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Introduction

Une spiritualité de réconciliation

Prière pour la Paix


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«Il ne suffit pas de parler de la paix.
Tu dois croire en elle.
Et il ne suffit pas de croire en elle:
Tu dois militer pour cela».

(Eleanor Roosevelt)

Le 21 septembre de chaque année, les Nations Unies organisent une veillée pour la Paix. Chaque année, dans son message de Nouvel An, le Pape prie pour la paix et invite toute l’humanité à s’engager elle-même dans la paix. La Commission Oecuménique du Conseil des Eglises du Monde a déclaré les années 2001-2010 d’être «une décennie pour vaincre la violence. Les Eglises à la recherche de la réconciliation et de la paix».

Margot Kassmann, un évêque Luthérien (femelle), dit dans un message que les églises, avec leurs efforts intellectuels et d’autres oeuvres concrètes en quête de la paix, doivent célébrer les services religieux qui sont l’expression de notre communion avec la Sainte cène du Seigneur. Il est vital d’initier des cérémonies liturgiques dans lesquelles les victimes de la violence peuvent exprimer leurs souffrances et leurs larmes; et au même moment, célébrer avec espoir le futur Divin, n’oubliant pas que la Non-violence, malgré toute chose, a toujours été une réalité dans la Bible et dans l’histoire humaine.

Le principal thème de la Justice, Paix et de l’Intégrité de la Création (JPIC) pour cette année sera la PAIX.

Paix, «SHALOM» n’est pas simplement l’absence de la violence, bien qu’il y ait encore 30 conflits armés dans le monde, ceci serait un grand accomplissement!

«SHALOM», le mot exprime le bien être de la personne entière ainsi que la façon de vivre soi-même et de vivre avec les autres, avoir la vie et l’avoir en abondance comme St. Jean nous dit dans son évangile (Jn 10, 10).

C’est le but del. article du Robert Schreiter e la brochure, «Pourquoi la violence – pourquoi pas la Paix»? Le matériel que nous allons faire circuler cette année sera autour des thèmes sur la violence, la tolérance et la réconciliation. En utilisant les textes bibliques, des questions et des brefs exemples, la présente brochure est conçue pour motiver les groupes et individuels à être conscients de la violence dans les situations quotidiennes et comment la vaincre. Les groupes de prière, les communautés, les voisins, les étudiants et les écoles peuvent réfléchir sur les cinq thèmes pendant une «semaine pour la Paix».

La paix est aussi un thème idéal pour le dialogue œcuménique et interreligieux car c’est une préoccupation commune de toutes les églises et religions. Peut être qu’il serait une façon d’entrer en contact concrètement avec nos voisins protestants, musulmans et athées, peut être même une opportunité d’organiser une activité commune pour la paix et la non-violence.

Soyez patient dans tout ceci, utilisez votre imagination et je vous souhaite beaucoup de succès!

Michael Heinz svd

Voir aussi http://www.svdcuria.org/public/jpic/index.htm


Une spiritualité de réconciliation

Les bases bibliques pour une Spiritualité de Réconciliation

Les bases bibliques pour comprendre la réconciliation se trouvent spécialement dans des récits du type de celui d'Esaü et Jacob, de Joseph et ses frères dans la Genèse, ou dans celui du fils prodigue dans l'Evangile de Luc. C'est Saint Paul qui nous parle le plus directement de la réconciliation. J'aimerais tout d'abord vous suggérer cinq principes qui découlent de ces réflexions, spécialement en 2 Cor 5, 17 20

La Réconciliation est avant tout et en premier lieu l'oeuvre de Dieu.

Nous croyons que le salut vient de Dieu et non de nos propres efforts. Le travail de réconciliation, et très particulièrement de la réconciliation sur le plan social, consiste en ce que le préjudice subi est de telle importance qu'il ne peut pas être surmonté humainement. Seul Dieu a une vision suffisante des choses pour y apporter une solution. Nous ne sommes que les agents de l'ouvre de Dieu, «ambassadeurs du Christ ». C'est seulement en vivant en communion avec Dieu que nous pouvons reconnaître le pouvoir thérapeutique de Dieu sur le monde. C'est pourquoi la réconciliation est davantage une spiritualité qu'une stratégie. Penser autrement mènerait à se détruire physiquement et psychologiquement à l'heure où l'échec viendrait à couronner tout effort de réconciliation (ce qui arrive souvent).

