma.


Document extrait de DÉCOUVRIR, LE GUIDE POCKET DE L'ENSEIGNANT, 1994
Bien sûr, d' autres documents relatifs à la biographie de Chaplin peuvent être consultés au CDI et en bibliothèque
( encyclopédies, revues, dictionnaires... )
... sans négliger le WEB.

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Dans les (bras) pas de MARILYN...

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MARILYN MONROE

Je vais parler de quelqu'un que j'ai connu. Pas d'un mythe, pas d'un poster . Je vais parler d'une voisine de palier qui aimait bien sa voisine de palier et avec laquelle elle voisinait comme on voisine dans toutes les HLM du monde, de luxe ou pas.
Montand rentrait du studio le premier, il se douchait et se jetait avec rage sur le texte qu'il lui fallait apprendre pour le lendemain. Il s'enfermait dans la chambre et y travaillait une bonne heure avant le dîner, souvent accompagné de son "coach" qui veillait sur l'accent et les accents toniques.
Quand Marilyn arrivait à son tour, elle nous trouvait généralement, Arthur et moi, soit chez elle, soit chez moi: c'était l'heure du compte rendu de ma journée, l'heure du bon scotch, et aussi celle où Arthur racontait le plus volontiers toutes les histoires du passé ancien ou récent de ce pays qui était le sien et que je connaissais si mal.
Elle était encore maquillée, disait:
« Je vais prendre un bain et j'arrive..."

Elle revenait dans un petit peignoir de soie artificielle bleu pervenche à pois blanc. Démaquillée, "défauxcilisée", pieds nus, ce qui la tassait un peu, elle avait le visage et l'allure de la plus belle des paysannes de l'Ile-de-France, telles que depuis des siècles on les a chantées.

La mèche sur le front, sophistiquée, raide parce qu'elle avait été peignée par la coiffeuse à rebrousse-poil, par en dessous entre chaque plan, avait disparu. Elle avait été vigoureusement brossée en arrière.

La petite pointe réapparaissait. C'était une petite pointe très jolie, toute frisottée, qui lui partageait le front également ou presque. Elle la détestait, elle la méprisait et elle s'en méfiait. Elle s'en méfiait parce que, curieusement, les racines de ces petits cheveux-là, mousseux comme ceux d'un tout jeune enfant, étaient beaucoup plus récalcitrantes à la décoloration platinée que les racines de tous les autres cheveux de sa tête blonde. La belle mèche tombant sur l'oeil apparemment accidentelle à force de crêpages répétés, était un bouclier contre la racine qui trahit dans les plans très rapprochés. Dès le début de notre voisinage, elle me l'avait expliqué. Comme elle m'avait dit aussi : "Regarde, ils croient tous que j'ai de belles jambes longues, j'ai des genoux cagneux et je suis courte sur pattes." C'était à peine vrai dans la petite robe de chambre sortie des Prisunics locaux. Ça cessait totalement de l'être quand elle se mettait en "Marilyn" ... En "Marilyn", je ne l'ai vue que trois fois en quatre mois. Une fois pour le cocktail monstre de Spyro Skouras, une fois pour la seule fois où nous sommes allés dîner en ville tous les quatre; une dernière fois quand elle s'était préparée à aller recevoir le Globe d'Or, seul hommage artistique que cette ville lui ait jamais rendu.
Pour platiner ses cheveux et tuer la petite pointe plus sombre, récalcitrante, elle faisait venir à ses frais une très vieille dame de
San Diego. Cette vieille dame était une décoloratrice de la Metro-Goldwyn-Mayer à la retraite. San Diego est à la frontière mexicaine. C'est à San Diego qu'avait choisi de se retirer cette artiste en eau oxygénée. Elle avait été celle qui avait platiné Jean Harlow toute sa courte carrière. Du moins le prétendait-elle.
Et voilà pourquoi, chaque vendredi soir, en nous quittant, Marilyn me disait:
"A demain, rendez-vous dans ma cuisine à 11 heures." Tous les samedis matin, la décoloratrice de la regrettée Jean Harlow prenait son avion à San Diego, atterrissait à L.-A.; la voiture de Marilyn l'attendait à l'aéroport et la conduisait jusqu'à la cuisine, ou plutôt jusqu'à la kitchenette du bungalow n° 21.

Elle n'avait pas d'autres bons souvenirs professionnels. Pas de ces histoires de fous rires avec les copains, de mystifications de têtes de Turcs, d'embrassades sonores après une scène dans laquelle on sent qu'on a bien joué ensemble. Tout cela lui était étranger. Je n'en revenais pas.
Elle me faisait raconter mes histoires à moi, qui n'étaient ni plus originales ni plus comiques ou boul
eversantes que toutes les histoires d'acteurs, dans tous les pays du monde. C'étaient des histoires de merveilleuse complicité, comme celle de l'école quand on est petit.

Elle ne sortait que pour aller faire un travail qu'elle n'aimait apparemment pas beaucoup. Elle ne l'aimait pas beaucoup parce qu'une légion de gens s'étaient succédé dans sa vie pour lui enfoncer dans la tête qu'elle était tout sauf une actrice. Que, sans eux, ou elles, elle était incapable de dire
"il va pleuvoir" avec le moindre accent de justesse. Elle avait fini par les croire. Ils lui coûtaient une fortune, qu'elle payait.


Simone Signoret, La Nostalgie n'est plus ce qu'elle était
Chapitre 11, Ed. du Seuil.

in Bouthier / Bruffa / Charles / Williame Français / B.E.P. 1, coll. "En toutes lettres", éd. Nathan Technique, 1984



LA STAR VUE PAR UN PUBLICITAIRE.

"C'est la rencontre fatale du commerce et de l'art, de la déesse et de la marchandise. En priorité, la star convainc. Chez elle c'est une fonction naturelle.
La star fait acheter.
C'est sa raison d'être. La star est la seule marchandise absolue. La seule multivendable. Son jeu, son image, sa voix et jusqu'à sa mémoire sont argent comptant. Et cette gigantesque machine à sous est inépuisable. Plus une star vend, mieux elle se vend. La deuxième nature de la star est de durer. Troisième nature, séduire. Car séduction rime avec communication. Convaincre, durer, séduire, quel est l'annonceur qui n'a jamais espéré cette trilogie infaillible pour chacune de ses marques ? En fait, la star est le plus grand cas de
marketing de l'histoire. . "


Jacques SEGUELA, Hollywood lave plus blanc
Ed. Flammarion.

in Bouthier / Bruffat / Charles / Williame Français / BEP 1, coll. "En toutes lettres", Nathan Technique, 1984


QUESTIONS

1. Quelles contradictions y a-t-il entre Marilyn personnage privé et

Marilyn actrice ?
2. D'après le texte de Simone Signoret, quelle impression nous donne le
style de vie de Marilyn Monroe ?
3. Quelles sont les caractéristiques d'une star pour le publicitaire
Jacques Séguéla ? Retrouve-t-on dans le texte de Simone Signoret
des détails qui illustrent sa théorie ?
4. D'après Jacques Séguéla, en quoi la star est-elle une "marchandise" ?


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Ecoutez JEFFERSON !...

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Une révolte contre le colonialisme

Excédées de l'oppression économique et commerciale exercée par la métropole, les treize colonies anglaises d'Amérique du Nord s'insurgent contre cette pesante tutelle. Le premier engagement militaire a lieu en 1775, et, le 4 juillet 1776, un Congrès rassemblant leurs délégués à Philadelphie vote la "Déclaration d' Indépendance" : c'était l'acte de naissance d'un nouvel État, promis au rôle historique que l'on sait. Chaque année, le 4 juillet est célébré aux Etats-Unis avec une ferveur particulière. Voici des extraits de cette déclaration dans la traduction qu'en donna lui-même Jefferson, qui en avait été le rédacteur et qui devint plus tard président des Etats-Unis...



"Lorsque dans le cours des événements humains, il devient nécessaire pour un peuple de dissoudre les liens politiques qui l'ont attaché à un autre et de prendre, parmi les puissances de la terre, la place séparée et égale à laquelle les lois de la nature et du Dieu de la nature lui donnent droit, le respect dû à l'opinion de l'humanité l'oblige à déclarer les causes qui le déterminent à la séparation.

Nous tenons pour évidentes par elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inaliénables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur. Les gouvernements sont établis par les hommes pour garantir ces droits, et leur juste pouvoir émane du consentement des gouvernés. Toutes les fois qu'une forme de gouvernement devient destructive de ce but, le peuple a le droit de la changer ou de l'abolir et d' établir un nouveau gouvernement, en le fondant sur les principes et en l'organisant en la forme qui lui paraîtront les plus propres à lui donner la sûreté et le bonheur. La prudence enseigne, à la vérité, que les gouvernements établis depuis longtemps ne doivent pas être changés pour des causes légères et passagères, et l'expérience de tous les temps a montré, en effet, que les hommes sont plus disposés à tolérer des maux supportables qu'à se faire justice à eux-mêmes en abolissant les formes auxquelles ils sont accoutumés. Mais lorsqu'une longue suite d'abus et d'usurpations tendant invariablement au même but marque le dessein de les soumettre au despotisme absolu, il est de leur droit, il est de leur devoir de rejeter un tel gouvernement et de pourvoir, par de nouvelles sauvegardes, à leur sécurité future. (... )
En conséquence, nous, les représentants des États-Unis d'Amérique, assemblés en Congrès général, prenant à témoin le Juge Suprême de l'Univers de la droiture de nos intentions, publions et déclarons solennellement, au nom et par l'autorité du bon peuple de ces colonies, que ces colonies unies sont et ont le droit d'être des États libres et indépendants ; qu'elles sont dégagées de toute obéissance envers la Couronne de !a Grande Bretagne ; que tout lien politique entre elles et l'État de la Grande-Bretagne est et doit être entièrement dissous ; (...) et pleins d'une ferme confiance dans la protection de la divine Providence, nous engageons mutuellement au soutien de cette déclaration nos vies, nos fortunes et notre bien le plus sacré,
l'honneur."


