Les Paysages Glaciaires dans les montagnes, etude de geomorphologie glaciaire et periglaciaire
LE MODELÉ PERIGLACIAIRE
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Peri signifie autour de, dans les deux sens du terme, spatial et temporel. Le terme périglaciaire s'applique donc :
- aux phénomènes causés par le climat, pendant les périodes froides du Quaternaire, dans les régions non recouvertes par les glaciers
- mais aussi aux phénomènes analogues se produisant avant et après les périodes froides -- en particulier encore de nos jours -- en haute montagne ou dans les régions polaires.

On pourrait dire que dans le premier sens il s'agit de phénomènes fossiles alors qu'ils seront vivants dans le deuxième.

Plus encore que le relief glaciaire, le modelé périglaciaire présente une variété de formes étonnante, dont nous ne pourrons présenter ici qu'un petit nombre.



Parmi les formes héritées des grandes glaciations quaternaires, la plus importante nous paraît être le loess.

Il s'agit de dépôts sédimentaires détritiques, argilo-calcaires en général et à grains très fins (2 à 50 microns).

Le vent des époques froides a arraché les éléments fins résultant de l'érosion glaciaire.

Le vent entraîne les éléments fins de la Matanuska Valley (Alaska).







Photo Université de Cincinnati

Déposés parfois très loin de front des glaciers, ils ont donné naissance à une roche originale, le loess.

On appelle loess (terme originaire d'Alsace) un sédiment d'origine éolienne, de couleur jaune à brun jaune, friable mais cohérent, dans lequel les particules de la taille des limons (2 à 50 microns) représentent 60 à 80 %, avec un peu d'argile et de sable fin. Les grains sont anguleux, le plus souvent quartzeux. Le loess typique n'a pas de litage.
Le loess résulte du piégeage par une végétation herbacée dense de particules fines, transportées en suspension dans l'air. Cette végétation repousse au-dessus du sédiment au fur et à mesure de son accumulation ; elle annihile tout litage et ses racines engendrent des canalicules qui confèrent au loess une bonne porosité.

Il existe différents types de loess :

-- le loess sableux
-- le loess argileux
-- le loess lité, du à une origine nivéo-éolienne : la sédimentation se serait effectuée sur une couche de neige
-- le loess a doublets. C'est un loess non calcaire constitué par l'alternance régulière de lits bruns plus argileux et jaune à gris plus sableux de quelques millimètres ou centimètres d'épaisseur. Les lits bruns sont plus riches en fer que les gris.
-- le sol sur loess est un loess argileux, décarbonaté , anciennement nommé lehm , formé par altération du loess sous-jacent lors des phases tempérées et humides
--le limon éolien, sédiment d'origine mixte, là où la dynamique éolienne périglaciaire était réduite (limon de Beauce dans l'Orléanais).

La fraction limoneuse (2 à 50 microns) peut être due :
-- au remaniement de la farine glaciaire, produite par les glaciers puis triée par l'eau et épandue à la surface des cônes fluvioglaciaires
-- à la pulvérisation des minéraux par cryoclastie. Le gel peut agir en effet non seulement sur les grains polyminéraux mais il peut aussi fortement affecter les grains de quartz eux-mêmes, produisant ainsi une abondante phase limoneuse-quartzeuse
-- à l'amenuisement de la taille des minéraux, quartz compris, dans les horizons superficiels des sols lessivés, dégradés, par dissolution partielle des grains (phénoméne qui peut se produire également dans d'autres terrains superficiels)
-- à l'entrechoquement des grains de sable brassés par le vent. Les éclats détachés ont en effet le plus souvent la taille et la forme des particules limoneuse. Le vannage suffit ensuite au tri des éléments fins.
Cette roche est très largement répandue en Europe où elle s'est déposée dans des conditions subdésertiques périglaciaires survenues à plusieurs reprises au plus fort des glaciations quaternaires.
Les loess couvrent des surfaces considérables dans le nord de l'Europe,en particulier en Allemagne, mais ils sont rares dans nos régions de montagne et quasiment absents des Alpes françaises. Ce sont de bonnes terres arables, d'où leur importance économique.



