Ousson-sur-Loire
LANGAGE d'ANTAN
PATRIMOINE DELAISSE |
Albert BOIN
Au vocabulaire issu de notre terroir, s'ajoutent les mots contenus dans
le dictionnaire, tourmentés comme à plaisir et à tel point travestis, que
le traitement infligé les rend le plus souvent méconnaissables.
Hier encore, c'était cependant cet amalgame qui prévalait dans les chaumières
et composait notre langage.
Expressions surannées, methodes révolues, durant des générations, le savoir
ne fut pas inculqué à nos prédécesseurs dans l'atmosphère conditionnée d'une
salle de cours, mais verbalement transmis à la descendance chargée à son tour
d'en assurer la pérénité.
Héritage légué par des académies qui ne se produisirent jamais sous la coupole,
les propos n'en brossaient pas moins les paysages et coiffaient au mieux les
situations comme les personnages.
Il semble donc injuste aujourd'hui, en dépit des avanies dont fut constamment
l'objet notre langue nationale, de reléguer sans indulgence, le parler de
nos aïeux.
Il est d'ailleurs si particulier dans sa conception, qu'aucune traduction ne
donne à certaines locutions, la signification qui convient.
Ainsi, la possibilité d'accommoder de synonymes les familles d'agouants,
d'arcandiers, d'arreuillées, de bagouleux, de berlaiseux, demeure une vaine
espérance.
Avant que ce langage ne tombe tout à fait dans l'oubli, ne serait-il pas de bon
aloi d'en évoquer la teneur une fois encore?
C'est la raison pour laquelle, puisant au plus profond de mes souvenirs,
j'ai tenté de répertorier les mots propres pour la plupart à notre proche région
et dont la liste ne figure dans aucune encyclopédie.
Albert BOIN
Ousson sur Loire (novembre 1990).
La couleur des mots
Voici quelques exemples sur la manière dont est traitée la langue française,
qualifiée de "Langue estropiée"
Pronoms personnels et adjectifs possessifs
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Eje |
- |
|
Je |
|
Y |
- |
|
Il |
|
A |
- |
|
Elle |
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Ieux |
- |
|
Leur, Leurs |
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Noute |
- |
|
Nôtre |
|
Voute |
- |
|
Vôtre |
|
|
|
|
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Ex: |
Y fé froué |
- |
|
Il fait froid. |
|
A veut point de moué |
- |
|
Elle ne veut pas de moi. |
Utilisation des voyelles
Dans certains cas, la lettre A prend la place de la lettre E, en début comme à l'intérieur du mot.
|
Arable |
- |
|
Erable |
|
Argot |
- |
|
Ergot |
|
Atêter |
- |
|
Etêter |
|
Harse |
- |
|
Herse |
|
Harbe |
- |
|
Herbe |
|
Parché |
- |
|
Perché |
|
Marci |
- |
|
Merci |
|
Pardu |
- |
|
Perdu |
|
Parsonne |
- |
|
personne |
|
|
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Ex: |
t'as ti coupé l'harbe? |
- |
|
As-tu coupé l'herbe? |
|
Ej'chons pardus |
- |
|
Nous sommes perdus. |
-----
Dans la plupart des cas, la lettre I se substitue à la lettre E dans la triphtongue Eau.
Ex: Un viau, un siau, une piau, un chapiau
La voyelle O devient OU dans les mots suivants:
Grou (gros) - Tou (tôt) - Clou (clos) etc...
-----
La prononciation de la voyelle composée OI subit des variations selon les mots.
Ex: |
La Louère |
|
- |
|
La Loire |
|
Bouère |
|
- |
|
Boire |
|
Bonsouèr |
|
- |
|
Bonsoir |
|
|
|
|
|
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Mais |
Fouêre |
|
- |
|
Foire |
|
Pouêre |
|
- |
|
Poire |
Cette prononciation diffère encore lorsque la voyelle double se trouve située à la fin du mot:
Toué |
|
- |
|
Toi |
Moué |
|
- |
|
Moi |
Quoué |
|
- |
|
Quoi |
-----
Certaines terminaisons en "eur", se transforment en EU
Ex: |
Porteu d'hotte |
|
- |
|
Porteur de hotte |
|
Tailleu |
|
- |
|
Qui taille la vigne |
|
Traiteu |
|
- |
|
Qui sulfate la vigne |
Mouvement des consonnes
Fréquemment, dans les mots commençant par BRE - BROU - GRE la voyelle E vient s'intercaler entre les consonnes.
