LE
BON VIEUX SPRINGFIELD 1842
Traduction d’un article de W. AUSTERMAN paru dans D.G.W. Blackpowder
Annual 1986
Demandez à tout groupe de collectionneurs
d’armes ou d’historiens quelle fut l’arme qui exerça le plus d’influence sur le
cours de la Guerre Civile, et la grande majorité citera sans aucun doute la
carabine Spencer à cause de sa fameuse puissance de feu et son rôle important
lors des victoires décisives de l’Union comme Gettysburg et Nashville.
Quelques-uns uns de ceux qui réfléchiront un peu plus, ou ceux qui voudront
installer la polémique, ne seront pas d’accord et désigneront le fatidique
petit Deringer de gros calibre de John Wilkes BOOTH comme l’arme qui décida de
l’issue finale du triomphe de l’Union sur le Sud. Mais on peut également avancer
qu’il serait mieux de discuter sur une arme conçue pour un conflit plus ancien,
dépassée bien avant les premiers coups de feu qui ont salué l’aube sur Fort
Sumter. Le mousquet Springfield Modèle 1842 n’a sûrement pas tiré les coups de
feu qui eurent le plus d’influence dans la bataille. Mais si ces coups n’ont
pas décidé de l’issue du conflit, il n’y a pas de doute qu’il y ont été
pour quelque chose sur le long chemin d’agonie que les deux camps suivirent
jusqu’à Appomattox. Ce ne fut qu’une autre de ces ironies du sort impliquées
dans une guerre voyant pour la première fois une utilisation intensive de
canons rayés dans l’artillerie et les armes légères, de mitrailleuses et
d’armes à répétition se chargeant par la culasse, qu’un mousquet à canon lisse
ait eu autant d’impact sur le cours de évènements.
Entre 1843 et 1855, on produisit quelques 275
000 de ces armes à percussion en calibre .69 aux arsenaux de Harper’s Ferry et
de Springfield. Une arme d’épaule pour le moins encombrante avec son poids de
neuf livres et mesurant presque cinquante huit pouces de long, le modèle 1842
fut la première arme à percussion, et la dernière à canon lisse, produite pour
les régiments d’infanterie de l’U.S. Army. Le modèle 1842 connut le service
pendant la Guerre du Mexique, dotant les troupes régulières, bien que beaucoup
de régiments de volontaires eussent du se contenter des mousquets à silex du
modèle plus ancien. Comme le remarque le Lieutenant Ulysses S. GRANT : « L’infanterie
sous les ordres du Général TAYLOR était armée de mousquets à silex et de
cartouches en papier chargées de poudre et de balles ou de chevrotines. A la
distance de quelques centaines de yards, un homme pouvait vous tirer dessus
toute la journée sans que vous vous en rendiez compte. » L’arme à percussion
détrôna vite le « culbuteur de citrouilles » à silex à la fin de la
guerre, et le modèle 1842 rendit encore indifféremment des années de service
sur la frontière à l’Ouest. Dans une compagnie d’infanterie moyenne, un coup
sur six pouvait toucher une cible de la taille d’un homme à cent yards sur le
stand à l’entraînement. En Juillet 1855, le Secrétaire à la Défense Jefferson
DAVIS reconnut l’obsolescence du mousquet et ordonna que l’on fabriquât et
distribuât une nouvelle génération de fusils à canon rayé utilisant la balle
conique Minie. Les régiments de ligne furent enfin équipés d’une arme possédant
une véritable précision à longue distance.
Dans toute la nation, les vieilles armes furent
gardées en stocks de réserve, à la fois dans les armureries fédérales et dans
celles d’état. Lorsque éclata la Guerre Civile en Avril 1861, environ 213 000
fusils Modèle 1842 se trouvaient encore sur les râteliers entre le
Massachusetts et la Californie. Ce furent les armes longues les plus facilement
disponibles lorsque l’on se mit à se tirer dessus de part et d’autre, et dans
les premiers mois frénétiques de la guerre, les recrues s’estimaient chanceux
si on leur attribuait l’un de ces « canon lisse à percussion », en
comparaison avec les anciens fusils à silex qui étaient également distribués.
