Février 2003

Article publié le mercredi 5 février 2003

POUR VIVRE HEUREUX, VIVONS CACHÉS...

Serait-ce le mot d’ordre d’un début de millénaire ? Le mot d’ordre d’après le Pacs, les acquis ?

Ou alors ne serait-ce qu’une pure et simple impression ? Oui l’impression que l’homophobie n’interpelle plus personne (ou si peu), que les droits des gays, des lesbiennes, des bis et des transgenres, et des autres, ne passionnent plus. Que l’humanité n’est plus !

A une période où l’on parle sans cesse d’insécurité ou l’on voit des agents de la sécurité à chaque coin de rue, où les associations en faveur de l’homosexualité sont remplacées -au sein du gouvernement- par des associations catholiques et pour la famille, ne devrions-nous pas, au contraire, être tous dehors, mobilisés ?

L’homophobie n’a plus lieu d’être, les homosexuels restent chez eux...

Je m’en voudrais de limiter ces remarques aux quelques gays et lesbiennes ; cela me choque, me dérange également (sans doute suis-je trop naïve ?!) que personne ne bouge, ne se révolte contre cet individualisme permanent. Mais, après tout, qu’ai-je (à mon tour) à vous déranger, à mettre en danger vos habitudes avec ces quelques réflexions dérisoires, peut-être que la plupart d’entre vous sont satisfaits.

Mon orgueil est touché aussi lorsque je ne parviens pas à motiver les autres, ni même à me motiver. N’est-on pas mieux à se cocooner bien tranquillement chez soi ?

Le milieu associatif est un moyen de s’intégrer dans une société, un moyen d’y réaliser quelque chose, de mettre en place des projets, de parvenir à faire évoluer les mœurs... Alors lancez-vous !

Sur ce, je vous souhaite une très bonne année 2003, meilleurs vœux : Vivez comme bon vous semble...

Nathalie

DÉCÈS DE MONIQUE WITTIG, FIGURE PHARE DU LESBIANISME

L’écrivain Monique Wittig, dont L’Opoponax (éd. de Minuit, prix Médicis 1964) fut qualifié d’« oeuvre éclatante » par Marguerite Duras, est morte soudainement, à l’âge de 67 ans, d’une crise cardiaque, vendredi 3 janvier à Tucson (Arizona), où elle vivait et enseignait depuis de longues années.

Le lesbianisme était au centre de son écriture et de sa réflexion, mais elle s’opposait totalement aux théories de la différence sexuelle et à toute conceptualisation d’une écriture ou littérature féminine. Le travail d’écrivain consistait, pour elle, à abolir dans le langage les catégories de sexe et la marque linguistique du genre. Avec Les Guérillères, poème épique publié en 1969, elle poursuit le travail entrepris dans L’Opoponax : universaliser un point de vue particulier par la généralisation d’un pronom.

Militante de la première heure du Mouvement de libération des femmes, elle était de celles qui, le 26 août 1970, déposaient à l’Arc de triomphe une gerbe à la femme du soldat inconnu - événement considéré comme le geste fondateur du mouvement féministe en France. En 1972, on la retrouvait, active, au premier groupe lesbien constitué à Paris, les Gouines rouges. En 1973 sort Le Corps lesbien, (éd. de Minuit), ouvrage inclassable dont le titre même provoque un choc. Chez elle, nul récit anecdotique, et ce chant d’amour est loin des mièvreries auxquelles on voulait alors trop souvent réduire les lesbiennes. Elle s’appliquait à elle-même cette phrase de l’avant-note à sa traduction de La Passion de Djuna Barnes : « Pour moi, une pratique d’écrivain consiste à réactiver à tout moment lettre et sens, car comme la lettre le sens se perd. Sans cesse. » Chez elle, le sens ne se perd pas, jamais.

