vendredi 18 juillet 2008

La vie des riches racontée par les concierges des grands hôtels

La vie des riches racontée par les concierges des grands hôtels n’est pas forcément un conte de fées. Mais qu’est-ce qu’on s’amuse !

D’eux, ils savent tout. Les cinq sens aux aguets, ils ont le talent divinatoire d’anticiper leurs moindres désirs, leurs ridicules caprices ou leurs folles extravagances. Les grands chefs concierges, ceux qui officient dans les sélects palaces parisiens, connaissent mieux que quiconque cette espèce qu’on appelle communément les riches ! « Etre concierge, c’est devenir important pour des gens qui ont tout , assure Yannick Bastoni, jeune chef concierge de l’hôtel Fouquet’s Barrière. Le client est loin de chez lui . A Paris, il est perdu, il ne sait pas où aller. Nous sommes là pour l’aider. »

Toujours au dernier moment.

Réserver une table, un billet de train ou d’avion, un parcours de golf, un court de tennis, une place d’opéra ou un concert de rock. Très simple, sauf que... les riches s’y prennent systématiquement au dernier moment. « J’ai dû trouver des places pour un opéra chanté par Pavarotti à la Scala à Milan, le matin pour le soir. Puis dénicher un jet privé et réserver dans un restaurant gastronomique pour la sortie du spectacle », raconte Lionel Laurens, chef concierge de l’hôtel Raphaël. Roderick Levejac, chef concierge au George V, se souvient du dernier Roland-Garros : « A 14 heures, un client, installé sur le court central, m’appelle sur mon portable. Il veut voir jouer Roger Federer, qui est sur le Suzanne-Lenglen ! Une demi-heure plus tard, je lui fais livrer les places. Il n’a plus qu’à se lever et aller voir le match ! »

Autre spécificité, les grandes fortunes ont l’art de vouloir, toutes, dîner, au même moment, au même endroit ! « La colle de 2008, c’est le Jules Verne, le restaurant que Ducasse a repris à la tour Eiffel. Il y a 3 500 appels par jour ! C’est un parcours du combattant, les gens se damneraient pour avoir une table », dit Carlos Teles, chef concierge de l’hôtel Bristol. Pour relever le gant, les meilleurs concierges du monde s’appuient sur leurs réseaux. « Un bon concierge connaît le gérant, le directeur de l’établissement, le cuisinier ou le maître d’hôtel de tel restaurant. Il va tout faire pour débloquer une table », assure Yannick Bastoni. C’est la routine.

Les concierges veulent du défi. De l’inédit. « Tout est possible ! dit Frédéric Baucher, chef concierge au très branché hôtel Murano . Si on me dit de mettre un dauphin dans la piscine, je le fais immédiatement. C’est juste une question de prix... » De concierge à concierge, on se raconte les demandes rigolotes et fantaisistes. Et on se souvient des très généreux pourboires qui vont de pair. En vrac et dans le désordre : une calèche, tirée par quatre majestueux chevaux, est arrivée, en plein hiver sur le boulevard du Temple, pour emmener ses passagers visiter Paris d’une manière... différente. En janvier, un Autrichien a eu une violente envie d’offrir à sa fiancée du muguet, qui ne pousse qu’au mois de mai ! Des serres spécialement chauffées pour l’occasion ont fait le miracle. Le tout facturé 300 euros. Dans des palaces, il n’est pas rare de faire installer, dans la chambre d’un accro du jeu, un minicasino avec machines à sous, tables de jeux-poker, black jack-, roulette et vrais croupiers. On a vu aussi des strip-teasers offerts par un client à sa mère pour fêter les 65 ans de celle-ci ! Ou deux wagons entiers d’Eurostar réservés pour une famille de cinq personnes qui ne veut pas être dérangée. Une visite privée de Versailles, la nuit, avec des dizaines d’acteurs en tenue Grand Siècle pour une seule et unique personne. En vingt-quatre heures, on a arrangé une soirée anniversaire dans un château avec tout le folklore médiéval (troubadours et trouvères, chevaliers en cote de mailles, etc.). Un concierge a loué en catastrophe une salle de basket pour une star de cinéma américaine qui voulait marquer quelques paniers en toute tranquillité. Et a acheté 400 kilos de sucre de régime pour un cheikh arabe qui voulait en constituer un stock et le rapporter chez lui.

Autre histoire. « Un bon client m’appelle. Il vient à Paris avec son épouse pour fêter leurs vingt ans de mariage. Il veut un cadeau original ! » dit Carlos Teles. Voici ce qui fut imaginé : l’Américain a fait parvenir au concierge une photo de sa moitié. Celui-ci a fait réaliser un joli portrait de la femme par un peintre parisien. Un soir, après un bon dîner à Saint-Germain-des-Prés, les deux amoureux, se baladant main dans la main, tombent en arrêt devant le portrait de madame, exposé dans la vitrine d’une galerie d’art ! So romantic ...
Fabriquer de l’insolite.

« Les riches sont toujours plus riches , constate un grand concierge. L’argent n’est même pas un sujet de discussion. Ils veulent qu’on les étonne avec de nouvelles idées. Et puis, de retour chez eux, ils veulent épater la galerie. » Alors, les concierges fabriquent de l’insolite. A ces riches, ils proposent de passer chez Guerlain pour inventer « leur » parfum. Elaboré spécialement avec un nez de la grande maison. Idem pour le vin : une journée dans un vignoble privé où, avec des cépages en pipette, on peut assembler « son » vin. Autre activité qui fait fureur, le touriste peint une vue de Paris sur les bords de Seine, tout en dégustant un luxueux pique-nique au bord de l’eau. Ou alors on arrête la production pendant deux heures chez le fameux chocolatier Malitourne. L’amateur enfile son tablier et s’égaille dans la poudre de cacao, avant de ressortir avec ses propres palets d’or ou ses oeufs de Pâques. De l’inoubliable, on vous dit.

Pourtant tout n’est pas toujours facile. Les concierges ont une faille, la sortie en boîte de nuit. « Tout dépend du physionomiste , explique un concierge. Même si on réserve une table et qu’on prévient le patron, on n’est jamais à l’abri d’un videur qui fait du zèle ! Il n’y a rien de pire que de voir notre client viré comme un malpropre... » D’autant qu’il semble que les riches tolèrent mal que la vie oppose une quelconque résistance à leurs désirs. « Un vol complet, un taxi qui n’arrive pas, un bagage perdu, un orage sur Paris, c’est inadmissible, s’agace un concierge, et c’est de notre faute ! » L’échec est interdit.

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