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PUBLICITE AU BURKINA FASO : Un secteur à la recherche de ses marques

lundi 13 avril 2009

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Dans l’écrit ci-dessous, Evariste Bationo, journaliste au Conseil supérieur de la communication, jette un regard critique sur le monde de la publicité au Burkina. Par ailleurs, il fait de propositions à l’association Publicitaires associés, pour une "perspective porteuse pour tous et pour chacun".


Les 23 et 24 mai 2007, les publicitaires burkinabè se sont réunis sur initiative conjointe du Ministère de l’information, du Conseil Supérieur de la Communication (CSC) en accord avec l’association « Publicitaires Associés », à l’occasion des premières journées nationales de réflexion sur la publicité. Le thème qui a inspiré les débats est : « La publicité au Burkina Faso, enjeux, contraintes et perspectives. » Il s’est agi pour eux de plancher 48 heures durant sur l’avenir de leur profession de plus en plus menacée par l’irruption d’acteurs étrangers au domaine posant souvent des actes anti-professionnels. A l’issue des travaux intervenus le second jour (le 24), les trois commissions de réflexion créées à cet effet ont rendu publiques leurs conclusions sous forme de doléances soumises à l’appréciation et à la décision finale du CSC. Après les influences de groupe et les passions, quelle critique constructive peut-on apporter au travail déjà abattu ? Ce d’autant plus que l’association « Publicitaires Associés » vient de tenir son assemblée générale, à l’issue de laquelle un nouveau bureau a été mis sur pied.

Qui d’autre mieux que l’ensemble de ces acteurs du secteur publicitaire était à même de poser les vrais problèmes du métier et proposer des solutions idoines ? Assurément personne. C’est dire que l’initiative des organisateurs de cette rencontre est à féliciter. Aussi, il ne serait pas superflu de soutenir qu’au sortir de ces journées de réflexion sur la publicité, beaucoup de choses connaîtront désormais un changement en ce qui relève de l’exercice de la profession publicitaire au Burkina (écrivions-nous). En effet, les trois ateliers commis à la réflexion ont abattu un travail titanesque. Les différents thèmes soumis à leur appréciation étaient : 1- « Assainir, organiser et rentabiliser le marché de la publicité au Burkina Faso » ; 2- « Le Code de la publicité : quelles améliorations y apporter ? » ; 3- « Régulation et autorégulation de la publicité ». Loin de nous l’idée de vouloir nous substituer à cet éminent parterre de professionnels aguerris et de spécialistes en matière publicitaire. Seulement, comme nous le soulignions tantôt, il s’agit pour nous de soumettre une critique avant tout constructive.

S’il est vrai qu’il existe plusieurs facettes de la vérité, nulle âme ne peut se prévaloir d’en être le dépositaire incontestable. La sagesse conseille donc de prêter une oreille attentive à toute argumentation, car d’une erreur donnée peut jaillir une idée lumineuse. Cependant, ayant pris le train en marche le second jour et assisté à la lecture des différentes conclusions, il nous est resté comme un goût d’inachevé, car certaines difficultés afférentes à la profession ne semblent pas avoir été évoquées. En revanche, quelques requêtes relatives à l’assainissement de la profession semblent plus exprimer l’instinct de conservation immédiate que la protection du métier sur une perspective plus poussée. Ce sont les dispositions concernant l’établissement d’une carte professionnelle, le suivi rigoureux des agences de publicité sur le terrain, et l’obligation faite à elles de présenter annuellement un rapport de leurs activités au CSC. Comme nous l’avons déjà souligné sur place au cours de sa lecture, cette doléance biaise un tout petit peu l’essence libérale de la profession publicitaire.

En rappel, selon Armand Mattelart dans son œuvre intitulée « La publicité », la première agence de publicité est née aux Etats-Unis en 1841, une naissance facilitée par le fait que quatre années plus tôt William Procter et James Gamble eurent réuni leurs capitaux pour construire leur première fabrique de savon et de bougies. La profession publicitaire tire donc ses fondements de l’économie libérale. Cette caractéristique intrinsèque du métier de publicitaire explique pourquoi la loi ne reconnaît pas aux publicitaires le droit de se constituer en Ordre à l’instar des médecins et des avocats. En guise d’information, la carte de publicitaire établie par l’une des associations les plus influentes de France n’est pas reconnue par l’Etat français. Quels sont les blocages réels qui entravent le bon fonctionnement du métier au Burkina Faso ? Comment donc dans ces conditions organiser la profession publicitaire de sorte que les intérêts de tous et de chacun soient préservés ? Selon toujours Armand Mattelart, au générique de l’acte publicitaire figure trois acteurs professionnels : l’annonceur, l’agence et le support. Notre propos consistera à décrypter les problèmes rencontrés au niveau de ces différents acteurs et les solutions éventuelles à y apporter.