En 1976, elle quittait Paris-la-politique (éd. P.O.L., 1999) et s’installait aux Etats-Unis, où elle publia des textes théoriques, dont La Pensée straight, qui provoqua des débats politiques et des scissions importantes parmi les groupes féministes et lesbiens. Théoricienne du féminisme matérialiste, elle dénonce le mythe de « la femme », met en cause l’hétérosexualité comme régime politique, base d’un contrat social auquel les lesbiennes refusent de se soumettre : « La femme n’a de sens que dans les systèmes de pensée et les systèmes économiques hétérosexuels. Les lesbiennes ne sont pas des femmes. » (L’ensemble de ces essais théoriques a été publié en 2001 chez Balland.).

En 1985 a paru Virgile, non (éd. de Minuit), en même temps qu’une pièce de théâtre, Le Voyage sans fin, était montée par la Compagnie Renaud-Barrault. A cette occasion était publié un numéro spécial de la revue Vlasta sur l’ensemble de son oeuvre. Le cinéma, comme le théâtre, était une partie importante du travail de Monique Wittig, qu’elle menait en collaboration avec Sande Zeig, sa compagne, avec laquelle elle avait écrit en 1975 le Brouillon pour un dictionnaire des amantes (Grasset) et réalisé le film The Girl (2001). L’influence de l’œuvre de Monique Wittig est très importante. Elle n’a pas seulement été un auteur mythique pour toute une génération de femmes, elle le reste encore aujourd’hui. Un très grand nombre de conférences ou de thèses (dont L’Ecriture de Monique Wittig, de Catherine Ecarnot, éd L’Harmattan) ont été réalisées aux Etats-Unis et dans le monde entier. Mais il a fallu attendre 2001 pour qu’un colloque international, dont les actes viennent d’être publiés, lui soit enfin consacré à Paris, sa ville d’écriture.

Pour beaucoup, ses textes ont bouleversé la littérature. Sa parole aussi - elle aimait raconter ses observations des ballets des oiseaux-mouches de son jardin de Tucson -, son attention pour ses amies, qu’elle retrouvait, chaque été, à Paris. Il leur faudra désormais continuer sans elle Le Voyage sans fin (Vlasta, 1985). Le sien s’est arrêté en ce début d’année, dans la lumière crue du désert. Suzette Robichon

Article paru dans le monde - Edition du 11.01.03

PRÉVENTION IST ET VIH

Jeudi 14 novembre, l’équipe de AIDES-Isère représentée par Franck, Bruno, Anne-Marie et Michel, proposait et animait une soirée « information - débat » sur le thème de la prévention IST et VIH.

18 personnes d’A Jeu Egal participèrent à cette soirée. Bien que ce thème concerne tout le monde, la gente féminine fut très peu représentée.

Quelques chiffres

Dans le monde : depuis 20 ans, 60 millions de personnes ont contracté le sida et 20 millions en sont morts. Cette maladie arrive au 4ème rang mondial. En 2001, on dénombre 5 millions de nouveaux cas.

En France, 120 000 à 150 000 séropositifs sont estimés ; 4 000 à 6 000 nouveaux cas par an, dont 40% d’hétéros, 35% de bis et homos et 25% d’usagers de drogues. 32 000 personnes en sont décédées depuis 20 ans.

La France ne possède pas de données exactes car la déclaration des cas de séropositivité n’est pas obligatoire. Une demande a été faite en ce sens auprès des autorités publiques afin de disposer, de manière anonyme, de chiffres fiables. Seule la déclaration de sida est obligatoire.

Les femmes sont autant concernées que les hommes.

Différence entre séropositivité et sida

Une personne est déclarée séropositive lorsque son organisme est infecté par le virus du sida, que cette présence a été détectée lors d’une analyse sanguine et qu’aucun symptôme n’est apparu. La phase sida se définit par l’apparition de maladies opportunistes déclenchées par une dégradation des défenses immunitaires.

Une personne séropositive est toujours contagieuse, quelle que soit sa charge virale (quantité de virus contenue dans son organisme). Sans dépistage, son état peut passer inaperçu pendant de nombreuses années.

