Dalla Zuanna - Les enfants de la Jeanne
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Chapitre II (1425 - 1545)

"Le passé et le présent sont faits d'un seul et même tissu : rien, jamais, ne disparaît."
John Berger

 

Pace, Melchiorre, Mattio

Pace, Melchiorre, Mattio

 

Pace (3), le fils cadet d'Antonio, a la chance de naître dans une famille relativement privilégiée et dans une période de paix, son prénom est-il un signe du destin ? On le retrouve sur divers actes notariés sous le nom de Pace, Pase, Pacis, Paxi, Pascimus, Paxii, Paxio, Pasus... lors de partages, témoignages, ventes ou achats de terrains, etc... Ceci démontre bien, si besoin était, la difficulté de retranscription des documents anciens. Il a une jeunesse sans histoires et se marie à 21 ans avec Maddalena, une jeune fille du village, qui a le même âge que lui.

En mai, quelques mois après, la commune de Pove va interdire le pâturage des chèvres avant le premier juin. C'est dire combien les gens étaient pauvres, manquaient cruellement de terrains, ce qui rendait d'autant plus important l'utilisation des bois et des terrains communaux.

Leur premier enfant, Melchiorre, naîtra deux ans après et son grand-père Antonio, déjà malade, aura la joie d'apprendre sa naissance.

Pace est en admiration devant son père qui est respecté dans le village et dans une grande partie de la vallée pour sa réussite mais aussi pour son attitude et son comportement envers tous ceux avec qui il est en contact. Ses capacités vont de pair avec une générosité naturelle, il est toujours prêt à tendre la main et à ouvrir sa porte. Aussi, son décès est-il pour lui une véritable épreuve. Bénéficiant du statut de cadet il a, plus que ses frères aînés, pu profiter de la disponibilité et de la sagesse de son père qui crée un grand vide en partant. Après avoir fait son testament, ce dernier a pris soin de laisser quelque argent pour régler ses funérailles ainsi qu'un ducat d'or pour participation à la restauration de l'église. Le ducat pesait 3,56 gr d'or, équivalait à 6 lires et 4 sous ou 124 sous.

Aldigherio vivant à Angarano laisse la maison familiale à ses deux frères Marco et Pace, chacun lui versant une compensation de 10 ducats d'or. Cette maison, partie en pierre et partie en bois est couverte de tavaillons longs, caractéristiques de la vallée, et a beaucoup de charme. Chacun des deux, reçoit pré et jardin avec droit de passage réciproque. La totalité des terres représentant 56 470 m 2, atout précieux dans cette vallée où la terre est rare. Ces terres sont pour partie des prés, des terres de culture, des bois et un jardin. Leur localisation est diversifiée : dans le hameau et "al largo della Nogara" tout près du vallon de Sarzè (le berceau familial) mais également aux "Colli Alti". Pace hérite entre autres d'un terrain planté de trois rangs de vignes... Le 23 mai 1449, l'acte de partage est signé devant le notaire de Bassano.

Aldigherio a déjà pris la suite professionnelle de son père et, on note d'ailleurs sur des actes notariés différents (en 1450 et 1479) que, tant Aldigherio que Pace, portent le titre de "Magistro".

Dès le 7 octobre, Aldigherio investit tout ou partie de ses 20 ducats d'or en achats de terrains, qui seront donnés en fermage perpétuel à renouveler tous les 29 ans, moyennant le versement chaque année à la Saint Martin (le 12 novembre) de 10 fûts de vin bon et pur !

Le 7 mai de l'année suivante, Pace achète un nouveau terrain de 4 183 m 2 (pour un montant de 50 lires picoli) planté de vingt-deux oliviers, ce qui conforte sa position terrienne ; il en achètera un autre, en 1479.

Le 9 août 1451, Marco et Pace élisent, en qualité de conseillers, un procurateur pour la commune et, en 1462, Pace sera nommé en qualité de Juge Arbitre.

La vie suivant son cours, la naissance d'un deuxième garçon apporte un renouveau de joie dans le foyer. Francesco, puisque c'est de lui qu'il s'agit, qu'on appellera Francescon abrévié en Ceccon, donnera naissance à une lignée prospère dont on trouve encore au XXI ème siècle un rameau important à Annecy.