Les annonceurs burkinabè : quelle physionomie ?

Les annonceurs burkinabè, on le sait, ont une propension timide à la publicité. La plupart des opérateurs économiques burkinabè ayant un niveau d’instruction limité, ils n’ont pas souvent jugé utile d’utiliser l’arme publicitaire dans leur stratégie de conquête du marché. Mais, avec la libéralisation à travers le PAS et la levée des barrières douanières intervenue au sein de l’espace UEMOA depuis le 1er janvier 2000, l’heure est au changement. De nos jours, on note l’irruption de nouveaux acteurs dans tous les secteurs de l’économie burkinabè. Cet état de fait a obligé les maîtres de jadis à revoir leur positionnement sur l’échiquier économique national. Car, les monopoles d’antan ne sont plus de mise. Cependant, il faut noter que le lot des annonceurs d’aujourd’hui se recrute plus dans l’administration étatique et les institutions privées que dans le commerce. Un tour d’horizon rapide des annonceurs burkinabè par secteur d’activité nous permet de répertorier : la téléphonie mobile, la boisson, l’administration et les institutions, l’alimentaire (cubes, huiles) les cycles et cyclomoteurs, les banques, les produits de beauté, les assurances, les postiers, les transporteurs, les stations services, les arts, le BTP, l’hôtellerie…

Comme on le constate, il existe un nombre important de secteurs d’activités qui communiquent. Mais, au lieu d’avoir des stratégies prédéfinies assorties de plans de communication sur l’année, la majeure partie le fait de manière sporadique. Si fait que l’on constate une prédominance de la publicité événementielle (liée à l’annonce d’un événement) par rapport aux autres types de publicité (produits, services, sensibilisatrice) que nous avons répertoriés dans une étude sur « l’influence du contexte socio-économique sur la production publicitaire dans la ville de Ouagadougou ». En effet, notre marché étant un marché de consommation plus que de production, certains monopoles subsistent dans le domaine de l’import-export des biens de consommation. Nous le savons tous, la plupart de ces grossistes règlent souvent leur approvisionnement à l’épuisement des stocks effectués, ce qui fait que l’on peut rencontrer un produit d’une marque donnée sur un segment bien déterminé du marché et ne plus devoir le rencontrer, parce que remplacé par une autre marque.

Le choix de la consommation étant laissé à la discrétion du commerçant, il ne juge plus utile de faire appel à la publicité pour vendre puisque, la nécessité aidant, les produits s’achèteront tout de même. Par contre, mues par le souci de leur image, les institutions sont souvent obligées de faire un clin d’œil à la communication. Dans tous les cas, le dilemme qui subsiste au niveau des annonceurs est souvent de trouver le conseil approprié tout en ne sachant pas souvent grand-chose du profil des différents acteurs oeuvrant sur le terrain. La plupart du temps, ce sont les agences qui donnent l’assaut en proposant leurs offres de service. De ce fait, les stratégies de conquête des marchés diffèrent d’une agence à l’autre. Dans cette mouvance, certaines n’hésitent aucunement à utiliser l’arme de la corruption. Il nous est revenu que le directeur d’une agence de la place proposait « fifty-fifty (50%,50%) » ; un autre se baladait avec son chéquier pour acheter ses marchés. De telles attitudes ne pouvaient que conduire à cette impasse que connaît le secteur de la publicité aujourd’hui.

Quelle responsabilité pour les agences dans cette situation ?

D’un point de vue quantitatif, la ville de Ouagadougou compte à elle seule près d’une cinquantaine d’agences de communication. Les agences de communication exerçant au Burkina sont presque toutes basées à Ouagadougou. On distingue les agences conseils en communication, publicité, édition et régie publicitaire ; les agences conseils en communication et publicité ; les agences d’édition ; les régies publicitaires. Mais, l’inorganisation aidant, il faut noter que la frontière est difficile à établir dans les faits. Sur le terrain professionnel, chacun essaie autant que faire se peut d’offrir le maximum de prestations possibles, pourvu qu’il s’en sorte. Compte tenu de cela, de la cinquantaine d’agences qui existent sur le terrain, seules une vingtaine restent visibles de par leurs prestations.