Près de la moitié des séropositifs sont découverts lors de leur entrée dans la phase sida, d’où l’intérêt du dépistage.

Le dépistage

Il s’effectue à partir d’un prélèvement sanguin. Après une prise de risque (rapport sexuel non protégé, rupture de capote, ...), différents types de dépistages peuvent être proposés à partir du 15è jour ; vous pouvez contacter le Centre de Dépistage Anonyme ou votre médecin pour en parler. Le dépistage est remboursé par la sécurité sociale. Il peut se faire dans tout laboratoire d’analyses médicales, sur ordonnance, ou de manière gratuite et anonyme dans les Centres de Dépistage Anonyme et Gratuit. Il en existe 2 sur Grenoble :

  • Centre Départemental de Santé 23, Avenue Albert 1er de Belgique - Grenoble (tél. : 04 76 12 12 85) de 8h à 12h et 13h à 16h45.
  • Centre de Santé Inter-Universitaire (sur le campus) 180, rue de la Piscine - Saint Martin d’Hères (tél : 04 76 82 40 77) de 8h à 17h.

Les dépistages sont effectués sur rendez-vous. Les résultats sont rendus par un médecin, lors d’un entretien et de manière anonyme.

Traitement

A ce jour, il n’existe ni vaccin, ni traitement permettant de guérir. L’utilisation des trithérapies permet seulement de ralentir la multiplication du virus dans l’organisme. Ce traitement est très contraignant et la toxicité des médicaments engendre de nombreux effets secondaires.

Modes de contamination

Le virus du sida se transmet par le sperme, le sang, le lait maternel, les sécrétions vaginales et pré-éjaculatoires. Tout rapport sexuel peut être contaminant. La protection est indispensable.

La fellation n’est pas une pratique indemne de tout risque. En cas de fellation sans préservatif, il faut éviter d’avoir du sperme dans la bouche et de se brosser les dents avant (passage du virus dans le sang en cas de saignement des gencives).

Traitement d’urgence (ou traitement post-exposition)

Lors d’une prise de risque réelle (rupture de capote, par exemple), il est possible se faire prescrire un traitement d’urgence. Ce traitement, qui réduit le risque, ne bloque pas systématiquement la réplication du virus et provoque beaucoup d’effets secondaires (diarrhées, vomissements). Il est basé sur une trithérapie à prendre de manière très régulière pendant un mois.

Procédure à suivre : se rendre au plus tôt aux urgences de l’hôpital (dans les 4 heures si possible pour un maximum d’efficacité). Le médecin estimera la prise de risque et prescrira, si besoin, ce traitement d’urgence.

Les moyens de prévention

  • Le préservatif masculin (capote) : veiller à ne pas utiliser un préservatif dont la date de péremption serait dépassée. Un préservatif doit toujours s’utiliser avec du gel à base d’eau. Attention à ne pas abîmer ou déchirer le préservatif en le sortant de son emballage. Préservatifs et gels s’achètent en pharmacie, en grande surface ou dans les sex-shops.
    Mode d’utilisation : un mode d’emploi est obligatoirement joint aux préservatifs.
  • La Présinette (préservatif féminin en latex) : constituée d’une gaine lisse munie d’un anneau souple à chaque extrémité. L’anneau intérieur, situé du côté fermé, est composé d’un coussin en mousse de latex permettant le maintien de la Présinette au fond du vagin et d’absorber une grande partie du sperme. L’anneau extérieur, plus grand et en forme de V, reste à l’extérieur du vagin une fois le préservatif inséré. Il maintient en place la gaine de façon à ce quelle recouvre les organes génitaux externes, ainsi que la base du pénis pendant les rapports sexuels.
  • Le Fémidon est un préservatif féminin ressemblant à la Présinette, mais en polyuréthane. Il peut être placé 8h avant un rapport sexuel.

Tout préservatif, qu’il soit masculin ou féminin, est à usage unique.

Prochaines actions de AIDES : projet d’organiser, en janvier 2003, un séminaire résidentiel sur la réduction des risques chez les gays.