Mais la vie quotidienne n'est pas facile ; non seulement il faut exploiter au mieux les terres mais veiller aussi aux tricheurs ou chapardeurs qui, souvent poussés par la faim, n'hésitent pas à se "servir" chez les autres. Les nombreuses règles, amendes et notes concernant le pâturage des chèvres sur les terrains communaux le démontrent à l'évidence.

Un autre problème obsède en permanence les familles locales, c'est le poids des charges fiscales qui paraissent insupportables. A la Saint Jean, Pace comme tout le monde, s'acquitte auprès du clergé de la redevance en nature sur ses produits laitiers (fromage, beurre, ricotta) mais la dîme due à l'Eglise est lourde surtout pour ceux qui disposent de revenus misérables permettant tout juste de nourrir leur famille. De plus, le fait d'être entré dans le giron de la "Sérénissime" est générateur de taxes. Comment en irait-il autrement ? Les choses n'ont pas changé et le problème, jamais résolu, est celui de leur répartition. Venise a fixé un "tantum" à collecter pour Bassano et sa région mais, celle-ci étant essentiellement représentée par des familles nobles de Bassano, on n'est pas assuré que la plus stricte équité préside à une juste répartition entre Bassano et la vallée. De plus la répartition entre les différentes communautés de la vallée ne semble pas aller de soi ! San Nazario, qui n'est qu'un hameau de Solagna, ne semble pas y trouver son compte et ne veut plus payer... Ce sera un des fondements ultérieurs du "schisme" entre Solagna et San Nazario !

Malgareta (ou Margherita) vient compléter la famille de Pace et Maddalena, en 1465, une fille après deux garçons, le bonheur est complet.

 

1478 - La peste, encore…

La vallée va vivre sans grand trouble jusqu'à l'arrivée de la grande peste de 1478. On pense qu'elle se transmet par l'air qu'on respire et les gens se barricadent. Au comble de l'horreur, des brigands écument la vallée, ajoutant l'épouvante au malheur. L'insécurité est telle que pendant plusieurs mois le conseil municipal de San Nazario ne pourra tenir ses réunions régulières. La mort est devenue une compagne quotidienne. A ce drame que représente la peste, s'ajoute celui de mourir sans avoir reçu les derniers sacrements. En quelque sorte, c'est mourir deux fois.

Melchiorre (4) va aider son père pour l'exploitation des terres car il faut tirer le meilleur parti possible de ces terrains si rares dans la vallée. Il va ainsi s'éloigner progressivement de la lignée familiale des charpentiers d'autant que les contacts avec son oncle Aldigherio, resté dans le métier, se sont estompés avec le temps et qu'à son décès, Melchiorre n'avait que 22 ans. Il aimerait bien se marier mais la grande peste a mis tous les projets entre parenthèses. Dans ces moments-là, on vit au jour le jour et on s'en remet à la providence divine pour le futur.

 

1480 - Entrée en scène de Giovanna.

La famille de Pace a été épargnée et c'est finalement en 1480, que Melchiorre, qui a 32 ans, va enfin pouvoir se marier avec Giovanna. Quel est son âge, à quelle famille appartient-elle ? Autant de questions restées, aujourd'hui, sans réponse. Et pourtant, quelle personnalité devait être la sienne pour donner son nom à toute une lignée qui perdurera pendant plusieurs siècles, jusqu'à ce jour.

Melchiorre et Giovanna auront deux garçons, Battista né très vite après le mariage, suivi de Mattio, trois ans après.

Melchiorre venant à décéder relativement jeune, avant 38 ans (soit 6 ans de vie commune !), il laisse à Giovanna la charge de conduire seule l'éducation des enfants qui ont respectivement 6 ans et 3 ans. Ils seront rapidement appelés : les enfants "de la Giovanna". Le 6 juin 1486, on retrouve la présence de Giovanna "dona Joanna relicta q. Melchioris Pacis", grâce à un acte notarié, qui rend compte d'une réunion des chefs de famille du village (vicinato ).

 

 

Elle est la seule femme sur cinquante-cinq hommes, ce qui indique, compte tenu de son relativement jeune âge, qu'elle doit appartenir à une famille bien implantée dans le village car autrement, elle aurait été difficilement acceptée.

