Absolutisme
« C’était le régime du
bon plaisir... »
La monarchie française des
deux derniers siècles de l’Ancien Régime était définie comme « absolue et de droit divin ».
L’encyclopédie Larousse donne la définition suivante du terme absolu (du latin absolutus, achevé) :
souverain, sans contrôle et sans limitation et l’appuie de cette citation de Flaubert : « Sous Louis XIII, le pouvoir absolu fut
établi ». L’absolutisme renverrait-il donc à la dictature et au
despotisme ?
Vaste et inépuisable sujet
de réflexion et d’étude ! « Pouvoir
absolu, écrit Maurras, signifie exactement pouvoir
indépendant ; la monarchie française était absolue dès lors qu’elle ne
dépendait d’aucune autre autorité, ni impériale, ni parlementaire, ni populaire »,
ce qui ne signifiait nullement que le roi pouvait agir selon son bon plaisir.
Il n’est, pour s’en rendre compte, que de parcourir le magnifique livre
simplement intitulé Le Roi, publié
par l’historien Franz Funck-Brentano
en 1912.
L’encyclopédie Larousse note
d’ailleurs que « l’absolutisme était
limité en France par les lois du droit des gens (celles qui garantissent la
propriété, les corps et les communautés , les coutumes et les privilèges),
par le petit nombre des fonctionnaires royaux et la difficulté des communications ».
Mais allons plus loin et
suivons notre historien jusqu'à ces constatations qui, de nos jours, sembleront
extraordinaires : « Les grands
services de l’Etat, la justice, l’armée, la perception des impôts échappaient
au pouvoir central... Quant aux forces de police armée, on peut dire que, dans
le royaume, elles n’existaient pas... [Enfin] depuis le sommet jusqu’au dernier échelon, l’instruction publique était
hors des mains de l’Etat. L’idée que celui-ci pût se substituer comme éducateur
au père de famille eût plongé nos ancêtres dans un grand étonnement ».
Mais voici plus étonnant
encore pour notre époque de soi-disant « séparation des pouvoirs » et d’état dit « de droit ». Sous l’Ancien
régime, il n’y a pas, en France de pouvoir législatif. « Un père ne légifère pas pour sa famille.
« Si veut le père, si veut la loi. » Comme un père parmi ses enfants,
le roi est parmi ses sujets la loi vivante. Les ordonnances du roi en son
Conseil quand elles entrent dans les moeurs deviennent coutumières ; mais
les coutumes leur sont-elles contraires, elles s’évaporent comme brume à la
lumière du jour » . Ainsi, la Révolution de 1789 a ressuscité ce
qu’on n’avait pas vu en France depuis les derniers Carolingiens : une
autorité législative. Comme le remarquait Mirabeau, « la place que la notion de loi doit occuper dans l’esprit humain
était vacante dans l’esprit des Français ».
Du haut en bas de l’échelle,
le gouvernement était personnel. « Chacun,
écrit Funck-Brentano, avait, dans sa
place, une liberté d’action dont nous avons perdu jusqu’au sentiment »
. Montaigne au XVIe siècle, Montesquieu au XVIII, et même Robespierre le
constatent. « Tout village de France,
disait Richelieu, est une capitale ».
Et nous citerons, pour finir, le cahier rédigé en 1789 par le Tiers de Nemours :
« Personne n’a encore eu l’idée
qu’il n’y eut qu’un Etat, qu’un roi, qu’une patrie, et que c’est à leur intérêt
que tout doit être subordonné ou, si quelqu’un s’est hasardé à le montrer, il a
passé aussitôt pour un réveur, pour un philosophe ».
Sans pouvoir mentionner ici
les innombrables témoignages qui ont été donnés de la douceur du royaume de France, la meilleure preuve en est qu’il n’a
fallu pas moins que la Terreur (voir ce mot), suivie de la sanglante
dictature napoléonienne et (après la brève parenthèse de la Restauration) de
quelques dizaines d’années d’adoration du veau d’or, pour en arracher jusqu’au
souvenir de la mémoire du peuple français.
Xavier Soleil