musique choisie par Marouane

Marouane, tu vas avoir 20 ans, tu es né à Bobigny et tu vis à Saint Denis (93).
Ta mère et ton père sont marocains, partis de leur région natale entre Casa et El Jadida et arrivés en France dans les années 50.
Tu as 5 frères et 2 soeurs dont une respecte la tradition musulmane et porte le voile.

On a décidé de faire cette page après avoir discuté tous les deux longuement de divers sujets concernant le Maghreb en général, le Maroc, les mentalités qui évoluent, les différences de culture...
On commence ? Tu parles et puis je poserais des questions éventuellement...

 

Marouane : Quand on a discuté, j'étais bien pour parler avec toi et j'ai dit beaucoup de choses, je me sentais bien et en confiance avec toi, mais maintenant qu'il faut tout répéter et que je sens que tu vas faire une page sur mes idées, j'ai un blocage. Bon, je me lance...

Ma famille. Je me sens à la fois en sécurité et en prison. C'est possible qu'en prison on se sente en sécurité finalement. Je vais vendre du shit et je me ferais prendre comme ça je ferais le reporter pour toi en taule. rire.

filou : Tu connais quelqu'un de proche qui a connu la prison ?
Marouane : Ouai, un copain d'école, un ami en fait. il savait qu'il se ferait avoir, il me le disait tous les jours. Entre les vols à la tire et le deal, il faisait tout ça au grand jour et même devant les keufs. Il est un peu ouf. Il a plongé comme un suicide moral, comme s'il faisait exprès de se détruire socialement. Bon on parle d'autres choses, c'est sa vie qu'il a choisi.

filou : Tu penses quoi de la prison ?
Marouane : On entre propre à l'extérieur de son corps et on ressort sale à l'intérieur de son corps. En plus, c'est en prison qu'on apprend à devenir un criminel. Un jeune keum plonge pour une petite connerie, quand il ressort, il est devenu un vrai ouf. La prison, ça devrait dépendre de l'Education nationale, car pour un jeune, c'est une école de l'Etat pour devenir truand et le diplôme, c'est ton bon de sortie. C'est comme Bac + 5, plus tu y restes plus tu vas acquérir de connaissances et plus tu seras un professionnel en sortant.

 

filou : Bon, on oublie la taule. On parlait de la Famille.
Marouane :
- Non, de Ma famille. La famille en général, on en parlera plus tard, si tu veux. Donc, dans ma famille, je me sens protégé mais de quoi ? j'en sais rien... Surement des incompréhensions de l'extérieur, de la vie.
Mon père, ma mère, je les connais par coeur, mes deux petits frères aussi.
Mourad, le frère qui est juste au-dessus de moi me comprend parfaitement, il a toujours été près de moi depuis que je suis né. On est bien tous les deux, on se parle rien qu'avec les yeux, surtout quand mes deux autres frères ainés se la jouent et font leur crise d'autorité. La famille traditionnelle, en fait c'est ça, on doit respect et obéissance sans conditions à celui qui est né avant sauf pour la fille qui doit obéir aux hommes de la famille. Chez moi, c'est différent, mon père et ma mère veillent à ce que chacun ne soit pas sous l'autorité de l'autre.

Tu sais, j'ai compris un truc quand j'étais en vacances, au bled dans la famille du côté de mon père où là, c'est sûr, toute la tradition est respecté, on mange entre hommes, et c'est un de mes cousins qui va chercher les plats là-haut à la cuisine pour ne pas que les femmes qui mangent entre-elles, ne viennent même l'espace d'un moment, dans la pièce où on mange. En fait, des fois je trouvais que ça faisait discriminatoire ou esclavagiste, mais en fait, ce n'est pas un rejet, c'est une simple séparation d'un groupe d'hommes et d'un groupe de femmes au moment d'un partage particulièrment intime dans un cercle étroit, celui de la table. Après le délice de la chair du poulet, ça évite de succomber à la tentation de la chair des cousines. Au fait, puisqu'on parle de la famille au bled...
Tu sais pourquoi dans la rue ou dans les souks, les jeunes marocains sont toujours fatigués et ils ont toujours envie de se reposer, de s'asseoir ici ou là et ils ont toujours l'air de rêver?
filou : Non je sais pas... le soleil et la chaleur les fatiguent ?
Marouane : Non, non... en fait, on dort mal car on dort tous ensemble, à plusieurs dans la même pièce. Les uns le long des autres sur les canapés (précisions de Marouane : matelas dur avec housse sur un socle en bois appelé seddari avec pleins de petis coussins) tout le long des murs et sur les matelas au centre de la pièce. Y'en a qui ronflent, d'autres qui bougent, d'autres qui parlent en dormant... ça craint un max.
filou : Et chez toi, comment tu dors ?
Marouane : Moi, je dors avec mon frère Mourad dans un lit à deux places et avec mes deux petits frères qui ont chacun un lit superposé. Mes deux grands frères ont leur chambre, mes deux soeurs aussi, et mes parents aussi. On s'arrange autrement quand il y a de la famille qui vient passer quelques jours, on a les canapés dans la salle à manger. Alors, je disais, au Maroc, chaque fois que j'arrivais pour passer les vacances, les premiers jours, j'étais étonné de les voir assis, toujours nonchalant, comme s'ils étaient fatigués de naissance, même au travail et puis après, je faisais comme eux : la journée, j'étais toujours fatigué et c'était à cause des mauvaises nuits passés et je me disais que pour eux ça devait être pareil.
filou : C'est vrai qu'il y a des gens qui ont l'air de se reposer en permanence, mais j'ai vu aussi beaucoup de marocains qui travaillent durs avec volonté, et qui font des boulots que tu refuserais de faire...
Marouane : Ouai c'est vrai, tu as raison mais tu as compris ce que je voulais dire, des fois quand tu parles, on dirait mon père (rires)... A propos des lits à deux places, j'ai un oncle du bled qui dit que c'est du luxe superflu et que ça mange l'espace d'une pièce, et que de notre appartement HLM, il en ferait un petit palais si mon père le laissait faire... Heureusement que mon père le laisse pas faire. Le lit, je peux plus m'en passer. Tu vois la double culture commence au lit... et se termine au lit aussi.
filou : Tu veux dire quoi ?
Marouane : Rien, rien (coup d'oeil entendu)...
filou : Fais gaffe, t'es en train d'amener la conversation sur un terrain glissant...
Marouane : Ouai, glissant et plein de trous ! (clin d'oeil et rires).
filou : T'es vraiment un coquin !
Marouane : et toi alors, tu m'as bien dit qu'au Maroc, tes amis t'appelle filou le shetan, il doit bien y avoir une raison ...
filou (offusqué et confus) : ça n'a absolulment rien à voir avec ce que tu crois !
Marouane : Et tu penses que je crois quoi ?
filou : Bon allez, on arrête de tourner autour du pot, on parle de cul... je voulais dire "de sexe".
Marouane : On peut parler des deux ensemble (rire). Silence.

 

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