Le Nord jouissait d’une supériorité écrasante sur le Sud en matière de capacité
industrielle, mais cela allait prendre du temps avant de pouvoir le sentir. Au
printemps de 1861, beaucoup de régiments de l’Union portaient le Modèle 1842 à
l’épaule. Parmi eux, on cite des unités comme le 3ème. Connecticut,
le 9ème. Massachusetts, le 8ème. et le 41ème.
New York, et le 4ème. Volontaires d’Infanterie du Michigan. Jusqu’en
Juillet 1863, le 12ème. New Jersey fit face aux charges de PICKETT à
Gettysburg avec ses Modèles 1842, et tira des volées foudroyantes de balles et
de chevrotines dans les rangs des gris avec des effets significatifs. La
situation était pratiquement la même du côté de la Confédération. Au printemps
de 1861, les armureries du Sud comptaient un total de 78 931 Modèles 1842. Sur
ce nombre, 1557 ont été comptabilisés comme rayés et équipés d’une hausse
réglable vers 1850.
La grande majorité des armes d’épaule tirait
donc un projectile sphérique de 414 grains dans un canon lisse, avec une charge
de 130 grains de poudre noire. La gigantesque balle faisait de la lumière dans
tout ce qu’elle touchait, si elle touchait quelque chose aux distances
de combat… En plus des mousquets de Springfield et de Harper’s Ferry, les Rebelles
disposaient aussi de versions de l’arme fabriquées localement. Entre 1852 et
1853, pendant une période où les relations entre l’état et le gouvernement
national commençaient déjà à s’envenimer, l’armurerie Palmetto de Columbia, en
Caroline du Sud, produisit 6000 copies du Modèle 1842, très proches de
l’original. Malgré l’importation d’une grande quantité d’armes depuis l’Europe,
et la récupération de milliers d’autres sur les champs de bataille, la
Confédération continua à doter le Modèle 1842 comme arme d’ordonnance standard.
Au fur et à mesure que le temps passait, les Sudistes se rendirent de plus en
plus compte qu’ils étaient en désavantage lorsqu’ils étaient confrontés aux
troupes de l’Union.
Avec à sa tête le Général Josiah GORGAS, le
Département de l’Equipement Militaire de la Confédération du Sud, le C.S.
Ordnance Department, plein d’imagination et de ressources, prit note du
problème et essaya de trouver un remède à l’imprécision du canon lisse. Le
Lieutenant-Colonel William LeRoy BROUN, commandant l’arsenal de Richmond à
partir de 1863, relate comment les penseurs de l’administration conclurent
qu’il serait plus facile de changer le type de munition en dotation, que de
rappeler tous les canons lisses et les faire rayer. « L’idée était de
tirer un projectile allongé composite, fait de plomb et de bois dur, ou de
papier-mâché, avec une tête en forme de fer de lance et un corps de
plomb » se rappela BROUN plus tard. « Le corps serait contenu
dans un sabot creux en bois ou en papier-mâché. » La nouvelle balle
était conçue sur de solides bases théoriques. « Au départ du coup, le
matériau plus léger, se déplaçant plus vite, ferait ressortir la tête pointue
et éliminerait ainsi la traînée » prétendait BROUN « et le vol
de la trajectoire serait le même que celui d’une flèche, sans basculer sur le
plus petit axe, comme si le centre d’inertie du projectile était en avant du
centre de résistance à l’air. En tous cas, c’était la théorie du projectile
composite conçu pour le vieux mousquet à canon lisse. » Ben mon
vieux, çà c’est fort. Je connais le centre de gravité, mais le centre de
résistance de l’air... Boum, et le petit bout pointu sort de son prépuce, comme
sur une bite de chien. Je croyais que des hydrocéphales, il n’y en avait qu’en
France, mais je vois qu’il y en avait aussi à l’époque chez ces braves
Sudistes ! On élabore une théorie tellement fantaisiste et tirée par les
cheveux compte tenu d’une époque où l’aérodynamique n’était même pas encore une
science comme elle l’est aujourd’hui, sans parler des complications induites
pour la fabrication massive de ces nouvelles balles qui auraient du voler, que
les sous-idiots d’en face n’y comprendront rien, et le soldat moyen n’aura qu’à
écouter aveuglément son chef qui lui répétera bêtement comment que ça marche
bien, ces nouveaux trucs qu’on nous donne, maintenant ! Il n’y a pas
de traces de production ni de dotation en service de cette balle exotique, mais
le concept de base était très proche de celui des munitions modernes à sabot
utilisées pour percer les blindages et destinées aux canons à haute vitesse
armant les chars. Précis ou pas, le canon lisse vit le feu dans les rangs des
gris. L’arsenal d’Augusta, Georgia, contenait 12 380 Modèles 1842 au moment de
la sécession, et beaucoup de régiments d’état furent dotés de la vieille arme
lorsqu’ils furent rassemblés pour le service.
