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LE

MARQUISAT DE NOVIANT-AUX-PRÉS

ET SES ORIGINES

PAR

M.H. LEFEBVRE


(Suite et fin.)

IV.

LE MARQUISAT DE NOVIANT ET LA BRANCHE CADETTE
DES BEAUVAU.


     Jean de Beauvau, conseiller d'Elat du duc de Lorraine, bailli de Bassigny, sénéchal de Barrois, puis de Lorraine (132), en France, maréchal de camp, fut un des plus grands seigneurs de son temps. Il épousa, assez tard, Antoinette d'Urre de Theissières, fille de Charles d'Urre, seigneur du Château-Bas de Commercy, et de Marie de Marcossey (133). Sa femme lui apporta les seigneuries [p. 6.] de Vignot et de Malaumont, près Commercy, qu'elle avait eues par partage du 25 octobre 1629, et la terre de Hey, belle seigneurie composée des quatre villages de Limey, Flirey, Remenauville et Fey, situés dans le voisinage de Noviant.

     Héritier de la part de Manonville, dans les seigneuries de Noviant et Tremblecourt, et acquéreur du surplus sur MM. de Fresnel et de Ludres en 1698, Jean de Beauvau était en outre patrimonialement seigneur de la haute-vouerie de Manoncourt-en-Woivre, d'Avrainville, Hamonville, Grosrouvres, Lironville et Blénod-les-Pont-à-Mousson, en partie (134).

     La plupart de ces fiefs provenaient, d'ancienneté, des maisons de Manonville et de Noviant. Il en était de même du tiers de Manonville et Domèvre, racheté par Jean de Beauvau sur ses cohéritiers. Il avait acquis également la moitié de Maidières et Montauville, le 26 janvier 1630, par rétrocession d'Eustache Rodes [cf. errata], écuyer, seigneur de Cazenove, conseiller d'Etat de S. A. (135), lequel la tenait, avec faculté de rachat, de Charles d'Urre de Theissière.

[p. 7.]

     Il faut ajouter à cela les trois quarts des terrages de Seicheprey cédés à Jean de Beauvau, par le duc Henri II, en 1631.

     C'est cet ensemble de terres qui constitua vraisemblablement, à l'origine, soit expressément, soit de fait, le marquisat érigé, le 13 novembre 1642, par lettres patentes du roi Louis XIII, pour Noviant-aux-prés et les terres qui en dépendaient (136). Ces lettres datées de Saint-Germain-en-Laye, furent données, pendant l'occupation française, à Anne-François de Beauvau, fils de Jean et d'Antoinette d'Urre de Theissière.

     Qu'on ne s'étonne pas si nous ne pouvons rien dire, à cet égard, de plus précis et si le texte des lettres de Louis XIII ne figure pas parmi nos pièces justificatives. La raison en est, comme nous l'apprendra un rapport du procureur général près la Cour Souveraine, rédigé en 1755, que ce document, dont l'existence n'est pas contestable (137), dont M. de Fontenoy produisit alors l'original en parchemin, n'avait été enregistré dans aucun tribunal, pas plus aux parlements de Paris ou de Metz, que par les Chambres des Comptes de Lorraine et Barrois. Ce fait, suite des longs bouleversements du XVIIe siècle dans notre pays, et peut-être aussi de la [p. 8.] mauvaise volonté de nos vieux magistrats lorrains, explique comment on ne trouve, dans aucun dépôt public, trace des lettres d'érection du marquisat de Noviant-aux-prés.

     Ce défaut d'entérinement eut une conséquence plus grave, c'est qu'à son retour dans ses états, le duc Charles IV refusa de reconnaître le nouveau marquisat et que plus tard, en dépit même de nouvelles lettres de Léopold, le titre en fut toujours contesté. Il fut d'ailleurs toujours porté, car les possesseurs de fiefs faisaient bon marché des injonctions de la Chambre des Comptes, consciencieusement renouvelées à chaque dénombrement, avec autant de persévérance que d'inutilité.

     Ce ne sera que sous Stanislas, qu'enfin muni de pièces bien régulières, M. de Fontenoy de Châtenois pourra, sans conteste, jouir d'un titre accordé par Louis XIII, plus d'un siècle auparavant.

     Pour revenir à Jean de Beauvau, ajoutons qu'il était encore seigneur d'Aviller, de Jaulny en partie, acquisitions de Claude de Beauvau, son père, et d'un gagnage à Saint-Baussant (138), du chef de sa mère, Jeanne de Saint-Baussant ; mais il aliéna ces terres de bonne heure, la dernière notamment, en faveur de la chapelle castrale de Noviant.

     Les documents de l'époque nous apprennent que Jean de Beauvau revint se fixer à Noviant, après un long intervalle de temps que, selon toute apparence, il passa en France, au service d'Henri IV, dans ses [p. 9.] fonctions de maréchal de camp et dans les ambassades dont il fut chargé, près du pape Clémemt VIII [sic]. Le grand nombre et la nature des actes qui nous sont restés de lui nous le font connaître comme un administrateur actif, soigneux de son bien, désireux de remettre ordre à ses affaires, qu'une longue absence du maitre avait laissé péricliter, et de récupérer des droits qu'on pouvait croire tombés en désuétude. Aussi trouvons-nous une foule d'actes émanés de lui, tels qu'enquêtes sur les dîmes, relevés de cens et rentes, accords et transactions, acquisitions et acensements, abornements et pieds terriers etc., sans compter les dénombrements. De ces actes, nous ne ferons connaître que les principaux et les plus intéressants.

     Par une ordonnance du 5 février 1606, le duc Charles III élève à la qualité de fiefs deux maisons à Noviant « joignantes le chasteau de part et d'autre, que la dame de Beauvau avait acquestées, d'autant que ledit sieur Bailly ayant acquesté les portions des sieurs de Fresnel et de Ludres, qui n'avaient maisons pour leurs censiers et lieux pour les y loger, etc. », et aussi 24 jours de terres et prés, que ladite dame avait achetés à Grosrouvres, en augmentation du fief que son mari y possédait d'ancienneté (139).

     En 1607, nous relevons l'établissement d'un marché à Noviant, par lettres patentes du duc Charles III, données le 28 septembre (140), à la requête de Jean de Beauvau ; lequel marché se tiendra : « chascun lundi de l'année, au village de Nouyan-aux-preys, auquel lieu y a de tout temps une halle etc. » Ledit marché ne fut [p. 10.] autorisé qu'après enquète préalable dans les villages environnants, et dans la ville de Pont-à-Mousson « sur l'intérét, ou non qu'ils pourroient recepvoir en l'octroy du marché requis par ledit suppliant etc. » Les choses se passaient donc, en pareille matière, alors comme aujourd'hui.

     En 1614, Jean de Beauvau acense « aux manants et habitants de Tremblecourt, représentés par honnestes personnes, N... Monnot, tailleur d'habits, et Claudin Simon, demeurant audit lieu, une pièce d'héritage (terre et pâquis) de seize jours environ, aux ban et finage de Tremblecourt, lieudit au devant du bois Lajus, plus une friche, lieu dit : au petit estang, etc... moyennant trente cinq francs barrois par an ; à perpétuité (141). »

     En 1615, Jean de Beauvau fait donation à la chapelle castrale, du gagnage de Saint-Baussant ; et en 1617, il octroie ce bénéfice à Claude Mauvage, « maitre ès-arts, estudiant en théologie, ..... afin qu'iceluy Mauvage puisse sans difficulté prendre et recepvoir les ordres de prestrise, pour en après, venir faire sa résidence et illec personnellement desservir nostre dicte chapelle etc. Donné en nostre chasteau dudict lieu de Nouvian, le vingtième jour de septembre, mil six cent dix sept (142). »

     Le 20 janvier 1619, Jean de Beauvau présente le même chapelain à la cure de l'église paroissiale, Saint-Jean-Baptiste de Noviant, vacante par la mort du sieur Chrestien Colin, desservant (143). Suit l'institution canonique.

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     La même année, intervint, entre ce seigneur et les abbé et religieux de Sainte-Marie Majeure, de Pont-à-Mousson, le partage d'un gagnage sis à Lironville (144), jusque là possédé en commun.

     Le 5 juin 1621, Jean de Beauvau, au nom de son fils Anne-François, fournit ses reversales, à cause de la donation à eux faite par le duc de Lorraine, de ses droits aux trois-quarts des terrages de Seicheprey (145).

     En 1622, il acense à « Maitre Mathurin Garroche, maitre queux de l'Estat de S. A. et Elisabeth Deville, son épouse », une pièce de soixante quatre journaux de terre labourable, sise au ban de Tremblecourt, lieudit « le bois l'Horson (ou l'Hérisson), autrement appelé le bois Sanier », moyennant trente deux francs, monnaie du pays, payables à la Saint-Martin d'hiver (soit 6 gros par jour) (146).

     En 1624, acquisition sur le sieur de Sainctignon, chevalier « ez noms de Bernard de Rarécourt, sr de Vidampierre et de Bernard de Sainctignon, sr de Villers-le-Prudhomme », de cinq paires de quartes de blé et avoine sur les dîmes d'Avrainville, moyennant 1400 francs barrois (147) etc...

     En 1623, Jean de Beauvau avait fait procéder à l'abornement, et dresser le livre terrier de ses domaines et seigneuries de Noviant et villages environnants (148).

     Mais, de cette série d'actes, les plus intéressants de beaucoup, sont ceux par lesquels Jean de Beauvau, de [p. 12.] 1620 à 1622, soumit à la reconnaissance de ses vassaux, assemblés en communauté, l'ensemble des droits seigneuriaux auxquels il prétendait.

     La destruction des anciens titres et dénombrements avait rendu cette opération nécessaire. Les droits qui en firent l'objet furent, de la sorte, établis à nouveau, et consignés dans des titres basés sur la tradition.

     Des dépositions relatives à la vérification du dénombrement de 1627, mentionnent, comme on le verra ci-après, le fait de la destruction des titres et papiers, à la suite des guerres civiles et des incendies survenus dans les châteaux de Noviant et de Tremblecourt, mais sans en faire connaître la date. Il est, toutefois, facile de la déterminer approximativement. En effet, les documents en question nous apprennent que tous les dénombrements fournis par les prédécesseurs de Jean de Beauvau avaient été détruits ; ceux de Claude de Beauvau, son père, se trouvaient donc dans ce cas ; ce seigneur étant mort en 1597, on ne risque pas de se tromper en plaçant la date de ces événements dans le dernier quart du XVIe siècle ; et les guerres civiles, auxquelles il est fait allusion, ne peuvent être que les guerres de religion, dont la Lorraine eut à subir, le contre-coup.

     Les plus importants de ces actes d'accord sont ceux qui eurent lieu en 1622, pour les seigneuries de Noviant et de Tremblecourt. Nous en donnons la teneur aux pièces justificatives, il débutent par ces mots : « ... et recongnurent que comme les dicts habitans soient redebvables audict seigneur de Beauvau de plusieurs droicts, prestations et servitudes et que de longtemps les tiltres faisans mention d'icelles n'ayent été raffraichis [p. 13.] et renouvellés et que par ce défaut et manquement, il y ayt crainte qu'à l'advenir, procès intervinssent entre lesdicts seigneur [sic] et habitans etc... De ceste cause, désirant éviter tous sugects de procès et establir une paix perpétuelle entre eulx, ils ont déclaré etc..... »

     Cette façon de procéder, dont les exemples ne sont pas rares à cette époque, n'en est pas moins remarquable, deux siècles avant l'institution du suffrage universel. N'y a-t-il pas là un argument assez sérieux à opposer à ceux qui se plaisent à nous peindre les habitants des campagnes, comme de malheureux ilotes, livrés pieds et poings liés à l'omnipotence des seigneurs ?

     Il existe des actes de reprises de Jean de Beauvau, en 1605 et 1625 ; nous ne parlerons que du dénombrement détaillé qu'il fournit en 1627, pour les villages de Noviant, Tremblecourt, Avrainville, Lironville, Grosrouvres et Manoncourt. (149). Comme cette pièce n'est que la reproduction des actes d'accord, que nous publions à la suite de ce travail, il est inutile d'en donner le texte ; on en trouvera seulement quelques extraits parmi les pièces justificatives.

     La vérification de ce dénombrement donna lieu, toujours pour la même cause d'absence de titres, à de minutieuses enquêtes de la part de la Chambre des Comptes de Bar ; de là des détails curieux dont il faut parler.

     Le délégué de la ehambre des comptes fut Pierre le Marlorat, conseiller d'Etat et auditeur des Comptes de Bar. Le procès-verbal de vérification débute ainsi :

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     « L'an mil six cent vingt sept, le deuxième jour du mois de Juillet, nous Pierre Marlorat etc.. nous serions exprès transporté au chasteau et maison-forte de Nouvyan-au-Prey... et premièrement... nous aurions représenté à Honnoré seigneur, Jean de Beauvau, conseiller d'Estat de S. A., séneschal de Barrois, seigneur dudit Noviant, Tremblecourt etc..., la teneur de notre commission, afin qu'il se dispose à la preuve, tant littérale que vocale, du contenu aux adveu et dénombrement présentés en son nom à la Chambre, attendu qu'il ne s'en est trouvé aucun ancien de ses auteurs et prédécesseurs, concernant les droits, prétentions désignés et spécifiés par le menu à son dit dénombrement du 4e Juin dernier etc. (150) ».