L'oeuvre de réconciliation de Dieu commence avec la victime.

D'ordinaire, nous pensons à la réconciliation en ces termes: le malfaisant se repent et cherche à obtenir le pardon de la victime. La victime pardonne au malfaisant et c'est ainsi que la réconciliation est atteinte. C'est une très jolie théorie, mais en réalité il est rare que le malfaisant se repente. Il arrive souvent que les malfaisants pensent qu'ils n'ont aucune raison de se repentir (tel est le discours de tous les dictateurs). Il arrive aussi que le malfaisant ne soit pas présent, ou ne soit identifiable (il peut être mort, ou rester inconnu). Et la victime? La guérison de la victime dépendrait elle de la capacité de repentir du malfaisant? Et si la réconciliation n'arrive jamais, la victime devrait elle demeurer comme l'otage du malfaisant? Notre idée de la réconciliation prend sa source en cette certitude que Dieu agit d'abord sur la victime. Dieu guérit la victime en lui rendant la part d'humanité que le malfaisant lui a arrachée en la traitant comme un vulgaire objet (en cas de viol ou d'agression sexuelle, par exemple) ou bien en ne la traitant pas comme une personne (en cas de prise d'otages ou de populations obligées à s'expatrier, par exemple). Dieu agit d'abord sur la victime et ceci consonne bien avec notre idée d'un Dieu qui protège la veuve et l'orphelin, l'étranger et le prisonnier. Toutes les victimes ne sont pas capables d'accepter cette offre de salut; mais celui ou celle qui en a la capacité révèle l'essence même de l'idée chrétienne de réconciliation.

Dieu fait de la victime et du malfaisant une création nouvelle.

Se laisser guérir du traumatisme du passé, ou obtenir le pardon pour un préjudice causé ne signifie nullement revenir à la situation antérieure au conflit ou au traumatisme subi. Ceci signifierait que l'on n'attache aucune importance au dommage que le mal entraîne. Dans les deux cas, guérison et pardon, la victime et le malfaisant se retrouvent dans un état nouveau, à un stade qu'il leur était impossible d'anticiper. La guérison survient comme une surprise. Pour la victime, la réconciliation se situe bien au delà de la possibilité de remuer le poids du passé. Elle consiste à accéder à une étape toute nouvelle et à recevoir le don d'un regard nouveau sur le monde. Dans ce but, il est préférable que les processus de réconciliation sociale soient accompagnés par des personnes qui ont eu l'expérience de ce type de guérison, car elles peuvent comprendre ce que les autres ne peuvent pas.

Nous remettons notre souffrance dans l'histoire de la souffrance, mort et résurrection du Christ.

La souffrance en elle même n'ennoblit rien; plus encore, laissée à elle même, elle en vient à détruire les personnes et la société. Dans le cas où cette souffrance est comme située dans un nouvel espace social, reliée à tout un réseau de relations, alors seulement la souffrance devient instrument de dignité et de rédemption. Comme chrétiens, nous situons l'histoire de notre souffrance dans l'histoire de la passion, de la mort et de la résurrection de Jésus. Ceci est très clair dans Phil. 3, 10 où Paul affirme qu'il désire entrer dans la connaissance du Christ et prendre part à ses souffrances jusqu'à devenir semblable à lui dans sa mort et parvenir à la résurrection des morts. L'histoire de Jésus est le cadre même qui donne sens et raison d'espérer à tous ceux qui cherchent à se libérer de leur peine.

Ce n'est que lorsque le Seigneur sera tout en tous que la réconciliation sera totale.

Les hymnes qui ouvrent les Epîtres aux Ephésiens et aux Colossiens nous rappellent que la réconciliation dont nous faisons actuellement l'expérience n'est pas complète. L'espérance est la confiance en ce que Dieu fera. L'espérance nous situe dans un horizon beaucoup plus vaste et nous permet d'entrevoir l'avenir.

