En Chine les hommes tiraient les bateaux avec une solide corde. Sur la berge ils touaient en courbant l'échine et en chantant, de leurs voix puissantes, un rythme lié à l'effort dispensé. Dans l'antiquité les navires faisaient appel à des pêcheurs rameurs connaissant le secteur de navigation. Âpre opération que la sortie des ports pour les voiliers !

De l'homme toueur au moteur des temps modernes...

Au plus loin de la connaissance nous savons que les chinois avaient leurs haleurs. En fait ces hommes tiraient, souvent dans des conditions les plus extrêmes, les bateaux avec un cordage aussi solide qu'eux. Ils chantaient des « hey, heyhey, tuo, tuotuo » qui conditionnaient l'individu ou le groupe dans l'effort. Dans l'antiquité les navires furent tractés par des embarcations (souvent de pêche) munies de rames. Il va sans dire que les structures portuaires n'avaient rien de comparable à celles d'aujourd'hui.Les envasements n'étaient pas traités aussi efficacement qu'à notre époque. Alors accoster? Oui..mais avec précaution. Soit le mouillage se faisait à distance et la marchandise transitait (100..200 voire 300 tonnes maximum) par le biais des barques locales (certains vaisseaux allégeaient une partie et entraient ensuite dans le port), soit l'amarrage effectif avait besoin de ces rustiques remorquages pour aborder directement au quai. Nous saisissons la rusticité des échanges en ces temps-là. Projetons-nous en France afin de saisir l'évolution de cette discipline maritime portuaire.Avant le 19ème siècle les voiliers faisaient surtout appel aux bâtiments militaires dotés de solides rameurs. La manœuvre était effective pour sortir puisque la voilure privée d'un vent suffisant ne permettait pas de lancer ces navires. Par contre certains bords se halaient à une ou deux bittes fixées sur les quais pour rentrer et s'économisaient d'une quelconque aide extérieure. Puis vint la vapeur à roues changeant le métier du remorquage qui devint une activité établie ayant les moyens de ses ambitions. L'hélice et les moteurs offrent, ensuite, une avancée technique pour nos remorqueurs modernes. L'outil est plus maniable, allant jusqu'à pivoter sur lui-même, mais demande une attention de tous les instants. Comme dans toutes les activités liées à la mer ces marins font preuve de caractère dans une rectitude professionnelle hors norme.


Notre "Iroise" n'est pas celui du Commandant Malbert. Cet audacieux et légendaire marin construisit la notoriété d'un petit remorqueur portant le nom d'une mer finslérienne, ce à partir de 1922. Plus dirigé vers le sauvetage des vies et des navires ce bâtiment a aidé 183 vaisseaux et récupéré 3000 personnes. Les photos ci-dessous nous présentent les différents types de remorqueurs ayant servi à portde dans un contexte de service remodelé.

Bref résumé sur un marin d'exception : le Commandant Louis Malbert

Ce breton né à Saint-Quai-Portrieux le 18 juillet 1881 devient très vite un expert maritime.N'est pas dix neuf fois Cap-Hornier qui veut! Fort de cette expérience il décide d'aller sur les eaux tumultueuses de la mer d'Iroise (au large du Finistère) sauver les personnes et de nombreuses unités. Il transcende son équipage par son audace, son intuition, son sang-froid unique. Avec le petit remorqueur « Iroise » il fonce sur les lieux de naufrage dans les conditions dantesques. Sous son chapeau mou le qui vive est permanent.. De la terrasse de son QG «Bar de la Tempête » il bondit dès qu'un strident appel lui parvient. Ses matelots et lui-même sont considérés comme des surhommes. Il n'empêche que l'être rude de la mer est un vrai farceur et ne s'en prive nullement. Pas étonnant que ce fabuleux marin soit passé dans la postérité... En effet Roger Vercel a écrit « Remorques » en s'inspirant de notre Commandant Malbert. Jean Grémillon, cinéaste, sort un inoubliable film tiré de ce roman et tourné, en partie, sur les quais puis sur l'escalier 1867 reliant le port de commerce à la ville via le Cours Dajot. Si vous venez à Brest vous remarquerez un panneau explicatif à cet endroit. Nos marins du XXIème ont la modernité, sans doute, mais le courage, le toupet et le cran sont de la même veine. Un métier qui a évolué avec pourtant les difficultés et les âpretés d'une vie de danger. Une révérence à la mémoire de ces titans de l'OCEAN !