Les hommes du 14ème. Georgia Infantry
apprirent à manipuler et à tirer en volées avec les anciennes reliques avant de
marcher au combat sous les ordres du Général Robert E. LEE et sa légendaire
Armée du Northern Virginia. Les Géorgiens suivaient le Colonel R.W. FOLSOM en
tant que partie d’une brigade formée par d’autres régiments de l’état, au
moment où l’armée de LEE se heurta à une force Fédérale commandée par le
pompeux Général John POPE. Par un pluvieux 1er. Septembre de 1862,
des éléments des deux armées ennemies se rencontrèrent près du petit hameau de
Chantilly en Virginie. Les Rebelles se déployèrent devant un petit relief connu
sous le nom d’Ox Hill, la Colline du Bœuf, et tinrent la ligne
contre les tuniques bleues qui attaquaient. Le Brigadier Général Isaac STEVENS
saisit l’étendard d’un régiment de New York et mena ses hommes à l’assaut.
Les Yankees chargèrent en avant à travers une pluie aveuglante, et ils étaient
sur le point de percer les positions Géorgiennes quand une volée brûlante
partie de leurs mousquets stoppa net leur avance et laissa STEVENS étendu dans
la boue, avec un trou béant dans la tête. Héros de la Guerre du Mexique et
anciennement gouverneur du Territoire de Washington, STEVENS était un
personnage populaire dans le Nord, et sa mort horrifia toute la division qu’il
commandait durant la bataille de Chantilly.
Les Yankees, secoués, se retirèrent et se
rassemblèrent à distance des Confédérés, pendant que les renforts arrivaient
sur le terrain. La division du Major Général Philip KEARNY commença à regarnir
les rangs, et l’officier impétueux chercha immédiatement à frapper les Rebelles
en retour. KEARNY était une sorte de légende dans l’Armée de l’Union à l’époque.
Avocat millionnaire, il avait quitté le barreau pour devenir un soldat
professionnel. Cavalier né, il avait servi comme observateur avec les Français
en Afrique du Nord, et perdu un bras au cours d’une action héroïque pendant la
Guerre du Mexique. Le Général Wilfried SCOTT disait de lui « C’était
l’homme le plus brave que j’aie jamais connu, et un parfait soldat. »
Le « parfait soldat » était courageux à l’extrême, et ce défaut le
rattrapa sous la pluie sombre ce soir-là à Ox Hill. Il donna des éperons et
fonça vers le front en ordonnant à un régiment du Massachusetts de le suivre à
l’attaque. Les New Englanders pataugèrent en avant dans les restes détrempés
d’un champ de maïs alors que le crachement du feu jaillit des rangs Confédérés.
Comme les hommes d’infanterie hésitaient et le prévinrent qu’il y avait toute
une division de déployée dans la forêt juste en face, KEARNY se mit en colère
et fonça en avant sur son cheval pour les pousser à le suivre, sinon ils
auraient eu honte. On pouvait discerner des silhouettes dans l’ombre pendant
que le Général approchait des bois. Le Simple Soldat L.G. PERRY du 14ème.
Georgia faisait partie de ceux qui attendaient en embuscade lorsque le rêche
accent New-Yorkais de KEARNY se fit entendre avec cette question impérieuse « Qui
est-ce qui vous commande, là ? » Une voix traînant de Géorgien
répondit en lui demandant de se rendre. KEARNY fit faire demi-tour à sa monture
et lui planta ses éperons dans les flancs. Il se mit debout dans les étriers et
se pencha presque horizontalement sur la selle, en lançant son cheval en avant.