Réconciliation individuelle et réconciliation sociale

Il conviendrait ici de dire un mot sur la différence entre travailler avec des individus qui ont subi un traumatisme et travailler pour une réconciliation sociale. Comme nous l'avons déjà dit, l'idée chrétienne de réconciliation consiste à rendre à la victime la part d'humanité qui lui a été arrachée, lui rendant ainsi la conscience d'être créée à l'image de Dieu (Gen. 1, 27). La réconciliation sociale cherche à reconstruire la société à la suite d'un conflit. Elle est axée sur la reconstruction morale et symbolique de la société, bases essentielles pour que le conflit ne surgisse pas à nouveau. La réconciliation sociale, entendue ainsi, recherche la vérité, la justice, la guérison des mémoires et le pardon social.

Une spiritualité chrétienne de la réconciliation

J'aimerais parler maintenant d'une spiritualité capable de soutenir ceux et celles qui s'engagent dans une oeuvre de réconciliation. Comme je l'ai déjà dit, sans un sens spirituel, toute stratégie de réconciliation (transformation du conflit, conciliation) serait difficile à maintenir. La spiritualité qui est ici proposée est importante, tant pour une réconciliation individuelle que sociale.

Comme pour d'autres formes de spiritualité, les images jouent un rôle important au moment de mettre en place notre spiritualité et de la vivre. Les images engendrent des concepts, mais elles ont une résonance qui va plus loin. C'est ainsi que faire des récits de ce qui est survenu nous permet de relier entre eux les événements qui ont changé le cours de nos vies. Dans un processus de réconciliation, le récit est doublement important: récit de ce qui est arrivé aux victimes et surtout de la manière dont elles sont parvenues à la guérison, ou le récit de ce qui nous est arrivé comme peuple et comment nous sommes arrivés au point où nous en sommes.

J'aimerais maintenant me pencher sur une image qui se situe au centre même d'une spiritualité de la réconciliation et l'illustrer de quelques récits tirés de l'expérience contemporaine et de la Bible. Je passerai ensuite à l'indication de pratiques de spiritualité qui découlent de cette image.

Les blessures considérées comme sources d'une Spiritualité de Réconciliation.

Lorsque nous pensons aux conséquences d'événements qui ont marqué pour toujours nos vies d'une manière négative, nous pensons immédiatement à l'image de la blessure. Une blessure n'est pas seulement la preuve que ce qui est arrivé a été mauvais. Une blessure enflammée ou une cicatrice témoignent du rôle de la mémoire dans notre vie. S'il s'agit de blessures profondes de notre corps ou de notre âme, ces blessures ne nous quittent jamais. Elles restent des signes patents du changement durable qui s'est produit dans notre vie. Les blessures qui restent ouvertes nous lient au passé dont nous ne pouvons plus échapper facilement. Les blessures qui se sont transformées en cicatrices servent de porte d'entrée à notre mémoire du passé et nous rappellent que nous en sommes à une autre étape.

Les blessures jouent à la fois un rôle positif et négatif. Considérons d'abord les blessures subies par les victimes. Si les blessures des victimes restent ouvertes, elles s'infectent et deviennent une plaie pour la victime qui les endure. Elles peuvent pousser la victime à se rappeler constamment le moment où elles lui ont été infligées. Elles peuvent devenir un point de fixation qui doit être interprété à la lumière de la peine qui demeure. Un exemple dramatique de cela est arrivé en 1989. Lors d'un de ses discours, Slobodam Milosevic rappela au peuple serbe la bataille du Champ des Oiseaux qui avait eu lieu 600 ans auparavant, lorsque les Serbes Orthodoxes furent vaincus par les Turcs Ottomans. Ce rappel continuait à être suffisamment toxique pour enfoncer les Balkans dans une guerre qui dura six ans.

Les blessures négligées peuvent continuer à empoisonner les événements futurs. Nous connaissons de ces personnes qui vivent dans l'amertume du mal qui leur a été fait des années auparavant et qui ne s'en sont jamais remises. Elles restent otages du passé. Un des grands dangers courus lorsqu'on néglige les blessures endurées, c'est que les victimes en viennent à passer du camp des victimes à celui de bourreaux pour leur entourage. Dans les conflits d'ordre civil, il est presque impossible de déterminer qui est la victime et qui est celui qui engendre le mal car, plus le conflit dure, plus chaque partie est impliqué. Et c'est ainsi qu'il n'est pas rare que les gens qui ont souffert de régimes autoritaires n'en viennent à tomber dans l'illégalité, l'anarchie ou l'hédonisme à la suite de l'oppression subie. Ils adoptent un comportement qu'ils n'auraient jamais accepté dans leurs meilleurs moments. Et ceci arrive parce que l'on a ignoré ou réprimé le pouvoir des blessures.