PS : De nombreux ouvrages sont consacrés au Commandant Malbert. Les moteurs de recherche sur internet vous aide à les découvrir.

L'Europe a ouvert une porte mais revenons aux « ABEILLES » et à une page du remorquage à PORTDE

« Manoeuvrer un bateau c'est magnifique! »

dixit M. Michel VALENTIN ex Directeur des remorqueurs à Brest en tant que Capitaine d'armement.

Ces trapus, tel l'Iroise solide sous ses 30 années de tractage dans les bassins brestois, ont je ne sais quel aspect rétro de lutteurs près à en découdre avec les mastodontes qu'ils agrafent à leurs crocs. Pourtant ils se dandinent au gré des flots à leur poste d'amarrage situé au 2ème éperon. Ils ont l'air passifs mais obéissent, il est vrai, au doigté du Capitaine et des équipages. Construits pour entrer et sortir les navires ils vrombissent de leurs1500 /2000 chx et assument fièrement leur travail. Longs de 25 mètres pour un poids de 300 à 500 tonnes ils développent 25 tonnes de traction.Accompagné du Bihan notre Iroise va, à la demande de l'armateur et son représentant, filer vers le bâtiment dont tous les caractéristiques ont été analysées afin de sécuriser l'opération de remorquage.Parfois des unités de la Marine Nationale viennent à la rescousse. Le Commandant du navire tracté ou poussé décide de l'opportunité d'appel à ce service portuaire. Cependant il peut y être obligé par la Capitainerie et par la Préfecture Maritime si le chargement ou l' état du vaisseau présente un danger.En cas de mauvaise manœuvre (avec ou sans assistance) la responsabilité incombe au seul Capitaine du navire arrivant. Les petites unités causent plus de difficultés que les grosses (tout remorquage est délicat) car ils peuvent dépasser le tireur (mauvais temps, fortes rafales de vent) et produire un retournement ou un télescopage. Les grands porte-conteneurs, les pétroliers et autres minéraliers perdent, parfois, de vue le remorqueur pendant le passage du câble reliant chacun des navires. Impérativement les vitesses doivent concorder. Mais l'immobilisation est techniquement la phase dure car il faut que vent, mer, inertie des bateaux soient étudiés afin d'obtenir une cohésion parfaite de manœuvre entre les deux capitaines.La rupture du filin d'acier est crainte car elle complique les relations. Cependant rassurez-vous... Ces marins maîtrisent si bien leur métier que la définition finale pour cette page sera « Ils aiment tant cette mer qu'ils savent en dominer les caprices »

Texte remodelé d'un amoureux de ces ventrus: nous étions en 1982.

Ce poème est cher à Michel Valentin qui désire une place de choix sur ce billet. Sincérité et enthousiasme d'un homme à la fibre portuaire. Bravo à lui pour ces quelques vers du cœur.

« La Gazette du port » viendra plusieurs fois nous ouvrir ses archives afin de nous offrir des écrits et reportages portant haut l'esprit du port de commerce et son passé récent. Merci à Olivier Constance promoteur de ces livrets dont la parution est, hélas, suspendue.


La construction de l'Europe a changé certaines donnes. Aujourd'hui le remorquage au port de Brest est confié au groupe espagnol Boluda suite à une cession de la société Bourbon. Les emplois ont été préservé. Nos marins bretons sont sous la houlette d'un dynamique Jérémie Château qui nous présente son métier. Lui, vient d'une région proche... Une vidéo nous propose le travail d'approche du quai effectué par les remorqueurs et le navire en escale.


Profitons du retour au quai d'armement pour visiter nos "trapus". Les cheminées sont passées du jaune au rouge (Bourbon > Boluda). Les structures sont les mêmes ainsi que les équipages. Il est évident que tout est fait pour vivre à bord dans les meilleures conditions. Pour votre plaisir propre, écoutez donc les confidences de notre Capitaine en charge... Ce billet est dédié à tous les marins de ce métier difficile.


Merci à Paolo (10 ans) pour sa vision d'un destin ancestral. Merci aux archives municipales de Brest (avec particulièrement, une oeuvre d'Ozanne), à la Prémar Atlantique, à Goulven de la Caisse à Clous, à René Cadalen, à Erwan Guéguéniat, à la DDE, à Michel Valentin, à la CCI Brest. Merci à Jérémie Château et aux équipages des remorqueurs pour leur chaleureux accueil. Autres photos, textes, interviews, vidéos sont de Yffic maire du portde. En ce jour du 15 avril 2009 un salut au webmaster Yffic Cloarec.