Elle ignorait certainement que son nom passerait à la postérité et, par un clin d'œil de l'histoire, dans toute cette saga familiale, c'est celle dont on connaît le moins la trajectoire personnelle. Ses deux garçons auront la chance de connaître leur grand-père et Pace est très heureux de voir que son fils aîné lui a donné ces garçons apparemment vifs, volontaires et qui seront les premiers à porter le nom de Dalla Zuanna. On trouvera, pour la première fois, le nom de De la Zuana sur un acte notarié le 25 avril 1515 (Baptista Dela Zuana, Matheus eius frater).

Durant plusieurs années, l'exploitation des bois communaux va poser de très nombreux problèmes. En 1485, Solagna demande à Venise une autorisation particulière pour couper des bois, ce qui est normalement interdit ; en 1491, suite au mauvais état de la Calà del Sasso, les rames ne peuvent plus être livrées à Venise et, en 1492, le Conseil des Dix fixe des peines de prison de 6 mois pour abattage illégal, plus des amendes importantes. L'élégance n'est pas de la partie mais on pousse à la délation en ristournant un tiers de l'amende au délateur, ce qui n'est pas étonnant au pays de la boca de leon aux relents "anonymes" peu ragoûtants... C'était en effet l'endroit où l'on glissait le plus discrètement possible les dénonciations et accusations diverses et variées mais... toujours anonymes. En quelque sorte, l'antre du "corbeau".

En 1502, le Conseil des Dix va octroyer le droit, à une "ambassade" de Valstagna, Solagna et San Nazario, de couper du bois pour faire des radeaux et autres usages et même de récupérer des bois qui avaient été confisqués pour abattage illégal. On peine à imaginer ce qui conduit Venise à de pareilles bontés mais il est vrai qu'en 1490, Venise toujours en conflit avec l'Autriche, impose la présence de deux arquebusiers par village, à qui il faut fournir armes et poudre. Peut-être que ceci explique cela ?

En cette même période, non loin de là, dans la plaine à Castelfranco, Giorgione, élève de Bellini fait une brillante carrière. Il fera évoluer la peinture vénitienne, notamment par le traitement de la lumière. Il réalise entre autres des fresques au "Fondaco dei Tedeschi" à Venise, endroit bien connu des boari canaloti (ceux du Canal di Brenta).

Mattio (5) aura une vie très remplie ! En effet, on relève sa présence sur vingt-sept actes notariés et ce, à des titres extrêmement variés. Son père va mourir avant 1486, avant même son troisième anniversaire, ce qui donne bien évidemment un rôle majeur à sa maman qui va devoir gérer les biens familiaux.

Cela sera bien dur pour Mattio et son grand frère, élevés sans papa. Et, quel courage faudra-t-il à leur maman pour faire face à une telle situation. Heureusement, il reste des biens obtenus en héritage qui mettront sans doute un peu d'huile dans les rouages.

 

1504 - Le contrat dotal d'Antonia.

Vaille que vaille, les années passent et le 27 novembre, il a 21 ans pour son mariage avec Antonia Menon qui en a 22 (il semble que la majorité était fixée à 25). Les filles comptaient peu en ce temps-là et les mariages étaient sous contrôle familial. Sa mère a-t-elle arrangé son mariage ? On ne peut pas ne pas s'interroger, compte tenu de la dot qu'apporte Antonia dans sa corbeille de mariée : 391 lires picoli (de l'ordre de 60 ducats, cf. acte du 28 novembre 1504). C'est en effet une somme relativement importante pour l'époque et le niveau social de la famille. Bien sûr, l'héritage de son père Melchiorre est important...

Pour situer cette somme, on peut comparer, avec toutes les précautions nécessaires, aux données suivantes : en 1513, à l'occasion du testament de Nicolo del Plena, on estime une vache à 20 lires ainsi qu'en 1524. En 1529 et 1531, on voit des terrains vendus 24 lires ou 60 lires (il s'agissait souvent de terrains de 3 862 m 2 qui est l'unité de mesure du "campo").

En apportant cette dot, Antonia renonce à tout autre héritage de ses parents. Mattio devra en garantir l'intégrité sur ses biens propres car si elle meurt avant lui, sans laisser de descendants, la moitié de cette dot devra être rendue à sa famille (elle a deux frères). Si, par contre, il décède avant elle, avec ou sans enfants, elle gardera sa dot en plus de l'héritage de son mari. En outre, une amende est prévue pour Antonia si elle ne respecte pas le contrat (25 lires). Il lui faut jurer de bien s'y conformer sur le Saint Evangile.