C'est la raison pour laquelle celui ou celle qui exerce le ministère de la réconciliation doit être spécialement attentif à l'état des blessures des victimes.

Mais, qu'en est il si nous avons accepté de guérir de nos blessures? Les personnes qui ont réussi à guérir de leurs blessures sont les meilleurs artisans d'un travail de réconciliation. Les blessures de ceux ou celles qui ont fait l'expérience de la guérison peuvent engendrer une empathie étonnante avec ceux qui souffrent. Ces derniers ont acquis un sens de la blessure que d'autres personnes de bonne volonté n'acquièrent qu'avec grande difficulté. Ces thérapeutes blessés parviennent à pénétrer l'univers de la souffrance et de l'affliction des victimes d'une manière unique. Ils peuvent accompagner les victimes comme d'autres d'entre nous n'y parviendront jamais. Il est vrai que de tels thérapeutes blessés développent souvent ce sens de leur vocation à aider les autres comme partie intégrante de leur propre processus de guérison.

Mais si le thérapeute a ignoré ses propres blessures, cela peut entraîner des conséquences négatives. Si de futurs thérapeutes ne reconnaissent pas l'existence de leurs blessures, soit parce qu'ils n'y prêtent pas attention, soit parce qu'ils les nient, leurs blessures peuvent rendre plus difficile l'aide qu'ils ont à apporter à d'autres. Et ceci peut se produire de différentes façons :

  • Tout d'abord, les blessures ignorées peuvent précipiter les thérapeutes dans un comportement ouvert à d'autres comme un moyen d'apaiser leurs propres blessures du passé. Ceci peut s'exprimer dans ce besoin d'être reconnus comme nécessaires. Ou bien il arrive que ces thérapeutes ne laissent pas progresser la victime, à moins qu'elles n'expriment le besoin qu'elles ont de leur sauveur.
  • En second lieu, les blessures ignorées peuvent devenir tellement douloureuses que la mémoire des blessures, réveillée par quelque événement du moment, peut détourner de la victime le processus de guérison pour l'orienter vers le thérapeute.
  • En dernier lieu, les blessures ignorées peuvent mener le thérapeute à courir des risques indus, au préjudice aussi bien de lui même que de la victime. Ceci survient en particulier aux personnes qui traînent de vieilles blessures et se trouvent tout à coup en situation de conflit.

J'ai parlé des blessures que nous ne reconnaissons pas comme telles parce que ceci survient souvent dans les membres des Instituts religieux. De telles personnes blessées peuvent être comme attirées par la vie religieuse, ou poussées à entreprendre un travail risqué, ou une action de réconciliation, comme pour se prouver à elles mêmes et aux yeux de Dieu et démontrer qu'elles n'ont aucune blessure ou qu'elles peuvent compenser celles qu'elles ont. Ceci est évident chez les personnes qui se lancent dans une activité frénétique ou qui risquent leur vie sans nécessité.

Il faut mentionner une autre conséquence négative possible de ces blessures ignorées chez ceux qui oeuvrent sur le terrain de la réconciliation. Même des blessures guéries peuvent prêter le flanc à nouveaux assauts lorsque l'on travaille dans des situations de traumatisme. Lorsque nous sommes confrontés à un massacre, à la mutilation organisée d'individus, à l'usage du viol comme stratégie militaire, c'est pour ainsi dire le visage du diable qui nous est révélé. Travailler pendant de longues périodes dans de pareilles situations peut s'expliquer comme une lutte contre l'incarnation même du mal. Et le mal ne cède pas facilement et il fera même tout ce qui est en son pouvoir pour maintenir son emprise. Or, nous prenons conscience que dans ces circonstances, le mal requiert toutes nos forces pour être vaincu. Si nous ne veillons pas sur nous mêmes, nous courons le risque d'y perdre quelque chose de notre propre humanité. J'ai connu des personnes qui ne s'étaient pas préoccupées des blessures que leur avait laissées le passé et qui, en s'engageant dans une action de réconciliation, avaient commencé à adopter un comportement qui faisait question ou qui ne convenait pas alors qu'elles ne l'auraient normalement pas accepté. (En psychologie, on appelle cela un «traumatisme secondaire », ce qui revient à dire que le traumatisme de l'autre en vient à traumatiser la personne qui est en situation d'aide). En termes plus simples, si tu ne fais pas attention à tes propres blessures, même si elles ont été guéries, le mal t'attaquera particulièrement sur ce point.