THOMAS JEFFERSON

Déclaration de l' Indépendance des États-Unis.

Questions

1 Éclairage historique: élucider la «longue suite d'abus et d'usurpations » dont la Grande-Bretagne s'était rendue coupable.

2
Étudier les grandes lignes de la doctrine exprimée:

a/ les droits de l'homme;

b/ les devoirs des gouvernements;

c/ les conditions de légitimité d'une rébellion.

3 Montrer et expliquer le caractère assez dogmatique de ce texte.

4 L'inspiration idéaliste et l' élévation du ton.


Document

Dès le début de l'insurrection américaine, les rebelles trouvèrent un soutien moral puissant dans une large fraction de l'opinion française. Diderot , dès 1778, avait porté un témoignage éloquent de ce courant de sympathie dans l'Apostrophe aux Insurgents d'Amérique :

" Après des siècles d'une oppression générale, puisse la révolution qui vient de s'opérer au-delà des mers, en offrant à tous les habitants de l'Europe un asile contre le fanatisme et la tyrannie, instruire ceux qui gouvernent les hommes sur le légitime usage de leur autorité ! Puissent ces braves Américains qui ont mieux aimé voir leurs femmes outragées, leurs enfants égorgés, leurs habitations détruites, leurs champs ravagés, leurs villes incendiées, verser leur sang et mourir, que de perdre la plus petite portion de leur liberté, prévenir l'accroissement énorme et l'inégale répartition de la richesse, le luxe, la mollesse, la corruption des moeurs, et pourvoir au maintien de leur liberté et à la durée de leur gouvernement ! "
in
Georges ROMBI, L'HOMME ET LA CITÉ, coll. "Thèmes et parcours littéraires", Classiques Hachette 1974


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Non-violence, racisme
MARTIN LUTHER KING LA SEULE RÉVOLUTION

Sujet d'argumentation...

« L'un des plus grands débats philosophiques de l'histoire a porté sur la question de la fin et des moyens. Et il s'est toujours trouvé des gens pour prétendre que la fin justifie les moyens, que les moyens, au fond, sont sans importance, l'essentiel étant d'atteindre le but fixé.
C'est pourquoi, disent-ils, si vous cherchez à bâtir une société juste, l'important est d'aboutir, et les moyens n'importent guère. Choisissez n'importe quel moyen, pourvu que vous atteigniez votre but: ils peuvent être violents, ils peuvent être malhonnêtes; ils peuvent même être injustes. Qu'importe, si le but est juste ! Oui, tout au long de l'histoire, il s'est trouvé des gens pour
argumenter ainsi. Mais nous n'aurons pas la paix dans le monde avant que les hommes aient partout reconnu que la fin ne peut être dissociée des moyens, parce que les moyens représentent l'idéal qui se forme, et la fin l'idéal qui s'accomplit. En définitive, on ne peut atteindre des buts justes par des moyens mauvais, parce que les moyens représentent la semence, et la fin représente l'arbre.
Il est étrange de constater que les plus grands génies militaires du monde ont tous parlé de la paix. Les conquérants de l'Antiquité qui se livraient à des théories dans le but d'aboutir à la paix, Alexandre, Jules César, Charlemagne et Napoléon, recherchaient tous un ordre mondial pacifique. Si vous lisez de près
Mein Kampf, vous découvrirez que Hitler affirmait que tout ce qu'il faisait pour l'Allemagne avait la paix pour objet. Et aujourd'hui les responsables du monde parlent également de la paix. Chaque fois que nous larguons des bombes sur le Nord Viêt-Nam, le président Johnson parle également de la paix. Comment expliquer ce paradoxe ? C'est qu'ils parlent de la paix comme d'un but lointain, comme d'une fin que vous visons, mais un jour il faudra comprendre que la paix n'est pas seulement un but lointain que nous nous fixons, mais un moyen qui nous permet d'arriver à ce but. Nous devons nous fixer ces buts pacifiques par des moyens pacifiques. Tout cela pour dire qu'en fin de compte moyens et buts doivent être cohérents, parce que le but préexiste dans les moyens et parce que les moyens destructeurs ne peuvent aboutir à des fins constructives. Permettez-moi de dire ce qui doit nous préoccuper ensuite, si nous voulons avoir la paix sur la terre et la bonne volonté entre les hommes : c'est l'affirmation du caractère sacré de toute vie humaine. Tout homme est quelqu'un parce qu'il est enfant de Dieu. Et ainsi, quand nous disons: "Tu ne tueras point" , ce que nous disons en réalité, c'est que la vie est trop sacrée pour être supprimée sur les champs de bataille du monde...
J'ai vu trop de haine pour vouloir haïr moi-même, j'ai vu la haine sur le visage de trop de shérifs, de trop de meneurs blancs, de trop de membres du
Ku-Klux-Klan dans le Sud, pour vouloir haïr moi- même : et chaque fois que je vois cette haine, je me dis au dedans de moi : la haine est un fardeau trop lourd à porter. Nous devons être capables de nous dresser contre nos adversaires les plus acharnés et de leur dire : "Nous répondrons à votre capacité d'infliger des souffrances par notre capacité de supporter la souffrance. A votre force matérielle, nous opposerons la force de notre âme. Faites de nous tout ce que vous voudrez, et nous vous aimerons encore. En conscience, nous ne pouvons ni obéir à vos lois injustes, ni respecter votre système injuste, car la non-coopération avec le mal est une obligation au même titre que la coopération avec le bien. Jetez nous donc en prison, et nous vous aimerons encore, bombardez nos foyers et menacez nos enfants, et aussi difficile que cela puisse paraître, nous vous aimerons encore. Envoyez vos policiers casqués, à minuit, dans nos quartiers, entraînez-nous sur une route écartée pour nous laisser à demi-morts sous vos coups, et nous vous aimerons encore. Envoyez vos propagandistes dans le pays tout entier et publiez partout que nous ne sommes pas mûrs, au point de vue culturel ou autrement, pour l'intégration. Mais soyez sûrs que nous vous aurons à l' usure par notre capacité de souffrance. Un jour, nous finirons par conquérir notre liberté. Et ce n'est pas seulement pour nous que nous conquerrons cette liberté, mais nous ferons tellement appel à votre coeur et à votre conscience, que nous vous conquerrons aussi et que notre victoire sera une double victoire..."


Martin Luther King, La seule révolution
Castermann 1968, p. 105-111: "la paix de Noël".

Texte proposé au baccalauréat , il y a quelques années... ( sujet 1, argumentation ) in Guides pratiques Bordas, 814 Français, sujets et corrigés, L'ANNÉE DU BAC 1974, pages 118 à 121

Martin Luther King était un pasteur luthérien, apôtre de la non-violence...

Prix Nobel de la Paix en 1964, il est mort assassiné le 4 avril 1968 à l'âge de 39 ans ...


SUJET 1 Argumentation - Discussion

Dégagez de ce texte les théories de la non-violence...

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VOYAGER

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Voyagez dans le Temps... Au Moyen Age...

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A Pied...au Moyen-âge

L'histoire du voyage à pied devrait commencer au paragraphe des chaussures. Non que des populations ne marchent les pieds nus et ne parcourent ainsi de grandes distances. Mais sans chaussures, pas de piéton capable de faire régulièrement, par tous les temps, à travers tous les terrains, des étapes journalières de 25 à 30 kilomètres. Songeons aux pèlerins et aux croisés populaires, aux compagnons du Tour de France et aux grognards de la Grande Armée pour apprécier justement l'importance... de la cordonnerie française ! Le paysan, aux origines mêmes de notre histoire, fait et porte chaussures, galoches, sandales à semelles de bois ; il s'entoure souvent les jambes de houseaux , guêtres de cuir avec sous-pieds pour se protéger dans une marche à travers les champs et les fourrés. Le citadin préfère le soulier, la botte étant plutôt réservée au cavalier, noble ou soldat. La forme de la chaussure reste assez immuable ( il suffit de se souvenir que la mode de la poulaine , avec sa pointe démesurée, a régné chez nous pendant quatre siècles ). Le luxe apparaît très tôt, mais il affecte peu "l' article de voyage " .
Pendant tout le Moyen Âge, le piéton le plus populaire est sans conteste le pèlerin. On le reconnaît aisément à sa robe à mantelet et capuchon, ornée de médailles de plomb, à son attirail bénit, fait d'une
escarcelle ou bourse, d'une écharpe ou sac à provisions pendu au côté et du bourdon , long bâton terminé au sommet par une pièce de métal portant une inscription pieuse.
Il cache soigneusement sa
« licence » ( nous dirions aujourd'hui sauf-conduit ou passeport ) et ses lettres de recommandation. Il jouit d'une considération toute spéciale, qu'il aille à Rome, en Espagne ( à Saint-Jacques-de-Compostelle ), à Jérusalem, ou que la piété et la pénitence le poussent plus modestement vers quelque célèbre sanctuaire français ( Chartres ou Tours par exemple ).
Il se sait sous la protection et la juridiction de l'Eglise ("
Excommunication et damnation à qui oserait le toucher d'une main sacrilège "), mais la route est longue, difficile et dangereuse.