Le Simple Soldat PERRY leva son Modèle 1842 et laissa le chien retomber sur la
capsule. La balle jaillit dans une gerbe de flammes oranges, s’engouffra dans
le tube digestif de KEARNY et finit dans l’abdomen. KEARNY était mort avant que
son corps ne glissât de la selle. Avec deux généraux de perdus et dix pour cent
des forces totales de tués ou de blessés, les hommes de l’Union se contentèrent
de laisser se finir la bataille toute seule, les deux principales armées
terminant une campagne qui avait déjà vu une amère défaite infligée aux forces
de POPE. L’armée de LEE restait défiante, prête à asséner un autre coup à
l’ennemi, lequel pleurait à présent deux personnages populaires à cause des
antiques canons lisses portés par les Géorgiens à Chantilly.
Huit mois plus tard, les Sudistes faisaient face
à une nouvelle invasion Nordiste quand le Général Joseph HOOKER mena l’Armée du
Potomac de l’autre côté de la rivière Rappahannock, dans un vaste mouvement
pour capturer Richmond. Son corps d’armée marchait à travers un sombre
enchevêtrement de broussailles et sur d’étroit sentiers sinueux, appelé
« La Jungle » par les Virginiens. HOOKER ramena son armée en arc de
cercle s’incurvant à l’ouest et au sud, autour d’un village appelé
Chancellorsville, pendant que LEE remontait rapidement en marchant le long de
la rivière pour le rencontrer. Les Confédérés alignaient à peine 60 000 hommes
et HOOKER 134 000, mais là, le destin était avec eux. L’un des corps d’armée de
LEE était dirigé par le Général Thomas J. « Stonewall », le
« Mur de Pierre », JACKSON. L’année précédente, il avait vaincu
cinq armées Yankees dans la vallée du Shenandoah après une marche forcée, et
jeté la panique dans Washington D.C. avant de foncer vers le sud pour rejoindre
LEE dans la défense victorieuse de Richmond. A présent, JACKSON était sur le
point de couronner le coup de maître de sa carrière déjà légendaire. Quelque
part au milieu des pins cachés, à l’ouest des croisements menant à Chancellorsville,
il avait un double rendez-vous avec l’immortalité et le mousquet Modèle 1842.
Après une hâtive réunion le soir du 1er. Mai 1863, LEE et JACKSON
mirent en action leur plan audacieux pour freiner l’élan de l’avance de HOOKER.
Pendant que LEE emmenait avec lui une petite partie de l’armée de façon à créer
une diversion sur l’avant de HOOKER, JACKSON et 28 000 hommes s’élançaient vers
le sud et l’ouest dans une longue marche forcée qui les amena juste contre le
flanc exposé de l’Armée de l’Union à la fin de l’après-midi du 2 Mai. Les
hommes de JACKSON s’élancèrent dans le crépuscule en hurlant, des éclairs
scintillant au bout de leurs fusils tout le long de leur ligne, pour piquer en
avant dans les ombres à l’est, comme l’auraient fait des fers de lance. Cà,
si ce n’est pas une charge à la baïonnette dans les lueurs rouges et grises du
crépuscule, je m’en mords le chinois. Brandissant au dessus d’eux leurs
bannières rouges en lambeaux, ils s’abattirent sur l’ennemi avec un tel élan
que le 11ème. Corps de l’Union fut bientôt transformé en une foule
paniquée. A la tombée de la nuit, l’armée de HOOKER s’était repliée sur
elle-même comme un canif à moitié fermé, et les obus de l’artillerie Confédérée
pleuvaient sur son quartier-général à Chancellorsville.
JACKSON savait que l’aube pourrait bien
rapporter la victoire finale sur l’ennemi, mais il lui fallait d’abord calmer
la confusion et la désorganisation qui avaient naturellement accompagné
l’assaut de ses troupes. Alors que l’obscurité s’installait, il fit avec son
état-major le tour du front pour remettre de l’ordre et donner de nouvelles
instructions pour l’action du lendemain matin. JACKSON avait hâte de mettre en
place la division de choc du Général A.P. HILL pour la nouvelle attaque, et il
s’élança en avant sur son cheval, cherchant son chemin à travers les lignes
pour atteindre son poste de commandement. Il était vingt et une heure ce
soir-là et la pleine lune brillait à travers les reflets pourpres des feux et
des fumées de poudre noire, quand JACKSON et ses aides repérèrent les postes
avancés de l’Union dans la forêt et s’en revinrent pour faire sur leurs chevaux
le quart de mile qui les séparait de leurs propres positions. Les sabots des
chevaux frappaient le sol avec un bruit sourd sur la vieille route de planches
et, comme les officiers s’approchaient du 18ème North Carolina, on
entendit le cliquetis des chiens que l’on amenait en arrière au cran de l’armé.