IST = Infections Sexuellement Transmissibles

VIH = Virus de l’Immunodéficience Humaine

SIDA = Syndrome de l’ImmunoDéficience Acquise

Yves

LE BAREBACK, PHÉNOMÈNE CULTUREL OU IDENTITAIRE ?

Qu’est-ce que le bareback ?

Qu’est-ce que le bareback ?

Les années 1980 furent marquées par l’apparition de l’épidémie de sida en Amérique du Nord comme en Europe. Dès lors, une société, où l’usage du préservatif n’était que très peu répandu, a dû se mettre à pratiquer une forme de sexualité plus sûre, protégée par les capotes.

L’application de cette règle fut d’ailleurs suivie par une vaste majorité de gens, réduisant ainsi les risques de contracter l’infection du VIH.

Cependant, si cette forme de prévention fût, dans un premier temps, omniprésente lors des relations sexuelles, certains individus de la communauté gaie (de San Francisco en particulier) ont réagit négativement à ce qui fût perçu comme une forme de « contrôle social ».

Dès le milieu des années 1990, il n’est plus rare de trouver à San Francisco des soirées de sexe en groupe, organisées autour du thème de l’absence de préservatifs lors de relation sexuelles. Ces fêtes se déroulent chez des particuliers qui invitent d’autres individus, tout statut sérologique confondu, pour une soirée de jeux sexuels sans que le port du préservatif soit autorisé. Peu à peu, ces soirées se présentent sous le nom de soirées bareback.

Le barebacking tient son nom du sport équestre l’expression signifiant « monter un cheval à cru » c’est à dire : sans utiliser de selle (rôle de protection transposé à celui de l’usage du préservatif).

Privilégier, dans sa vie sexuelle, des rapports bareback c’est donc faire le choix de rapport non protégés, de manière non accidentelle, comme un acte conscient et répété. On assume donc ici le risque de transmettre ou d’être contaminé par le VIH, même si certaines précautions sont prises pour favoriser la séroconcordance entre partenaires.

Il ne faut donc pas confondre barebacking et relapse, ce dernier terme désignant un relâchement factuel au niveau des pratiques sexuelles sûres.

La différence majeure entre le relapse et le barebacking se retrouve :

  • au niveau de l’intentionnalité de ne pas se protéger (ni de protéger son partenaire),
  • dans la répétitivité (systématisation) de la prise de risque,
  • mais aussi par la prise de conscience de faire partie d’un groupe, basé sur une culture de sexe.

L’identité bareback, en particulier en Amérique du nord, peut être perçue comme une forme de contestation de l’establishment, rébellion envers le système qui impose le sexe sûr. En cela il se distingue du relapse (relâchement) qui reste non revendiqué.

À ce jour, le barebacking connaît un essor important sur le réseau Internet, en particulier.

On peut quantifier ce dernier par le nombre important de sites de rencontre et/ou pornographiques proposant des rencontres entre hommes pratiquant le barebacking ainsi que par la commercialisation du phénomène (vidéos pornographiques s’affichant bareback).

Le bareback comme phénomène culturel de résistance

Phénomène socioculturel contemporain, l’apparition de communautés de barebackers ne serait pas étrangère aux stratégies de prévention privilégiées aux États-Unis dans les années 1980 et 1990. Le bareback est un phénomène culturel de résistance aux stratégies d’interventions préventives en matière de sexualités axées essentiellement sur la transmission des sentiments de honte, d’irresponsabilité et de peur chez ceux qui, occasionnellement, omettaient de suivre toutes les consignes pour vivre une sexualité « saine et responsable ».

Les modèles contemporains de promotion de la santé ont été instrumentaux dans la création de conditions qui encouragent la perpétuation de l’adoption de pratiques sexuelles risquées. Ce type de prévention appellerait la résistance et la transgression.

Les barebackers revendiquent le droit à une sexualité libérée des impératifs de la prévention et donc à une sexualité délibérément risquée.