Il peut compter sur des subventions au départ, des aumônes en cours de route, des exemptions de taxes pour lui et ses bagages, l'hospitalité dans l'hôtellerie des couvents ou, s'il est noble, le gîte dans le château de ses égaux. Mais rien ne vaut, pour le confort, les bonnes pièces d'or et d'argent qu'il fera tinter à l'étape. Il peut demander sa route au passage, mais il préfère, par crainte d'aventure, se fier plutôt à son manuel du pèlerin. Ce livre comporte, après les hymnes et les miracles les plus célèbres du saint qu'on honore, la description des routes et des étapes avec les distances, un vocabulaire usuel des langues et patois des pays traversés, la liste des points où l'on trouve de l'eau, des reliques et des curiosités à voir au passage... etc... Le plus souvent, il préfère se joindre à une bande, pour plus de précaution et de facilité et si la piété y perd parfois au profit d'une certaine
"liesse" collective, bien vite on se ressaisit et le cantique ou la prière reprennent en choeur, pour la plus grande édification des passants.

Et de retour, quels ne sont point les récits lourds de souvenirs et parfois légèrement imaginaires, qui feront du pèlerin un personnage prestigieux et entouré. C'est au point que bien des chroniqueurs de l'époque, sans doute d'assez méchante espèce, écrivaient que, pour rompre la monotonie du temps, le meilleur remède à l'ennui était encore un pèlerinage !

Autre piéton respectable et bien connu de toute l'ancienne France : le moine. Il parcourt inlassablement les rues et les routes dans l'exercice de son apostolat. Il prêche, confesse, dirige une mission, donne l'absolution et distribue les indulgences. Il visite les maisons, tantôt pour mendier, tantôt pour faire la charité. Mais quel embarras ce devait être pour nos pères de reconnaître l'uniforme et les insignes distinctifs des innombrables ordres monastiques installés dans le royaume !
Pendant tout le Moyen Âge, et même encore plus tard, beaucoup d'étudiants pauvres font à pied le chemin entre leur terre natale et leur ville d'Université. Les
"écoliers", c'est ainsi qu'on nommait jadis les étudiants, vivent, au long du chemin d'aumônes et de bienfaits. Les paysans les accueillent mieux que les bourgeois, qui ont trop souvent à se plaindre de la fantaisie et de la turbulence des universitaires. Tout le temps du voyage, les étudiants restent sous la protection puissante de leur Faculté. Cet avantage et l'importance d'autres privilèges expliquent que trop de mauvais sujets, maraudeurs, voleurs, se déclarent faussement comme des « écoliers » . Il ne manque pas de jeunes gens pour tourner mal. Tel cet ancien étudiant, plusieurs fois mis en prison pour de graves méfaits, au temps de Louis Xl et de Charles VII, réchappé à grand-peine du dernier supplice, et qui devint immortel comme poète sous le nom de François Villon.


Extrait d' un ouvrage scolaire de 1935 intitulé

LES VOYAGES du coche à l' avion
pages 13 à 15
par M. Ginat et A. Weiler
Coll. LA JOIE DE CONNAÎTRE, éd. BOURRELIER


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VOYAGER AU SEIZIÈME SIÈCLE

Extrait de l' ouvrage biographique :

LE ROMAN DE RABELAIS, par Michel RAGON
Livre de Poche n° 13965

Fuyant les attaques dont il est l'objet depuis la publication de GARGANTUA et PANTAGRUEL, s'éloignant des querelles politico-religieuses dans lesquelles on veut l'impliquer pour se servir de sa renommée, Rabelais "se sauve" en compagnie de Frère Gilles, son domestique.

Ils quittèrent Saint-Maur de si bon matin que la ville était encore déserte. En longeant les bords de la Marne, ils rencontrèrent d'abord des pêcheurs qui poussaient leurs barques dans la rivière pour y jeter leurs filets.
Puis, au fur et à mesure que les brumes de l'aube se dissipèrent, apparurent des charrettes traînées par des boeufs, des chariots couverts, des colporteurs sac au dos, des vendeurs d'images et de chansons, des cavaliers, des moines mendiants, des pèlerins leur capuchon sur la tête, des marchands qui se déplaçaient de foires en marchés, des compagnons accomplissant leur tour de France. Sur cette route mal entretenue, comme l'étaient toutes les routes du royaume, au sol tantôt marneux, tantôt marécageux, où des chars et des chevaux s'embourbaient dans des fondrières en temps de pluie, si bien que les convois devaient passer à travers champs, une cohue de piétons, de cavaliers et de véhicules formait une animation incessante. Comme si tous ces gens fuyaient quelque chose ou couraient vers un miracle. Certains, en effet, couraient vers un miracle; les pèlerins qui mettraient des semaines et des semaines pour rejoindre Rocamadour, Le Puy, Saint-Jacques-de-Compostelle. Et comment n'auraient-ils pas cru aux miracles puisqu'il s'en produisait tous les jours, partout, en tous lieux ; que les romans de geste, les brochures populaires, les livres pieux attestaient les prodiges et les guérisons miraculeuses, la résurrection des pendus, les processions génératrices de pluie et de soleil, la translation de Nazareth à Lorette, par les anges, de la maison de la Vierge...
Rabelais, sur sa mule, maugréait. Il avait toujours trouvé absurdes ces pèlerinages, ces processions. Il se mit à invectiver la foule et bientôt un rassemblement se fit autour de lui. Retrouvant sa verve de prêcheur, il s'exclama:
" Allez-vous-en, pauvres gens, au nom de Dieu le Créateur, lequel vous soit un guide perpétuel, et dorénavant ne soyez pas attentifs à ces inutiles voyages. Entretenez vos familles, travaillez, chacun en sa vocation, instruisez vos enfants et vivez comme vous enseigne le bon apôtre saint Paul.C'est un huguenot, il parle de saint Paul ", hurla un moine. On commença à ramasser des pierres et à les jeter sur la mule qui s'emballa. La rapidité de sa monture et son affolement tirèrent Rabelais d'embarras. Mais Gilles restait en arrière. Faute d'avoir pu attraper le maître, on se vengeait sur le valet. Gilles s'appliquait surtout à tenir le capuchon de son manteau sur sa tête, afin de dissimuler cette maudite tonsure qui n'arrivait pas à s'effacer. En même temps, le capuchon amortissait les coups de bâton. Fort heureusement arriva le convoi d'un important personnage, couché dans une litière. Son escorte dégageait la route à coups de fouet. Gilles profita de ce que ses assaillants soient à leur tour assaillis pour déguerpir. Il rejoignit Rabelais près du bois Notre-Dame.
" Je ne t'abandonnais pas, s'excusa Rabelais, mais la mule m'a emporté. Tu comprends maintenant pourquoi je ne veux plus parler. Dès que j'ouvre la bouche, on me lance des pierres. (*) cliquez.

- Et moi qui n'ai rien dit, on me bastonne.
- Dernièrement, à La Rochelle, on a jeté sur le bûcher à la fois un horloger hérétique et une horloge qui, sans doute, indiquait une mauvaise heure. "

Avant la tombée de la nuit, ils arrivèrent à Étampes. La mule et les deux hommes avaient du mal à se frayer un passage dans les rues étroites grouillantes de monde. Les étals des commerçants regorgeaient de marchandises. Rabelais s'arrêta devant un poissonnier qui lui vanta ses anguilles, ses lamproies, ses carpes, ses tanches, ses brochets. Il se contenta de lui acheter deux harengs. Un épicier lui vanta son sel, son safran, ses huiles, son vinaigre. Plus loin, il fut hélé par un marchand de fromages de Brie. On vendait de tout à Étampes : des paniers, des fagots, des allumettes, de la moutarde. Des porteurs d'eau, des portefaix, des crocheteurs poussaient des cris en bousculant la foule. Marchands de gaufres, marchands d'oublies, boulangers offrant des petits pains blancs dans des paniers d'osier, tripiers, volaillers, gargotiers, tous célébraient leurs produits, les chantonnaient, les criaient à tue-tête.
" Inutile de se comporter en moines faméliques , dit Rabelais. Ma bourse contient quelques écus. Nous souperons et dormirons donc à l'auberge. Nous garderons les harengs pour demain. "
Le gîte dans lequel ils entrèrent sentait presque aussi mauvais qu'un cimetière. Une odeur de sueur, de graillon, d'urine, d'excréments animaux et humains. La salle commune, enfumée, était encombrée d'une clientèle qui pérorait, s'exclamait, discutait, se disputait, riait. Des pichets de vin passaient de main en main. Aucune courtoisie chez ces gens qui pénétraient dans l'auberge avec leurs bottes crottées, traînant leurs malles, bousculant les premiers arrivés, rudoyant les servantes. Habitué depuis si longtemps à cette brutalité et à cet inconfort, Rabelais jouait des coudes, imposait sa présence en élevant la voix. Il réussit à obtenir une chambre au-dessus de l'écurie, avec un seul lit puisque la coutume voulait qu'un lit serve au moins à deux personnes, même si celles-ci ne se connaissaient pas. Rabelais tira la couverture, regarda les draps crasseux qui n'avaient pas dû être changés depuis six mois:
" Voilà qui nous ramène à plus de modestie. Et qui nous évitera de nous déshabiller. Allons dîner, Gilles, j'ai senti une odeur d'oie et de rôtissoire. Si toutefois nous sommes assez malins pour en attraper quelques morceaux..."