Les effectifs au niveau de ces agences varient entre trois et cinq personnes pour les plus petites et vingt pour les plus grandes. L’absence d’une réelle structuration du secteur fait que du jour au lendemain on peut faire la connaissance d’une agence par le biais de l’exécution d’un marché et ne plus jamais la rencontrer. D’autre part, on peut ajouter que la situation de l’emploi est très précaire dans ce domaine ; il n’est pas rare de voir certaines agences fermées du jour au lendemain ou certaines personnes perdre leur emploi sans explication. Malgré l’importance des devises qu’elles brassent, plusieurs agences ne manquent pas souvent de connaître des problèmes de trésorerie. Une telle donne s’explique par le fait qu’étant dans l’ensemble des sociétés unipersonnelles, ces agences souffrent de la mauvaise gestion de leur promoteur qui se comporte quelques fois en véritable inculte de la gestion. Ces différents manquements ont pour corollaire la multiplication des agences fictives. Présentement, il n’est pas rare de rentrer au sein d’une agence officiellement établie et constater que chacun des agents dispose d’une entête et d’un cachet différents de ceux du patron.

En outre, la majorité des promoteurs de ces agences dispose d’une formation acquise sur le terrain professionnel. Cet état de fait nous permet de montrer, dans une certaine mesure, pourquoi les agences connaissent une certaine léthargie en termes de prospective et de perspective. Autrement dit, nos agences évoluent très peu ou pas du tout. En réalité, depuis la libéralisation du domaine publicitaire intervenue en 1993, les stratégies de conquête des marchés n’ont véritablement pas évolué. Après plus de dix ans d’exercice, certaines agences envisagent le marché toujours de la même manière qu’à leur création, sans compter que beaucoup de choses ont changé. A l’inadaptabilité des prestations offertes par rapport aux exigences du contexte environnemental est venue s’ajouter la routine. Alors que notre marché local connaît une évolution à nulle autre pareille. Tenez, il y a de cela quelques années, les agences faisaient du démarchage dans la production audiovisuelle et du conseil comme partie intégrante de leurs activités.

De nos jours, la floraison des studios de production audiovisuelle coextensive au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication leur a ravi ce marché. Désormais, les studios de production proposent directement leurs offres aux clients sans passer par les agences ; ces derniers aussi les contactent souvent directement. C’est dire que le marché de production des spots qui comportait une part des agences de communication est en train de leur échapper. A cela, il faut ajouter le recul du conseil ; en réalité, beaucoup de prescriptions faites par les agences jadis sont tombées dans le domaine public. Aujourd’hui, on n’a plus besoin d’être un communicateur de talent pour savoir que l’on peut saisir l’opportunité d’un événement important pour communiquer.

D’autre part, on relève l’irruption des commerciaux libres dans le secteur dont le seul objectif est de conquérir des marchés afin d’en tirer un bénéfice substantiel. De ce fait, la conquête du marché qui se bornait à une simple prospection commerciale par offre interposée doit être revue. L’on pourrait certainement nous contredire, mais la réalité n’est pas autre ailleurs. Aux Etats-Unis d’où est partie cette culture d’agence de publicité, il faut souligner que de nos jours on ne parle plus d’agence de publicité mais d’agence de communication. En Europe, plus précisément en France, l’évolution des choses a abouti en ce moment à une spécialisation des agences. On parle de plus en plus de communication financière, de communication événementielle, de communication commerciale… Il est vrai que comparaison n’est pas raison ; nous ne demandons pas à nos acteurs de reprendre les choses de manière servile. Nous avons nos spécificités contextuelles et environnementales qui doivent être explorées et auxquelles nous devons apporter des solutions efficientes.

Contrairement à une opinion communément admise, l’agence de communication n’est pas seulement là pour un objectif purement mercantile ; elle est aussi un acteur de développement. L’édification de l’ossature du capitalisme occidental doit beaucoup à l’apport des agences de communication. Nous savons tous, par exemple, que le concept moderne du père Noël est une création des agences de communication. Pour ce qui est de notre contexte socio-économique, nous savons que l’un des freins majeurs de notre développement est que nous ne conceptualisons pas assez. Il est connu de tous, et cela a été maintes fois soutenu, qu’on ne peut pas se développer en nous appuyant sur des concepts établis en considération d’autres réalités socio-économiques. C’est là une situation à laquelle nos agences peuvent apporter des solutions pertinentes.

Qu’attendre des supports de communication ?

Le Burkina Faso, on le sait, est un pays à profil médiatique. Outre l’usage quasi quotidien des quatre grands médias que sont la radio, l’affichage, la presse et la télévision, plusieurs autres créneaux sont utilisés pour véhiculer les messages à destination des populations. Alors qu’au niveau international les exégètes de la communication stigmatisent l’émergence d’une société conquise par la communication (Bernard Miège, « La société conquise par la communication »), au Burkina Faso l’on pourrait souligner sans trop se tromper l’ascension d’une société conquise par l’information. Les faits n’en diraient pas plus ; pour la seule ville de Ouagadougou on peut recenser : 3 quotidiens, 7 à 8 hebdomadaires, 4 bimensuels, 3 mensuels, 12 radios, 5 télévisions, plus de 500 panneaux d’affichage partagés entre 9 à 10 régies, 4 radios étrangères, et une multitude de chaînes de télévision offertes par les promoteurs des bouquets satellitaires. C’est dire que le business médiatique est un secteur en pleine expansion ; le chiffre d’affaires d’ensemble du marché de la publicité a été estimé à environ 10 milliards de FCFA (cf rencontre « Publicitaires Associés »). Cette pléthore des organes de diffusion a pour conséquence le morcellement des publics cibles.

