1930 : le réalisme poétique français

L'arrivée du parlant a des effets considérables. D'une part, la restitution du son oblige à uniformiser la vitesse de défilement des films (24 images/seconde), ce qui améliore la qualité de la projection. D'autre part, l'enregistrement du son impose de nouvelles contraintes. "Rien ne m'amuse davantage, déclare Méliès en 1935, que les efforts des opérateurs actuels qui sont forcés, à cause de l'immobilité des acteurs engendrée par le dialogue, de faire visiter toute la pièce aux spectateurs".Les sujets changent, car les dialogues permettent d'aborder la psychologie des personnages et le jeu des acteurs doit s'adapter. Enfin doté du pouvoir de représenter la société dans ses subtilités, le cinéma de cette période reflète les états d'âme du peuple français à travers le réalisme poétique et le réalisme noir d'avant-guerre. Des cinéastes, auparavant liés, ont rejeté son formalisme mais conservé sa rigueur artistique ; ils créent des chefs d'oeuvre : Jean Vigo film "L'Atalante" (1934), Jean Renoir tourne "La Chienne" (1931), "Toni" (1934), "La Grande Illusion" (1937), "La Règle du jeu" (1939). Jean Grémillon réalise "Dainah la métisse" (1931), "L'Etrange Monsieur Victor" (1938), "Remorques" (1939-1941).

Le réalisme poétique apparaît sous l'influence de la littérature populaire (Pierre Mac Orlan, Francis Carco) et de l'esthétique expressioniste, révélée par les chefs opérateurs allemands comme Eugen Schüffman.

Les récits pessimistes racontent les destinées tragiques de héros populaires dont Jean Gabin est la parfaite Pepe le mokoincarnation. La lumière en clair obscur, l'artifice des décors, la verve des répliques et du jeu donnent un style lyrique prononcé. René Clair ("Sous les toits de Paris", 1930), Pierre Chenal ("L'Homme de nulle part", 1936), Julien Duvivier ("Pépé le Moko", 1937), et Marcel Carné ("Quai des brumes" et "Hôtel du Nord", 1938) en sont les maîtres incontestés. Le Front populaire inspire deux films en 1936 :"La vie est à nous", de Jean Renoir et "La belle Equipe", de Julien Duvivier, qui reflètent bien l'euphorie du moment. La même année, deux grands écrivains du théâtre, séduits par le parlant, réalisent des oeuvres majeures : "Le Roman d'un tricheur", de Sacha Guitry et "César", de Marcel Pagnol, au naturalisme novateur. Cette période se caractérise par son unité et une parenté esthétique entre les différentes formes de réalisme, qui rattache les unes aux autres les oeuvres les plus importantes de cette décennie. Malgré cette richesse, la production est en crise : Pathé, après s'être associé avec les frères Natan, fait faillite en 1939. Gaumont, qui dépose son bilan en 1938, est renfloué par les banques. La production s'émiette en de multiples sociétés.Les années 30 sont aussi celles d'une prise de conscience, encore très minoritaire, du problème de la conservation des films : Georges Franju et Henri Langlois créent la Cinémathèque française en 1936.

Cinémathèque française