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Accès au logement et ségrégation.

Foncia pointé du doigt par Le Canard Enchaîné

Chez Foncia, serait-ce "Circulez, rien à louer" pour une certaine catégorie de personnes ?

mercredi 9 novembre 2005, par Vincent Mespoulet

La saga Foncia se déroule en deux temps : cet été le Canard Enchaîné nous apprenait comment Foncia (numéro 1 français de la location d’appartements avec 166 000 logements gérés à travers 260 agences) ponctionnait sur le mode caritatif 1 Euro aux propriétaires bailleurs dont la société gère les biens immobiliers pour financer des "logis du coeur". Début novembre, on apprend que Foncia pratique la ségrégation raciale en donnant depuis 1990 des consignes discriminatoires à ses employés. Voici donc les articles du Canard Enchaîné

Source : le Canard Enchaîné du 17 août et du 2 novembre 2005.

FONCIA pieux le plus.

" Tous les copropriétaires et propriétaires bailleurs de France dont les biens immobiliers sont gérés par les cabinets Foncia ont eu la surprise de recevoir récemment un courrier-type déconcertant. Cette missive un peu étonnante leur expliquait qu’un euro leur serait désormais prélevé chaque trimestre, sauf avis contraire, au profit de la fédération " Habitat et humanisme " animée par un prêtre lyonnais du nom de Bernard Delvert.

Objectif : financer des " logis du cœur " pour les exclus qui ont " besoin d’un véritable entourage affectif ", sur le modèle des anciennes " pensions de famille ". Pour expliquer ce beau geste modérément laïc, Foncia y va d’un couplet sur les limites de l’action caritative de l’Etat ; " Pour ceux-là (comprenez ces déshérités-là), nombreux trop nombreux, les mécanismes sociaux auxquels nous contribuons tous par l’impôt ne suffisent pas et l’initiative associative doit prendre le relais ". On dirait du Bernadette en croisade de pièces jaunes pour financer les hôpitaux publics.

Le courrier de Foncia contient aussi une fiche d’informations sur " Habitat et humanisme " à la gloire du père Delvert et une lettre personnalisée du saint homme qui débute ainsi : "Notre pays a ses fiertés et ses hontes ". Loué soit l’immobilier bondieusard ! détail : l’appel à la générosité de nos gestionnaires est un tantinet hypocrite. Car le groupe refuse en effet tout net de préciser s’il y va aussi de son obole. Il pourrait se le permettre. Il a réalisé 26 millions d’euros de bénéfices net en 2004, soit plus 18 % : " Nous ne communiquons pas sur ce sujet ", explique un porte-parole, qui ajoute : " nous préférons mobiliser nos clients propriétaires et copropriétaires pour un don symbolique (souligné) d’un euro par trimestre ". " Ce don volontaire se fera automatiquement si vous en êtes d’accord ", précise encore la lettre-type. Le concept du " don volontaire .automatique " est une idée neuve en Europe ! En cas de refus, le proprio pingre et antisocial doit se donner la peine de retourner à ses frais un coupon, assez culpabilisant : " Je soussigné... ai pris connaissance de la démarche de mon cabinet Foncia (...). Je ne souhaite pas m’associer à cette opération ". Et pourquoi pas : " Je ne suis qu’un gros radin égoïste ".

En tout cas , les clients de Foncia savent maintenant comment gagner leur paradis. Ou se faire bien voir de leur gérant ".

La préférence nationale fait toit chez Foncia

Pour décrocher un logement dans le premier réseau locatif du pays, mieux vaut être du pays.