     Suit la nomenclature de quelques titres échappés à la destruction, présentés par Jean de Beauvau, à l'appui de ses prétentions, et parmi lesquels figurent les actes de transaction et accord, passés entre ce seigneur et les communautés de Noviant et de Tremblecourt. Mais ceci ne suffit pas, et le dimanche, 4 juillet, les commissaires firent connaître à Nicolas Micquan, sergent-doyen, leur intention de soumettre à la communauté assemblée le contenu du dénombrement « afin qu'ils n'en pussent prétendre cause d'ignorance et que, s'ils avaient quelques remontrances à nous faire sur le contenu desdits (dénombrements), qu'ils eussent à y satisfaire... lequel sergent-doyen nous a déclaré qu'il serait plus expédient... de choisir l'occasion de l'issue de la messe paroissiale, à laquelle la plus saine partie [p. 15.] desdits habitants ne manquerait pas de se trouver et qu'il les arrêterait à la sortie, au devant du portail de ladite église, lieu ordinaire à de telles assemblées, afin de satisfaire et accomplir notre volonté. »

     Ainsi fut fait ; suivent les noms des habitants convoqués par les officiers de justice, au nombre de soixante dix-neuf chefs de famille, d'où l'on peut conclure à une population totale de quatre à cinq cents âmes, à Noviant, en 1627 (151).

     Cela fait, les commissaires se transportèrent, l'après-midi du même jour, à Tremblecourt, « au lieu du pressoir banal et lieu accoutumé des assemblées », où les choses se passèrent comme à Noviant.

     Il va sans dire qu'aucune opposition ne se produisit, ce qui n'a rien d'étonnant, puisque les choses avaient été préalablement réglées à l'amiable, entre le seigneur et ses vassaux. Parmi les signatures apposées au bas du procès-verbal, nous relevons celles de Didier Mauljean, mayeur à Noviant ; de Mathieu André, mayeur à Tremblecourt ; Nicolas Bagneux, doyen au même lieu ; Nicolas Miquant, doyen à Noviant et Claude Blanchard-Hamonville (sic) procureur fondé de M. de Beauvau. Nous ferons connaître ce personnage un peu plus loin.

     Tout n'était pas fini ; le lundi, 5 juillet, les commissaires se livrèrent à une enquête par témoins, sur les droits soumis à leur vérification, particulièrement sur la feudalilé des domaines et le droit de haute justice. Pierre Marlorat interrogea une vingtaine de témoins, choisis dans les différents villages que concernait le [p. 16.] dénombrement, et même dans les villages environnants, parmi les anciens du pays, les notables, parmi ceux, notamment, qui exerçaient ou avaient exercé des charges. Leurs dépositions sont annexées au procès-verbal de vérification. Elles sont curieuses, moins par l'objet dont elles s'occupent, que par la façon naïve avec laquelle elles s'expriment. Nous n'avons pas la pensée de faire défiler aux yeux du lecteur, les quinze ou vingt dépositions, longues et compendieuses, des bonnes gens de la Haye ; toutefois, nous ne résistons pas au désir de leur faire connaître la tragique histoire de Jean Collot et de leur présenter la dame aux cinq maris.

     Claudin Fumé, lieutenant en la mairie de Noviant-aux-prés, a dit : « estre natif de la ville de Liverdun et qu'il y a plus de trente quatre ans qu'il s'est retiré dudit Liverdun, pour s'habituer audit lieu (de Noviant) où il s'est marié ; qu'il a esté greffier en la justice pendant vingt deux ans, et depuis il a esté étably lieutenant en la justice et mairie qu'il exerce depuis quatorze ans en ça, etc... Que durant ce temps, il s'est acquis la congnoissance des droits seigneuriaulx qui appartiennent audit seigneur de Beauvau, en ce lieu, où il sçait qu'il a tous droits de haute, moyenne, basse et foncière justice, seul, privativement à tous autres, aux ban et finage dudit lieu, auquel y a signe patibulaire, et qu'il est mémoratif que, peut y avoir trente quatre ans, il veit exécuter à mort un particulier nommé Jean Collot qui se disoit d'Erize-la-bruslée, pour avoir prins et robé des chevaulx d'un particulier de Domepvre nommé Didier Toussaint, et lesquels chevaulx, comme ledit Collot les emmenoit, traversant par le finage de ce [p. 17.] lieu, parvenu à un pray vulgairement appelé « la Roise » sur le chemin de Bernécourt, il fut prins et apprehendé par un nommé « capitaine Rose » qui mena ledit Collot ez prisons de Mandres-aux-Quatre-Tours, de quoy ayant eu advis feue Madame de Beauvau (152), elle envoya revendiquer ledit prisonnier et le fait ramener ez prisons du château de ce lieu, pour le poursuivre en la justice dudit lieu, où il fut condamné à estre pendu et estranglé, de quoy ayant formé appel, le jugement fut confirmé au Bailliage de Saint-Mihiel, de sorte qu'il fut supplicié au signe patibulaire de ce lieu, etc. ».

     Didier Mauljean, mayeur de Noviant-aux-prés depuis quatorze ans, âgé de soixante ans, a vu aussi « la carcasse et cadavre de Jean Collot, » il a vu également appliquer quelques criminels « au carquand proche de la halle dudit lieu. »

     Claude Mengeot, lieutenant en la mairie de la terre de Hey, demeurant à Flirey, et dont la profession est de « postuler par les villages », parle aussi de l'histoire de Jean Collot et ajoute qu'en qualité de « postulant pour une partie civile (153) », il a obtenu jugement de bannissement perpétuel contre Demenge Fianet, de Noviant « avec défense d'enfraindre son ban, à peine de la hart ».

     Demenge André, de Domèvre, n'a garde d'oublier le cas de Jean Collot ; il est le cousin germain du volé, Didier Toussaint.

     Certes, à cette époque, la justice criminelle était [p. 18.] plus sévère que de nos jours, où elle pèche par l'excès contraire ; mais si la peine appliquée à un voleur de chevaux était, après trente-quatre ans, restée aussi présente aux imaginations villageoises, c'est que de semblables exemples étaient excessivement rares.

     Mathieu André, notaire au tabellionage du Pont-à-Mousson et mayeur en la seigneurie de Tremblecourt, y demeurant, âgé de quarante cinq ans, ou environ, réunit en lui l'expérience de son père et de son grand père, comme lui mayeurs de Tremblecourt, et celle des quatre premiers maris de sa femme, comme lui aussi receveurs de la maison de Beauvau. A exercé la charge de greffier de 1607 à 1624, et celle de mayeur depuis lors. On doit inférer des termes de sa déposition que l'acte de dénombrement avait été rédigé par lui. Il dit à ce propos : Iceulx (dénombrements) ayant esté dressés, non seulement sur les titres qui ont resté audit seigneur de Beauvau, d'un grand nombre perdus par incendie, comme par l'injure des guerres, mais principalement par l'instruction des plus anciens, qui ont eu la congnoissance des dits droicts et par le moïen de ce qu'il en a apprins de feu Mathieu André, père du déposant, lequel a esté plus de trente ans mayeur audit Tremblecourt, et estoit négociateur des affaires de la maison, comme est le déposant. » Son ayeul, Michel André, étoit pareillement mayeur, il l'a connu, et négociait déjà les affaires de la maison de Beauvau. C'est d'eux qu'il a appris « tous les droicts ; profficts et héritages » compris audit dénombrement, le tout en qualité de fiefs, sans qu'il y en ait aucun de roture ; « ce qu'il a encore apprins, bien particulièrement, de Marie Anthoine, sa femme, laquelle a eu espousé [p. 19.] quatre receveurs de la maison dudit seigneur de Beauvau et de ses prédécesseurs, laquelle en avait été imbue par sesdits maris. »

     Cette veuve vraiment légendaire, sorte d'immeuble par destination, se transmettait de receveur à receveur, avec l'office et les livres de recettes. Chacun y trouvait son compte ; la femme ne changeait ni de milieu, ni d'existence, à peine de mari, et le mari trouvait, en son épouse, un guide expérimenté dans le dédale des droits seigneuriaux.

     On voit, par les extraits qui précèdent, combien longtemps les mayeurs et autres officiers de justice restaient en fonction, et que parfois même les charges se perpétuaient dans la même famille, pendant plusieurs générations, témoin la dynastie des André, à Tremblecourt. Cette façon de faire n'est-elle pas la meilleure garantie d'une bonne administration ? Dans tous les cas, elle fait également honneur aux fonctionnaires, dont elle prouve les bons services, et aux seigneurs qui savaient les apprécier, en maintenant les titulaires dans l'exercice de leur charges.

     La dernière déposition et la plus sérieuse est celle d'un homme instruit et éclairé : Claude Blanchard, seigneur de Hamonville, était le voisin des Beauvau, familier de la maison et très honoré de l'être, le conseiller, beaucoup le factotum. Du reste, Claude Blanchard n'était autre que le propre frère naturel de Jean de Beauvau qui, le 3 janvier 1619, lui avait fait donation de ce qu'il possédait au village de Hamonville. Il fit souche, car en 1707, un Charles Blanchard, sans doute son petit-fils, sous-lieutenant d'une compagnie de chevau-légers, fait reprises pour les trois quarts dans la [p. 20.] même seigneurie, en haute, moyenne et basse justice, avec une maison-fief mouvant de la châtellenie d'Apremont (154).

     Honnête et singulière figure que celle de ce Blanchard, moitié gentilhomme, moitié homme d'affaires, qui, sans se prévaloir de sa parenté avec une puissante maison et sans croire déroger, lui rend en dévouement et en services presque domestiques, les bienfaits qu'il en a reçus.

[p. 21.]

     Fondé de pouvoirs de Jean de Beauvau dans la gestion de ses intérêts, le seigneur de Hamonville suivra plus tard, dans son veuvage, Mme de Beauvau, deviendra son prévôt de Vignot et son intendant, et lui rendra, durant l'invasion franco-suédoise, les plus signalés services (155). Son attachement pour la famille de ses bienfaiteurs perce sous chaque mot, dans la déposition de ce type des mœurs simples et patriarcale de nos provinces, à cette lointaine époque : « Claude Blanchard, sieur d'Hamonville, y demeurant, âgé de 47 ans, environ, a déposé par ledit serment que, dès l'an 1614, estant de retour en ces pays, il se serait peiné d'avoir une instruction bien particulière des droits concernant. la maison dudit seigneur de Beauvau,..... auxdites terres et seigneuries de Novyan, Tremblecourt, Grosrouvre, Lironville et Avrainville, scituées et assizes au bailliage, de Saint-Mihiel, duché de Bar. Et pour y parvenir, il se serait appliqué et employé du temps à veoir une bonne partie des titres et papiers, documents et instruments concernant lesdites seigneuries et droits de fiefs anciens ; mais à cause que l'incendie survenu ez deux chasteaux et maisons-fortes desdits Novyant et Tremblecourt, avait conseumé la plus saine et meilleure partie desdits titres et aussi par linjure du temps, à raison des guerres civiles et de la longue absence dudit seigneur de Beauvau hors du [p. 22.] pays, estoit cause qu'il ne se pouvoit trouver aucun des dénombrements donnés par, ses prédécesseurs, le déposant meu d'un zèle et affection qu'il a toujours porté à ladite maison, tant à cause que sa demeure et son dict village de Hamonville est voisin et non distante de plus d'une lieue de celle dudit seigneur de Beauvau et soit chasteau dudit Novyan, que pour l'affection et bonne volonté que ledit seigneur de Beauvau lui a tesmoigné de tout temps, il se seroit informé curieusement, des plus anciens....., de tous les droicts, auctorités et préeminences qui appartiennent audit seigneur..., considérant le déposant qu'iceulx n'estoient suffisants pour la vérification des droicts qui appartenaient et dont jouissoit paisiblement ledit seigneur de Beauvau, se seroit par plusieurs fois, à la prière dudit seigneur de Beauvau, acheminé, tant à la ville de Nancy, pour, avec la permission de S. A., selon qu'il s'observe en tel cas, faire extraire, non seulement de son Trésor dudit lieu, mais aussi de la Chambre des Comptes de son duché de Bar, les titres et instruments qui pourroient opérer à l'élucidation desdits droicts ce que n'ayant pu retrouver, quelque diligence qu'il y ait apportée...., il les auroit fait dresser sur les instructions qui lui avoient esté données par ses officiers et plus anciens de ses villages, etc... ». En résumé, le déposant confirme tout ce qui avait été porté au dénombrement.

     Le dénombrement de Jean de Beauvau fut blâmé par la Chambre des Comptes sur quelques points ; entre autres, sur la confiscation infligée aux difforains possesseurs d'héritages à Noviant, qui, pendant trois années consécutives, ne se seraient pas fait représenter [p. 23.] aux plaids bannaux ; sur le droit de bienvenue de 50 fr. par ménage exigé des nouveaux habitants ; tant que ce droit n'aura pas été approuvé de S. A.

     En ce qui concerne le droit de revêture, dû à tout changement de maitre, par chaque nouveau possesseur d'héritages, il paraît que les parties qui avaient fait quelque vente ou achat, se contentaient simplement de la quittance dudit droit, délivrée par les officiers de justice, et évitaient ainsi les frais de contrat, « pour à quoy obvier, ne pourront, les gens de justice, octroier aucun acte portant acquit dudit droit de revesture, que préalablement, les parties n'aient fait paraître..... des contrats de vente et acchapts deuement grossoiés par les tabellions de S. A., conformément à ses ordonnances, etc... ».

     Jean de Beauvau n'étant mort qu'en 1636, assista à l'invasion de la Lorraine par les troupes françaises. Le jeudi 24 juin 1632, il reçut le roi Louis XIII qui coucha au château de Noviant, se rendant de St-Mihiel à Liverdun, où il allait conclure, avec le duc Charles IV, l'éphémère traité de ce nom (156).