Le Concile de Trente réaffirmera l'absolue liberté pour les veufs et veuves de se remarier, ce qui heurte l'opinion populaire car, lorsqu'une veuve se remarie, c'est de l'argent qui part dans une autre famille.

Antonia ne pouvait imaginer que cinq siècles plus tard, le 23 juin 2006, naîtrait à Barcelone, dans la famille, une adorable petite fille portant son prénom.

 

1508 - La ligue de Cambrai.

De 1508 à 1518, c'est une période de guerre intense avec son cortège de malheurs qui attend Mattio et Antonia. Pratiquement toute l'Europe s'est réunie dans la ligue "de Cambrai" pour soumettre l'orgueilleuse Venise. Au cœur de l'hiver, en février 1508, Maximilien lance ses troupes sur l'Altopiano d'Asiago, en incendiant l'église au passage. Mais c'est un hiver très rigoureux, le plateau très fortement enneigé et l'intendance difficile. Il s'emparera d'ailleurs de trois cents chèvres pour nourrir ses hommes dont certains vont mourir de froid. Il impose des dommages de guerre mais contraint par la neige, il devra se replier sur ses territoires à Trento. En décembre de la même année, décidément il semble bien mal choisir ses saisons, il veut à nouveau passer par le val Brenta pour aller se faire couronner à Rome. Après Charles IV en 1355 et Sigismond en 1411, c'est le troisième roi ou empereur que la famille voit chevaucher dans la vallée pour aller voir le Pape.

En mai 1509, la saison est plus propice, Maximilien revient à nouveau dévaster la vallée ! Ses troupes (14 000 hommes !) prennent la voie naturelle de la Valsugana et du val Brenta mais la résistance est farouche. On verra, comme dans les films classiques du far west, les résistants de la vallée utiliser la géographie locale pour les bombarder de pierres et de rochers. Les troupes vénitiennes vont être aplaties à Agnadello et malgré cela, Bassano reçoit l'ordre de Venise lui intimant de renforcer le Covolo qui est toujours un point clef. La participation du roi Louis XII à la ligue vaudra au preux Chevalier Bayard de venir guerroyer dans la région.

Cette même année, Battista, fils de Gasparo, est élu massaro , ce qui n'est pas forcément un cadeau en ces périodes agitées.

Le 3 Juin, Bassano ouvre grand ses portes aux 4 000 soldats de Georges de Lichtenstein, le Covolo ayant rendu les armes alors que Trévise donne le signal de la résistance.

En juillet, Maximilien, dont on dit que les nobles, les marchands et les Israélites lui ont ouvert les bras, organise des réceptions fastueuses à Bassano ! Venise est reléguée sur la lagune et l'Empereur y "prélève" quelques otages.

Les "7 communes" (voir glossaire) qui sont essentiellement formées de l'Altopiano d'Asiago avec Valstagna ont réuni leurs forces contre l'envahisseur et Venise saura s'en souvenir. Ce n'est pas par hasard si Valstagna a eu le privilège d'arborer, avec une fierté bien justifiée, le lion de guerre de Venise. Par rapport au lion de paix, la patte posée sur l'évangile ouvert, le lion de guerre brandit un glaive avec l'évangile fermé et se présente sous un aspect belliqueux. Ce n'est plus le temps de la prière mais le temps de régler les comptes...

 

Le lion de Valstagna

Le lion de Valstagna

 

Les autres villages de la vallée vont se joindre au mouvement et Solagna en tirera argument, en décembre, pour demander à Venise une exemption de taxes qui lui sont répercutées par Bassano !

Machiavel qui observe la révolte des paysans contre la fureur dévastatrice des Austraux-Hongrois dira "ils sont pire que les Juifs contre les Romains". Mais l'hiver arrivant, instruit par l'expérience, Maximilien retourne chez lui.

L'année suivante, le 2 juillet, cette fois c'est André de Lichtenstein qui viendra saccager et incendier Feltre et s'emparer du château de la Scala de Primolano. Quelques jours après, peu soutenu par Venise, qui avait peut-être d'autres chats à fouetter, c'est le Covolo qui tombe à nouveau !