Foncia, la première société française de location d’appartements, agit comme bon nombre de petites agences immobilières pour la sélection des candidats au logement. Et ce grand loueur pousse le souci de l’efficacité jusqu’à donner des consignes en ce sens à ses employés et les leur écrire... noir sur blanc. Coté en Bourse, le groupe Foncia gère 166 000 logements pour le compte de propriétaires individuels à travers 260 agences. Il fait aussi dans l’achat, la vente, la copropriété, et affiche d’insolents résultats : 26 millions d’Euros de bénéfices en 2004, déjà 16,2 millions pour le premier semestre de cette année. Côté coulisses, en revanche, c’est moins reluisant. Chez Foncia, chaque agent commercial dispose ainsi d’un manuel du parfait loueur : un classeur de quarante pages intitulé « La mise en location », que le groupe a fait éditer en octobre 1990 et qui n’a pas été modifié depuis. Ce document de travail, dont « Le Canard » s’est délecté, détaille la marche à suivre lors des différentes étapes de la location : « contact avec le candidat », « visite de l’appartement », « constitution des dossiers candidats », etc., tout y est. Et, notamment un chapitre fort intéressant : « La sélection du locataire ». Ce locataire doit correspondre à un certain « profil » : « Sans prétendre avoir recours à des connaissances psychologiques poussées, il est possible, à l’issue des différents entretiens et à partir de critères de jugement, d’effectuer une sélection qualitative », stipule le manuel. Et quels sont ces critères ? Le premier fait sourire : « Le candidat idéal aura une tenue soignée et propre. Son comportement sera posé, réfléchi, et reflètera bonne éducation et droiture d’esprit. » Le second, plus original, est tout bonnement : la « nationalité » !

Mauvais pour l’immeuble

Suit une sorte d’exposé des motifs où sont rappelés les « nombreux problèmes » posés par les locataires étrangers. Et notamment ceux liés au « mode de vie, de coutumes ou d’usages ». Et pourquoi pas les problèmes de « bruit et d’odeurs », comme disait naguère Chirac... Conclusion, un brin faux jeton, du chapitre : « Par conséquent, en faisant abstraction de toute notion de ségrégation raciale ou confessionnelle à l’égard de quelque nationalité que ce soit, l’expérience nous conduit à privilégier les dossiers des candidats français ayant leurs attaches professionnelles et familiales sur le territoire. » Circulez, étrangers, y a rien à louer !

Alerte aux faussaires

Contacté par « Le Canard », Foncia s’est d’abord empêtré dans un improbable numéro d’acrobate : « Nous ne voulons même pas entendre parler de ces documents, a martelé Henry Buzy-Cazaux, porte-parole de la boîte, nous n’avons rien à dire. Ce sont des faux fabriqués pour nuire au premier administrateur de biens français ! ». Vingt-quatre heures plus tard, le pédégé du groupe, Jacky Lorenzetti, ne parlait plus de faux documents et acceptait même d’en commenter le contenu : « C’est vrai que l’on ne loue pas à des étrangers qui ne donnent pas une garantie solvable française. (...) On n’accepte que s’il y a une caution bancaire française ou une caution de personne domiciliée en France. C’est une précaution, pas de la ségrégation. » Et le pédégé de préciser : « Nous ne sommes pas des racistes chez Foncia. Je suis moi-même fils d’immigrés, donc j’y suis sensible. Nous avons des agences à Aubervilliers, Goussainville... On côtoie tous les jours des problèmes de mixité, on est très tolérants. » Comme avec ces « coutumes incompatibles » évoquées dans le manuel de location... Il y a plus curieux encore. Il arrive parfois, allez savoir pourquoi, qu’un demandeur bien français, avec des garanties financières en béton, voie son dossier rejeté, alors que celui d’un étranger, avec une caution faiblarde, est accepté ! Ainsi ce couple d’étudiants dont « Le Canard » a pu consulter le dossier. Fin 2003, Foncia a refusé de lui louer, en région parisienne, un deux-pièces à 600 euros par mois, et ce malgré la double caution d’un père médecin et d’une mère enseignante alignant à eux deux près de 6000 euros de revenus mensuels. Pourtant, deux jours plus tôt, la même agence acceptait de louer un studio à 500 euros à un autre couple d’étudiants cautionnés par des amis gagnant moins de 3000 euros par mois. Précision : le premier couple était français mais de Guadaloupe ; le second était bulgare. Mais bien blanc.

Invité à expliquer ce mystère, qui va à l’encontre de la politique « nationale » de Foncia, Jacky Lorenzetti, agacé, avance cette hypothèse : « Je ne connais pas ce genre de dossiers ! Mais on loue 40 000 logements par an et on a 4500 collaborateurs, dont 400 loueurs. Dans une agence, vous pouvez toujours tomber sur un employé raciste, sur des gens FN qui ont une certaine idée de l’immigration, mais je vous jure que ce n’est pas la politique de la maison. » Aussi vrai que le manuel de location de Foncia est un faux ?

Jérôme Canard


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