Michel RAGON, LE ROMAN DE RABELAIS

Livre de Poche n° 13965, pages 92 à 95

( * ) Membre de l' ordre des Franciscains, les "frères Prêcheurs", au début de sa "carrière monastique", Rabelais avait prêché avec une verve remarquée sur les routes de France. Mais ses idées humanistes, qui le rapprocheront des "Réformistes", les futurs "Protestants", lui vaudront par la suite bien des déboires : l'Inquisition veille... Les "guerres de religion(s)" ne sont pas loin...En attendant, la menace du bûcher pèse sur les "hérétiques" : Rabelais n'a pas oublié que l'éditeur humaniste Etienne DOLET n'y a pas échappé ( ni ses publications, brûlées sur la place publique - autodafé ) et il ne tient guère à subir le même sort... Il ne tient même plus à écrire... Par la suite, cédant aux instances du cardinal Jean du Bellay et du roi Henri II, pour des raisons qui ne sont pas dénuées d'intérêt(s), de part et d'autre, il se remettra à l' écriture et donnera une suite à PANTAGRUEL...

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...au 16è siècle...MONTAIGNE

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Le VOYAGE au 16è siècle
Michel de Montaigne
( 1533-1592 )

L' ART DE VOYAGER

Les propos de Montaigne sur le voyage ont gardé toute leur modernité. Non seulement parce qu 'il estime nécessaire à l'éducation intellectuelle et morale de visiter les pays étrangers " pour frotter et limer notre cervelle contre celle d'autrui " , mais parce que lui même a su mettre à profit cette maxime dans le grand voyage qui le mena en Suisse, en Allemagne et en Italie du mois de juin 1580 au mois de novembre 1581.

Le voyage me semble un exercice profitable (*) . L'âme y a une continuelle exercitation à remarquer les choses inconnues et nouvelles; et je ne sache point meilleure école, comme j'ai dit souvent, à former la vie que de lui proposer incessamment la diversité de tant d'autres vies, opinions et usages, et lui faire goûter une si perpétuelle variété de formes de notre nature [...].
Moi, qui le plus souvent voyage pour mon plaisir, je ne me guide pas si mal (que ceux qui sont contraints à voyager pour affaires). S'il fait laid à droite, je prends à gauche: si je me trouve mal propre à monter à cheval je m'arrête. Ai-je laissé quelque chose à voir derrière moi ? J'y retourne; c'est toujours mon chemin. Je ne trace aucune ligne déterminée, ni droite ni courbe. Ne trouvé - je pas où je vais ce qu'on m'avait dit ? Comme il advient souvent que les jugements d'autrui ne s'accordent pas aux miens ,et je les ai trouvés plus souvent faux , je ne plains pas ma peine : j'ai appris que ce qu'on disait n'y est point.
[...] La diversité des façons d'une nation à une autre ne me touche que par le plaisir de la variété. Chaque usage a ses raisons. Assiettes d'étain, de bois, de terre, viande bouillie ou rôtie, beurre ou huile de noix ou d'olive, chaud ou froid, tout m'est égal, et si égal que, vieillissant, j'accuse cette généreuse faculté et aurais besoin que la délicatesse et le choix arrêtassent le manque de modération de mon estomac. Quand j'ai été ailleurs qu'en France et que, pour me faire courtoisie, on m'a demandé si je voulais être servi à la française, je m'en suis moqué et me suis toujours jeté aux tables les plus fournies d'étrangers.

J'ai honte de voir nos hommes enivrés de cette sotte humeur, de s'effaroucher des formes contraires aux leurs : il leur semble être hors de leur élément quand ils sont hors de leur village. Où qu'ils aillent, ils se tiennent à leurs façons et abominent les étrangères. Retrouvent-ils un compatriote en Hongrie, ils fêtent cette aventure : les voilà à se rallier et à se recoudre ensemble, à condamner tant de moeurs barbares qu'ils voient. Pourquoi non barbares, puisqu'elles ne sont pas françaises ? Encore sont-ce les plus habiles qui les ont reconnues, pour en médire. La plupart ne prennent l'aller que pour le venir. Ils voyagent couverts et resserrés dans une prudence taciturne et incommunicable, se défendant de la contagion d'un air inconnu.


Montaigne
Essais, livre III, chap. IX Edition Pierre Villey; Alcan, 1923 in Guy Dandurand, LE VOYAGE, coll. "Textes pour aujourd'hui", Larousse 1978
* Certaines tournures de langue propres au 16è siècle ont été, ici, modernisées ...

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VOYAGER du 19è au 20è siècle...
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A cheval au Nouveau-Monde


A l'âge de vingt-trois ans, le futur Louis-Philippe, accompagné par ses deux frères plus jeunes et un seul domestique, réalise l'expérience du voyage au Nouveau Monde dont rêvent ses contemporains. Nous sommes en 1797. Ils partent à cheval de Philadelphie, avec manteaux de drap et couvertures entoilées dans leurs sacs de selle, vers le Maryland, la Virginie, le Tennessee. . .

Ce n'est pas vraiment l'aventure : le pays est colonisé, les Indiens sont en paix et ces "Messieurs d'Orléans" ont quelques lettres de recommandation. Mais ils évitent de s'attarder chez les notables : " La seule chose qui m 'intéresse, écrit le narrateur, est l'aspect du pays, l'état de la culture, celui des habitations, des habitants. " Ces notes de voyage ne reflètent pas l'enthousiasme : auberges minables, rusticité de l' accueil des colons qui ne comprennent pas ce qu 'on peut bien venir visiter dans ces "régions perdues "... Les voyageurs sont choqués par le sort fait aux Noirs en Virginie et par celui qui attend les Indiens que de nouvelles vagues de colons s'apprêtent à exproprier de leurs terres. Récemment édités, ces deux carnets restituent pleinement ce que pouvait être un journal de route sans souci d'effets littéraires tel qu'en tenaient alors les voyageurs lettrés.


Chez les Indiens (1) (1) / 2 mai

"Le matin nous passâmes la rivière avec M. Strother (2) et nous fûmes d'abord sur l'emplacement du Fort Loudon qui est aujourd'hui tout recouvert de broussailles et où on voit à peine quelques pierrailles et quelques mouvements de terre qui rappellent son existence. Près de là, sur la même hauteur, un Indien a bâti sa cabane ou plutôt sa maison, car cela ressemble assez aux maisons des pauvres gens de ce pays-ci. La principale différence est qu'elles sont un peu plus basses et un peu plus petites et qu'au lieu de choisir de gros arbres pour les construire, ils en ont pris de minces et de petits qui leur donnent moins de peine à couper et à transporter. Ils en bouchent les interstices avec un mastic fait avec de la terre et du sable comme chez les paysans (3). La porte est extrêmement étroite, mais assez haute pour y entrer sans se baisser. Quand nous entrâmes chez lui, les hommes mangeaient une soupe faite avec du lait et du pain de maïs. Ils nous en offrirent tout de suite selon les règles de l'hospitalité indienne. Leurs cuillers étaient de bois et assez bien faites. La forme était plus pointue et plus triangulaire que celle des nôtres, Le feu était à l'une des extrémités de la chambre dans une cheminée comme les nôtres et les lits, faits avec de la canne posée en long et sur laquelle on étend des couvertures, étaient le long de la muraille. La maison de cet Indien est dans une jolie position : il a devant lui un grand tapis vert terminé par des collines couvertes de bois et à l'horizon des montagnes que l'éloignement fait paraître bleues (4) . Sur la gauche, il voit la rivière dont le cours est si tranquille qu'elle ressemble à un lac, l'île qu'elle forme près de là et les coteaux qui la bordent. Nous traversâmes ensuite la plaine que nous avions devant nous et nous vînmes par un joli pays à une autre maison dont la situation est aussi réellement pittoresque. Elle est du même genre que celle dont je viens de parler, mais quelques arbres touffus et peu élevés qui sont sur le côté en rendent l'aspect plus agréable. En tout je n'ai pas encore vu de pays inculte qui ressemblât moins que celui-là à un désert. On y voit des plaines entièrement découvertes et qui seraient fauchables dans leur état actuel.
Nous avons vu souvent les Indiens se pagayant dans un tronc d'arbre creusé en forme de canot (comme en Suisse, mais mieux fait). Ils s'y tiennent tous debout et il y en a qui tirent des sons d'une espèce de flûte qu'ils font en perçant des trous sur une grosse canne vidée et débouchée. Quoique cela soit informe, cela fait plaisir à entendre de loin sur l'eau, surtout quand la nouveauté du spectacle embellit les objets.
L'habillement des
Cherokees est fait avec des étoffes et des marchandises européennes. Les gens riches parmi eux portent de grandes robes de chambre volantes, de toiles peintes ou d'étoffes semblables. Quelques-uns portent des chapeaux, mais le plus grand nombre a conservé la coiffure indienne. Ils se rasent la tête de manière à ne laisser de cheveux que sur le crâne et le derrière de la tête, comme seraient les Capucins s'ils conservaient leurs cheveux dans l'intérieur de leurs auréoles. L'extrémité de ces cheveux est ordinairement ornée de quelques pendrillons ou de quelques tresses faites à leur manière avec de l'étain, du crin teint en rouge... etc... Quelquefois ce sont les cheveux eux-mêmes qui sont teints en rouge avec du vermillon, ce qui est affreux et les fait paraître ensanglantés. En tout le vermillon est très à la mode parmi eux et il est toujours placé dans l'endroit où on s'attendrait le moins à le trouver. Tantôt il y en a une forte touche sous un oeil et il n'y en a que là, tantôt il y en a devant l'oreille et tantôt à la racine de cheveux. Il y en a aussi qui, pour se rendre plus agréables, se mettent dans la tête des plumes de dindons ou d'autres oiseaux auxquelles ils ajoutent encore des pendrillons, des petits grains de verre et du duvet teint en rouge.
Leur habillement est si varié qu'il est impossible d'en donner une idée exacte. La plupart portent une couverture de laine passée sur l'épaule gauche et sous l'épaule droite de manière à leur laisser le bras droit entièrement libre. Ils portent tous une chemise ou tunique qui est, dit-on, lavée assez souvent. Ils se baignent assez fréquemment. La culotte est un vêtement inconnu chez eux. Ils n'ont que le petit carré de drap et soit la chemise soit la tunique est fixée par une ceinture, de manière à le cacher entièrement."


