Deux petites culottes humides


Juillet 1988. Je débarque aux Bermudes par le vol régulier en provenance de Londres. Pour séjourner ici il est obligatoire d’avoir un billet de retour par avion. Je n’en ai pas acheté car je suis ici pour retrouver Patrick, Martine et Laurence afin de traverser l’Atlantique en voilier cap vers l’Europe. Le problème c’est qu’ici ça ne se fait pas de débarquer sans billet de retour. D’après les guides touristiques, les spécialités du pays c’est les voyages de noce et les lunes de miel. Je ne suis pas venu pour ça et il va falloir que je m’en explique avec les flics et les douaniers qui ici aussi ne sont pas des imbéciles comme disait Fernand Raynaud.

– Votre billet de retour ?
– Je ne quitte pas le pays en avion mais en voilier !
– Le nom du bateau ?
– Piccolo !
– Vous avez l’accord du propriétaire ?
– Evidemment.

Ça se complique dans le bureau du chef qui veut voir le propriétaire. Je lui demande de lancer un appel au micro dans l’aéroport pour le contacter. J’espère que Patrick est venu me chercher avec les papiers du Piccolo sinon, comme c’est partit, la plaisanterie risque de durer un brin.

L’appel est lancé dans un anglais parasité par la sono et certainement incompréhensible pour mes amis, rien que la façon dont mon état civil a été prononcé me fait craindre le pire. Il va falloir que je m’en occupe sinon je suis pas sorti de l’auberge.

– Je pense qu’il serait bon que vous me passiez le micro pour que je traduise votre annonce en français.

Il est d’accord, faisons dans le bref et précis avant qu’il ne change d’avis.

– Ho hé du Piccolo, bande de cons, venez me chercher à la douane, j’ai des emmerdes avec les flics.

S’il y a des français dans l’aéroport ils doivent ce demander ce qui se passe et ne rien comprendre à ce cirque. Ce message est en quelque sorte codé, je suis sûr que pour mes copains (s’ils sont là) le message a été compris et qu’ils m’ont reconnu sans risque d’erreur.

Effectivement, quelques minutes plus tard j’entend Patrick, derrière la porte de sortie, s’engueuler avec le flic qui ne veut pas le laisser rentrer. La porte s’ouvre enfin.

– Salut Bouffy, j’espère que tu as pris avec toi les papiers du bateau parce que je suis tombé sur le gratin de la profession.
– Moi aussi, je ne te raconte le merdier pour rentrer par la sortie.
– Pas la peine, j’ai entendu l’engueulade finale.

Après un gros quart d’heure de palabres dans le bureau du chef j’ai enfin mon visa.

Bon maintenant pour sortir il faut passer la douane. Je pose mon sac marin sur le comptoir et commence à l’ouvrir. La douanière veut voir le contenu de la sacoche de Patrick. Il n’était pas dans l’avion, mais rien à faire, madame fait une fixation sur cette sacoche et dédaigne mon sac.

De cette sacoche elle sort un sac plastique contenant deux petites culottes humides ?

Patrick me dit :
– C’est pas la peine que je lui explique, elle ne voudra pas me croire.
– Mais à moi faudra que t’explique, j’aimerais comprendre.

La dame d’abord très étonnée lorsqu’elle a plongé la main dans le sac, nous sourit ensuite avec un regard malicieux presque complice. Elle doit penser; ces sacrés français ne se sont pas ennuyés dans l’avion.

Ce gag a le mérite de mettre fin au contrôle des bagages.

Une fois dehors, Patrick m’explique. Le Piccolo est ancré au milieu du port, pour débarquer nous utilisons le canot pneumatique. On s’est ramassé une vague qui a mouillé les fesses des filles. Comme elles sont en robes, elles ont enlevé leurs petites culottes et les ont rangés dans ma sacoche. Je ne pouvais pas deviner que je serais obligé de te récupérer chez les flics.


Mieux que le netsurfing; l'hydroplanage http://www.hydravions.fr.st  Juillet 1996 © Vincent FABRI