Les restes du château, engloutis dans la végétation, sont impressionnants.

Venise enverra tout de même une expédition punitive sous le commandement de Zuan Dolfin.

Valstagna, dont la conduite glorieuse n'est pas à mettre en cause, meurt de faim comme tous les autres villages et s'adonne le plus discrètement possible à la contrebande de sel et de grain avec la Valsugana. Aussi en 1510, Vicenza découvrant la chose, hurle à la trahison : c'est, en effet, très mal vu d'approvisionner l'ennemi.

La contrebande de céréales, du val Brenta vers le Trentino, va continuer et cela prendra des proportions inquiétantes en 1524, avec des convois de cent chevaux accompagnés de trente à quarante hommes armés.

"Les plus belles victoires sont, peut-être, les batailles qu'on n'a pas livrées". Cette maxime qu'on attribue à Sun Tzu (L'art de la guerre) fait réfléchir car rien n'étant par nature jamais acquis, en août 1511, Louis XII envoie le général de La Palisse. C'est reparti ! Il quitte Vérone pour prendre le contrôle de la vallée et, passant par Marostica, attaquer le Covolo par le haut en se postant de l'autre coté de la vallée à Enego dont il a réduit la bastide. Malgré 8 000 hommes et 1 200 cavaliers, il n'y parviendra pas et ce sont finalement les Autrichiens, avec le capitaine Rottmuler, qui l'emporteront. Il est vrai qu'ils avaient l'habitude de guerroyer en ces lieux !

 

Le sort des armes varie, bien fol est qui s'y fie. Trois ans après (le 9 décembre 1514), c'est Cristoforo Calepino, au service de l'Autriche qui arrive à Cismon avec 600 à 800 soldats et 200 chevaux. La bataille est sanglante, il est stoppé et 500 cadavres vont joncher le terrain.

La violence est contagieuse et les conflits entre Solagna et San Nazario sont âpres : on vient aux réunions du Conseil Municipal avec des armes à feu et des armes blanches (qui ont tôt fait de rougir !). On retrouve notre Mattio avec son frère Battista élisant un de leurs cousins, Giacomo Mocellin, comme massaro .

Enfin, le ciel se dégage et la paix de Noyon est signée entre François I er et Charles Quint en août 1516. Ouf ! Venise retrouve ses possessions de terre ferme dont Vérone. C'est sans compter sur Marguerite de Habsbourg, fille de Maximilien, qui va mettre la pression, comme on dit aujourd'hui, pour que le Covolo , dont l'importance stratégique est incontestable, reste aux Autrichiens. Ce sera acquis lors des négociations de paix de 1518.

Après dix ans de guerre, tout est à reconstruire et les taxes vont s'abattre sur le peuple. L'activité économique qui était en sommeil repart et avec elle l'activité tirée de l'exploitation sylvestre. Les abus sont également de retour et les carbonai de Solagna semblent avoir repris leurs mauvaises habitudes en pillant les bois et pratiquant une politique de brûlis pour agrandir leurs pâturages. Or, une bonne partie des bois en question se trouve sur le territoire historique appartenant à San Nazario. La tension monte. Pour couronner le tout, la commune leur donne la honteuse autorisation de s'emparer des châtaigniers du bas des montagnes, ultime ressource des pauvres. Pour éclairer le contexte, il faut savoir qu'à cette époque le hameau de San Nazario représente la moitié de la population mais ne dispose au Conseil Municipal que du tiers des voix. On avance sur le long et douloureux chemin du divorce.

 

1518 - Le saut des chevaux.

Il faut, pour mesurer le climat de violence qui règne, se reporter à un incident dramatique qui s'est produit à quelques kilomètres de là. Quatre hommes de Valstagna veulent se venger des charbonniers d'Angarano et Valrovina qui viennent piller leurs bois. Ils en tuent quelques-uns et précipitent leurs chevaux dans un ravin après leur avoir bandé les yeux. On trouve, aujourd'hui, sur les cartes ce lieu-dit " le saut des chevaux". En ces temps où le prix d'un cheval est bien supérieur à celui d'un humain, on ne peut que s'interroger sur la misère qui engendre une telle violence. En février 1527, on verra les électeurs du village mandater un des leurs, pour être exemptés ou suspendus de taxes compte tenu de l'extrême pauvreté des habitants de Solagna et San Nazario.