Louis-Philippe
19è siècle Journal de mon voyage d' Amérique

Flammarion, 1976, pp.102-103, 114-115

in Guy Dandurand , Le voyage, page 81, éd. Larousse 1978
1. Les Cherokees de l'Ohio.

2. Leur hôte, le commandant militaire.

3. Leurs toits sont faits de la même manière avec de l'écorce et des pierres posées dessus comme en Suisse et sur toutes les maisons de bois. (Note de l'auteur.)

4. Les Alleghenys ou Appalaches. (Note de l'auteur.)


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Chateaubriand 19è siècle

Libre comme la nature

La pensée du XVIIIè siècle, malgré les moqueries de Voltaire, s'est laissé prendre par l'exaltation des mondes naturels . Chateaubriand, tout à la fin du siècle, y trouve moins une leçon de morale naturelle qu'une leçon de religion profonde. Il a inséré dans le récit de son Voyage en Amérique , effectué en 1791, un fragment de Journal sans date, que voici.

" Le ciel est pur sur ma tête, l'onde limpide sous mon canot, qui fuit devant une légère brise. A ma gauche sont des collines taillées à pic et flanquées de rochers d'où pendent des convolvulus à leurs fleurs blanches et bleues, des festons de bignonias, de longues graminées, des plantes saxatiles de toutes les couleurs; à ma droite règnent de vastes prairies. A mesure que le canot avance, s'ouvrent de nouvelles scènes et de nouveaux points de vue : tantôt ce sont des vallées solitaires et riantes, tantôt des collines nues ; ici c'est une forêt de cyprès, dont on aperçoit les portiques sombres; là c'est un bois léger d'érables, où le soleil se joue comme à travers une dentelle. Liberté primitive, je te retrouve enfin ! Je passe comme cet oiseau qui vole devant moi, qui se dirige au hasard, et n'est embarrassé que du choix des ombrages. Me voilà tel que le Tout Puissant m'a créé, souverain de la nature, porté triomphant sur les eaux, tandis que les habitants des fleuves accompagnent ma course, que les peuples de l'air me chantent leurs hymnes, que les bêtes de la terre me saluent, que les forêts courbent leur cime sur mon passage. Est-ce sur le front de l'homme de la société, ou sur le mien, qu'est gravé le sceau immortel de notre origine ? Courez vous enfermer dans vos cités, allez vous soumettre à vos petites lois; gagnez votre pain à la sueur de votre front, ou dévorez le pain du pauvre ; égorgez-vous pour un mot, pour un maître ; doutez de l'existence de Dieu, ou adorez-le sous des formes superstitieuses : moi j'irai errant dans mes solitudes ; pas un seul battement de mon coeur ne sera comprimé, pas une seule de mes pensées ne sera enchaînée ; je serai libre comme la nature; je ne reconnaîtrai de souverain que celui qui alluma la flamme des soleils et qui d'un seul coup de sa main fit rouler tous les mondes."


CHATEAUBRIAND,
Voyage en Amérique

in G. Menant-Artigas, Des voyages et des livres, coll. "Thèmes et parcours littéraires", classiques Hachette 1973


On peut trouver le texte intégral du Voyage en Amérique de Chateaubriand aux éditions de la Pléiade.

Question :

Relevez dans la narration l'expression exaltée de la solitude.

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Du Nouveau Monde à la Palestine...

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Chateaubriand 19è siècle

«L'HOMME CIVILISÉ RETOMBÉ DANS L'ÉTAT DE NATURE» ARABES et AMÉRICAINS

Le regard porté sur l'Autre par Chateaubriand dans ses récits de voyage manifeste une fondamentale hésitation : l' "homme de nature" est à la fois admiré (en référence à la Nature éternelle dont il est le fruit ) et déprécié ( par rapport à la civilisation ).
La comparaison
entre les Arabes et les peuples du Nouveau Monde menée dans son Itinéraire de Paris à Jérusalem (1811) est à cet égard très significative On peut en effet y relever une description de sauvages à mi-chemin entre l'humanité et l'animalité qui conservent «chez les hordes américaines» une liberté et une violence primitives. Cependant, quels que soient les contrastes relevés entre les déserts de l'Orient et les forêts du Canada, entre l'Arabe et l'Américain, chacun d'eux est jugé par rapport à la même échelle de valeurs qui place à son sommet l'état de civilisation que l'homme ne rejoint qu'en montant ou qu'il abandonne en retombant dans l'état de nature.
La vision du voyageur qui semble attentive à l'altérité établit pourtant elle-même la distance infranchissable entre deux mondes : celui de l'esthète cultivé nourri de l'héritage des Grecs et des Latins et celui des Indiens qui apparaît comme une dégradation de son idéal.
" Il faut les contempler d'un peu loin, se contenter de l'ensemble, et ne pas entrer dans les détails. "
Quand Montaigne fait l'éloge de l'homme naturel, quand Rousseau, Diderot et même Voltaire en font le héros de leur fiction ou de leur réflexion philosophique,
Chateaubriand n'y voit qu'un spectacle pittoresque pour amateurs de lointaines curiosités.

« Les Arabes, partout où je les ai vus, en Judée, en Egypte et même en Barbarie, m'ont paru d'une taille plutôt grande que petite. Leur démarche est fière. Ils sont bien faits et légers. Ils ont la tête ovale, le front haut et arqué, le nez aquilin, les yeux grands et coupés en amandes, le regard humide et singulièrement doux. Rien n'annoncerait chez eux l'homme primitif, s'ils avaient toujours la bouche fermée ; mais aussitôt qu'ils viennent à parler, on entend une langue bruyante et fortement aspirée ; on aperçoit de longues dents éblouissantes de blancheur, comme celles des chacals et des onces*; différents en cela de l'Indien américain, dont la férocité est dans le regard, et l'expression humaine dans la bouche. Les femmes arabes ont la taille plus haute en proportion que celle des hommes. Leur port est noble ; et par la régularité de leurs traits, la beauté de leurs formes et la disposition de leurs voiles, elles rappellent un peu les statues des Prêtresses et des Muses. Ceci doit s'entendre avec restriction : ces belles statues sont souvent drapées avec des lambeaux ; l'air de misère, de saleté et de souffrance dégrade ces formes si pures ; un teint cuivré cache la régularité des traits ; en un mot, pour voir ces femmes telles que je viens de les peindre, il faut les contempler d'un peu loin, se contenter de l'ensemble, et ne pas entrer dans les détails. (...)
Ce qui distingue surtout les Arabes des peuples du "Nouveau Monde", c'est qu'à travers la rudesse des premiers on sent pourtant quelque chose de délicat dans leurs moeurs : on sent qu'ils sont nés dans cet Orient d'où sont sortis tous les arts, toutes les sciences, toutes les religions. Caché aux extrémités de l'Occident, dans un canton détourné de l'univers, le Canadien habite des vallées ombragées par des forêts éternelles, et arrosées par des fleuves immenses; l 'Arabe, pour ainsi dire jeté sur le grand chemin du monde, entre l'Afrique et l'Asie, erre dans les brillantes régions de l'aurore, sur un sol sans arbres et sans eau. Il faut, parmi les tribus des descendants d'Ismaël, des maîtres, des serviteurs, des animaux domestiques, une liberté soumise à des lois. Dans les
nations américaines, l'homme est encore tout seul avec sa fière et cruelle indépendance : au lieu de la couverture de laine, il a la peau d'ours ; au lieu de la lance, la flèche ; au lieu du poignard, la massue ; il ne connaît point et il dédaignerait la datte, la pastèque, le lait du chameau : il veut à ses festins de la chair et du sang. Il n'a point tissé le poil de chèvre pour se mettre à l'abri sous des tentes : l'orme tombé de vétusté fournit l'écorce à sa hutte. Il n'a point dompté le cheval pour poursuivre la gazelle : il prend lui même l'orignal* à la course. Il ne tient point par son origine à de grandes nations civilisées ; on ne rencontre point le nom de ses ancêtres dans les fastes des empires : les contemporains de ses aïeux sont de vieux chênes encore debout. Monuments de la nature et non de l'histoire, les tombeaux de ses pères s'élèvent inconnus dans des forêts ignorées.»