Ex: Bérouette, bertelle, berdouille, guerdin, guernier, guerlot etc
La lettre N se transforme en GN dans:
Pagnier, magnier, prugnier, cordognier etc
Exemple de l'utilisation des verbes
C'est aux: première, seconde et troisième personnes du pluriel qu'interviennent les principales modifications.
PRESENT
J'ons |
|
- |
|
Nous avons |
Ej' chons |
|
- |
|
Nous sommes |
Ej' chantons |
|
- |
|
Nous chantons |
Y disont |
|
- |
|
Ils ou elles disent |
Y faisont |
|
- |
|
Ils ou elles font |
IMPARFAIT
J'avains |
|
- |
|
Nous avions |
J'étains |
|
- |
|
Nous étions |
Vous étais |
|
- |
|
Vous étiez |
Vous avais |
|
- |
|
Vous aviez |
Y l'avaint |
|
- |
|
Ils ou elles avaient |
Y l'étaint |
|
- |
|
Ils ou elles étaient |
Y faisaint |
|
- |
|
Ils ou elles faisaient |
FUTUR
J'arons |
|
- |
|
Nous aurons |
Ej' chrons |
|
- |
|
Nous serons |
Il faut préciser que la phonétique de certaines voyelles ne peut être exactement rapportée par écrit.
- Des pois des truffes
- - C'est le menu quotidien. Des haricots, des pommes de terre.
" Des pois des truffes, tous les jours j'en fais cuiire " (Chant de l'hirondelle)
- Etre à tout y faut
- - Manquer de tout. Être dans le besoin.
- Cher temps
- - Se faire payer chèrement son travail.
- Chercher le diable
- - Chercher les complications alors que tout se passe pour le mieux.
- Dès turlurette
- - De bon matin.
- Se laisser mourir de faim en pleine moisson
- - Comble de la fainéantise.
- En être rebuté comme de pain chandi
- - En avoir par-dessus la tête.
- Huile de coteret
- - Coups de trique.
- Tirer au renard
- - Tirer au flanc. Se faire tirer l'oreille. Hésiter pour payer, participer,
donner sa parole.
- Bailler aux meilles
- - Rêvasser. Attendre que le travail s'accomplisse sans avoir à y participer.
- Etre beau ou belle exprès
- - Etre particulièrement beau, belle.
- Ne traîner que son gain
- - A bout de course. Qui meurt en langueur. Chose sur le compte de laquelle
on ne peut fonder aucun espoir.
- Compter ses oeufs aux cul de ses poules
- - Faire des projets prématurés.
- Au moqueu la moque
- - Celui qui se moque de autres est souvent le plus ridicule.
- Tirer au vin
- - Tailler la vigne de manière à obtenir un rendement supérieur sans tenir compte
de la qualité de la production.
- Ni rouger ni voir rouger
- - Ne pas utiliser certains avantages et refuser d'en faire profiter
les autres.
- Vêtu comme un renard
- - " La piau vaut mieux que la charcoua "
La peau vaut plus que ce qu'il y a à l'intérieur.
- Le boudin qui creuve (qui crève)
- - Les espoirs qui s'envolent.
- User plus en huile qu'en coton
- - Consommer plus en boisson qu'en nourriture.
(comparaison avec la lampe à huile qui use plus en huile qu'en coton de la mèche).
- La patouille ne vaut pas mieux que le fourgon
- - Outils qui servaient à l'entretien du four à pain
et qui étaient aussi noirs de suie l'un que l'autre. Mettre chacun dans un même sac.
- Ce n'est pas toujours celui qui chauffe le four qui enfourne le pain
- - Ce n'est pas toujours
celui qui fait le travail qui en tire bénéfice. Auprès d'une femme, ce n'est pas nécessairement
celui qui se confond en galanteries le jour qui en profite la nuit.
Capacité des tonneaux
- La tonne
- - : 500 à 600 litres
- La pièce
- - : 200 litres
- Le quart
- - : 100 litres (prononcer le cor)
Les surfaces agraires
(concernent surtout le vignoble)
- L'arpent
- : 50 ares
- Le quartier
- : 1250 m2 (quart de l'arpent)
- La journée
- : 650 m2 (8 journées à l'arpent)
- Le quart d'homme
- : 155 m2 (quart de la journée)
Volume (bois de chauffage)
La corde: La corde de bois était calculée en pieds
et contenait 3 stères 016.
: Elle mesurait
14 pieds en longueur.
2 pieds en largeur.
3 pieds en hauteur.
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