     Nous avons dit que l'érection en marquisat (1642) de Noviant et des terres qui en dépendaient, était l'œuvre de ce roi. Est-ce en souvenir de l'hospitalité qu'il avait reçue du père, que Louis XIII fit cette faveur au fils de Jean de Beauvau ? ou les Beauvau l'avaient-ils sollicitée ? Nous ne savons. On pourrait s'étonner, toutefois, que des seigneurs lorrains aient imploré ou même accepté du roi de France, une grâce qui était [p. 24.] en même temps un acte de souveraineté, au moment même où ce prince se montrait l'ennemi implacable de leur pays. Cependant Anne-François de Beauvau ne servit jamais la France ; il songea même un instant à prendre du service dnns [sic] les troupes espagnoles, commandées par le comte de Fontaine.

     Au surplus, les Beauvau ne furent pas, en Lorraine, les seuls gentilshommes qui acceptèrent des faveurs de Louis XIII et plus tard de Louis XIV ; certes, nous ne pouvons les approuver ; mais à ce propos, les historiens n'ont pas, à notre avis, fait suffisamment remarquer la situation particulièrement fausse que créa à la noblesse lorraine le brusque revirement de la politique française, à l'égard de notre pays, peu après l'avènement de Charles IV.

     Depuis René Ier, ou si l'on veut, depuis 1477, la Lorraine et la France vivaient dans une étroite union, union parfois un peu gênante pour la première, mais enfin les relations de bon voisinage étaient continuelles : nos ducs, élevés à la cour de France, épousaient des princesses françaises, suivaient les rois sur les champs de bataille ; la branche de Guise occupait en France une situation prépondérante.

     A l'exemple de leurs princes, les nobles lorrains, enchantés de paraître sur un plus grand théâtre, se tournèrent vers la France et ne tardèrent pas à figurer, tant à la cour que dans les armées, au même titre que les gentilshommes français ; cela d'ailleurs sans préjudice de ce qu'ils devaient à leur souverain naturel. Tel grand seigneur lorrain, chambellan du roi de France, par exemple, remplissait un office analogue près du duc de Lorraine ; Jean de Beauvau entre autres, [p. 25.] conseiller d'Etat, sénechal de Barrois et bailli de Bassigny, était, en France, maréchal de camp.

     A cela, nul inconvénient, étant donnés les usages du temps et les relations des deux couronnes. Tout à coup, après cent cinquante ans d'existence commune, la scène change, un coup de théâtre se produit ; d'amies séculaires, les deux nations deviennent ennemies implacables ; du jour au lendemain, la prospérité fait place à la misère la plus atroce, la sécurité à des périls sans trêve. Qu'on se figure, en présence de pareille catastrophe, la situation d'esprit d'un seigneur lorrain, attaché à la cour de France par son mariage, par ses charges, par ses possessions, comme d'ailleurs son père et son grand-père l'avaient été avant lui ? Dans les circonstances extraordinaires, seuls les caractères extraordinairement forts voient clairement leur devoir, et ont le courage de l'exécuter. Si donc, à côté de nombreux exemples d'héroïsme et d'abnégation, il y eut alors quelques défaillances, il faut tenir compte des conditions exceptionnelles dans lesquelles se sont trouvées plusieurs de nos grandes familles, devenues à demi françaises, par la force des choses.

     Plus que toute autre, la maison de Beauvau, française d'origine, alliée à la maison royale (157), vassale de la France par ses domaines patrimoniaux d'Anjou, avait à ménager les souverains de cette nation. Ce fut un bien pour ses vassaux, au milieu des calamités de la guerre de Trente ans. Certes, les villages de la mouvance des Beauvau payèrent leur tribut à la dureté des [p. 26.] temps, mais ils furent plus épargnés que d'autres, notamment Fléville, Noviant et Vignot, résidences des seigneurs.

     La veuve de Jean de Beauvau, à Vignot et à Noviant, Anne-François de Beauvau son fils, la femme de celui-ci, Marguerite de Raigecourt, Mme de Vianges leur fille, n'épargnèrent aucune démarche, usèrent généreusement du crédit que leur procuraient leur parenté, leurs hautes relations, près des généraux français, notamment près du cardinal de Lavalette, du maréchal de la Ferté, de M. de Turenne, et près de Louis XIV lui-même, pour adoucir le sort des habitants de leurs terres, et les préserver des réquisitiens [sic] excessives et des brutalités de la soldatesque.

     Dumont, auteur peu suspect de partialité, quand il s'agit de la noblesse et du clergé, est bien obligé de le reconnaître, quelque mauvaise grâce qu'il y apporte (158).

     Les Beauvau ne réussirent pas toujours, car s'il faut en croire la tradition, leur village de Tremblecourt fut incendié pendant les guerres du XVIIe siècle ; mais leur intervention fut le plus souvent fructueuse et, de fait, nous voyons, par les déclarations des communautés, que le village de Noviant, où avant la guerre, nous avons constaté soixante-dix-neuf chefs de famille, en comptait encore soixante-trois (159) en 1706, soit une diminution d'un cinquième environ, alors qu'à la même [p. 27.] époque, Manonville et Domèvre avaient perdu les deux tiers de leur population et qu'en 1636 les comptes de la recette de Pont-à-Mousson signalent la ruine et le dépeuplement général des villages de la circonscription.

     Aussi, le P. Lempereur a-t-il pu écrire en 1698, quoique avec un peu d'exagération, en parlant d'Anne-François de Beauvau, que « ce seigneur était si considéré, que ses terres étaient plus peuplées et mieux cultivées. qu'avant la guerre. »

     Le mariage de Jean de Beauvau et d'Antoinette d'Urre de Theissières resta longtemps stérile ; ce ne fut qu'au bout de onze ans de vœux et de prières, qu'Antoinette donna le jour à un fils. Ce fils reçut à son baptême les prénoms d'Anne-François, en l'honneur de saint François de Paule, à l'intercession duquel la piété de ses parents attribua sa naissance. Pour le même motif, il porta l'habit de saint François jusqu'à l'âge de sept ans. Mystérieux préludes à la mystérieuse destinée de cet enfant et de ceux qui devaient sortir de lui.

     Nous n'avons pas la pensée de retracer en détails la vie de celui qui fut dans le monde : Haut et puissant seigneur Messire Anne-François de Beauvau, marquis de Noviant, et en religion, le Père de Beauvau de la Compagnie de Jésus. La vie de ce saint a été écrite par divers auteurs. Le Père Lempereur, de la même Compagnie, a réuni en 1698, dans un petit volume intéressant, mais peu connu, la vie du Père de Beauvau, celles de sa femme et de ses enfants (160). Nous ne pouvons [p. 28.] nous dispenser, toutefois, de résumer en quelques traits l'histoire de cet enfant de la catholique Lorraine, l'immortel honneur du petit village de Noviant. C'est à l'ouvrage du P. Lempereur que nous les emprunterons.

     Anne-François de Beauvau naquit au château de Noviant-aux-Prés, le 26 août 1617, et fut porté sur les fonts baptismaux par un homme et une femme qui demandaient l'aumône à la porte du château et qui, depuis ce temps, y furent nourris jusqu'à leur mort. Ce trait d'humilité suffit à peindre l'austère piété de Jean de Beauvau et d'Antoinette d'Urre de Theissières. La fille de Charles d'Urre avait de qui tenir à cet égard (161) ; elle avait vu son père et sa mère vivre et mourir en véritables religieux ; le Château-Bas de Commercy était une chartreuse. On voit dès lors dans quelle atmosphère de ferveur dut se développer l'enfance du jeune Beauvau. Toutefois, rien ne fit de longtemps présager la résolution qui devait changer sa vie. Loin de là, après avoir fait ses études à Pont-à-Mousson, à Reims et ensuite à Dijon, où il les acheva, il songea à embrasser la carrière des armes, et alla rejoindre son parent, le comte de Fontaine, généralissime des troupes espagnoles dans les Pays-Bas (162). A peine arrivé, il tomba [p. 29.] malade à Bruxelles et dut revenir à Noviant, tant pour y rétablir sa santé, que pour éviter la confiscation, dont étaient menacés les gentilshommes lorrains qui acccompagnèrent Charles IV hors du pays. La Lorraine, à cette époque, était complètement occupée par les troupes françaises.

     Sa mère lui fit épouser, peu après, Marguerite de Raigecourt, fille de Bernard de Raigecourt, grand maitre de l'artillerie lorraine, et de Barbe de Haraucourt. Antoinette d'Urre avait eu la main heureuse, d'après le portrait que nous trace le P. Lempereur, de la jeune marquise : « Comme elle n'avait jamais vu que de bons exemples, dans la maison de ses parents, il ne luy vint pas, même en pensée, de rien faire qui ne fût bon. Sa sagesse parut donc aussitôt que sa beauté, et il n'y avait aucune dame en Lorraine qui osât luy disputer ni l'un ni l'autre de ces avantages ; je le sçai de celle mêmes qui ont vécu avec elle et leur témoignage ne doit pas être suspect. Elles avouent que lorsque la jeune marquise de Beauvau parut dans le monde, elle effaça tout ce qu'il y avait de plus brillant, mais elles ajoutent qu'au lieu de faire parler les curieuses et les flatteurs, elle imposa silence à tout le monde, par les sentiments d'admiration qu'elle inspira, par sa modestie et par sa vertu. »

     M. de Beauvau, de son côté, « passait pour l'homme de Lorraine le plus libéral, le plus magnifique et le plus fier. » Nous avons vu qu'Anne-François avait perdu son père en 1636 ; après le mariage de son fils, la veuve [p. 30.] de Jean de Beauvau se retira à Vignot. Elle ne mourut que le 3 avril 1660 et fut enterrée à Noviant.

     Le jeune ménage vécut dans la plus parfaite union ; Marguerite de Raigecourt donna successivement le jour à quatre enfants : Marie-Josèphe, née à Noviant, le 11 août 1641 ; Claude-Joseph, né à Nancy en février 1644 ; Joseph-Gabriel-Bernard, né à Noviant, le 26 mars 1649, et Jeanne-Antoinette.

     Marie-Josèphe entra comme novice à la Visitation de Pont-à-Mousson, fit profession à Nancy et y mourut le 24 septembre 1660 à l'âge de 19 ans ; elle était douée, dit le P. Lempereur, d'un beau naturel, d'un esprit vif et d'une grande beauté.

     Claude-Joseph, l'aîné des fils, précéda son père en religion ; après avoir fait ses études à l'université de Pont-à-Mousson, il entra dans la Compagnie de Jésus, donna les plus grands exemples de vertu et fut fait principal du collège de Pont-à-Mousson, où son nom et sa réputation attirèrent beaucoup de jeune noblesse. Il gouverna plus tard les collèges d'Auxerre, de Metz, puis d'Autun où il mourut le 20 août 1694, dans sa cinquante-huitième année. Sa sainteté égala celle de son père.

     Des deux autres enfants, nous parlerons plus loin.

     L'exemple donné par les deux aînés peut nous faire pressentir ce qu'étaient les parents. M. de Beauvau pratiquait, dans son château, toutes les vertus, toutes les austérités d'un véritable religieux. Non content de répandre d'abondantes aumônes, il parcourait à cheval les campagnes, suivi d'un valet, pour y visiter les pauvres, soigner et panser les malades de sa propre main. « Tous les religieux qui passaient à Noviant, dit [p. 31.] le P. Lempereur, venoient loger au chasteau, et tous les cabaretiers avoient ordre de les y envoyer ; sa maison étoit l'asile de tous les pauvres et de tous les affligez... On doit regarder comme un grand effet de sa charité envers le prochain, le soin qu'il avait qu'il n'y eût aucun mendiant sur ses terres : C'est une bonne œuvre, disoit-il, de bâtir des hopitaux pour les pauvres et de les assister ; mais il est encore mieux de n'en point faire, en les ruinant par de fréquentes corvées, de mauvais marchez ou de plus mauvois procez. Jamais aucun paysan, ni aucun ouvrier ne perdit rien avec luy.. On ne plaidait point dans Novian, il accomodoit tous les différends, faisoit venir les parties chez luy et les y retenoit jusqu'à ce qu'ils fussent d'accord et qu'ils eussent mangé ensemble. »

     Citons encore le trait suivant : « Un habitant de Novian vint un jour le trouver de la part de la communauté, pour luy faire quelques remontrances, mais il lui parloit si insolemment que tous ceux qui étoient présens en étoient indignés. M. le Marquis luy disoit de temps en temps : Mon ami, tu pourrais parler plus honnêtement, si tu voulais. Cette douceur rendait le paysan plus insolent, et Madame de Beauvau ne pouvant plus souffrir cette indignité, dit à son époux de le faire chasser : Non, répondit M. de Beauvau, laissez le aller, il aura asez de mal. »

     Un pareil exemple de modération chez un seigneur qui pouvait, d'un mot, faire jeter l'insulteur en prison, se passe de commentaires. Il était d'autant plus méritoire chez M. de Beauvau, que ce gentilhomme était naturellement fier et emporté, et qu'il eut fort à faire pour vaincre la fougue de son caractère.

[p. 32.]