Chateaubriand, Itinéraire de Paris à Jérusalem, 1811


* once : nom d'une variété de panthère.
* orignal : élan du Canada et de l' Alaska.



A propos de CHATEAUBRIAND, voir aussi le
manuel de Littérature " Textes et méthode ", pages 232 à 236, sans oublier la Fiche "GUIDE" consacrée à l' autobiographie, page 237.


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L' ART DE VOYAGER... au XIXè siècle

Document
Lire... les Guides de Voyage

 

Pour le voyageur lettré, l'art de voyager tend à se confondre avec l'art d'écrire. Il appartiendra aux guides de voyage de préciser les itinéraires et de fournir les renseignements pratiques, d 'indiquer au voyageur curieux ce qu'il se doit d'avoir vu. Les premiers guides étaient destinés aux pèlerins, tant il est vrai qu'au Moyen Âge, outre les expéditions militaires et bien entendu les croisades, le pèlerinage est la forme la plus représentative du voyage. Le Guide des chemins de France de 1553 de l'imprimeur Charles Estienne est le premier itinéraire de routes commenté, le modèle de tous ceux qui vont suivre : il sera réédité vingt-huit fois jusqu'en 1668. A partir de 1707 paraîtront les Listes générales des postes et la fin du siècle verra, en Grande-Bretagne, se multiplier les ouvrages consacrés au "grand tour", expression que les éditions françaises de ces ouvrages traduiront par "voyage" ou "tournée" ! Les grandes collections de guides de voyage apparaissent au 19è siècle. D'après l'ouvrage de Marc Boyer sur le tourisme, nous pouvons dresser la brève chronologie suivante:


1836. Premier guide Murray publié par le libraire anglais John Murray (1808- 1892) dans sa collection: Hands books for travellers.

1841. Premier guide ferroviaire en Angleterre.

1843. Premier guide Baedeker, consacré à la Belgique, par le libraire allemand Karl Baedeker (1801-1859). Le succès de ces guides ne se démentira pas tout au long du siècle.

1846. Premier indicateur des chemins de fer Chaix.

 

1853. Le libraire Hachette fonde la Bibliothèque des chemins de fer en confie la direction à Adolphe Joanne (1823 1881) qui fera paraître une série d' Itinéraires. Les Guides bleus prendront la succession des guides Joanne en 1910.

1900. Première édition des guides Michelin.


Se reporter également à l' ouvrage de Charles Estienne, Le Guide des Chemins de France de 1553, Edition reprint Jean Bonnerot ; Honoré Champion, 1935, .

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Voyage autour de ma chambre
Xavier de Maistre (1763-1832) dans son Voyage autour de ma chambre (1795) se propose de parcourir " le charmant pays de l'imagination " et s'amuse à conter, en quarante-deux chapitres, son "voyage" de quarante deux jours d'un meuble à une gravure, d'un bouquet de fleurs à son bureau.

Je pourrais commencer l'éloge de mon voyage par dire qu'il ne m'a rien coûté; cet article mérite attention. Le voilà d'abord prôné, fêté, par les gens d'une fortune médiocre ; il est une autre classe d'hommes auprès de laquelle il est encore plus sûr d'un heureux succès, par cette même raison qu'il ne coûte rien. Auprès de qui donc ? Eh quoi ! vous le demandez ? C'est auprès des gens riches. D'ailleurs, de quelle ressource cette manière de voyager n'est-elle pas pour les malades ! Ils n'auront point à craindre l'intempérie de l'air et des saisons. Pour les poltrons, ils seront à l'abri des voleurs, ils ne rencontreront ni précipices ni fondrières. Des milliers de personnes qui avant moi n'avaient point osé, d'autres qui n'avaient pu, d'autres enfin qui n'avaient pas songé à voyager, vont s'y résoudre à mon exemple. L'être le plus indolent hésiterait-il à se mettre en route avec moi pour se procurer un plaisir qui ne lui coûtera ni peine ni argent ?
Courage donc, partons. Suivez-moi, vous tous qu'une
mortification de l'amour, une négligence de l'amitié, retiennent dans votre appartement, loin de la petitesse et de la perfidie des hommes. Que tous les malheureux, les malades et les ennuyés de l'univers me suivent ! Que tous les paresseux se lèvent en masse ! Et vous qui roulez dans votre esprit des projets sinistres de réforme ou de retraite pour quelque infidélité ; vous qui, dans un boudoir, renoncez au monde pour la vie ; aimables anachorètes* d'une soirée, venez aussi : quittez, croyez-moi, ces noires idées ; vous perdez un instant pour le plaisir sans en gagner un pour la sagesse. Daignez m'accompagner dans mon voyage : nous marcherons à petites journées, en riant, le long du chemin, de voyageurs qui ont vu Rome et Paris, aucun obstacle ne pourra nous arrêter - et, nous livrant gaiement à notre imagination, nous la suivrons partout où il lui plaira de nous conduire.


* Qui se retire dans la solitude

Xavier de Maistre

Voyage autour de ma chambre

Éditions Firmin-Didot, chap. 2, p. 5-6

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Au fait, pourquoi voyager ?... ( bonne question !...)

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Le VOYAGE au 20è siècle

Jean Grenier (1898-1971) : POURQUOI VOYAGER ?
Pourquoi voyager ?
Ces lignes contemporaines du philosophe Jean Grenier ne proposent pas des paysages lointains ; elles disent seulement que le voyage, loin d'être une manière de se fuir comme on l'a trop souvent affirmé, est l'occasion privilégiée de la rencontre avec soi-même.

On vous demande pourquoi vous voyagez.
Le voyage peut être, pour les esprits qui manquent d'une force toujours intacte, le stimulant nécessaire pour réveiller des sentiments qui, dans la vie quotidienne, sommeillaient.On voyage alors pour recueillir en un mois, en un an, une douzaine de sensations rares, j'entends celles qui peuvent susciter en vous ce
chant intérieur faute duquel rien de ce qu'on ressent ne vaut.
On passe des jours à
Barcelone à visiter des églises, des jardins, une exposition, et il ne vous reste de tout cela que le parfum des fleurs opulentes de la Rambla San José. Était-ce donc bien la peine de se déranger ? Évidemment oui.
Quand on a lu
Barrès, on se figure Tolède sous un aspect tragique et on cherche à s'émouvoir en regardant la cathédrale et les Greco. Il vaut mieux errer à l'abandon ou s'asseoir au bord des fontaines pour voir passer les femmes et les enfants. Dans les villes comme Tolède, Sienne, j'ai longtemps contemplé les fenêtres grillagées, les cours intérieures où coulent les fontaines, et les murs épais et hauts comme des remparts. La nuit, je me promenais le long de ces murailles aveugles comme si elles devaient m'apprendre quelque chose. Qu'y a-t-il derrière ces obstacles ? Mais précisément ces obstacles toujours présents, ce mystère toujours soupçonné, quel nom donner à tout cela sinon celui d'amour ?...d'une certaine sorte d'amour ? ( Pas celui des héros de George Sand, bien entendu. )
On peut donc voyager non pour
se fuir, chose impossible, mais pour se trouver. Le voyage devient alors un moyen, comme les Jésuites emploient les exercices corporels, les bouddhistes l'opium et les peintres l'alcool. Une fois qu'on s'en est servi et qu'on touche au but, on repousse du pied l'échelle qui vous a servi à monter. On oublie les journées écoeurantes du voyage en mer et les insomnies du train quand on est parvenu à se reconnaître ( et par-delà soi-même autre chose sans doute), et cette "reconnaissance" n'est pas toujours au terme du voyage qu'on fait : à vrai dire, lorsqu'elle a eu lieu, le voyage est achevé.
Il est donc bien vrai que dans ces immenses solitudes que doit traverser un homme de la naissance à la mort, il existe quelques lieux, quelques moments privilégiés où la vue d'un pays agit sur nous, comme un grand musicien sur un instrument banal qu'il révèle, à proprement parler, à lui-même. La
fausse reconnaissance, c'est la plus vraie de toutes : on se reconnaît soi-même : et quand devant une ville inconnue on s'étonne comme devant un. ami qu'on avait oublié, c'est l'image la plus véridique de soi-même que l'on contemple.