L’infanterie croyait que c’était la cavalerie Yankee qui venait vers eux. Un
cri partit pour demander qui c’était, mais la réponse se perdit immédiatement
dans le vacarme assourdissant de la mousqueterie alors que les armes
s’allumaient tout le long de la ligne avant du régiment. Le Lieutenant George
CORBETT de la Compagnie E savait que la volée tirée par ses hommes avait touché
de plein fouet ce qui n’était plus maintenant qu’un nœud de chevaux et d’hommes
se débattant dans l’obscurité à quelques yards à l’Est. Les baguettes de
chargement cliquetaient déjà dans les canons, brisant le silence qui avait
soudain suivi, pendant que les « Tarheels », les Talons de
Goudron, allusion aux semelles de goudron naturel avec lesquelles étaient faits
les croquenots des Sudistes, enfonçaient déjà une nouvelle charge au fond
de leur Modèle 1842 et cherchaient une capsule d’amorçage dans leur giberne.
Une artillerie Unioniste énervée répliqua à la mousqueterie par un feu aveugle
qui envoya des shrapnels volant à travers la route, en sifflant méchamment au
milieu de l’illumination de la scène par les éclatements des obus. Lorsque le
bombardement s’arrêta, les aides de JACKSON et les soldats frappés d’horreur
s’élançaient en courant, le portant vers un hôpital de campagne. Oh,
merde ! On a buté le chef ! Merde, chef ! Mais qu’est-ce qu’on
fait maintenant, chef ? On appela le docteur de l’état-major, le
Docteur Hunter Mc. GUIRE, qui examina les blessures de JACKSON à la lueur d’une
lampe. A trois pouces en dessous de l’épaule gauche, une balle s’était taillée
une tranchée à travers le bras, y laissant dans son sillage un horrible mélange
d’os éclatés et de muscles déchirés. Plus bas, dans l’avant-bras, une autre
balle était entrée près du coude et était descendue pour ressortir du côté
intérieur du poignet. Un troisième projectile s’était écrasé dans la main
droite. Il y était encore, au milieu des débris d’os. Mc. GUIRE découpa la peau
et sortit la balle. Il la fit rouler dans la paume de sa main. « Un
Springfield à canon lisse » dit-il tristement « Nos propres
troupes. » La balle de mousquet sonna lugubrement lorsque le
chirurgien la jeta sur le plateau. Ce bruit-là fut le glas qui sonnait sur la
Confédération. JACKSON laissa sur la table d’amputation son bras gauche
fracassé, et mourut plus tard d’une pneumonie. Bonjour le minuscule pouvoir
de pénétration de la grosse balle ronde mais, et hop, encore un manchot !
Quand c’était pas une jambe que les généraux perdaient à la guerre à cette
époque, c’était un bras, parfois la tête. Et si le mec ne mourait pas de
gangrène, juste après il pouvait attraper tellement froid faute de soins, qu’il
y laissait la peau là aussi. Et dire qu’il y a des gens qui trouvent que la
guerre, c’est bien…Tout le Sud pleurait pendant que la grande victoire de
LEE à Chancellorsville était ternie par la perte de son paladin. La guerre
continua, et deux mois plus tard, LEE emmena son armée vers le Nord pour
envahir le Pennsylvania dans l’espoir de gagner une victoire décisive sur
le sol de l’Union et de terminer ainsi le conflit en faveur du Sud. Le
vieux corps d’armée de JACKSON fut attribué au Général Richard EWELL, un
vétéran dégarni qui avait autrefois vu du service sur la frontière avec les
dragons au Texas et au Nouveau Mexique. Un an plus tôt, EWELL avait perdu une
jambe au combat. Encore un ! Qu’est-ce que je disais ? Au cours de
sa convalescence, il avait épousé une veuve locale. Ces deux expériences
avaient secoué et déstabilisé le célibataire quinquagénaire. Ce n’était plus le
même combattant fonceur que l’armée avait connu à une époque. Lors de ses
premières actions à Gettysburg, EWELL hésita avant de lancer une attaque contre
les troupes de l’Union débordées et désorganisées qui tenaient Cemetery Hill, la
Colline du Cimetière, quel nom bien choisi, puisque tant de jeunes et de moins
jeunes y laissèrent, non pas des plumes, mais aussi des bras, des jambes, des
pifs, des pafs, des oreilles, des globos, des têtes, beaucoup la vie tout
court. L’assaut tardif ne fut pas lancé avec assez de détermination, et les
tuniques bleues gardèrent le contrôle de la colline, donnant ainsi la bataille
au Nord.