Cependant le phénomène du bareback ne tiendrait pas qu’aux stratégies de prévention, mais également à la non reconnaissance - chez les décideurs, les journalistes, les spécialistes de la prévention, les leaders de la communauté gaie - de reconnaître la complexité de la sexualité des hommes gays et l’importance de la sodomie et de l’échange de liquides et surtout, non reconnaissance des significations culturelles de ces pratiques dans la communauté gaie.

Le bareback comme référent identitaire

  • L’expression identitaire de la sexualité bareback semble se valoriser autour de trois pôles :la recherche de rapport de pénétration anale non protégées (plus passive qu’active),
  • les échanges de liquides sexuels dans des conduites tant orales qu’anales,
  • le sexe en groupe, associé à des situations de soumission et d’abandon.

L’analyse du discours des barebackers montre l’émergence d’un vocabulaire spécifique, qui met en avant une nouvelle culture de sexe.

Le discours promus par les barebackers, montre qu’un érotisme fantasmatique très opérant est associé à l’abandon du préservatif.

Cette culture de sexe qui se construit contre un modèle dominant, s’exprime dans un univers de rencontres où le lien social semble exclu. Les relations interpersonnelles sont négligeables, la participation aux espaces communautaires (via les établissements de sexe) prétexte au recrutement de partenaires.

Des motivations multiples & une tentative de typologie

Les raisons pour adopter une sexualité bareback semblent multiples :

  • augmentation des sensations physiques,
  • plus grande fusion avec le ou les partenaires sexuels,
  • excitation liée à la transgression des normes établies par les campagnes publicitaires,
  • partage du sperme comme une manière de fortifier les liens avec le partenaire, etc.

Des études américaines proposent une typologie des barebackers sur la base d’une analyse des contextes dans lesquels ils prennent délibérément des risques.

Dans le premier groupe de barebackers, on retrouve les couples séroconcordants chez qui le barebacking serait motivé par l’expression de sentiments amoureux et de confiance et par un désir d’intimité émotionnelle.

Le second groupe, constitué des preneurs de risque rationnels qui évaluent rationnellement les risques associés à diverses pratiques sexuelles - ils sont souvent séronégatifs et utilisent systématiquement le condom lors de relations anales réceptives. D’autres individus dans ce groupe sont à la recherche d’individus qui possèdent le même statut sérologique qu’eux, ce que les chercheurs appellent du « sérotriage » (serosorting). La pratique de relations anales non protégées par le préservatif devient pour ces individus un risque calculé.

Le troisième groupe - les preneurs de risque irrationnels - est composé d’individus qui nient leur propre risque ou qui ont recours à des informations non-scientifiques ou irrationnelles pour soutenir leur décision d’avoir des pratiques sexuelles risquées. Recourant à des arguments de facilité divine ou en étant ouvertement peu préoccupé par le fait qu’ils puissent infecter d’autres personnes, leur comportement démontre un très faible respect pour eux-mêmes et conséquemment pour les autres. Les choix sexuels de ces individus seraient souvent associés au fait de se laisser prendre par l’excitation du moment, à la recherche de sensations fortes et à ce qu’ils s’imaginent être le plaisir pur. Aussi, la consommation de substances ne serait pas étrangère selon les auteurs aux pratiques de barebacking dans ce sous-groupe d’individus.

Le quatrième et dernier groupe - les jeune gays (YMSM -Young Men who have Sex with Men) ont pour les auteurs des rapports sexuels non protégés à cause de leur manque d’expérience face aux effets dévastateurs du VIH et du sida. Aussi, ces jeunes gays sont pessimistes face à l’idée de vieillir en tant que gay et entrevoient le VIH comme une façon de négocier avec ce futur qui fait peur.

Stigmatiser ou relativiser le phénomène

D’autres chercheurs n’hésitent pas à qualifier la pratique du barebacking déviance sexuelle, qu’ils ajoutent à l’homosexualité, la prostitution, le travestisme, le voyeurisme ou le sadomasochisme. Ils attribuent cette pratique aux avancements technologiques, notamment Internet, qui permettent à des individus avec une même déviance de se regrouper.