     Entretemps, pour protéger ses vassaux et ses propres domaines contre le pillage et les réquisitions excessives, il lui fallait s'arracher à ses pieuses préoccupations, pour aller au devant des officiers français ou alliés de la France, dont les troupes foulaient sans cesse le pays, leur faire fête et « les gagner par ses honnêtetez. »

     Cependant cette vie, toute d'abnégation et de charité, ne suffisait pas aux aspirations d'Anne-François ; il avait résolu de quitter le monde et d'entrer dans l'ordre des Jésuites, contre lequel, chose singulière, il avait nourri longtemps les plus antipathiques préjugés. Avant d'en arriver là, bien des obstacles se dressaient devant lui, qui auraient découragé une résolution moins ferme. Sa volonté tenace les surmonta tous. Le principal consistait dans les liens du mariage où il était engagé. Le consentement de sa pieuse épouse ne suffisait pas en cour de Rome ; il fallait plus : en 1661, M. et Mme de Beauvau firent, entre les mains d'André du Saussaye, évêque de Toul, dans la chapelle de l'évêché, vœu de continence perpétuelle. A cette condition, Anne-François fut admis à entrer dans les ordres ; tous ses vœux étaient enfin exaucés.

     Il quitta Noviant au milieu de la consternation générale : « Tous ses domestiques et la plupart des gens qui lui appartenoient et qui venoient, avertis les uns par les autres du départ de leur seigneur, le pleuroient, comme si, en le perdant, ils eussent tout perdu. » Anne-François de Beauvau avait 44 ans lorsqu'il reçut les ordres sacrés, le 3 mai 1661.

     Le 11 décembre 1662, il se démit de tous ses biens en faveur de ses deux enfants restés dans le monde, [p. 33.] Gabriel-Bernard, désormais marquis de Noviant, et Jeanne-Antoinette. Il en laissait l'usufruit, avec la garde-noble de ses enfants, à leur mère, Marguerite de Raigecourt. M. de Beauvau connaissait bien celle qui allait veiller désormais sur un si précieux dépôt.

     Au noviciat de Nancy où il entra, il retrouva son fils, Claude-Joseph ; il y fut toujours l'exemple des novices, et l'objet de l'admiration de ses frères en religion et des laïques. Aucune occupation, aucun travail n'étaient, à son gré, assez bas, assez abjects pour lui.

     Il y reçut la visite de plusieurs personnages qui l'avaient connu dans le monde et qu'attirait sa réputation de sainteté, entre autres celle du maréchal de la Ferté, alors gouverneur de Lorraine pour le roi Louis XIV. Le marquis de Beauvau-Fléville, aîné de sa maison, son cousin, celui-là même qui fut le gouverneur du duc Charles V et l'auteur de mémoires bien connus, s'était élevé avec chaleur et en public contre une résolution qu'il trouvait sans doute ridicule et humiliante chez un grand seigneur. Mais le courroux aristocratique du marquis ne tint pas contre l'éclatante renommée des vertus de son parent, et ce seigneur vint au noviciat, implorer son pardon, « ce qu'il fit à genoux, dit le P. Lempereur, et en public, sans que jamais on pût l'en empêcher. »

     Le bruit courut même que le duc Charles IV, vivement frappé de l'exemple du P. de Beauvau, avait songé à l'imiter. Nous doutons fort que semblable velléité ait jamais effleuré l'esprit du vieil époux de Louise d'Apremont. Plût au ciel, toutefois, que pareil fait se fùt réalisé ! Qui sait si, au lieu de la nouvelle invasion française de 1670, la Lorraine n'eût pas vu le règne du [p. 34.] glorieux Charles V précéder celui du sage Léopold ?

     Envoyé à Dijon pour y faire sa théologie, en décembre 1662, le P. de Beauvau y termina son noviciat et y prononça ses premiers vœux. Il accompagna, comme missionnaire, l'expédition de Franche-Comté, et assista au siège de Dole, où son zèle à soigner les blessés, dans la tranchée, le fit remarquer de Louis XIV. Il fit sa profession le 15 août 1666. C'est à Dijon que le P. de Beauvau reçut la nouvelle de la mort prématurée de son second fils, Gabriel-Bernard, le Benjamin de la famille et l'espoir de sa race.

     Gabriel-Bernard de Beauvau, né au château de Noviant, le 26 mars 1649, « sans avoir de mauvais instincts, était fort éloigné des voies où s'étaient engagés son père, son frère aîné et sa sœur. » Son père redoutait fort pour lui les dangers du monde ; les lettres du P. de Beauvau sont remplies de ses inquiétudes à ce sujet. Le jeune marquis, après avoir, fait ses études au collège de Pont-à-Mousson, ne rêvait que guerres et batailles. « Il était ambitieux et désireux de gloire. » Le duc Charles IV était alors en guerre avec l'Electeur palatin (163). Après bien des hésitations, Marguerite de Raigecourt laissa son fils rejoindre l'armée du duc de Lorraine où il s'engagea, comme volontaire, dans le régiment du comte de Vianges, son beau-frère. L'armée lorraine, commandée par le prince de Lillebonne, remporta sur les troupes de l'Electeur la victoire de Bingen (164). Le jeune marquis s'y distingua de telle sorte, [p. 35.] qu'en récompense de sa belle conduite, le duc Charles IV le nomma cornette des chevau-légers de sa garde. Hélas ! de si brillants débuts ne devaient pas avoir de lendemain. Malade des fatigues de la campagne, que son jeune âge le rendait encore incapable de supporter, Gabriel-Bernard revînt mourir au château paternel, entre les bras de sa mère. Le jeune de Beauvau ne démentit point ; à ses derniers moments, les leçons de son père ni le passé de sa race, il mourut avec la résignation d'un chrétien et le courage d'un soldat. Il reçut la sépulture dans la chapelle castrale ; son épitaphe est touchante

     « Cy gist hault et puissant seigneur, Messire Gabriel-Joseph de Beauvau, marquis de Noviant-aux-prés, qui mourut l'an 1669, le 11 février, âgé de 19 ans, 10 mois, 15 jours, au retour de la bataille de Bingen. Ceux de sa maison ont possédé cette terre 200 ans, avec beaucoup de protection pour les habitants. Ce dernier était les délices de sa famille et l'espérance de ceux du lieu. Cependant, comme la mort ne l'a pas épargné, vous qui lisez cecy, souvenez-vous qu'elle ne vous épargnera pas (165). »

     La nouvelle de cette mort fut le glas funèbre qui annonça au P. de Beauvau la sienne propre. Ce saint homme expira en effet le 23 mai suivant, à Dijon, après une longue maladie, suite de ses austérités excessives, et au milieu de terribles souffrances, supportées avec une patience admirable. Anne-François de Beauvau [p. 36.] mourut dans la cinquante-deuxième année de son âge et la huitième de son entrée en religion, « n'ayant qu'un regret, dit son historien, celui de n'avoir pu être envoyé en mission au-delà des mers, dans l'espérance d'y cueillir la palme du martyre » (166).

     Le P. de Beauvau ne revint jamais à Noviant, depuis son entrée dans la Compagnie ; un jour, toutefois, il n'en passa pas loin. Ce fut dans une circonstance que nous voulons encore rapporter, parce qu'elle prouve à quel point son souvenir était resté cher à ses anciens vassaux.

     Il était d'usage, dans la Compagnie de Jésus, que durant le temps de leur noviciat, les jeunes religieux accomplissent un pèlerinage à pied, en demandant l'aumône sur leur route. Ce pèlerinage, le P. de Beauvau tint à l'accomplir, malgré l'intention de ses supérieurs de l'en dispenser. Il fut, sur sa demande, envoyé dans le Luxembourg, avec deux compagnons ; laissons ici la parole à son historien : « Près de Novian, dans un village qui lui appartenait, il demande de l'eau à un paysan qui était sur sa porte et qui, l'ayant envisagé, lui dit : Vous êtes bien hardis, vous autres jésuites, de venir demander l'aumône ici, après nous avoir enlevé notre seigneur. Le père de Beauvau sourit à cette aventure et alla chercher ailleurs de quoy étancher sa soif. »

[p. 37.]

     Son fils aîné, le P. Claude-Joseph, revint à diverses reprises au château paternel, passer le temps de sa convalescence, au sortir de ses nombreuses maladies.

     Marguerite de Raigecourt, en l'absence de son mari, prit nécessairement en main l'administration de ses domaines. En 1663, les 14 et 17 septembre, elle fit reprises pour les seigneuries et prévôté de Vignot, Malaumont et le huitième en la terre de Commercy, dans la principauté de ce nom, et pour la terre de Hey (Flirey, Limey, Remenauville et Fey) dépendant du bailliage de Nancy (167).

     Le 14 mai 1665, Mme de Beauvau présenta, au nom de ses enfants, son dénombrement au duc de Lorraine, pour les seigneuries de Noviant, Tremblecourt, Avrainville, Lironville, Grosrouvre, Manoncourt, et lc tiers de celles de Manonville et Domèvre ; ressortissant au bailliage de St-Mihiel. Cette pièce commence ainsi : « Je Margueritte de Rachecourt, marquise de Nouian, au nom et comme ayant la garde-noble de Bernard et Anthoinette-Jeanne de Beauvaux, mes enfants, etc. (168) ». La Chambre des Comptes contesta à Marguerite de Raigecourt le titre de marquise de Noviant nous en avons donné plus haut le motif.

     Autre observation : le dénombrement de 1665 concernait les mêmes fiefs et seigneuries que celui de 1627, plus le tiers de Manonville et Domèvre, acquis dans l'intervalle. Or, nous voyons renouvelés, dans le rapport de la Chambre des Comptes, les mêmes blâmes rédigés dans les mêmes termes qu'en 1627. Ces blâmes [p. 38.] se répéteront de la même façon ; à la suite des dénombrements ultérieurs. Des exemples du même fait nous sont fréquemment passés sous les yeux. C'est assez dire quel cas faisaient, des injonctions de la Chambre, les possesseurs de fiefs.

     C'est, on l'a vu au chapitre premier, du temps de Marguerite de Raigecourt et sur sa demande et celle des habitants, que fut supprimé, en 1668, l'hôpital de Noviant devenu un repaire de malfaiteurs.

     Marguerite, restée seule dans le monde avec ses deux enfants, maria sa fille, Jeanne-Antoinette de Beauvau, en 1666, à Jean-Claude de Cussigny, comte de Vianges ; seigneur de Coing et de Passavant, et grandveneur de Lorraine : « C'était, dit le P. Lempereur, un gentilhomme d'une des meilleures maisons de Bourgogne, qui avoit du bien en Lorraine et dont le père de Beauvau connaissait la bravoure (169). »

     Après la mort de son second fils, Marguerite de Raigecourt abandonna à Mme de Vianges, avec l'héritage de son père, tout son bien propre, ne se réservant que la seule terre de Vignot, près Commercy, où elle passa le reste de sa vie.

     « De toutes les personnes du monde, qui ont imité la sainteté du Révérend Père de Beauvau, il n'y en a point qui en ait approché de plus près que Madame la marquise de Beauvau, son épouse. » Cependant, la calomnie n'épargna pas cette noble femme. On la rendit responsable, dans le monde, de la résolution de son mari et de leur séparation. « Ce fut ce qui exerça le plus sa patience ici-bas. »

[p. 39.]

     Mme de Beauvau se consola des discours des hommes, dans la pratique de toutes les vertus ; elle fut, à Vignot, la mère des pauvres de tout le pays, où le bienfait de sa présence se fit sentir d'une manière inappréciable, pendant la seconde occupation française.

     Mme de Vianges resta donc seule héritière des biens de sa famille ; elle en continua les traditions. Les habitants du pays qui voyaient, en cette fille des Beauvau, la dernière représentante d'un nom vénéré, reportèrent sur elle l'attachement, qu'ils avaient voué à Anne-François de Beauvau et à Marguerite de Raigecourt, dont elle fit revivre les vertus.

     On l'appelait, raconte Dumont, Mme la marquise, et son mari, M. le comte ; ils habitaient le plus souvent, ajoute le même auteur, Nancy, Lunéville et Noviant (170).

     Le 13 juin 1698, M. de Vianges fut élevé à la dignité de maréchal de Lorraine (171) et le 6 juillet suivant, la charge de grand veneur, dont il était en possession depuis 1665, lui fut confirmée par lettres patentes de Léopold : « ..... en récompense, notamment, de sa fidélité et attachement pour notre service, en l'absence de notre Souverain Seigneur et père (172). »

     En 1682, M. de Vianges avait donné son dénombrement pour le marquisat de Noviant qui comprenait alors : Noviant, Tremblecourt, les bourg et prévôté de Vignot, Malaumont, la terre de Hey (Flirey, Limey, [p. 40.] Remenauville et Fey) en totalité, le tiers des seigneuries de Manonville et Domèvre, la haute-vouerie de Manoncourt et partie des seigneuries d'Avrainville, Grosrouvre, Lironville, Maidières et Montauville

     Le maréchal de Vianges mourut au mois de mai 1699, et fut enterré dans la chapelle de Noviant.

     En 1698, le village de Tremblecourt, jusque là annexe de Manoncourt pour le culte, fut érigé en paroisse ; nous avons raconté, au chapitre ler, comment Mme de Vianges le dota d'une église et d'une maison presbytérale.

     Le 24 avril 1699, le gagnage de Saint-Baussant, donné en 1615 par Jean de Beauvau, en augmentation de la dotation de la chapelle castrale de Noviant, fut vendu par Mre Wuillemin, chapelain de Noviant, à Mme Marie-Anne de Saint-Baussant, veuve de Gilles de Jandelaincourt, seigneur dudit lieu. L'acte fut passé par devant Nicolas Georges, tabellion en la terre et seigneurie de Hey (173).

     Le bourg de Vignot, Malaumont et les quatre villages de la terre de Hey formaient, paraît-il, une prévôté seigneuriale, dont le siège était à Vignot, laquelle prévôté était pourvue d'un tabellionage.