(d'après "Géologie des formations superficielles" par M CAMPY et J J MACAIRE - éditions Masson)


En Chine du Nord, le Plateau des loess, sur une surface de près de 300 000 km², est constitué d'une épaisseur de 200 mètres de ces dépôts, qui donnent au Fleuve Jaune sa couleur caractéristique.
30 millions de personnes y vivent dans des yaodongs, habitations troglodytiques creusées dans le loess.

Les vents glacés qui soufflaient durant les époques glaciaires ont eu parfois - quoique rarement - une action érosive.
C'est ainsi que l'étang de Montady, près d'Ensérune (Hérault), occupe une dépression qu'ils ont creusée dans les sédiments éoliens.
Citons aussi les rainures remarquables de la région du lac Balaton (Hongrie), particulièrement bien visible sur ce document NASA:





Une autre action périglaciaire a fortement marqué nos paysages : celle de la différenciation de la pente des versants des vallées selon leur exposition. Les versants exposés au sud-ouest, plus ensoleillés, ont été soumis au ravinement lors du dégel printanier ; sur le versant opposé, au contraire, s'accumulait un limon de solifluxion.
Cette opposition de formes a perduré jusqu'à nos jours et se retrouve, par exemple, à l'heure actuelle dans les paysages de coteaux de l'Armagnac.

" Au total, les actions périglaciaires sont un des facteurs essentiels du modelé des pays tempérés qui explique, en particulier, l'importance des vallées, sans commune mesure avec le débit des cours d'eau actuels. " (Charles Pomerol)

En ce qui concerne les autres formes du modelé périglaciaire, il faut convenir qu'elles marquent moins les paysages de nos régions que ne l'ont fait les glaciers.
Il s'agit le plus souvent en effet de formes de dimensions limitées, à l'exception toutefois du pergélisol des temps glaciaires.
Au pergélisol français correspond le permafrost anglais, le dauerfrostboden allemand et le tjäle nordique.


À ces époques, en effet, le sol, en dehors de la zone couverte par les glaciers, était gelé sur une forte épaisseur, plusieurs centaines de mètres par endroits : un pergélisol permanent affectait ainsi toute la moitié nord-est de la France, cependant que le reste de notre pays était soumis à un pergélisol plus modéré, discontinu ou saisonnier. La composition du sol était variable ( sable, gravier, blocs ) de même que la proportion de glace ( 30 à 70 % )
Même s'il ne nous est possible de connaître que de manière hypothétique certaines caractéristiques de ce phénomène - son épaisseur exacte en particulier - il est certain que ses conséquences ont été nombreuses.

Alors même que le sous-sol restait gelé, formant une barrière étanche, les couches superficielles ( le mollisol ) dégelaient en été. Une toundra de climat humide pouvait s'établir sur certaines zones mal drainées mais bien exposées.
Les pentes plus soutenues étaient soumises à des alternances de gel et de dégel qui fragmentaient les roches et entraînaient en bas les débris par gélifluxion et solifluxion.
Les terrains ainsi ameublis sont, de nos jours, des sites privilégiés pour la culture de la vigne.
En montagne, le pergélisol affectait la totalité des terrains non englacés. Ses phénomènes annexes ( gélifraction ( ou cryoclastie ), gélifluxion ( ou cryoturbation ), solifluxion ) ont modelé nos montagnes au dessus du niveau des glaciers ainsi qu'après la disparition de ceux-ci. Ils sont à l'origine de paysages aussi divers que les " casses " bien calibrées du Col d'Izoard ou du Dévoluy et nos prairies d'alpages.