Il se peut que ces propos sur les blessures dans un travail de réconciliation qu'il s'agisse des blessures des victimes comme de celles des personnes qui sont en situation d'aide puissent apparaître comme trop psychologiques ou sociologiques. Mais elles sont le cadre à partir duquel on peut parler d'une spiritualité de la réconciliation.

Selon les principes théologiques indiqués plus haut pour un processus de réconciliation, nous plaçons donc l'histoire de nos blessures dans l'histoire de la souffrance, de la mort et de la résurrection du Christ. Nous partons ici du récit de Jean 20, 19 29. Lorsque Jésus apparaît à ses disciples bien que les portes soient fermées, la première chose qu'il fait est de leur montrer ses blessures. Ici, nous nous trouvons en présence d'un profond paradoxe. En son corps ressuscité et glorifié, un corps qui peut passer à travers les portes fermées à double tour, Jésus continue à présenter les blessures de sa torture et de sa mort. Quand les disciples ne le reconnaissent pas, il leur montre ses blessures.

Je pense que ceci a deux significations pour nous. En premier lieu, comme on l'a dit plus haut, même les blessures déjà guéries continuent à faire partie de nous mêmes. Même sur le corps transformé du Seigneur ressuscité, elles continuent à se montrer présentes. Peut être le Seigneur en fait il usage pour nous enseigner cette vérité. La mémoire et notre relation avec le passé contribuent à nous constituer selon ce que nous sommes et selon ce que nous pourrions devenir.

Et ces blessures nous enseignent encore autre chose. Lorsque jésus les montre à ses disciples, nous comprenons qu'elles sont importantes pour connaître ce que Jésus pense de lui même. Elles deviennent en partie son propre sceau, pour ainsi dire. Ensuite, il envoie ses disciples communiquer le pardon de Dieu. Les blessures que nous portons doivent se convertir en source de salut pour les autres. Ceci est largement illustré dans la scène suivante du récit. Thomas, qui n'était pas présent lorsque Jésus apparut à ses disciples, ne croit pas ce qu'on lui dit. Il est tout simplement incapable de le croire. Peut être qu'il est comme dépité de n'avoir pas participé à l'expérience des autres. Lorsque Jésus apparaît pour la seconde fois, la première chose qu'il fait est de se diriger vers Thomas; il l'invite non seulement à regarder ses blessures, mais à les toucher et à y mettre le doigt. Jésus se sert des blessures causées par la torture blessures qui devaient l'éloigner de tout être humain pour renouer de nouveau avec Thomas, avec les autres disciples, avec son être intérieur lui même. Peut être pouvons nous mieux comprendre ici cette phrase de l'Ecriture «par ses plaies, nous avons été guéris» (Is. 53,4; 1Pierre 2,24).

Lorsque nous reconnaissons nos blessures, lorsque nous pouvons déposer nos blessures dans les blessures du Christ, lorsque nous relions notre histoire à celle du Christ, nous blessures rachètent les autres. Il nous est alors possible de montrer aux autres qu'ils ne sont pas seuls ni écartés du reste de l'humanité. Si nous sommes semblables à lui dans sa mort, nous pourrons arriver à connaître aussi la résurrection (Phil. 3,10). Une spiritualité de réconciliation s'exprime tout naturellement en souci des blessures des autres: les blessures des victimes, les blessures de ceux qui oeuvrent en faveur des victimes, et les blessures du Christ.