     Après avoir vu disparaître tous les siens, sans enfants pour consoler sa vieillesse, sans proches parents, seule au monde, Mme de Vianges suivit la voie tracée par ses devanciers : vers 1710, elle se retira au monastère de la [p. 41.] Visitation de Pont-à-Mousson, où elle mourut religieuse en 1725, à l'âge de quatre-vingt-deux ans.

     Certes, si le cloitre devait avoir de l'attrait pour une femme au monde, c'était bien pour le petite-fille de Charles d'Urre, la fille d'Anne-François, la sœur de Claude-Joseph et de Marie-Josèphe de Beauvau. Le présent n'avait plus rien à offrir à cette âme meurtrie ; là du moins elle put retrouver, plus vivants que partout ailleurs, les grands et chers souvenirs de sa jeunesse (174).

     Ainsi finit dans le cloître toute cette lignée de Noviant ; profondes étaient les racines qu'elle avait jetées dans le pays. Contrairement à l'exemple des grands seigneurs de leur temps, les Beauvau de Noviant n'avaient point abandonné leurs terres pour les antichambres du prince. Ils avaient vécu au milieu de leurs vassaux, dans la bonne comme dans la mauvaise fortune ; aux jours néfastes, ils avaient soulagé leurs misères ; jusqu'à la Révolution, le peuple en garda la mémoire.

V

DÉMEMBREMENT DU MARQUISAT DE NOVIANT. - SA RECONSTITUTION SOUS LÉOPOLD. - LES DERNIERS SEIGNEURS DE TREMBLECOURT. LOUIS II DE BEAUVAU-FLÉVILLE ; MM. DE FONTENOY A NOVIANT.

     Dès 1695, parvenue à l'âge de plus de cinquante ans, [p. 42.] sans avoir eu de postérité, Mme de Vianges avait pris des dispositions pour le règlement futur de sa riche succession.

     Les actes de donation entre vifs auxquels elle procéda, ne paraissant pas avoir été conservés, nous n'en connaissons l'existence et les résultats que par les faits et quelques mentions postérieures.

     Antoinette de Beauvau paraît avoir fait quatre parts principales de son héritage :

     A l'ainé de sa maison, Louis II, marquis de Beauvau-Fléville, son cousin, elle attribua, par donation du 28 mai 1695 (175), la seigneurie de Noviant en totalité, le tiers de celles de Manonville et de Domèvre, les fiefs de Grosrouvre, Lironville et Seicheprey. On doit voir dans cette disposition, le désir de la donatrice de perpétuer à Noviant le nom de Beauvau.

     A un autre cousin, Charles, comte de Montrichier (176), elle donna Tremblecourt, la seigneurie-vouerie de Manoncourt et Avrainville.

     Aux Raigecourt, héritiers de sa mère Marguerite, Mme de Vianges attribua les domaines de la principauté de Commercy, qui lui venaient d'Antoinette d'Urre de Theissière, sa grand-mère, c'est-à-dire les bourg et prévôté de Vignot et Malaumont.

     Ce fut Jean-Claude de Raigecourt, son cousin-germain, deuxième fils de Charles, comte de Raigecourt, [p. 43.] et de Gertrude des Armoises (177), qui bénéficia de cette troisième part, laquelle resta dans cette maison jusqu'à la Révolution.

     L'histoire de ces localités ayant été publiée par Dumont dans ses Fiefs de Commercy, nous n'en parlerons plus.

     Mme de Vianges fit en outre donation à Louis-Joseph, comte des Armoises de Jaulny, à l'occasion de son mariage avec Elizabeth de Beauvau (contrat du 22 novembre 1713), de ce qu'elle possédait à Maidières et Montauville, en haute, moyenne et basse justices, consistant dans la moitié de cette seigneurie et formant ce qu'on appelait « la seigneurie de Daulle » (178).

     Nous n'avons pu découvrir à qui Mme de Vianges transmit la terre et mairie de Hey ; les titres concernant cette belle seigneurie font défaut. Toutefois, il y a apparence qu'elle en fit don à Louis-Joseph des Armoises, avec Maidières et Montauville, car en 1776, nous retrouvons cette terre aux mains de Marie-Marguerite-Thérèse de Franc d'Anglure, dont la mère était Catherine des Armoises. Cette dame, douairière de François-Philbert de Montfalcon, comte de St-Pierre, général de cavalerie au service de S. M. I. et R., déclare [p. 44.] dans ses lettres de reprises datées du 17 juillet 1776 (179), qu'elle possède patrimonialement la terre de Hey, consistant dans les villages de Flirey, Limey, Remenauville et Fey, avec le ban de Balincourt, en tous droits de haute, moyenne et basse justices, mais sans faire connaître l'origine de propriété.

     Mme de Vianges continua à jouir de ses biens, du moins jusqu'à son entrée au couvent. Sa jouissance durait encore en 1708, l'Etat du temporel des paroisses en fait foi ; mais dès 1711, Louis de Beauvau était en possession de la seigneurie de Noviant.

     Le marquisat de Noviant se trouva donc, par le fait, démembré ; nous verrons comment il fut reconstitué sous Léopold, quoique sur des bases bien moins importantes, en faveur de Louis de Beauvau.

     Auparavant, nous allons terminer le peu qui nous reste à dire sur Tremblecourt, jusqu'à l'époque révolutionnaire.

     Nous avons suivi, à travers les siècles, la commune destinée de Tremblecourt et de Noviant-aux-Prés, jusqu'ici continuellement réunis dans les mêmes mains. Par l'effet des dispositions de Mme de Vianges, les deux villages se séparent au commencement du XVIIIe siècle. Cette séparation sera définitive et durera jusqu'à la Révolution.

     Nons extrayons des quelques pièces d'archives, restées à la mairie de Tremblecourt, les notes suivantes :

     1698. Estenot, greffier en la haute justice, vend trois chemises d'hommes, 6 d. ; une douzaine de poules et un coq, 6 s. la pièce ; dix quartes d'avoine, mesure [p. 45.] de Pont-à-Mousson, à 28 s. la quarte ; quatre ruches de mouches à miel, 16 livres 10 s.

     En 1706, le sieur Georges, avocat près la Cour Souveraine, était juge gradué de Tremblecourt.

     1719. Nicolas Heymonet, sergent en la justice, vend un cheval, 73 livres ; un autre, 34 livres 10 sols ; un poulain, 22 livres ; un fusil, 2 livres ; un bœuf, 30 livres ; du lard à 10 s. la livre ; le foin à 31 livres le mille ; du vin, à 7 livres 6 gr. la hotte ; des poules, à 6 s. la pièce ; du blé, de 18 à 20 livres la quarte ; de l'orge à 20 s. le boisseau ; de la navette à 12 livres la quarte.

     1738. Joseph Joffroy, sergent, vend :  neuf moutons, 13 livres 16 s. la paire ; quatre chèvres, 3 livres 4 s. ; trente-deux charges de vin à 5 livres ; la charge [cf. errata] dix-neuf charges de tonneaux vides à 7 s. la hotte.

     En 1748, François-Nicolas-Antoine Collin, avocat à la Cour Souveraine, exerçant au bailliage de Pont-àMousson, était, juge-garde en la haute-justice de Tremblecourt ; Léopold Georges, également avocat, procureur d'office ; Joseph Joffroy, sergent ; Nicolas Heymonet, greffier ; Jean Semprey, maire.

     En 1764, Dominique Simonin était maire ; François-Xavier Latour, procureur d'office ; Joseph Joffroy toujours sergent.

     En 1772, Nicolas Huard présenté par M. de Raigecourt, seigneur de Tremblecourt, est reçu greffier aux lieu et place de J. Joffroy, qui remet les papiers à son successeur. Le sieur Bouard, avocat, était juge-garde.

     Charles, comte de Montrichier, donataire des seigneuries de Tremblecourt, d'Avrainville et de la vouerie de Manoncourt, ne laissa que deux filles : Marie-Thérèse-Françoise [p. 46.] et Charlotte-Ferdinande-Joséphine de Montrichier. Le nom de sa femme ne nous est pas connu.

     La première épousa, en 1743, Charles-Jérôme, comte de Raigecourt, septième fils de Charles, comte de Raigecourt, maréchal et grand-veneur de Lorraine et Barrois, bailli de St-Mihiel, et de Gertrude des Armoises (180). Il était le frère de Jean-Claude de Raigecourt, seigneur de Vignot, dont il a été parlé plus haut, et cousin-germain de Mme de Vianges.

     La seconde fille de Charles de Montrichier fut mariée au comte de Montbrun.

     Mme de Raigecourt hérita des seigneuries de Tremblecourt, Manoncourt et Avrainville. Son mari en fournit le dénombrement le 15 février 1773. En 1748, il avait fait don aux religieuses de la Congrégation de N.-D. à Pont-à-Mousson, d'une somme de 10.000 francs en principal, à 5 010 [ou 500]  de rente annuelle, à prendre sur la terre de Tremblecourt (181), sous le cautionnement du sieur Georges, seigneur de Lemud.

     Le préambule du dénombrement de M. de Raigecourt est ainsi conçu : « Je soussigné, Charles-Jérôme, comte de Raigecourt, chevalier, chambellan de L. M. I. et R. à cause de dame Marie-Thérèse, comtesse de Montrichier, mon épouse, héritière de feu le sieur Charles, comte de Montrichier, son père, ce dernier donataire de feue la dame mareschale de Vianges, sa cousine-germaine, déclare, etc. (182). »

[p. 47.]

     Ce dénombrement ne nous apprend d'ailleurs rien de plus que celui de 1627, dont les résultats sont résumés aux pièces justificatives, mais les termes du préambule nous intéressent, en ce qu'ils établissent clairement l'origine de propriété.

     M. de Raigecourt, chambellan de l'empereur François Ier, fût en France, guidon de gendarmerie et chevalier de St-Louis. Sa femme prenait, dans ses titres, les qualifications de comtesse de Montrichier, dame de Menoux et dame de la Croix étoilée de S. M. I. et R. (183).

     M. et Mme de Raigecourt n'habitèrent jamais Tremblecourt ; les termes de l'acte de vente de la seigneurie, en 1783, font croire que les deux époux vivaient séparés.

     Mme de Raigecourt, dont l'existence paraît avoir été fort malheureuse, résidait au château de Menoux (184), dont elle était dame, de son chef.

     L'accord ne régnait pas entre les deux filles de Charles de Montrichier ; l'acte de vente dont nous venons de parler nous renseigne trop clairement sur ce point : Mme de Montbrun semble avoir déclaré à sa sœur une guerre acharnée et sans pitié, pour des motifs d'intérêt. Celle-ci, au contraire, paraît avoir vainement cherché tous les moyens de conciliation. Elle avait, dans ce but, le 8 février 1782, fait donation entre vifs de la terre de Menoux à son neveu, Benigne-Antoine. François de Montbrun, fils aîné de cette sœur dénaturée. [p. 48.] Loin de rien concilier, cet acte bénévole ne fit, contre toute attente, que pousser Mme de Montbrun au dernier degré d'irritation. On ne s'explique une pareille altitude, que par l'espoir qu'aurait nourri cette dame, d'hériter pour son propre compte, d'une sœur plus âgée qu'elle, supposition qui nous édifie mal sur la tendresse de ses sentiments, à l'égard de son propre fils.

     Madame de Raigecourt n'avait pas d'enfants. Presque ruinée, tant par les procès que lui intentait sa sœur, que par les engagements qu'elle avait contractés envers les créanciers de son mari : à la veille de voir ses meubles saisis et n'aspirant plus qu'au repos nécessaire à son âge et à ses infirmités, elle se décida, en 1783, à vendre à ce même neveu de Montbrun, la terre de Tremblecourt, la vouerie de Manoncourt et « ce qui lui restait à Avrainville, » d'où l'on peut inférer que ce dernier bien avait déjà été entamé.

     Cette vente passée au château de Menoux, le 26 juin 1783, par devant Me Muignier, notaire royal, fut consentie au prix principal de 100,000 livres de France, sur quoi l'acquéreur, après avoir payé 6000 livres comptant, demeurait chargé de liquider les créances de la venderesse, d'acquitter des legs, au jour de son décès, à ses petites nièces, à ses domestiques et jusqu'aux frais de son enterrement, le tout évalué à 54,213 l. 6 s. 8 d. et pour le surplus (45,786 l. 13 s. 4 d.), il constituait à sa tante une rente viagère de 3,600 livres.

     M. de Montbrun ne resta pas longtemps en possession de sa nouvelle acquisition. Le 9 juillet 1788, par devant Me Hugues ? et consorts, notaires royaux à Toul, Messire Antoine-Benigne-François, comte de Montbrun, baron de Menoux, seigneur de Montureux [p. 49.] en Franche-Comté (185) y résidant, revendait les mêmes seigneuries à « Messire Antoine Thiéry de Saint-Baussant, prêtre, chanoine de l'insigne et noble église de Toul, docteur de la faculté de Sorbonne, résidant à Toul (186). »

     Cette seconde vente fut faite, moyennant le prix capital de 100,000 livres de France, et 1,200 livres pour greffe.

     L'abbé de Saint-Baussant était le fils ainé de François Thiéry de Saint-Baussant, seigneur de Montsec, et de Marie-Madeleines Colin de Contrisson (187). Son frère cadet, François-Eustache, né en 1757, officier au service de France et chevalier de saint Louis, épousa, en 1784, Marie-Françoise d'Herpont ; il mourut en 1831. Il fut le père d'Alphonse de Saint-Baussant mort, en 1852, religieux dominicain au noviciat de Flavigny, après avoir fondé, avec le père Lacordaire, le couvent de Nancy.