Gio Antonio, va naître entre 1510 et 1520, soit 16 ans après le mariage de Mattio et Antonia. On imagine aisément que cette longue période de guerre où ils se trouvèrent au centre de la tourmente n'était pas favorable à la fondation d'une famille. On ignore la date du décès d'Antonia, la fourchette se situe entre 1520 et 1529, date à laquelle Mattio s'est remarié. Est-elle morte suite à la naissance comme cela arrivait trop fréquemment, impossible de savoir. En tous cas, elle n'a pas été gâtée par le sort.

On notera que cette même année 1520, Francesco da Ponte père de Jacopo, dit Bassano, va peindre le retable de l'église de Solagna. La mère de Francesco était également une Menon ce qui crée donc un lien parental (ténu) entre cette illustre famille de peintres et les Dalla Zuanna.

 

1521 - Mattio achète des terres.

La paix revenue, l'économie repartant, Mattio va enclencher un important processus d'achats. Qu'on en juge :

- Le 31 août 1521, il achète un terrain d'environ 4 000 m 2 comprenant des arbres fruitiers à Tonino Gheno pour 7 ducats d'or. Il le lui redonne immédiatement en fermage perpétuel, renouvelable tous les 29 ans, contre le versement d'un boisseau et trois quarts de blé, bon, propre et bien criblé.
 
 
- En 1522, il achète un autre terrain planté de vignes et d'arbres pour la somme de 62 lires picoli qu'il redonne aussitôt en fermage au vendeur lequel devra verser, chaque année à la Sainte Catherine (Catherine d'Alexandrie le 25 novembre), deux boisseaux et demi de bon blé livré à la maison du propriétaire. Il laisse au vendeur la possibilité de racheter son bien, au même prix, pendant 7 ans, ce qui se fera le 11 août 1525.
 
- Plus original, en octobre 1524, il achète un terrain de 4 000 m 2 planté d'arbres et de vignes pour 60 lires, une vache estimée à 20 lires fait partie de la transaction. Elle sera hypothéquée et ne pourra donc être vendue, pas plus que ses veaux à naître, par le fermier. Le paiement annuel du fermage, deux boisseaux et demi de bon et pur froment, devant être payé à la Saint Luc (le 18 octobre).
 
- En août 1525, il rachète un fermage donnant un revenu de deux boisseaux de blé pour un montant de 42 lires.
 
- Nouveaux achats, en mai 1527, d'un terrain avec des vignes et des arbres pour 31 lires et en avril 1528 à Tonino Gheno d'un terrain planté d'oliviers et de châtaigniers pour 42 lires. Il le redonne aussitôt en fermage à Tonino et à son fils, contre un revenu annuel d’un boisseau et trois quarts de bon froment.
 
- En juillet 1528, il vend un terrain situé à Pove pour 74 lires et 8 sous mais, en mai 1531, il achète à nouveau un terrain qu'il donne en fermage au vendeur pour deux boisseaux et deux quarts de bon froment.

Ceci indique bien qu'il avait des disponibilités financières non négligeables. La dot d'Antonia aurait-elle trouvé son emploi ?

Plus étonnant, Mattio va, avec son frère Battista, avoir une activité de bouvier puisque à 13 ans (!), en 1496, il fait partie de la confrérie des boari et qu'on le retrouvera à l'occasion d'une élection de cette même confrérie, en 1535.

Si son grand-père, Pace, semblait bien porter son nom, qu'en est-il en ce qui le concerne ? Il faudra une "concorde" sur acte notarié le 14 juillet 1522 avec les Del Plena pour déterminer un droit de passage de cinq pieds, ni plus ni moins, moyennant une redevance annuelle de 10 picoli.

En 1526, c'est un arbitrage notarié (cf. acte du 3 juin 1526), encore une fois, qui fait suite à une rixe, avec injures et blessures, entre Mattio et six cousins contre des frères Scotton, mais on n'en connaît pas l'origine.

C'était tout de même quelqu'un qui "comptait" dans le village puisqu'on le trouve élu comme massaro , en 1527, et governatore en 1536. Il est vrai qu'avec les terres reçues en héritage, plus ses acquisitions, il a un certain poids économique et qu'il semble avoir assez de caractère pour le défendre.

