~ Le Viêt Nam, aujourd'hui. ~
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Au Vietnam, le foie gras est américain et vient des montagnes du nord

"Il y a deux ans et demi, je me suis réveillé et j'ai dit foie gras". Fort de cette évidence, Hugh Adams, un Américain de 56 ans, est aujourd'hui le premier étranger à produire au Vietnam cette spécialité du sud-ouest de la France. Hugh Adams n'est pas un homme d'affaire classique. Il a travaillé en Arménie et sur les marchés financiers des Etats-Unis, dans l'audit et la banque, l'industrie minière et le nucléaire, l'automobile et l'enseignement.

Même s'il rechigne à l'admettre, c'est bien en aventurier des affaires qu'il apparaît de prime abord. "Mon plus grand succès est d'avoir listé une de mes entreprises au Nasdaq. Mais j'ai aussi connu d'horribles désastres, qui étaient d'ailleurs plus intéressants que mes succès", estime-t-il. Aujourd'hui, il dirige une ferme près du village de Sapa, dans les montagnes du nord du Vietnam, à quelques kilomètres de la frontière chinoise, où sont gavés en permanence quelque 5.000 canards. Un projet pilote destiné à grossir.

Mais tout semble compliqué. Il y a quelques années, lui et son épouse ont passé quelques jours dans le Périgord, où repose l'âme secrète de ce symbole de la gastronomie française. "J'ai beaucoup appris en France. Mais on ne peut pas tout importer comme ça, il faut faire avec les moyens du bord", explique-t-il. En 2003, il entame un élevage d'oies, qui sont gavées quatre fois par jour, contre deux fois seulement pour les canards. Le résultat est intéressant. Mais la grippe aviaire vient tout détruire. Le virus H5N1 tue des millions de volailles au Vietnam, comme dans une grande partie du continent asiatique, au cours de l'hiver 2003-2004. Au total, la maladie fera aussi 32 victimes humaines.

Hugh Adams n'a pas le temps de gamberger. "En une journée, toutes mes oies sont mortes". La ferme reprend ses activités quelques mois plus tard, mais cette fois avec des canards qui pondent plus fréquemment que les oies, donc coûtent moins cher. L'Américain choisit une race hybride chinoise, puis se met en quête d'un maïs de qualité qui donnera au foie gras sa graisse de couleur jaune si caractéristique. Il faut aussi veiller à la qualité de l'eau, à la sécurité des personnels, à l'hygiène des canards. "C'est une expérience qui coûte cher", assure-t-il.

Depuis quelques mois, les autorités vietnamiennes se préparent à un potentiel retour de la grippe aviaire, qui pointe déjà son nez dans quelques élevages du sud du pays. Si son projet se développe, Hugh Adams entend créer de petites unités de production, distantes les unes des autres, afin de ne pas risquer de tout perdre en une seule fois. Sur le papier, le projet semble pour le moins risqué. Mais en affaires comme en toute autre chose, le risque est une notion relative. "Chacun ressent le risque et la douleur à différents niveaux", relève l'Américain, philosophe.

Le foie gras de Hugh Adams a déjà séduit pas mal de chefs étrangers qui travaillent au Vietnam. Et la classe moyenne vietnamienne qui émerge grâce aux 7% de croissance annuelle ne cesse d'accroître ses dépenses de loisirs, en se tournant peu à peu vers la gastronomie et le luxe. Les commandes viennent même de Hong Kong, à qui le producteur ne peut fournir, compte-tenu des restrictions imposées sur les produits de la volaille vietnamiens. L'Américain rechigne à divulguer des chiffres. Mais il croit en son étoile. "Mon objectif est de faire mûrir l'entreprise et de la vendre dans 5 ou 6 ans", dit-il. Avant de se lancer dans autre chose.

Agence France Presse - 24 Décembre 2004.