Pour d’autres, il faut plutôt à relativiser ce phénomène considéré comme une pratique autodestructrice, de la même manière que le tabagisme, la consommation d’alcool ou de drogues. Il met l’emphase sur la nécessaire auto-responsabilisation face aux comportements individuels et sexuels.

(d’après une étude sur Le développement d’une culture du risque au sein de la communauté homosexuelle menée conjointement par l’Agence nationale de recherche sur le Sida, l’UMR N° 6590 du C.N.R.S, le Département de Sociologie de l’université de Nantes, le Département de sexologie de l’université du Québec et les sites internet Smboy et Bbackzone)

Yves

BRÈVES

Solitude ... Je ne crois pas comme ils croient, je ne vis pas comme ils vivent, je n’aime pas comme ils aiment ... Je mourrai comme ils meurent.

Marguerite Yourcenar in Feux, page 30, 1957

La géographie de mon projet de vie ne m’a pas placé à la périphérie, dans les quartiers lointains où fleurissent la débauche et le vice. Là où je suis, là est le centre. Tous les univers, tous les gens se sont groupés autour de moi en cercles concentriques. Au milieu d’un cocon protecteur de la plus délicate des soies, je prospère, et la soie est faite de ce monde que je laisse s’approcher de moi. Je m’en nourris pour monter, tel un papillon dans l’éther, assurément terriblement déformé intérieurement par mon homosexualité, mais extérieurement, comme en compensation, infiniment riche en couleurs et d’une magnificence qui rend jaloux et agressifs les éphémères hétérosexuels.

Detlev Meyer in Comment repérer un livre homosexuel in Les gais savoirs, page 108, 1998

J’ai toujours pensé que les femmes en tant que groupe social présentent une structure assez semblable à la classe des serfs. Corvéables comme eux et, comme eux, attachés à ce qu’on peut comparer à la terre, la famille - là où une chèvre est attachée, il faut qu’elle broute. Je constate à présent qu’elles ne peuvent s’arracher à l’ordre hétérosexuel qu’en le fuyant une par une.

Monique Wittig in La Pensée straight, page 78, 2001

Etre homosexuel est, de toutes les façons et avant tout autre chose, un parcours de courage, un combat : un combat de soi avec soi pour lever l’inhibition de se dire et de s’accepter ; combat de soi en soi pour inventer l’équilibre toujours fragile de cette acceptation ; combat avec les autres lorsqu’il s’agit d’affronter leur regard, de provoquer leurs émotions en se disant à eux ; combat de tous les jours dans l’encerclement de l’homophobie. De quoi être fier-ère.

Jacques Fortin in Homosexualités, l’adieu aux normes, page 110, 2000

La personnalité homophobe, en tant que structure psychique de type autoritaire, fonctionne avec les catégories cognitives extrêmement claires (stéréotypes) lui permettant d’organiser intellectuellement le monde dans un système clos et prévisible.

Daniel Borillo in L’homophobie, page 98, 2000 L’injure en tant qu’elle définit l’horizon du rapport au monde produit un sentiment de destin sur l’enfant ou l’adolescent qui se sentent en contravention avec cet ordre, et un sentiment durable et permanent d’insécurité, d’angoisse et parfois même de terreur, de panique. De nombreuses enquêtes ont montré que le taux de suicide ou de tentatives de suicide chez les jeunes homosexuels est considérablement plus élevé que chez les jeunes hétérosexuels.