     Alphonso fut le dernier représentant de la famille Thiéry de Saint-Baussant, anoblie le 26 mars 1613 (188), en la personne de Jean Thiéry, avocat puis conseiller à la Cour des Grands-Jours, conseiller d'Etat et intendant de la maison du duc Charles IV ; et enfin, suivant [p. 50.] Dumont, premier président de la Chambre des Comptes de Lorraine (189).

     L'abbé de Saint-Baussant fut le dernier seigneur de Tremblecourt.

     En 1790, la communauté prit la délibération suivante, conservée aux archives de la mairie : « Le 20 juin 1790, les habitants de la communauté de Tremblecourt, demandent la suppression des droits féodaux, perçus par le ci-devant seigneur du présent lieu (noms de tous les habitants)..... Signifient et délivrent la présente copie au sieur de Saint-Baussant, ci-devant Seigneur de Tremblecourt, au domicile du greffe de la haute-justice dudit lieu, en parlant à Pierre Huard, greffier, et à lui enjoint à en avertir le sieur de Saint-Baussant, le tout afin qu'il n'en ignore, par moi sergent ordinaire en ladite justice. - Signé : J.-J. Joffroy. »

     La famille de Saint-Baussant conserva des immeubles à Tremblecourt longtemps après la Révolution, notamment le bois Lajus, aujourd'hui défriché.

     Louis-Joseph ou Louis II, marquis de Beauvau et de Noviant, seigneur de Fléville et chef de la branche aînée de la maison de Beauvau, était fils de Louis 1er, capitaine des gardes du duc de Lorraine, et de sa première femme Charlotte de Florainville ; de sa seconde femme, Anne de Ligny, Louis 1er eut Marc de Beauvau, créé prince de Craon et du Saint-Empire par diplôme de l'Empereur Charles VI, du 13 novembre 1722 (190).

[p. 51.]

     Rappelons ici que cette branche aisée descendait de Charles, fils aîné de Claude de Beauvau, et frère de Jean de Beauvau, auteur de la branche de Noviant.

     Louis de Beauvau parvint rapidement aux premières dignités de l'Etat et de la maison de nos ducs : grand-veneur de Lorraine, le 19 mai 1702, il fut créé bailli d'Allemagne le 24 mars 1705, et le surlendemain, 26 mars, maréchal de Lorraine et Barrois (191).

     Nous avons vu comment le maréchal de Beauvau était entré en possession d'une partie du marquisat de Noviant, comprenant la seigneurie du chef-lieu, le tiers de celles de Manonville et Domèvre et plusieurs autres fiefs, notamment ceux de Grosrouvres, de Lironville et le quart des terrages de Seicheprey.

     Par arrêt du Conseil des finances du 27 mars 1711, le duc Léopold céde, avec faculté de rachat, à Louis de Beauvau, les hautes-justices de Lironville, Grosrouvres, moitié de celle de Minorville, sept arpens de bois au ban de Fains, un gagnage et le four dudit lieu, en extinction d'une créance sur l'Etat (192).

     Les lettres patentes du même duc, en date des 26 mars 1712 et 20 avril 1722 (193), nous font connaître mieux encore sur quelles bases le maréchal avait reconstitué le marquisat de Noviant, dont le titre lui est confirmé par ces mêmes lettres. En voici le résumé :

     Par ses lettres du 26 mars 1712, le duc inféode, en temps que de besoin, les biens de roture que le maréchal pourrait avoir acquis ; confirme la donation entre-vifs [p. 52.] à lui faite, le 28 mai 1695, par la dame Comtesse de Vianges, sa cousine, du marquisat de Noviant et lieux en dépendant ; le titre et qualité de marquisat de ladite terre et les acquisitions faites, savoir : le 20 mars 1708, de trois contrées de bois sur le ban de Domèvre ; le 5 avril, d'une tuilerie et dépendances au même lieu ; le 27 mars 1711, des hautes-justices de Lironville, Grosrouvres et de la moitié de Minorville-Saint-Gengoult (194), « pour être unies audit marquisat » avec le bois appelé « les sept arpents » et un autre bois de vingt arpents, situé sur les bans de Fains et de Rembercourt, et autres droits ; le 23 février 1712, de la terre et seigneurie de Génicourt (195) ; et le 7 août 1697, de quelques droits seigneuriaux au village de Signeul. « Reçoit en conséquence le maréchal à lui faire hommage, tant pour les terres à lui échues en lignes directes et collatérales, savoir : Fains, Hargéville, Ville-devant-Belrain, Befraimbois ? Marie ?, Fléville, Essey (les Nancy), Saint-Max et Dommartemont, que pour celles ci-dessus énoncées, provenant de donations et acquisitions, et pour celles inféodées, etc. »

     Les lettres du 20 avril 1722 rappellent et confirment les précédentes, et unissent explicitement au marquisat de Noviant le tiers des seigneuries de Manonville et Domèvre et les droits seigneuriaux de Grosrouvres et [p. 53.] de Lironville « qui ont cependant toujours été considérés comme dépendant dudit marquisat, mais dont il n'est pas fait mention expresse dans les lettres d'érection dudit marquisat par le Roi très-chrétien » et les bois situés sur le ban de Lironville cédés par le domaine, le 3 février 1715, avec faculté de rachat et, en tant que de besoin, toutes les acquisitions que le maréchal pourra faire dans le voisinage de Noviant et dans le ressort du bailliage de Pont-à-Mousson. Confirment également l'autorisation donnée au maréchal, par décret du 2 septembre 1721, d'établir à Noviant une prévôté composée d'un prévôt chef de police et gruyer, d'un procureur d'office, d'un greffier, d'un notaire et de deux sergents ; « ledit notaire jouira du droit de tabellionage et de sceau dans toute l'étendue dudit marquisat (196). »

     Reconstitué comme on vient de le voir, le marquisat de Noviant eut recouvré, en grande partie, son ancienne splendeur ; malheureusement la faveur des princes est trop souvent changeante et la fable du Pot-au-lait toujours vraie ; Louis de Beauvau devait en faire, à ses dépens, la dure expérience.

     A la mort de Léopold, en 1729, il n'avait pas encore été mis en possession des domaines à lui cédés par les arrêts des 27 mars 1711. et 3 février 1715, confirmés par les lettres patentes des 26 mars 1712 et 20 avril 1722, lorsque le 14 juillet 1729, survint l'édit de François III portant réunion à la couronne des domaines [p. 54.] aliénés depuis 1697 (197), « sauf, ajoute l'édit en question, aux détenteurs... qui se croiraient fondés en prétentions légitimes à Nous les faire connaître, pour y être par Nous pourvu... et de se pourvoir, pour cet effet, par devant les commissaires qui seront par Nous incessamment nommés. »

     M. de Beauvau n'eut garde d'y manquer, mais il n'obtint pas le moindre succès : On se rappelle que les hautes justices de Lironville, Grosrouvres, Minorville, les bois de Lironville et les autres portions moins importantes du domaine ducal lui avaient été engagés en extinction de ses créances sur l'Etat. Ces créances, paraît-il fort anciennes, avaient été transmises au maréchal par ses ancêtres ; deux d'entre elles remontaient au temps du duc de Bar Edouard III et du cardinal Louis. L'ensemble représentait, d'après l'évaluation des commissaires ducaux en 1707, un capital de 160.000 fr. et 10.000 petits florins d'or. Fondées peut-être, les prétentions de M. de Beauvau étaient un peu rétrospectives. Moins clairvoyants que Léopold, les conseillers de François III n'en eurent pas, à travers la nuit des temps, la vision assez nette. Un arrêt du Conseil des finances dis 12 janvier 1730, s'appuyant sur un arrêt antérieur du 9 mars 1707, contraire aux réclamations du maréchal et auquel le feu duc avait cru devoir passer outre, déboute purement et simplement « le sieur marquis de Beauvau » de ses prétentions, traitant dédaigneusement de prétendues créances, ce qu'on avait, sous le dernier règne, reconnu comme un droit (198).

[p. 55.]

     Léopold n'était plus, l'étoile des Beauvau pâlissait ; ils expiaient alors, inévitable retour des choses d'ici-bas, la trop grande faveur dont ils avaient joui sous le règne de ce prince.

     Le marquisat de Noviant se trouvait, par le fait, réduit à la donation de Mme de Vianges, augmentée des quelques menues acquisitions du maréchal de Beauvau.

     Le titre, du moins, lui restait-il acquis ? on verra ci-après ce qu'en pensèrent les magistrats de Stanislas et quel cas ils firent des lettres de confirmation de Léopold.

     Le 7 février 1715, Louis de Beauvau avait fait ses foi et hommages pour le marquisat de Noviant et ses autres seigneuries (199). Il est peu probable que ce seigneur ait fréquemment séjourné à Noviant où sa présence semble avoir laissé peu de traces. C'est à la Cour, dans l'exercice de ses charges et à Fléville qu'il résidait habituellement.

     Nous avons, dans Manonville et ses seigneurs, parlé de ses démêlés avec François Barrois, baron de Manonville, et des lettres hautaines qu'il lui adressa. Ces circonstances nous avaient fait pressentir chez M. de Beauvau, un caractère difficile et altier. Le jugement qu'en porte M. le comte de Ludres confirme le nôtre : « Nous possédons, dit-il, le portrait du marié (Louis de Beauvau), il a les traits durs, mais son air est fier. Ce devait être un seigneur peu commode ; certains actes nous le montrent procédurier (200). »

[p. 56.]

     Louis-Joseph de Beauvau avait épousé en 1701, Marie-Madeleine de Ludres, morte dès 1715, fille de Henri II de Ludres et de Madeleine de Savigny. De cette union naquit Louis-Antoine, marquis de Beauvau, brigadier, puis maréchal de camp des armées du Roi, tué au siège d'Ypres, le 13 juillet 1744 (201). C'était, dit un biographe lorrain, l'un des plus beaux esprits du siècle. Il ne laissa pas de postérité.

     Le maréchal eut en outre deux filles : Marie-Louise de Beauvau, mariée à Louis-Alexandre, marquis des Salles et baron de Rorthé, et Anne de Beauvau, mariée à Antoine-Bernard des Armoises, marquis d'Aulnoy.

     Nous savons par l'ouvrage récent et déjà cité de M. le comte de Ludres (II, p. 256) que le marquis de Beauvau, tué à Ypres, le dernier mâle de sa branche, avait institué pour son principal héritier, son cousin-germain, le futur maréchal de Beauvau, fils du prince de Craon. Les deux sœurs du marquis se partagèrent le surplus de la succession.

     Noviant et les fiefs qui en dépendaient furent dévolus à Mme des Salles (202) que les auteurs de la seconde moitié du XVIIIe siècle (de Maillet, Durival, etc. ) dénomment aussi « comtesse de Wargnies » ; serait-ce à raison d'un second mariage ?

     Durival nous apprend que la comtesse de Wargnies mourut à Fléville, le 26 septembre 1750, et Mme des Armoises, le 25 août 1766.

     La première laissait deux fils : Louis-Denis des [p. 57.] Salles, marquis de Bertheléville et de Noviant et baron de Rorthé, marié en 1755 à Lucie de Rosières, et Alexandre-Louis, seigneur de Vouthon (203).

     Par contrat du 25 février 1753, passé devant Me Tranchot, notaire à Nancy, MM. des Salles vendirent à Nicolas-François le Prudhomme, comte de Fontenoy et de Châtenoy, le marquisat de Noviant réduit, comme on l'a vu, à sa plus simple expression, consistant dans la seigneurie de Noviant, le tiers de Manonville et Domèvre et les anciens fiefs de Grosrouvres et de Lironville (204). Ce reste constituait d'ailleurs encore une belle terre seigneuriale. Le revenu, on le verra tout à l'heure, s'en montait alors à 12.000 livres.

     C'est vers cette époque (H. Lepage dit vers 1750, dans la Statistique de la Meurthe) que fut construit, sur l'emplacement de l'ancien manoir féodal, le château moderne dont le plan figure en tête de ce travail. Commencé probablement par les héritiers du maréchal de Beauvau, il fut terminé par M. de Fontenoy. Malheureusement ce dessin, qui n'est guère qu'un plan cavalier, ne permet pas de juger de l'aspect de l'édifice. Toutefois, les terrasses qui l'entourent, les perrons par lesquels on y accède, les parterres et le parc à la française qui s'étendent par derrière, font pressentir une demeure luxueuse. On en juge mieux encore par les dispositions grandioses de l'intérieur, dont nous avons eu également le plan entre les mains. Ce château se composait, on le voit, d'un vaste corps de logis [p. 58.] flanqué sur la cour de deux avant-corps et de deux pavillons en retour sur ceux-ci, dont l'un, celui de droite, renfermait les cuisines, et celui de gauche, la galerie reliant le château à la chapelle castrale ou à l'église, figurée également sur le plan.

     L'église et le château formaient deux des côtés de la grande cour, enclose des deux autres côtés par les communs, les écuries et bergeries, la maison franche des censiers et ses dépendances que masquaient, à la vue de l'habitation, des rideaux de plantations. Une sorte de tour isolée sur la droite devait être le colombier.

     De tout cet ensemble, nous l'avons dit dans la première partie, il ne reste que le pavillon des cuisines et les bâtiments ruraux.

     Quant à l'antique forteresse des sires de Tremblecourt et de Noviant, des Fresnels et des Beauvau, il n'en existe plus trace ; les architectes du XVIIIe siècle, après avoir rasé les vieilles tours et comblé les fossé, nivelèrent les terrains et rendirent méconnaissable tout cet emplacement, pour l'accommoder aux modes nouvelles (205).