Sur certains terrains à couverture calcaire massive ( Jura, Causses ), les réseaux karstiques développés pendant les interglaciaires étaient colmatés par la glace pendant les glaciations ( telle que l'est actuellement la grotte Casteret, au dessus de Gavarnie ou, jusqu'à une époque très récente, certains chouruns ( gouffres ) du Dévoluy ( Hautes-Alpes ) ).
Les eaux estivales s'écoulaient donc en surface jusqu'aux falaises bordières dans lesquelles elle découpaient des reculées ( Jura, Causses en face de Roquefort ).




Les principales autres formes de modelé périglaciaire fossile sont de petites dimensions : on trouve ainsi :
- des glaciers rocheux, qui datent souvent du Petit Age de Glace.
Un glacier rocheux est une masse de pierrailles dont les vides sont comblés par de la glace, la proportion de celle-ci restant faible.
Le glacier rocheux avance lentement , mais à une vitesse - quelques centimètres à quelque décimètres par an - bien inférieure à celle d'un glacier classique.
A titre d'exemple, on citera le glacier rocheux de Las Argualas ( Pyrénées aragonaises, près des Bains de Panticosa ), qui progresse à la vitesse de 25 cm par an, valeur proche de celles obtenues sur d'autres sites des Alpes du Sud et qui est le signe d'une nette activité.


Glacier rocheux de Ratera, dans le Parc National des Encantats ( Pyrénées espagnoles ).
Ce glacier rocheux est certainement fossile, compte tenu de sa petite taille et du climat local actuel.
Un dernier glacier rocheux, dans le Parc National des Aïgues Tortes (Pyrénées Espagnoles).
Roche = granite.


-- des sols polygonaux
-- des coins de glace
-- des formes de cryoturbation ( mouvements de matière dans le sol dus aux cycles de gel - dégel successifs )
-- des pingos, formes dues à la migration de l'eau dans le sol, ultérieurement transformés en laquets

Coins de glace, formes de cryoturbation et pipkrakes
Pingos, palses et lithalses
Les laquets du col de Cenise



De nos jours, dans les Alpes, le domaine où les actions périglaciaire gardent une certaine activité s'est rétréci comme peau de chagrin. Les seules formes encore vivantes se résument à :
- des sols polygonaux


Voici un sol polygonal sous la Pointe Jean Rostand ( Vallée d'Escreins, Hautes-Alpes
).
C'est un exemple assez rare de sol polygonal à double maillage, la grande maille ( en tiretés jaunes ) mesurant environ 2 mètres de diamètre.


Formation des sols polygonaux - Sols striés


- quelques glaciers rocheux, certains de ces appareils pouvant encore stocker le froid du Petit Age de Glace.

Un exemple de glacier rocheux actuel


- des moraines de névé, formées d'un ou de plusieurs bourrelets de roches de toutes tailles qui résultent de l'amoncellement des blocs glissant sur la surface d'un névé plus ou moins permanent et qui viennent se rassembler sur le front de celui-ci, formant ce qu'on pourrait appeler une pseudo moraine.
La distinction avec une véritable moraine est facile, la moraine de névé ne comportant pas d'éléments fins.


Moraine de névé sous le col du Rochail ( Vallée de la Romanche, Isère ).

-- des phénomènes de gélifraction, abris sous roche, clapiers et grèzes litées
-- des phénomènes de solifluxion et de gélifluxion
-- et une forme due à la gélifluxion, les blocs laboureurs.

Quelque exemples d'abris sous roche, de clapiers et de grèzes litées.....


..... et d'autres formes périglaciaires, tranches de rôti, rivières de rochers, blocs laboureurs, pieds de vache, etc.

Quant au pergélisol, il ne se rencontre plus actuellement qu'en Amérique du Nord, Scandinavie, Spitzberg et Sibérie, où son épaisseur peut atteindre plusieurs centaines de mètres.
Dans les Alpes, on ne le trouve plus qu'au dessus de 3000 m.

Quelques formes periglaciaires des contrées arctiques

D'autres exemples de modelé périglaciaire sur le site de M.Gidon
http://www.geol-alp.com/0_geol_gene/periglaciaire.html

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