Didier Eribon in Réflexions sur la question gay, page 99, 1999

Il est une définition que l’on peut donner [ de l’homosexualité ] : un gay ou une lesbienne est une personne qui, à un moment ou à un autre de sa vie, a été ou sait qu’elle peut être insultée. L’injure, réelle ou potentielle, est omniprésente dans sa vie : elle doit savoir, par exemple, où elle peut donner la main à son (sa) partenaire, manifester un geste de tendresse, et où il vaut mieux éviter de le faire, sous peine de s’exposer à l’insulte. [...] Le système de l’injure finit par constituer le rapport au monde des individus qui sont ainsi catégorisés négativement par l’ordre social. C’est toute leur personnalité qui est façonnée par l’état infériorisé que l’injure produit et reproduit. C’est pourquoi la question de l’injure est à ce point centrale dès lors que l’on parle de l’homosexualité et que l’on veut se battre pour les droits des homosexuels.

Didier Eribon in Papiers d’identité, Interventions sur la question gay, page 67, 2000

Quel hypocryte !

L’instant X / Y

Je me fiche des biens pensants

je me fiche de tous les carcans.

A la décharge les regards moqueurs

au vide ordures les doigts accusateurs.

Je suis du genre humain

Masculin / Féminin.

Dans ce genre je mélange tout.

L’amour est un fourre-tout

Un excentrique qui se protège

Un « no censure » que nos victoires allègent.

Entre sourires de connivence, critiques, certitudes

restez dans le placards de vos « peurs-attitudes ».

Notre vie est votre différence.

Elle supporte votre intolérance.

Parce que, ne vous en déplaise, nous sommes aussi du genre humain.

Fred

HOMOSEXU-ART-LITY

Tes lèvres sur les miennes, nos corps enlacés
Si la lune est un mirage je veux lui ressembler
Si l’amour n’est qu’un songe je veux lui pardonner
Tout ce qu’elle n’a jamais souhaité me céder
Le calme, le confort, la joie et la paix
Simplement une branche sur laquelle me poser
Si le soleil était un allié
Mon cœur ne se serait jamais gelé
L’espoir aurait pour moi duré
Bien plus qu’une simple éternité
Il aurait suffi d’une belle éclaircie
D’une simple et tendre accalmie
D’un rayon de fiel calmant ma folie
Pour retrouver enfin toute mon énergie
Retrouver le goût de croire encore en la vie
Mettre un terme à cette accaparante maladie
Mais si seulement tu consentais à me regarder
A m’adresser la parole, à te retourner
Lorsque tu me croise à genoux en train de ramasser
Les notes d’amour propre que tu daignes bien me céder
En dépit de laisser les autres croire en ta supériorité
Bannir à jamais ton appartenance à une minorité
Te détournant des épineux et bruyants sentiers
Qui pourtant t’aurais fait devenir ce que tu es
Réfléchis bien à deux fois avant d’entrevoir
Ce que ta vie pourrait être si sans le savoir
L’image que tu chéries tant au creux de ce miroir
Ne serait que ta pâle copie tachée d’encre noire

Cédric

Aimée et Jaguar : un amour de femmes

Berlin, 1943, Erica Fisher, Stock, 1994

Vous avez vu l’excellent film Aimée et Jaguar le 12 novembre (ou vous l’avez malheureusement raté), alors pour compléter cette soirée (ou pour la rattraper), je vous conseille la lecture du livre Aimée et Jaguar de Erica Fischer (ce livre est disponible à la bibliothèque du local).

Cette journaliste allemande, à partir de documents originaux et d’interviews d’Elisabeth Wust (surnommée Lilly ou Aimée), retrace la vie amoureuse d’Aimée, épouse d’un nazi, qui rencontre et tombe amoureuse à Berlin, en 1942, de Felice Schrader (surnommée Jaguar), jeune femme juive.