J'aimerais conclure cette partie sur une spiritualité de réconciliation basée sur les blessures par un autre texte paulinien tiré de la deuxième lettre aux Corinthiens (4, 7 11):

«Mais ce trésor, nous le portons dans des vases d'argile, pour que cet excès de puissance soit de Dieu et ne vienne pas de nous. Nous sommes pressés de toute part, mais non pas écrasés; ne sachant qu'espérer, mais non désespérés; persécutés, mais non abandonnés; terrassés, mais non annihilés. Nous portons partout et toujours en notre corps les souffrances de mort de Jésus pour que sa vie soit, elle aussi,manifestée dans notre corps. Quoique vivants en effet, nous sommes continuellement livrés à la mort à cause de Jésus, pour que la vie de Jésus soit, elle aussi, manifestée dans notre chair mortelle».

Ce passage contient bien des dimensions d'une spiritualité de la blessure. La réconciliation est un trésor, un don de Dieu. Mais nous le portons dans des vases d'argile, autrement dit dans notre être de fragiles instruments de l'ouvre de Dieu. Considérer les blessures qui nous marquent et nous remettre en mémoire les événements dont elles sont l'emblème nous plonge dans une masse d'émotions: l'expérience de l'affliction, de la perplexité, de la persécution et de l'abattement le plus complet. Mais, même au milieu de ces expériences, nous portons en nous une certaine force; nous sommes écrasés, mais non désespérés, oubliés mais nous ne sommes pas abattus. Ceux qui se consacrent à une oeuvre de réconciliation reconnaîtront ces émotions chez les victimes et souvent aussi en eux mêmes.

Ce qui est évident c'est que, malgré toutes ces adversités, nous ne sommes pas écrasés, et ceci à cause du grand trésor que nous portons en nous. Paul note le paradoxe qui rend cela possible: nous portons en nos corps la mort du Seigneur. Ce langage est significatif. Bien des souffrances qui implorent la réconciliation sont imprimées dans notre propre corps: ou bien dans notre corps individuel, comme dans le cas du viol et de la torture, ou dans le corps collectif, en terme de mémoire politique. Les souvenirs ne sont pas seulement d'ordre intellectuel ou affectif; ils sont souvent d'ordre profondément somatiques: telle est la charge de mort inscrite en nos corps. Et c'est quelque chose qu'il nous est impossible d'oublier. La mort de Jésus est une blessure de la mémoire somatique qui revêt bien des dimensions. C'est une blessure que nous portons à l'intime de notre cure et qui tourne notre penchant vers la souffrance endurée. Nous ne pouvons échapper à cette blessure, ni l'écarter de notre cure et de notre esprit afin de l'oublier. Les blessures retournent notre souffrance vers nous mêmes, mais ceci ne devient pas le centre de notre attention. On peut plutôt affirmer qu'elle vise plus loin, vers la résurrection de Jésus, cette heure où toutes blessures seront transformées et deviendront instrument de salut.

Jean Baptiste Metz a parlé de la dangereuse mémoire du Christ, dangereuse parce qu'elle est libération, dangereuse parce que la tentative de mettre fin à l'histoire de Jésus en effaçant sa vie a conduit à son explosion dans une autre dimension. La grâce de guérison de la réconciliation, vie du Christ rendue visible en nos propres corps, contient le même potentiel de danger et de libération. C'est la même différence que celle qui existe entre être écrasés, mais pas abattus. La capacité de Dieu de réconcilier toutes choses dans le Christ, de faire la paix dans le sang de sa croix (Col. 1, 20), nous éveille sur le lien qui existe entre nos blessures, les blessures du Christ et le Coeur blessé de Dieu qui a tant aimé le monde.

Pratiques d'une Spiritualité de la Réconciliation

Quelles sont les pratiques qui incarnent cette spiritualité de réconciliation? J'aimerais en présenter deux:

  1. la pratique de l'oraison contemplative;
  2. la création d'espaces de sécurité et d'hospitalité.