En 1529, il va épouser, en secondes noces, Benvenuta Scotton qui lui donnera l'année suivante une fille prénommée Giovanna, vraisemblablement en mémoire de sa mère. Viendront ensuite, Gio Pietro, Domenico, Gio Bono, Gio Batta en 1542 et, finalement, Sebastiano.

Le 23 janvier 1535, Gio Antonio, fils aîné de Matteo et d'Antonia, épouse Margarita Soranzi et l'énumération de sa dot (transposée sur acte notarié 30 ans après !) est intéressante (cf. acte du 27 octobre 1565) : un lit avec coussins et oreillers usagés, un coffre peint, une couverture neuve, un drap neuf, un drap usagé (moitié de vie), une veste bleue, une veste verte à 50% de laine, une camisole bleue avec des manches, une veste noire partiellement en soie... Ces biens devaient être précieux pour les consigner sur un acte notarié ! Il y est également mentionné une somme de 380 lires, ce qui justifierait mieux cet acte officiel.

La chronique locale, en 1542, nous informe que Zuan Antonio est un personnage très estimé ; il devait l'être vraiment car au cours de cette période, comme on l'a vu précédemment, cela ne devait pas être chose facile. Ce Zuan Antonio, alias Gio Antonio, Gio pour Giovanni, Giovanni pour Jean mais aussi en dialecte vénitien pour Zuan, n'est autre que le demi-frère de Gio Batta (autrement dit Jean Baptiste). Il sera élu procuratore en janvier 1563.

Les Colli Alti, où la famille possède des terrains, sont aussi une source de revenus par une activité originale, la cueillette des herbes médicinales. On trouve trace de cette activité, en 1539, lors des tractations sur le transport lié à cette activité entre la corporation des boari de Solagna, dont Mattio fait partie, et un certain Franco Allegro de Cologne. Fallait-il que ces "herbes" aient une certaine valeur pour en faire un commerce si lointain ? C'est au cours de cette même année que Mattio sera requis pour l'estimation de biens immobiliers d'un montant non négligeable de 160 lires, il est vrai qu'il était connaisseur ! Cette estimation sera régularisée par un acte du 29 décembre 1545.

Le château de la Scala de Primolano est vénitien mais le Covolo qui reste une enclave tyrolienne en Vénétie est perçu comme un abcès. En février 1543, Giacoma et son fils Giuseppe, de Enego, tentent un acte de folie en lançant une attaque nocturne contre le Covolo . L'échec quasi inéluctable de leur tentative va être durement sanctionné, Giacoma sera noyée et son fils démembré en quatre morceaux qui seront exposés aux quatre points cardinaux du Covolo .

La détente politique n'est pas encore à l'ordre du jour. En effet, le 2 octobre 1544, il est décidé que le nom des électeurs de chaque représentant du peuple devra être porté à la connaissance de tous. L'anonymat des balles dans les urnes a disparu. Tout le monde est armé et l'on porte les armes ostensiblement, bonjour l'ambiance !

 

1545 - Vicenza et le Concile de Trente.

La politique, toujours, mais pas au niveau local cette fois, va conduire à tenir le concile de Trente à Trente. Logique, non ? Sauf qu'il était prévu au départ qu'il se tienne à Vicenza qui avait agrandi sa cathédrale en conséquence. On ne sait pas s'il y a eu des compensations financières mais les blessures d'amour propre ont été pansées, partiellement du moins, en octroyant le titre de Monsignore aux curés de Vicenza et le droit de porter la soutane bordée d'un filet rouge, la talata filettata. On sait, néanmoins, que les blessures d'amour propre sont les plus difficiles à cicatriser...

Vicenza, magnifique cité méconnue, classée depuis au patrimoine mondial de l'UNESCO, a manqué là une superbe occasion de passer à la postérité mondiale quant on sait le retentissement énorme qu'a pris ce concile sur le plan historique.

Mattio arrive à la fin d'une vie bien remplie et riche en événements dramatiques, il en est d'autres qui vont survenir dans sa propre famille, mais mieux vaut ne pas anticiper, à chacun sa part. On sait, par recoupements, qu'il décèdera entre 1545 et 1549.

Sa veuve Benvenuta, quelques années après, le 4 mars 1552, dotera leur fille Giovanna de la somme importante de 278 lires et 12 sous, confirmant ainsi la bonne santé financière de la famille.

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