Voici un extrait d’une magnifique lettre d’amour écrite par Aimée à Jaguar en 1942 :

« ...Tout brille, de tous les côtés. Je t’aime infiniment. Et toi aussi, tu m’aimes ! Ma belle, ma bien-aimée, ma tendre. Je crois que nous sommes à présent dépendantes l’une de l’autre parce que nous ne pouvons vivre l’une sans l’autre. Et il en sera ainsi désormais. Toute la vie. Il n’y a rien que je ne désire plus ardemment. Je sais bien qu’il ne faut jamais dire jamais ni toujours, mais moi je le dis et je veux croire que nous resterons toujours ensemble, que nous ne nous quitterons jamais, sauf pour réaliser notre propre bonheur. Je ne vois pas pourquoi deux femmes ne pourraient pas suivre seules le chemin du bonheur et de l’harmonie. Quel besoin avons-nous des hommes ! De toute façon, je n’ai aucune crainte, car tu es assez homme, n’est-ce pas ? Tu sais bien que tu devras toujours me protéger, et tu le fais volontiers, d’ailleurs. Je sais par expérience qu’on n’est pas forcément heureuse avec un homme ; au bout du compte, ce sont des êtres différents qui vivent sur une autre planète que nous, et il est rare qu’ils nous laissent, nous, pauvres femmes, entrer dans leur univers ; cette expérience, je ne l’ai pas faite une fois, mais souvent. Et toi, ma tendre, tu es pour moi quelqu’un d’infiniment proche, de familier : tu es vraiment... moi-même ! Nous sommes toutes deux une idée merveilleuse. Mon existence, jusqu’ici, n’était pas dépourvue d’amour, Dieu m’est témoin, mais elle était vide de vie, de la vraie vie ; des années durant, j’ai vécu pour rien, j’ai gâché mon existence. La vie n’est pas faite pour cela. Je veux vivre, aimer avec toute la flamme de mon cœur, je veux jouir pleinement de la vie et de l’amour. Je ne me trouverai jamais les mains vides devant toi. Je vais m’occuper de toi, je serai pour toi ton foyer et ta famille, où que tu te trouves : tout ce que tu ne possèdes pas, je te le donnerai, je sais que je suis destinée à faire ton bonheur, ma chère Felice. »

Qu’avez-vous fait de la libération sexuelle ?

Marcela Iacub, Flammarion, 2002, ISBN : 2082102270

Louise Tugènes, héroïne de cette enquête insolite, nous livre les résultats de ses investigations sur ce que l’on appelle le « nouvel ordre sexuel ». Liberté sexuelle ? Elle n’en est plus tout à fait sûre quand elle constate que le quart de la population carcérale en France est poursuivie pour crime sexuel et que l’on cherche à abolir la prostitution et la pornographie...

Elle interroge des féministes convaincues auprès desquelles elle passe pour un suppôt du patriarcat ; elle évoque avec une certaine admiration son amie d’enfance Angèle qui s’est prostituée pour financer ses études : elle apprend médusée que Sabine a été violée sans s’en rendre compte, ce qui ne l’a pas empêchée de se sentir psychiquement morte... Une vive satire des prétendues avant-gardes sexuelles qui veulent nous libérer par plus de violence policière, et de la bêtise des intellectuels d’aujourd’hui qui confondent raisonnement et culture du préjugé.

Un travail de vulgarisation original par une spécialiste qui ne manque ni d’humour ni de courage.

Princes charmés

Peter Cashorali, H&O, 1999, ISBN : 2845470002

Le prince embrassa son amant et ils vécurent heureux... Cette petite phrase, vous ne l’avez lue dans aucune des histoires de votre enfance, car jusqu’à ce jour, il n’y avait pas de place pour les gays dans les récits imaginaires des fabulistes.

Or voici qu’enfin cette injustice est réparée. Inspiré entre autres des classiques de Perrault, Grimm et Andersen, ce recueil propose une nouvelle lecture, drôle, touchante et intelligente des contes et légendes populaires. Bien sûr, tout ne se termine pas par un mariage et beaucoup d’enfants. Ici, les personnages se révèlent à eux-mêmes et aux autres, apprennent la confiance en soi et trouvent l’amour véritable en écoutant leur cœur.

Alors, installez-vous confortablement - vous pouvez sucer votre pouce - et laissez-vous transporter dans un monde fantastique où les animaux parlent, les ogres s’habillent de cuir et les miroir reflètent un peu plus notre réalité. Il était une fois...

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