Jean Grenier, Les Iles ( Gallimard, 1959, p. 83-85),

in Guy Dandurand, Le voyage, page 69, coll. " Textes pour aujourd'hui", éd. Larousse 1978

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...l'extase...enfin !...

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J. M. G. Le Clézio
L'extase matérielle ( 1971 )

Partir, il faut partir. Il faut quitter vite, disparaître vers les régions de l'anonyme, vers le possible. Partir... Mais pour où ? Quel pays m'attend ? Quelle nouvelle vie, plus vaste, plus libre que l'ancienne pourrait être la mienne ? Comment ne pas traîner avec soi les guenilles familières, comment secouer les jougs, les coutumes, les terribles habitudes qui ont creusé leurs sillons ? Je ne sais pas si cela est possible, oui, s'il est possible vraiment d'oublier, mais j'ai en moi comme cette porte ouverte au bout du très long corridor. Je crois que je peux changer à chaque instant, mais n'est-ce pas une illusion ? Peut-on renier ce que l'on a fait, autrement que par le silence ? Il y a tellement, si l'on y pense, tellement de crochets et de fils qui retiennent un homme. Tant de relations, de noeuds, tant de rails partout... Tant d'inconfort devenu confortable, et l'appel ne passe pas. Longuement, sûrement, l'horizon se bouche, les clôtures se dressent. Tous mensonges, tous hideusement faux, les murs que sont les objets, les sentiments, les sensations familières, nécessaires comme des drogues. Est-ce cela, un homme ? Est-ce cette somme de liens et d' habitudes ? Est-ce cet exilé du voyage ? Si c'est vrai, c'est qu'il ne peut pas quitter. Ici ou ailleurs, il cherchera les entraves, il s'enfoncera dans la terre pour ne pas être seul, pour ne pas être son maître.


L ' extase matérielle
, Éd. Gallimard,1971,

in Guy Dandurand, Le Voyage, page 132, coll. "Textes pour aujourd'hui", éd. Larousse 1978
Seconde Turquoise Columbus

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Vocation : TOURISTE

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T O U R I S M E

C O N T E M P O R A I N

Jean Paul SARTRE

Nous ne croyons plus qu'il y ait dans une cité, dans une nation, des parties nobles et des parties infâmes.Nous pensons qu'un pays est un organisme complexe dont chaque organe s'explique par tous les autres. Nous pensons qu'une belle ruine est un vestige du passé, mais qu'elle est aussi une partie vivante d'une ville moderne. Nous aimerions savoir ce que les habitants pensent d'elle, s'ils passent avec indifférence le long de ses murs ou s'ils en sont fiers. Mais pour cela il faudrait qu'on nous apprenne ce qu'ils font lorsque nous ne sommes pas là, quels sont leurs travaux, leur alimentation, leurs soucis. Je crois que cette phrase de Camus résume assez bien nos curiosités présentes : "Une manière commode de faire la connaissance d'une ville est de chercher comment on y travaille, comment on y aime et comment on y meurt". C'est notre temps qui nous intéresse et le passé dans notre temps. Combien de fois en descendant une rue pour aller visiter quelque monument ai-je enragé de ne pas savoir qui vivait dans les maisons que je longeais et comment on y vivait. Je rêvais alors d'un guide qui me racontât l'histoire de tous les locataires. Il faut y renoncer : on ne peut pas emmener le Bottin avec soi. Mais il est certain que les ouvrages qui renseignent le touriste contemporain devraient tenir compte de ses aspirations nouvelles. Sans rien sacrifier des renseignements historiques et artistiques,on devrait y développer les parties consacrées à la vie présente. L'économie d'abord. Une ville possède une église romane : c'est fort bien. Mais de quoi vit-elle ? Quelle place occupe-t-elle dans le pays ? Quelles sont ses industries ? Les questions sociales ensuite : quels sont les caractères démographiques de la région considérée ? D'où viennent ses habitants? Quelles sont les classes entre lesquelles ils sont répartis ? Quelles sont les revendications sociales qui leur sont particulières ? Y a-t-il des sources permanentes de conflit entre les hommes, entre les classes, entre les industries, entre cette ville et les autres villes de la contrée ? Et, puisque, comme dit Camus, on connaît un pays quand on sait comment on y aime et comment on y meurt, qu'on nous donne quelques renseignements sur les mariages, les naissances, les morts, les rythmes saisonniers de la vie.


Jean-Paul SARTRE, Préface du Guide Nagel sur la Suède


QUESTIONS sur le texte de J.P. Sartre

1 Expliquez ces mots et expressions : le passé dans notre temps,
église romane, caractères démographiques, classes .

2 A l'aide d'exemples précis, expliquez la première phrase .

3 Quel enrichissement l'auteur attend-il du tourisme ?
( Se place-t-il davantage sur le plan artistique ou sur le plan humain ? )
Quel sentiment pour l'homme nous révèle cette attitude de l'auteur ?

4
Relevez un court passage dans lequel on devine l'humour de l'auteur.


ARGUMENTATION

Au choix, traitez le sujet A ou le sujet B :

A. L'auteur oppose deux formes de tourisme : celle des
touristes d'autrefois, celle des touristes d'aujourd'hui.
Laquelle a votre préférence ? Pourquoi ? Traitez le sujet
à partir d'un exemple précis.

B.
Voyages à l'aventure, voyages préparés : lesquels ont
votre préférence ? Pour quelles raisons ?

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...adieu, ma douce France...

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adieu le ciel et la maison


L'amertume des voyages forcés redonne de la douceur au pays que l'on a dû quitter. Le thème que développait Du Bellay exilé à Rome (voir poème "Heureux qui comme Ulysse...", page 67 de votre manuel de Littérature "Textes et méthode" ) a trouvé une nouvelle jeunesse quand les bouleversements de la dernière guerre mondiale ont fait, une fois de plus, de l'exil une affaire collective. Le poète Aragon, à cette époque, exprime les sentiments d'un jeune homme que la guerre entraîne loin de chez lui ; dans la suite du poème, les noms de villages suffisent à évoquer la patrie lointaine.


Prairie adieu mon espérance
Adieu belle herbe adieu les blés
Et les raisins que j'ai foulés
Adieu mes eaux vives ma France

Adieu le ciel et la maison
Tuile saignante ardoise grise
Je vous laisse oiseaux les cerises
Les filles l'ombre et l'horizon

J'emmène avec moi pour bagage
Cent villages sans lien sinon
L'ancienne antienne de leurs noms
L'odorante fleur du langage

Une romance à ma façon
Amour de mon pays mémoire
Un collier sans fin ni fermoir
Le miracle d'une chanson

Un peu de terre brune et blonde
Sur le trou noir de mon chagrin
J'emmène avec moi le refrain
De cent noms dits par tout le monde

LOUIS ARAGON, La Diane française

« Le conscrit des cent villages " Seghers éd., 1946 .

in G. Menant-Artigas, Des voyages et des livres, coll. "Thèmes et parcours littéraires", Classiques Hachette 1973


Questions

1) Quels sont les procédés utilisés par le poète pour exprimer la nostalgie?

2) Quel est l'effet produit par l'absence de ponctuation ?

( Rapprocher du poème d'Apollinaire : Zone )

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...quand c'est trop, c' est TROPICO !...

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Claude Lévi-Strauss
Tristes tropiques ( 1955 )


Ethnologue, C. Lévy - Strauss a beaucoup voyagé. Cette expérience lui permet de porter sur les voyages un regard critique.

Voyages, coffrets magiques aux promesses rêveuses, vous ne livrerez plus vos trésors intacts. Une civilisation proliférante et surexcitée trouble à jamais le silence des mers. Les parfums des tropiques et la fraîcheur des êtres sont viciés par une fermentation aux relents suspects, qui mortifie nos désirs et nous voue à cueillir des souvenirs à demi corrompus.

Aujourd'hui où des îles polynésiennes noyées de béton sont transformées en porte-avions pesamment ancrés au fond des mers du Sud, où l'Asie entière prend le visage d'une zone maladive, où les bidonvilles rongent l'Afrique, où l'aviation commerciale et militaire flétrit la candeur de la forêt américaine ou mélanésienne avant même d'en pouvoir détruire la virginité, comment la prétendue évasion du voyage pourrait-elle réussir autre chose que nous confronter aux formes les plus malheureuses de notre existence historique? Cette grande civilisation occidentale, créatrice des merveilles dont nous jouissons, elle n'a certes pas réussi à les produire sans contrepartie. Comme son oeuvre la plus fameuse, pile où s'élaborent des architectures d'une complexité inconnue, l'ordre et l'harmonie de l'Occident exigent l'élimination d'une masse prodigieuse de sous-produits maléfiques dont la terre est aujourd'hui infectée. Ce que d'abord vous nous montrez, voyages, c'est notre ordure lancée au visage de l'humanité.