L'oraison contemplative peut sembler une étonnante pratique spirituelle pour quelque chose d'aussi actif que l'ouvre de réconciliation. Mais il existe au moins trois bonnes raisons de faire une pareille suggestion:

Tout d'abord, si la réconciliation est avant tout et en premier lieu l'ouvre de Dieu tandis que nous sommes les agents de Dieu, alors pour devenir des agents fidèles et efficaces, nous devons rester en contact et en communion permanentes avec Dieu. L'oraison contemplative y est très propice. Dans l'oraison contemplative, nous ne sommes pas à l'origine de ce qui se vit, comme cela peut arriver dans l'oraison d'intercession ou dans l'oraison de louange. Nous apprenons plutôt à attendre en silence et avec patience que Dieu nous parle. Cette attente de Dieu crée en nous la quiétude qui nous rend aptes à entendre Dieu quand sa parole nous atteindra. Cette attente silencieuse et patiente à un effet second qui n'est autre que de nous apprendre comment attendre et veiller avec ceux qui cherchent à être guéris. Il arrive souvent que les victimes aient besoin de revenir plusieurs fois sur leurs récits avant que ne surgisse une parole de guérison.

En second lieu, la pratique de l'oraison contemplative nous prépare pour ces moments où Dieu ne nous parle plus. Revenir encore à l'oraison contemplative, même quand aucune parole de Dieu ne nous parvient est souvent la condition de notre transformation spirituelle. Or il arrive parfois que nous ne parvenions ni à la réconciliation, ni à la guérison, quelque patience et attention dont nous ayons fait preuve.

Dans cette attente de Dieu, notre regard est fixé sur nos blessures passées: y aurait il, en nous, quelque chose qui bloquerait cette communion avec Dieu? Nous sommes encore si occupés à soigner nos blessures, non dans une attitude masochiste ou narcissiste, mais pour apprendre quelque chose de neuf de ces blessures. Quand nous affrontons des situations nouvelles, des points divers de nos blessures sont touchés. nous pouvons découvrir des parties non encore guéries ou, peut être, découvrir des potentialités que nous ne savions pas posséder.

Alors, notre attente de Dieu peut aussi nous préparer pour un de ces moments plus difficiles du ministère de la réconciliation: ces moments troublants ou non seulement Dieu reste silencieux, mais où il paraît même absent. Ceux qui ont survécu à la torture racontent parfois cette profonde expérience de l'absence: si profonde qu'ait pu être leur foi, au moment de la plus profonde souffrance, ils se sentaient complètement seuls: Dieu n'était pas là. La lamentation de Jésus en croix, à l'instant où Dieu paraissait absent (Matt. 27, 26), peut devenir l'unique lieu où présenter cette angoisse oppressante.

En troisième lieu, la contemplation peut augmenter notre capacité d'imaginer la paix, cette «nouvelle création» dont parle Paul (2 Cor. 5,17). Lorsque l'on désire venir à bout de la violence, la paix se présente comme quelque chose de supérieur à la cessation du conflit. Comme nous l'avons vu, c'est un lieu nouveau, tout autre que celui que nous espérions. Attendre et veiller peuvent nous rendre sensibles aux moindres mouvements de la grâce. La contemplation, donc, nous ouvre un chemin vers l'avenir.

La seconde pratique d'une spiritualité de réconciliation est la création d'espaces de sécurité et d'accueil. Ce sont des lieux où les victimes peuvent demeurer pour se pencher sur leurs blessures et commencer à imaginer un avenir différent. Ces espaces sont aussi bien physiques que sociaux. La Commission Sud Africaine» Vérité et Réconciliation» voulait offrir ce type d'espaces où les victimes puissent exprimer leur vérité sans risquer de représailles.

Ces espaces doivent d'abord être des lieux sûrs. Autrement dit, ce doit être des lieux où les victimes ne seront pas de nouveau blessées. Puisque les blessures diminuent la confiance, la sécurité doit permettre la guérison des blessures et la reconstitution du tissu de confiance, en reliant à nouveau l'individu avec la famille humaine.

En créant des espaces de sécurité, les agents de la réconciliation préparent les victimes à vivre à nouveau l'expérience de la fidélité de Dieu. C'est la base de l'alliance, du sens d'appartenance, et cela permet de créer un monde où il sera possible d'espérer à nouveau. La présence continue de ceux qui agissent dans le domaine de réconciliation (constance alimentée par la pratique de la contemplation) permet aux victimes de raconter leur histoire sans être interrompues ou corrigées, de connaître quelqu'un qui les accompagne et ne les abandonne pas, d'avoir quelqu'un qui ne fuira pas leur indignation ou leurs larmes.