     La reconstruction de l'église en 1867 et son déplacement sont venus compléter cette œuvre de transformation.

     Nicolas-François le Prudhomme, comte de Fontenoy et de Châtenoy, marquis de Noviant, seigneur de [p. 59.] Monthairon-le-grand, Nicey et autres lieux, capitaine de cavalerie au régiment d'Egmont, était, suivant D. Pelletier, le sixième fils de Christophe-François le Prudhomme, comte de Fontenoy, seigneur de Vitrimont, chambellan du duc Léopold, et de Louise de Bastiment de Villelune, chanoinesse de Remiremont ; il avait épousé, en 1750, Marie-Thérèse-Charlotte de Barbarat de Mazirot, fille d'un président au parlement de Metz. Dans le pays, on l'appelait et on l'appelle encore « M. de Châtenoy ».

     La famille de Fontenoy ancienne, opulente et bien alliée, occupait en Lorraine une grande situation. Plusieurs de ses membres se distinguèrent au service de France, d'autres entrèrent dans l'ordre de Malte. Le frère aîné du marquis de Noviant, Léopold, capitaine de cavalerie en France, puis enseigne des gardes du duc de Lorraine, avait épousé une Larochefoucauld-Bayers ; deux autres frères devinrent, l'un bailli, l'autre commandeur de St-Jean de Jérusalem ; Charles-Léopold, son fils, était en 1788, capitaine général des chasses de M. le comte d'Artois, et capitaine de cavalerie au régiment de Royal-Lorraine.

     M. de Fontenoy habitait Nancy et Noviant. L'hôtel occupé aujourd'hui par M. le marquis de Frègeville, rue du Haut-Bourgeois no 4, était l'hôtel de Fontenoy ; une inscription le rappelle.

     Une des premières préoccupations de M. de Fontenoy fut d'adresser une requête, en date du 23 mai 1755, dans le but de faire confirmer, en sa faveur, le titre de marquis de Noviant, par Stanislas, comme Léopold l'avait fait pour Louis de Beauvau.

     Nous allons voir comment les lettres de Léopold [p. 60.] étaient restées à peu près lettres mortes et à quelles fins de non-recevoir faillit se heurter le nouveau seigneur.

     M. de Fontenoy donne dans sa requête toutes sortes de bonnes raisons : Depuis les premières lettres d'érection, la terre de Noviant s'est considérablement accrue ; des bâtiments nouvellement construits, des jardins joints au château en ont beaucoup augmenté l'agrément ; le revenu s'en monte à près de 12.000 livres ; le village compte 80 feux, etc. C'est on ne peut mieux. Seulement à tout cela, le procureur général, dans ses rapports de mai et juin 1755, répond que contrairement aux trois coutumes du duché de Bar, dans l'étendue duquel « les fiefs sont fiefs de danger », le sieur de Fontenoy s'est mis en possession de son acquisition, sans même en demander la confirmation au Roi ; qu'il en a perçu les fruits depuis trois ans, continué d'en construire le château etc., tous actes de propriétaire ; qu'il parle dans sa requête comme propriétaire, alors que le Roi serait en droit de réunir purement et simplement ladite terre à son domaine ; que par suite, le requérant est non recevable en sa demande et qu'il n'y a même pas lieu de l'examiner.

     Bref, M. de Fontenoy avait, comme on dit vulgairement, mis la charrue devant les bœufs.

     Incidemment cependant, le procureur général veut bien faire observer, et c'est ici le côté instructif de son rapport, que les lettres d'érection de la terre de Noviant en marquisat par le roi Louis XIII, au mois de novembre 1642 « adressées aux Parlement et Chambre des Comptes de Paris, n'ont point été registrées dans ces tribunaux, ny dans aucun autre de France, ny du duché [p. 61.] de Bar..., il ne paraît pas même qu'elles eussent été scellées, etc. » Il ajoute que le duc Charles IV refusa, à son retour dans ses états, de reconnaître le nouveau marquisat.

     Le procureur général constate toutefois, parmi les pièces fournies par M. de Fontenoy, à l'appui de sa demande, les lettres en parchemin datées de St-Germain-en-Laye, données au mois de novembre 1642.

     Quant aux lettres de Léopold, le procureur général ajoute, assez dédaigneusement, que celles de 1712 « ne paraissent pas avoir vu le jour, ny être scellées », qu'à la vérité, elles sont signées du duc et contresignées du secrétaire d'Etat, mais qu'elles n'ont été présentées dans aucun tribunal.

     Les lettres de 1722 « sont en meilleure forme » dit-il, elles sont signées, contre-signées et scellées du grand sceau, mais non plus que les précédentes, elles n'ont été enregistrées nulle part (206).

     Heureusement Stanislas était bon prince, quoi qu'on dise, et sans s'arrêter aux sévérités du procureur général, un arrêt de son conseil, du 8 août 1755 (207), dûment enregistré cette fois à la Chambre, le 18 octobre suivant, confirmait les titre et qualité de marquisat au tronçon acquis par M. de Fontenoy, et le lendemain 14, le Roi en donnait ses lettres patentes à ce gentilhomme. Celui-ci, de son côté, s'était mis en règle, un peu tard il est vrai ; à tout péché miséricorde.

     Le seul des seigneurs de Noviant, depuis Jean de Beauvau, M. de Fontenoy put dormir en paix sur ses parchemins.

[p. 62.]

     Le 2 juin 1769, un arrêt de la Chambre des Comptes (208) autorise M. de Fontenoy, à raison de ses infirmités, à faire ses foi et hommage par procureur, et le 1er octobre 1770, Nicolas-François le Prudhomme, comte de Fontenoy de Châtenoy (sic), marquis de Noviant, ancien capitaine de cavalerie au régiment d'Egmont, donne son dénombrement au roi Louis XV, pour le nouveau marquisat de Noviant (209) ; en voici un court extrait

     « ... Avoue tenir en fief la terre et seigneurie, avec titre de marquisat de Noviant-aux-preys, provenant d'acquêt par lui fait, des sieurs comte et chevalier des Salies, par contrat passé devant Tranchot, notaire à Nancy, le 25  février 1752, confirmé par arrêt du Conseil du 8 août 1755 enregistré à la Chambre, le 13 août suivant, consistant en haute, moyenne et basse justices, au village et ban dudit Noviant ; et le tiers dans les haute, moyenne et basse justices de Manonville et Domepvre, en vertu de l'érection faite par Louis quatorze (sic) (210), par lettres patentes du 9 octobre 1642, et par lettres de confirmation du feu duc Léopold, du 20 avril 1722, et arrêt du Conseil, sous le feu roi Stanislas, le 8 août 1755, ayant pouvoir d'y établir un prévôt gruier chef de police, procureur d'office, notaire, tabellion, maire, lieutenant de maire, un greffier, deux sergents.

     « Il m'appartient audit Noviant un château, avec les [p. 63.] basses-cours, jardin potager, verger et un bois planté, le tout environné de murs, avec les usuaires et dépendances dudit château.

     « En l'enclos d'yceluy est construite une maison pour mon receveur, un colombier, une bergerie, une grange, des écuries et remises, un pressoir banal... et l'ancienne maison de mes censiers, etc.

     « Il y a audit village un marché publique qui se tient le lundi de chaque semaine, sous la halle qui m'appartient.

     « Droit de faire deux foires l'an, le 1er lundi d'après la saint Jean-Baptiste et le 2e lundi après la saint Martin d'hiver.

     « It., le tiers denier des biens et usages de la communauté m'appartient.

     « It., 1272 arpens de bois situés, tant sur le ban de Noviant que sur ceux de Manonville et Domepvre, etc.

     « Une tuillerie sur le ban de Domepvre, etc.

     Le reste comme aux dénombrements de 1627 et de 1665.

     « It., un gagnage, moulin et terrage avec plusieurs menues rentes, cens et drois cy après spécifiés, au lieu de Grosrouvres, avec le droit d'y établir un maire pour en faire la levée, etc.

     « It., à Lironville, plusieurs droits, rentes et revenus avec un petit gagnage, etc.

     Les archives de l'étude de Noviant nous ont fourni les actes suivants émanant de MM. de Châtenoy

     Du 20 juillet 1786, bail (Me Latour) pour neuf années, à Nicolas Gruier, de la tuilerie de Domèvre, terres et prés en dépendant, moyennant 400 livres par an, plus la livraison d'un millier de tuiles, annuellement, et de deux muids de chaux, évalués 30 livres,

[p. 64.]

     Du 18 novembre suivant, bail pour neuf ans, à Louis Brousset, laboureur à Grosrouvres, de toutes les terres, prés et chenevières appartenant au bailleur à Grosrouvres et à Ansauville, cens et rentes qui lui sont dus, dîmes, gerbages et terrages, moyennant 550 livres annuellement.

     Du 12 novembre 1787, bail amphitéotique pour cent ans moins un an, à Jean Aubriot, mineur, Claude Faucheur son beau-père acceptant pour lui, du moulin à eau de Grosrouvres, maison, prés, jardins, chenevières en dépendant, moyennant 200 livres de Lorraine par an, à charge des impôts et des grosses et menues réparations.

     Nicolas-François n'est pas mort à Noviant, son décès ne figure pas au registre paroissial ; il mourut probablement à Nancy, au mois de septembre 1788. En effet, nous trouvons encore, le 2 septembre, un bail consenti par lui pour le moulin de Monthairon, tandis que le 2 octobre suivant, son fils Charles-Léopold loue les terres de Noviant en son nom personnel et prend dans l'acte, les titres et qualités de comte de Fontenoy et de Châtenoy, et de marquis de Noviant.

     M. de Bonneval, dans ses suppléments manuscrits à D. Pelletier (211), donne deux fils à Nicolas-François : Léopold-Marie-Gabriel, né le 13 octobre 1751, sans doute mort sans postérité avant son père, et Charles-Léopold, né le 6 janvier 1752.

     Le 2 octobre 1788, Charles-Léopold Le Prudhomme, comte de Fontenoy de Châtenoy, marquis de Noviant, [p. 65.] capitaine général des chasses de Mgr le comte d'Artois, capitaine de cavalerie, loue, pour six ans, à Jean Grandidier laboureur, un corps de gagnage à Noviant, contenant 25 jours de terres labourables, par chaque saison, prés et chenevières en dépendant, moyennant un canon annuel de 496 livres ; ensemble la totalité de la ferme ancienne de ladite seigneurie, comme le présent preneur en jouissait précédemment, à la réserve des deux enclos de Briaux et du Haut du Breuil et la pièce du Bas de Villers ; la récolte partageable par moitié avec le seigneur, à la moisson, à charge de conduire la part choisie par ledit seigneur aux granges du château, et de quelques autres obligations. Jouira le preneur, des prés d'Ansauville et de Grorouvre, etc. et de la maison franche des fermiers et dépendances ; sera tenu de conduire sur les terres tous les fumiers de la cour du château et de vuider la bergerie, ramener les vendanges de Manonville avec les fermiers de ce lieu ; aura la vaine pâture du Bas de Villers, quand le troupeau de vaches du seigneur y aura été etc.

     Bail du même jour à Jean Laurent, d'un autre gagnage à Noviant, de 25 jours de terres, prés etc., loué, comme le premier, 496 livres.

     Nous constatons, le 9 octobre 1788, la présence à Noviant de Charles-Louis de Fontenoy, commandeur de Rues, oncle de Charles-Léopold. Ce gentilhomme « de présent en ce lieu » passe un bail en l'étude du notaire pour des propriétés sises en Champagne.

     En 1792, Charles-Léopold vendit son tiers de l'ancien pressoir banal de Manonville à Georges-François-Gabriel de Barrois, baron dudit lieu (212).

[p. 66.]

     MM. de Châtenoy menaient, à Noviant, grand train de maison. Différentes mentions de domestiques : cocher, chasseur, valets, portier, etc., sur les registres paroissiaux l'indiquent. Ils avaient, en outre, un personnel de basse-cour.

     La Révolution enleva à Charles-Léopold les droits seigneuriaux, cens, rentes et redevances féodales de son marquisat de Noviant ; mais elle ne paraît pas avoir touché au domaine foncier, car le 22 frimaire, an IX, M. de Châtenoy donne procuration à un sieur Rousseau pour vendre les immeubles de la terre de Noviant et dépendances et, le même jour, il fait, aux sieurs Rousseau, Bigelot notaire et Charpit de Courville, le transport des prix de ventes partielles, moyennant une somme de 257,000 fr. ; chiffre dérisoire, à ne considérer que la valeur des 1272 arpents de beaux bois, situés tant sur Noviant, que sur les seigneuries de Manonville et Domèvre.

     Le 16 germinal, même année, M. de Châtenoy donne également procuration au sieur Rousseau, pour vendre le château et ses dépendances, après en avoir fait enlever toutes les boiseries, portes, fenêtres et parquets du rez-de-chaussée. Il cède en même temps, aux mêmes personnes, les prix des ventes en détail pour une somme de 24,000 fr. !

     Ces chiffres ne s'expliquent que par l'avilissement lamentable de la valeur des biens-fonds, au lendemain de la Révolution.

     Le château, dont il ne restait guère que les quatre murs, fut démoli, sauf le pavillon des cuisines, et les matériaux vendus par les sieurs Bigelot et Rousseau.