Beaucoup d’érudits prétendent que, si JACKSON
avait été à la tête de ces troupes, il n’aurait pas laissé passer l’opportunité
et l’issue de la bataille aurait tourné en faveur du Sud, avec un train
d’évènements radicalement différent à influer sur l’histoire de l’Amérique. Ben
tiens. Et si nous, les Sudistes, on avait été plus nombreux, vous les
Nordistes, vous auriez perdu la guerre de Sécession qui a sèssésassésûr. En
tout état de cause, beaucoup de ces morts au milieu des champs dévastés et des
vergers détruits sur Gettysburg provenaient des rangs du 18ème.
North Carolina, qui essayait de se racheter de sa bévue fatale de
Chancellorsville. Quand, après Appomattox vingt et un mois plus tard, les
derniers drapeaux furent pliés et rangés et les mousquets mis au râtelier, un
certain Lieutenant CORBETT, hanté par la honte, rentrait chez lui à pied en
Caroline du Nord, obsédé par le bruit d’une terrible volée qui résonnait encore
dans sa tête. Pour JACKSON, STEVENS, KEARNY et des milliers d’autres, le Modèle
1842 avait stoppé net tous leurs espoirs et leur ambition, en une âcre giclée
de fumée de poudre et l’impact brutal d’une balle ronde en plomb tendre. Ce
vétéran aguerri qui avait servi sous deux drapeaux rentrait dans l’ombre avec
eux. Mais tout en laissant sa place aux armes modernes, rayées et au chargement
par la culasse, le mousquet partagea l’épitaphe que Robert E. LEE fit plus tard
sur la Confédération « Nous avons perdu mais, par la grâce de Dieu, une
défaite en apparence se révèle souvent être une bénédiction. »
Mousquet U.S. Modèle 1842 à
percussion :
Fabriqué aux arsenaux de Springfield et de
Harper’s Ferry entre 1844 et 1855 à environ 275 000 exemplaires, dont 172 000
par Springfield. Calibre .69, chargement par la bouche à un coup. Canon de 42
pouces, maintenu par trois bandes. Garnitures en fer. Pièces métalliques
finition poli blanc. Baquette de chargement en acier, à tête tulipée. Tenon de
baïonnette sous la bouche du canon. Crosse en noyer en dos de cochon. Platine
marquée de l’aigle américain, au dessus d’U.S., devant le chien. Derrière le
chien, marquée soit SPRING/FIELD/(date) ou HARPERS/FERRY/(date). Culasse
marquée V/P/(tête d’aigle), parfois les initiales de l’inspecteur sont
visibles. Cartouche de l’inspecteur estampillé sur le côté gauche de la crosse,
de l’autre côté de la platine. Première génération de mousquet conçue aux
arsenaux nationaux pour le système d’amorçage à percussion, le modèle présente
d’importantes distinctions. Dernière arme U.S. à canon lisse, au calibre de
.69, et première arme U.S. faite à la fois aux arsenaux de Springfield et de
Harper’s Ferry avec toutes les pièces interchangeables. A part la forme de la
platine, le mousquet U.S. Modèle 1842 est quasiment identique à son
prédécesseur à silex, le mousquet Modèle 1840. Les spécimen qui portent les
dates d’avant la Guerre du Mexique de 1847 tendent à bénéficier d’une petite
plus-value. Cote de 700,00 $ à 2 250,00 $.
Mousquet U.S. Modèle 1842, canon
rayé :
Transformation par rayure du canon, effectuée
aux arsenaux de Springfield et de Harper’s Ferry entre 1856 et 1859 à 14 182
exemplaires au total. Même arme que le Modèle 1842, à l’exception des rayures.
Un peu moins de 10 000 exemplaires furent équipés avec des organes de visée
pour le tir à longue distance, les 4 182 autres n’en ayant pas. Cotes de 800,00
$ à 2 500,00 $.