Je comprends alors la passion, la folie, la duperie des récits de voyage. Ils apportent l'illusion de ce qui n'existe plus et qui devrait être encore, pour que nous échappions à l'accablante évidence que vingt mille ans d'histoire sont joués. Il n'y a plus rien à faire : la civilisation n'est plus cette fleur fragile qu'on préservait, qu'on développait à grand-peine dans quelques coins abrités d'un terroir riche en espèces rustiques, menaçantes sans doute par leur vivacité, mais qui permettaient aussi de varier et de revigorer les semis.L'humanité s'installe dans la monoculture ; elle s'apprête à produire la civilisation en masse, comme la betterave. Son ordinaire ne comportera plus que ce plat.


Tristes tropiques , 1ère partie, La fin des voyages,

ch. 4, " La quête du pouvoir " Éd . Plon

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...génération "beatnick"...

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La fureur de voyager

Pour toute une génération américaine , le voyage est une façon d'échapper à soi-même, ou à la personnalité qu'une société contestée a formée. Jack Kerouac, dans son roman Sur la route (1957), exalte avec lyrisme les vagabondages vers 1' Ouest de quelques jeunes gens plus ou moins en marge de la société, à la recherche d'un monde primitif qu'ils croient trouver au Mexique - mais d'abord et surtout à la recherche de la liberté.



La plus belle course de ma vie était sur le point de commencer : un camion, avec une plate-forme arrière, avec environ six ou sept gars vautrés dessus et les conducteurs, deux jeunes fermiers blonds du Minnesota, qui ramassaient toute âme solitaire qu'ils trouvaient sur la route, le plus jovial, le plus serein couple de péquenots bien balancés qu'on puisse jamais espérer voir, tous deux vêtus d'une chemise en coton et d'une combinaison, et rien d'autre; solides du poignet, et sérieux, accueillant avec de larges sourires, "comment ça va, mon gars ? », tout ce qui se présentait sur leur chemin. J'accourus: " ll y a de la place ?"... lls dirent: " Bien sûr, monte, y a de la place pour tout le monde. » Je n'étais pas sur la plate-forme que déjà le camion rugissant démarrait; je titubai, un passager m'empoigna et je me retrouvai sur les fesses. Quelqu'un me passa une bouteille de tord-boyaux, un fond de bouteille. Je lampai un grand coup, fouetté de plein vent par la brise âpre, lyrique, par la bruine du Nebraska. " En route ! " gueula un gosse en casquette de base-ball. Et ils poussèrent jusqu'à soixante-dix milles à l'heure, dépassant tout ce qu'ils rencontraient sur la route.
J'examinai la compagnie. Il y avait deux jeunes garçons de ferme du Dakota du Nord en casquettes de base-ball rouges, ce qui est la coiffure standard des garçons de ferme du Dakota du Nord ; ils allaient faire les moissons; leurs vieux leur avaient permis de tâter de la route pour un été. Il y avait deux jeunes citadins de Colombus, en Ohio, des footballeurs universitaires, mâchant le chewing-gum, s'exprimant par clins d'oeil, chantant au vent, et qui diront qu'ils passaient l'été à faire le tour des États-Unis en stop.
" Nous allons à Los Angeles ! gueulèrent-ils.
- Qu'est-ce que vous allez faire là-bas ?
-
Bon Dieu, on ne sait pas. Qu'est-ce que ça peut faire ? "

Il y avait aussi un grand type mince à l'air sournois.
« D'où viens-tu ? " demandai- je. J'étais couché à côté de lui sur le plateau; on ne pouvait pas rester assis sans se faire dangereusement secouer, il n'y avait pas de ridelles. Il se tourna donc lentement vers moi, ouvrit la bouche et dit: « Mon-ta-na. » Enfin il y avait Mississippi Gene et son protégé. Mississippi Gene était un petit type basané qui naviguait en train de marchandises dans tout le pays, un trimardeur d'une trentaine d'années mais assez jeune d'allure pour qu'il soit difficile de dire exactement son âge. Et il restait assis en tailleur sur les planches, les yeux perdus dans le paysage, sans dire un mot durant des milles et des milles. Enfin, à un moment donné, il se tourna vers moi et me dit: " Et toi, où tu vas? "
Je dis : "Denver".


JACK KEROUAC, Sur la route
trad. J. Houbard,

Gallimard éd., 1960, coll. Folio

in G. Menant-Artigas, Des voyages et des livres, page 69, coll. "Thèmes et parcours littéraires", classiques Hachette 1973.

Questions :

1 Relever les éléments du texte qui expriment une volonté de libération.
2 Noter le contraste entre la camaraderie et la solitude des voyageurs.
3 Chercher dans les autres textes étudiés et dans vos lectures personnelles,
des cas où le voyage est, comme ici, un moyen d'épanouissement spirituel, de transformation psychologique ou d' apprentissage.

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N.B.: ce texte fait directement suite à l' extrait intitulé " Fureur de voyager"...

Sur la route


La tradition de la route, peut-être faut-il la faire remonter à la légende du Juif errant. En tout cas, au Moyen Âge, pèlerins, moines mendiants, saltimbanques en donnent une bien réelle illustration, et plus tard les tziganes, ces gens du voyage, ou les "chemineaux " dont le nom seul faisait peur aux enfants ; car les routiers, qu'ils aient choisi ce mode de vie ou qu'ils aient été poussés sur le chemin par la nécessité, ont toujours suscité la défiance et la hargne des sédentaires. La littérature les accueille néanmoins aux 17è et 18è siècles sous la forme du roman picaresque illustré en France par le Gil Blas de Lesage. Pour Jack Kerouac ( 1922-1969) et les écrivains de la beat-generation, la liberté est toujours au bout de la route. A l'inverse d'un Jack London au début du siècle, c'est volontairement qu'ils se mettent en marge de la société américaine des années cinquante et, de la côte Est à la côte Ouest des États-Unis, leur incessant va-et-vient est une fureur de vivre . Avec passion, fougue et lyrisme, les romans de Kerouac nous rapportent cette expérience, en définitive maudite.



Il était à peu près minuit maintenant et le froid venait. Gene, qui avait fait tant de virées dans le pays qu'il n'aurait pu les compter sur ses doigts et ses orteils, dit que la meilleure chose à faire maintenant, si l'on ne voulait pas geler, était de se fourrer tous sous la grosse bâche. Installés de la sorte, et avec le reste de la bouteille, nous nous tenions chaud malgré l'air glacé qui nous fouettait les oreilles. Les étoiles semblaient prendre encore plus d'éclat à mesure que nous escaladions les Hautes Plaines.
Nous étions maintenant dans le
Wyoming. Étendu sur le dos, je contemplais au zénith le firmament somptueux, tout fier de filer à cette allure, d'avoir, après tout, laissé si loin derrière moi la sinistre Bear Mountain, et tout excité à l'idée de ce qui m'attendait à Denver, quoi que ce fût, oui, quoi que ce fût. Et Mississippi Gene se mit à chanter une chanson. Il la chantait d'une voix mélodieuse, paisible, avec l'accent du Mississippi, et c'était, naïve et juste: « J'avais une jolie petite, dans la fleur de ses seize ans, c'est la plus jolie qu'on ait jamais vue »; il recommençait sur d'autres paroles, disant toutes qu'il était loin, qu'il aimerait pouvoir revenir auprès de celle qu'il avait perdue. Je dis: « Gene, c'est une très belle chanson.
-
C'est la plus gentille que je connaisse, dit-il avec un sourire.
-
Je vous souhaite de bien arriver là où vous allez et d' y être heureux.
- Je repars toujours pour aller ici ou là. »
Montana Slim dormait. Il s'éveilla et me dit:
« Alors, Blackie, ça te dirait qu'on explore ensemble Cheyenne, ce soir, avant que tu ailles à Denver ?
-
D'accord. »
J'étais assez saoul pour accepter n'importe quoi.
Quand le camion atteignit les faubourgs de Cheyenne, nous vîmes dans le ciel les feux rouges de la station de radio et, soudain, tout ragaillardis, nous plongeâmes dans une immense foule qui s'écoulait de part et d'autre sur les trottoirs.
« Nom de Dieu, dit Slim, c'est la Semaine du Grand Ouest. » Des foules de bourgeois, de gras bourgeois avec bottes et chapeaux de cow-boy, accompagnés de leurs pesantes épouses attifées en vachères, se bousculaient et braillaient sur les trottoirs de bois du vieux Cheyenne ; plus loin brillaient les longues guirlandes de lumières le long du boulevard de la nouvelle ville, mais c'était dans la vieille ville que la fête battait son plein. On tirait à blanc. Les saloons dégorgeaient sur les trottoirs. J'étais ébahi et, dans le même temps, je sentais que c'était ridicule : à ma première virée dans l'Ouest, j'avais le spectacle de la comédie stupide à laquelle on s'abaisse pour entretenir sa fière tradition. Il nous fallut sauter du camion et faire nos adieux ; les Minnesotins n'étaient pas d'humeur à baguenauder.

C' était triste de les voir partir ; je savais que je ne verrais plus aucun d'eux, mais c' était comme ça.


Jack Kerouac
Sur la route
, 1957
Gallimard, Folio, pp. 44 et 54-55

in Guy Dandurand, LE VOYAGE, page 123, coll. "Textes pour aujourd'hui" éd. Larousse 1978

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