     On sera peut-être curieux de connaître le prix des [p. 67.] ventes en détail de l'enclos. seigneurial et de ses dépendances :

Les jardins furent vendus aux sieurs Latour, Bathelier et Leroy, moyennant  12.300 fr.
Le 6 floréal an X, le bâtiment des cuisines au sieur Leroy, moyennant  3.600
Le 1er frimaire an X, le colombier et les écuries à Jean Laurent, l'un des anciens fermiers, moyennant  4.800
Le 8 prairial an X, la maison du portier, les granges, la maison du jardinier, l'emplacement du château, les terrasses  12.300
 
Total . . .  33.000 fr.

     Soit un bénéfice de 9.000 fr. ou plus de 30 %, sur le prix de cession de 24.000 fr., à quoi il faut ajouter la valeur des matériaux provenant de la démolition du château (213).

     Et c'est tout. Telle a été, pour la plupart de nos vieilles seigneuries, la fin de toutes choses. Vieux souvenirs des siècles, gloire, traditions, monuments du passé, l'histoire du pays, en un mot, tout cela est venu s'échouer misérablement dans l'étude du notaire, sur quelques feuilles de papier timbré ; la pioche du démolisseur a fait le reste.

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Présentation. - Table des matières - Première partie - Pièces justificatives - Errata.




Notes de bas de pages


     132 Bailli de Bassigny, 9 février 1599 ; sénéchal de Barrois en 1616, de Lorraine, 13 septembre 1632. - H. Lepage Offices des duchés de Lorraine et de Bar.

     133 Marcossey, maison d'ancienne chevalerie, originaire de Savoie, établie en Lorraine vers 1554. - Husson-l'Escossois, Simple crayon.

     134 Les bénédictins de Saint-Evre, de Toul, étaient seigneurs hauts justiciers de Manoncourt. Jean de Beauvau en était seigneur voué et jouissait, à ce titre, de certains droits féodaux. Manoncourt, Avrainville, Hamonville, Grosrouvres : arr. de Toul, c. de Domèvre ; Lironville, Limey, Flirey, Remenauville et Fey, c. de Thiaucourt ; Blénod, arr. de Nancy, c. de Pont-à-Mousson.

     135 Rode [cf. errata]. - Maison chevaleresque. On trouve, en 1305 et 1330, Jean de Rode, Rodolphe de Rode, son fils, chevalier. - Dufourny, Inventaire, T. 3, p. 308 et T. 6, p. 139. Ms. de la Bibl. de Nancy. V. pour Manonville et Domêvre : Manonville et ses seigneurs ; Manonville et Domèvre, arr. de Toul, c. de Domèvre ; Maidières et Montauville, arr. de Nancy, c. de Pont-à-M. - Arch. Meuse. B. 321, fo 150.

     136 Le titre de marquis de Noviant attribué prématurément dans son épitaphe, à Jean de Beauvau mort dès 1636, prouve que cette épitaphe avait été composée postérieurement à 1642.

     137 Ces lettres sont rappelées dans des lettres de confirmation données par Léopold en 1722 (Arch. M.-et-M. B., 156), dans le rapport du procureur général en 1755, (Arch. Meuse, liasse B. 3065) et par différents historiens, notamment Durival, Description de la Lorraine, I, p. 63.

     138 Jauloy et Saint-Bauesant : M.-et-M., arr. de Toul, c. de Thiaucourt. Aviller : Meuse, arr. de Verdun, c. de Fresne-en-Woivre.

     139 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 67.

     140 Ibid.

     141 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 67.

     142 Ibid.

     143 Ibid.

     144 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 67.

     145 Lepage : Communes de la Meurthe, art. Seicheprey. - Le quart en appartenait encore, en 1708, au maréchal de Beauvau.

     146 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 67.

     147 Ibid.

     148 Ibid.

     149 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 87. Original en parchemin.

     150 Arch. M.-et-M., lay. Pont-Fiefs, IV, no 87. Original en parchemin.

     151 Les familles étaient beaucoup plus nombreuses alors qu'aujourd'hui.

     152 Jeanne de Saint-Baussant, seconde femme de Claude de Beauvau et mère de Jean.

     153 Sorte d'avocat de campagne.

     154 D. Pelletier, art. Blanchard : « On trouve au fo 216, vo du registre cotté 1619, une déclaration de noblesse pour Claude Blanchard, fils naturel et avoué de feu le sieur Claude de Beauvau lors gouverneur du Duc, suivant l'art. 12, titre I des coutumes de Lorraine, par lequel la condition des gens anoblis est attribuée aux illégitimes avouée des gentilshommes dudit duché, pourvu qu'ils suivent l'état de noblesse etc. Porte : d'or à une croix ancrée de gueules, cantonnée de 4 étoiles de sable. »

     En 1725, Marie-Françoise Blanchard, dame d'Hamonville et Ansauville, héritière des précédente, épousa un gentilhomme d'une ancienne famille, au service des rois de France, écossaise d'origine, suivant une tradition : Jean-François-Remy Tardif, capitaine au régiment de la Couronne, plus tard colonel et ingénieur en chef pour le Roi T. C. à Toul et chevalier de Saint-Louis, fils de Remy Tardif, maréchal des camps et armées du roi, chevalier de Saint-Louis, directeur des fortifications du Dauphiné, de la Sarre et des Trois-Evêchés, et de Magdelaine de Pannes.

     Par contrat du 20 juillet 1725 (arch. du château de Manonville), Mlle Blanchard laissait, en cas de non existence d'enfants, tous ses immeubles à son mari, ce qui arriva. Celui-ci se remaria, et eut postérité. C'est ainsi que la terre de Hamonville devint la propriété de la famille Tardif qui en garda le nom. Le même François-Remy Tardif acheta, en 1739, de MM. de Fontenoy, la seigneurie de la Tour de Boucq dont la propriété est demeurée à ses descendants jusqu'à nos jours.

     155 Dumont, Fiefs de Commercy, Hist. de Vignot.
Le 3 avril 1644, Mme Antoinette d'Urre, dame de Beauvau, tient sur les fonts baptismaux une enfant de Noviant : Claudine François, avec « M. d'Hamonville » (Claude Blanchard) comme parrain. - Registre parossial.

     156 Documents sur la guerre de Trente ans, publiés par la Société d'Archéologie lorraine.

     157 Par le mariage d'Isabeau de Beauvau, fille de Louis de Beauvau, sénéchal d'Anjou, et de Marguerite de Chambley, avec Jean de Bourbon-Vendôme, trisaïeul d'Henri IV.

     158 Dumont. Fiefs de Commercy : Vignot.

     159 Correspondant à une population de 350 âmes au moins, c'est ce qu'il comprend aujourd'hui. En 1627, nous avons évalué la population totale à un chiffre de 400 à 500 âmes. En 1755, le village comptait 80 feux, soit à peu près la population de 1627.

     160 Histoire d'une sainte et illustre famille de ce siècle, dédiée à S. A. R. Madame la duchesse de Lorraine, par le P. L... de la Compagnie de Jésus. Paris MDCXCVIII.

     161 V. les détails que donne Lionnois sur Charles d'Urre de Theissières, dans l'Histoire des villes vieille et neuve de Nancy, t. II, p. 405 et suiv. Cs. aussi Dumont, Histoire de Commercy, t. I, p. 371 et suiv.

     162 Paul-Bernard, comte de Fontaine, eut pour mère Suzanne d'Urre, fille de Jean d'Urre, bisaïeul maternel d'Anne-François de Beauvau ; il épousa Anne de Raigecourt, tante paternelle de Marguerite de Raigecourt, femme d'Anne-François ; voir, sur ce personnage, l'intéressant travail de MM. Ch. Guyot et L. Germain, dans les mémoires de la Soc. d'arch. lorraine, année 1886.

     163 Ferdinand-Marie, Electeur et Comte palatin du Rhin.

     164 Septembre 1668.

     165 L. Benoît. Epitaphes des tombes de Noviant-aux-prés publiées dans le Journal de la Soc. d'Arch. lorraine, 1867.

     166 Avant son entrée en religion, il signait : Anne-François de Beauvau-Novian.
Les principaux épisodes de la vie du Père de Beauvau sont racontés par M. le comte de Ludres : Histoire d'une famille de la Chevalerie lorraine, I, p. 311-315.

     167 Arch. M.-et-M., lay. Nancy IV, no 118.

     168 Ibid., lay. Pont-Fiefs IV, no 81. Orig. en parchemin.

     169 La sœur de M. de Vianges avait épousé le maréchal de Joyeuse.

     170 Dumont, Fiefs de Commercy, Vignot. - L'hôtel de Vianges était situé place des Dames. V. Courbe, Promenade historiques à travers les rues de Nancy.

     171 Lepage et de Bonneval : Offices des duchés de Lorraine et de Bar.

     172 Arch. M.-et-M., reg. B. 119, fo 36.

     173 Arch. M.-et-M., G., 1107. Marie-Anne de St-Baussant, de l'ancienne maison de ce nom, qu'il ne faut pas confondre avec la famile Thiéry de St-Baussant. Ses armes sont apposées sur un dénombrement de 1664. Lay. Bar-Fiefs et Dénombrements, V, no 93.

     174 C'est à l'aide des souvenirs de Mme de Vianges, joints à la correspondance du P. de Beauvau, que le P. Lempereur a pu reconstituer l'histoire de toute cette famille.

     175 Cette donation est rappelée dans les lettres patentes de Léopold, du 26 mars 1712. - Arch. de M.-et-M., B. 131.

     176 Il descendait d'Henri de Montrichier et de Françoise de Beauvau, sœur de Jean de Beauvau, aïeul de Mme de Vianges.

     177 Maison de Raigecourt, Nancy 1777, chez la veuve Leclerc.

     178 Arch. Meuse. - Reg. B 321, fo 150. - Louis-Joseph des Armoises de Jaulny était fils de Jean-Albert des Armoises, seigneur de Jaulny ; Sandaucourt, etc., et de Bernarde de Cléron de Saffre d'Haussonville. Elizabeth de Beauvau était, suivant D. Calmet, fille de Louis de Beauvau, seigneur de la Frondière et des Pins, et de Jeanne Langlois. (Calmet, Généalogie des Armoises.)

     179 Arch. M.-et-M., B 11.012, fo 1010.

     180 Maison de Raigecourt, Nancy, 1777.

     181 Arch. M.-et-M., H. 2578.

     182 Papiers de M. le colonel de Lardemelle, petit-neveu, par sa mère, de l'abbé de St-Baussant, dernier seigneur de Tremblecourt.

     183 Ibid. - Acte de vente de la seigneurie en 1783. Les détails qui suivent en sont tirés.

     184 Menoux, Hte-Saône, arr. de Vesoul, canton d'Amance.

     185 Il y a en Franche-Comté deux localités de ce nom : Montureux, Haute-Saône, arr. de Gray, c. d'Autrey et Montureux-les-Baulay, arr. de Vesoul, c. d'Amance.

     186 Cet acte nous a été communiqué, comme le premier, par M. le colonel de Lardemelle.

     187 Dumont, Nobil. de Saint-Mihiel, Généalogie de la famille Thiéry.

     188 Ibid. et D. Pelletier, Nobil. de Lorraine.

     189 Jean Thiéry ne figure pas dans la nomenclature des premiers présidents de la Chambre des Comptes, donnée par H. Lepage, dans ses Offices.

     190 La Chesnaye-Desbois, art. Beauvau.

     191 H. Lepage, Offices des duchés de Lorraine et de Bar.

     192 Arch. M.-et-M., lay. Pont-addons [sic], no 42bis.

     193 Ibid., B nos 131 et 156.

     194 L'autre moitié de Minorville appartenait, de toute ancienneté, au Chapitre de Saint-Gengoult, de Toul.
Les deux tiers de Manonville et Domèvre, avec le château de Manonville, appartenaient alors à François Barrois, baron de Manonville et comte de Kœurs, résident du duc Léopold en Cour de France. - V. Manonville et ses seigneurs.

     195 Génicourt-sous-Condé : Meuse, arr. de Bar, c. de Vavincourt.

     196 Les lettres de Léopold n'ayant pas eu d'effet et n'ayant pas été entérinées, comme on le verra plus loin, il est probable que la prévôté de Noviant n'exista jamais que sur le papier, c'eut ce que nous avons fait remarquer au chap. 1er.

     197 Recueil des ordonnanees de Lorraine, t. V, p. 14.

     198 Arch. M. et M., lay. Pont-additions, no 42 bis.

     199 Ibid., B. 11002, no 410.

     200 Hist. d'une famille de la chevalerie lorraine, II, p. 119.

     201 Durival, Description de la Lorraine, t. Ier, p. 183.

     202 De Maillet, Mem. pour servir à l'hist. du Barrois ; Bar, 1749.

     203 La Chesnaye-des-Bois, art. des Salles.

     204 V. plus loin le dénombrement de M. de Fontenoy, où cette vente est rappelée.

     205 L'ancien château féodal était sans doute en très mauvais état, car il ne devait plus être habité depuis la retraite de Mme de Vianges. Louis de Beauvau, son fils et ses filles résidaient à Fléville, et les des Salles avaient leurs châteaux de famille.

     206 Arch. Meuse, liasse B. 3065.

     207 Durival : Description de la Lorraine, t. Ier, p. 62.

     208 Arch. Meuse, B 317, fo 89.

     209 Ibid, B. 396, orig. en parchemin et B. 319, transcription.

     210 Inutile de faire remarquer l'erreur commise ici : On a écrit Louis XIV au lieu de Louis XIII.

     211 Exemplaire unique appartenant à M. A. de Rosières, de Mirecourt.

     212 Arch. du château de Manonville.

     213 Résumé d'actes communiqué par M. Jeanmaire, propriétaire d'une partie de l'enclos seigneurial.





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