Si fait que de nos jours, une campagne de communication de masse qui veut atteindre ses objectifs est obligée d’établir un plan média qui prenne en compte plusieurs de ces organes. C’est là une donne qui augmente, inévitablement, le coup des campagnes de communication. Comme on le sait, la presse tire la plus grande partie de ses ressources de la publicité. Cette appréhension de la socio-économie des médias, nous le devons à Emile de Girardin qui le premier a senti en France, dans les années 1830, la nécessité d’amortir les coûts d’impression de la presse par l’apport de la publicité. Aussi, en même temps qu’elle offre des plages de diffusion aux annonceurs par l’entremise des agences, la presse locale n’hésite cependant pas à développer des opérations de charme vis-à-vis de ces mêmes annonceurs. Elle se trouve ainsi mise en compétition avec les agences de communication sur le terrain commercial. D’autre part, on peut relever aussi la stagnation des médias locaux en termes d’innovation.

Jusqu’à une époque récente, les plages de diffusion publicitaire au niveau de certains d’entre eux sont restées les mêmes. Aussi, l’augmentation de la production publicitaire a pour conséquence quelquefois de produire une saturation publicitaire à ces heures de diffusion. Cet état de fait conduit à une certaine dissonance auprès du téléspectateur qui utilise désormais son arme favorite : le zapping. Une telle réalité diminue de fait l’éfficacité des campagnes de communication. D’ailleurs, les annonceurs se rendant compte du peu de chance qui leur est accordé pour atteindre les cibles, font de plus en plus appel au « bartering », en se déportant sur les « télénovelas » qui souvent crèvent l’audimat, ou créent des événements exclusivement destinés à la promotion de leur image de marque. Nous en voulons pour preuve « l’ONAB événementiel » et biens d’autres créations du genre.

Quelle organisation pour une perspective porteuse pour tous et pour chacun ?

Nous le savons tous, le degré de sérieux d’une société ou d’une organisation se mesure en partie à l’éfficacité de ses lois. Sans norme, il n’existe point de société ni d’organisation, admet un principe universel des sciences sociales. C’est dire que le pari de l’organisation du secteur publicitaire doit se gagner dans la mise en oeuvre du cadre réglementaire d’exercice de la profession publicitaire. Aussi, de la même manière que les agences doivent subsister, les consultants indépendants ainsi que les commerciaux libres ne doivent pas mettre la clé sous le paillasson. Loin de nous l’idée de défendre une corporation marginale. Dans les faits, il y a des annonceurs dont le gabarit ne leur permet pas d’accéder aux services d’une agence. Comment donc asseoir l’organisation du secteur dans ces conditions ?

D’abord, il faut œuvrer à ce que l’agence conseil soit indépendante de la régie publicitaire. De même, des dispositions doivent être prises pour que l’ensemble des médias confie la gestion de leurs espaces à des régies publicitaires. Cette donne facilitera la réalisation des études média métriques. De plus, elle diversifiera l’activité publicitaire tout en permettant la création de nouveaux emplois. Sans compter que les médias qui ont le souci de leur liberté d’expression pourront désormais travailler sans subir de pression de la part des annonceurs. Ensuite, « Publicitaires Associés » doit œuvrer avec le concours de l’ensemble des agences de communication à ce que toute consultation auprès d’elles soit facturée. L’ensemble des acteurs du domaine doit être imposé ; de ce fait, les consultants indépendants et les commerciaux libres disposeront d’un accréditif. Aussi, toutes les publicités conçues à l’étranger doivent faire l’objet d’une adaptation au regard des exigences du contexte socio-économique burkinabè.

Une telle disposition existe déjà au Bénin et marche bien. Enfin, la valorisation du métier devrait passer par le canal du lobbying auprès des figures de proue de notre économie à travers des rencontres mondaines au cours desquelles ils seront sensibilisés au bien-fondé de la chose publicitaire. Cela s’entend que pour réussir, « Publicitaires Associés » doit œuvrer à instaurer en son sein une éthique professionnelle fustigeant la médiocrité et la cupidité, tout en promouvant les valeurs de solidarité et de civilité qui puissent concourir à la réussite de tous et de chacun.

Evariste Bationo, Journaliste (CSC)

Le Pays