Ces espaces doivent aussi être accueillants. Ceci signifie avant tout qu'il faut offrir l'hospitalité dans un langage que la victime puisse comprendre; une hospitalité selon les termes de la victime et non selon ceux de la personne qui la propose. On doit apporter à tout ceci d'autant plus d'attention qu'il y a de différences culturelles entre les victimes et ceux qui leur viennent en aide.

L'hospitalité signifie en second lieu que la victime est valorisée, que l'humanité de la victime est à nouveau reconnue, même si elle se trouve diminuée par le traumatisme ou le mal enduré. L'hospitalité ne se présente pas comme un moyen pour atteindre une autre fin, mais elle est importante en elle même.

En troisième lieu, l'expérience de l'hospitalité peut préparer le chemin à l'hospitalité divine, ce don que nous appelons la grâce. La grâce est ce moment où la blessure est guérie, l'humanité restaurée, ce moment où l'image divine (Gen. 1, 27) retrouve tout son éclat dans la victime.

La grande histoire biblique de la création d'un espace sûr et accueillant est celle de Jésus et de ses disciples qui prennent un repas au bord de la mer. (Jn 21, 1 19). Le récit rapporte que Jésus prépare le repas pour les disciples. Au cours du repas, qu'il a préparé avec le poisson rapporté par les disciples, Jésus ne dit rien. Ceci crée un espace sûr et accueillant. C'est seulement après le repas que Jésus se tourne vers Simon et, par trois fois, lui demande s'il l'aime. La question posée par trois fois mécontente Simon. Cela lui rappelle ce moment, il y a peu, où, autour d'un feu, il a nié connaître Jésus. Mais chaque fois qu'il réaffirme son amour pour Jésus, celui ci lui confie ses brebis. En lui recommandant les plus vulnérables de ceux qui le suivaient, Jésus montre par là qui a rendu sa confiance à Pierre. De même que Jésus réinséra Thomas dans le groupe des disciples, selon le récit précédant, de même fait il maintenant avec Simon.

Conclusion

La réconciliation est quelque chose que notre monde appelle à cor et à cris. Et pour qu'elle arrive, nous devons entrer profondément et radicalement dans une spiritualité capable de nous soutenir dans ce combat ardu. Une manière importante d'entrer dans cette spiritualité est de partir de nos propres blessures pour atteindre celles du Christ qui sont salvatrices. Deux des pratiques spirituelles qui nous y conduiront sont l'ascèse de l'oraison contemplative et la création d'espaces sûrs et accueillants pour les autres. Naturellement, d'autres dimensions de la question existent aussi, mais c'est par ceci qu'il faut commencer.

Robert Schreiter, CPPS


Robert Schreiter, CPPS, est Professeur de Théologie à l'Université Catholique de Chicago (USA) et à l'Université de Nijmegen (Pays Bas). Ses livres et ses articles sur la réconciliation ont été publiés en diverses langues. Il est conseiller Général des Missionnaires du Précieux Sang . (Original en anglais)


Prière pour la Paix

Dieu de nos pères,
grand et miséricordieux,
seigneur de la paix et de la vie,
père de tous.

Tu as des projets de paix et non d'affliction,
tu condamnes les guerres
et tu abats l'orgueil des violents.

Tu as envoyé ton fils Jésus
pour annoncer la paix
a ceux qui sont proches ou loin,
pour réunir les hommes
de chaque race et de chaque origine
en une seule famille.

Ecoute le cri unanime de tes fils,
la supplication pleine de tristesse
de toute l'humanité:
plus jamais la guerre, aventure sans retour,
plus jamais la guerre,
spirale de deuil et de violence;
qui est une menace pour tes créatures
dans le ciel, sur la terre et la mer.

En communion avec Marie, la mère de Jésus,
nos te supplions encore:
parle au cœur des responsables
du destin des peuples,
arrête la logique des représailles
et de la vengeance,

suggère par ton esprit de nouvelles solutions,
des gestes généreux et honorables,
des possibilités de dialogue
et de patiente attente
qui soient plus féconds
que les rapides décisions de la guerre.
Accorde à notre époque, des jours de paix
Plus jamais la guerre. Amen.
\
Jean Paul II, 16 janvier 1991