- A S I E -

Le théâtre d’ombre à Bali

" Wayang Kulit "

par Halkin Emmanuelle

 

AVANT-PROPOS

 

C’est au cour de ma troisième années de cour organique du premier cycle de l’Ecole du Louvre que j’ai découvert l‘Indonésie, et plus particulièrement l’architecture de l’île de Java. Je suis alors rentrée en contact avec l’univers foisonnant et mystérieux des îles de l’archipel indonésien. En effet l’Indonésie a de tout temps était au carrefour des grandes civilisations (l’Inde, la Chine) par son rôle de plaque tournante du commerce entre l’Inde et l’Extrême-Orient, et c’est de cela que cet immense archipel tire sa richesse culturelle. C’est pour ces raisons que j’ai tout de suite était intéressée lorsque Madame Joannis a proposé un sujet de monographie concernant le théâtre d’ombre en Indonésie.

Au bout de quelques jours de recherches, j’ai pu me rendre compte de l’immensité du sujet. En effet chacune des grandes îles de l’archipel (Java, Sumatra, Bali…) a sa propre tradition de théâtre d’ombre. Tous ces types de spectacles sont relativement proches, mais il m’était impossible avec si peu de temps de réaliser un travail correct. Alors, j’ai décidé avec l’accord de Madame Joannis, de travailler exclusivement sur le théâtre d’ombres balinais appelé Wayang Kulit, c’est à dire utilisant des ombres de cuir.

J’ai alors commencé sérieusement mes recherches à la bibliothèque de l’Ecole d’Extrême-Orient ainsi qu’à la bibliothèque des Langues Orientales. J’ai trouvé de nombreux ouvrages récents très interessants, mais il m’a été impossible de me procurer les ouvrages de bases du 19ième siècle car la bibliothèque du Musée Guimet était fermée. J’ai décidé de tenter de répondre à la question des origines du théâtre d’ombre balinais, car je n’ai pas trouvé beaucoup de document sur ce sujet. Il me semblait donc intéressant d’analyser les différentes thèses autour de l’origine du théâtre d’ombres à Bali et de les confronter à une description des différents types de spectacles, de marionnettes et au rôle que joue le prêtre ombriste (Dalang).

A travers ces recherches j’ai découvert tout le côté religieux qui accompagne les représentations de théâtre d’ombre qui m’était auparavant inconnu. Je me suis petit à petit enfoncée dans un univers de magie et d’exorcisme qui m’a réellement passionnée.

Je tient à remercier Monsieur Pimpaneau pour ses précieuses informations, et pour ses films que j’ai pu visionner à la vidéothèque de l’Université Dauphine. Ainsi que Madame Joannis qui m’a permis de pouvoir voir et toucher les ombres javanaises de la collection Craig à la Bibliothèque Nationale.

 

SOMMAIRE

 

 

AVANT-PROPOS

SOMMAIRE

Le Théâtre d’ombres balinais

INTRODUCTION

I) Différentes thèses autour de l’origine du théâtre d’ombre en Indonésie et plus particulièrement a Bali.

1) La thèse de l’origine indienne.

2) La thèse de l’origine locale.

3) La thèse de l’origine chinoise.

4) La thèse de l’origine indo-européenne.

II) Description du spectacle et des ombres.

1) Description des différents types de performances.

a) Les représentations de nuit : Wayang Peteng.

b) Les représentations de jour : Wayang Lemah.

2) Les ombres.

a) Les différents personnages.

b) Les différents types physiques et ornements

c) Le symbolisme des couleurs.

d) Le fabricant d’ombres et la fabrication des marionnettes.

III) Le contexte religieux du Wayang Kulit balinais.

1) La religion balinaise.

2) Le répertoire.

a) Les grandes épopées indiennes.

b) Les mythes locaux.

3) Le rôle joué par l’ombriste ou le "Dalang ".

a) La formation du Dalang.

b) Son rôle de lien entre les hommes et les dieux.

CONCLUSION

Bibliographie

Glossaire

Illustrations

 


 

Le Théâtre d’ombre balinais.

 

Bali (voir figure I) est une petite île située au centre de l’archipel indonésien (voir figure II)qui s’étend de l’île de Sumatra au nord-ouest à l’Irian Jaya* au sud-est. Cette île a une superficie de 5620 km², son relief est montagneux et comporte une chaîne volcanique en son centre qui s’étend d’est en ouest. La côte nord de l’île est très abrupte et très peu peuplée, elle contraste énormément avec le sud de l’île qui est la partie la plus habitée et la plus cultivée. La terre y est extrêmement fertile et la région est très vallonnée ce qui permet de cultiver le riz en abondance. C’est cette même partie méridionale de l’île qui recevra entre le 11ième et le 15ième siècle les influences hindoues venues de Java, mais aussi un peu plus tard les influences de l’Islam et des colons européens. Malgré cela Bali a toujours gardé un culture bien particulière, elle reste la plus grande communauté hindoue extérieure à l’Inde.

Les arts du spectacle ont toujours été très vivants en Indonésie et plus particulièrement à Bali. Il en existe une très grande variété, cela va des danses masquées (Wayang Topeng) au théâtre d’ombre (Wayang Kulit et Wayang Klitik) en passant par le spectacle de marionnettes (Wayang Golek). Mais l’un de ces arts du spectacle est beaucoup plus populaire et plus vivant que les autres. Il s’agit du théâtre d’ombre qui est généralement appelé Wayang Kulit en Indonésien. Le mot " Wayang " signifie ombre et l’expression " Kulit " (1) veut dire cuir, cela explique le fait que ce type de représentation est réalisée avec des ombres découpées dans des peaux d’animaux. En effet il existe plusieurs types de théâtre d’ombre, on les différencie par les matériaux dans lesquels les marionnettes sont fabriquées. Le Wayang Klitik est donc un autre type de spectacle d’ombre ou les silhouettes sont réalisées dans des planchettes de bois, cependant cette catégorie est de moins en moins courante. De nos jours c’est le Wayang Kulit qui est le plus répandu dans tout l’archipel indonésien.

Durant la représentation, les ombres sont animées par un ombriste appelé " Dalang ", il donne vie aux ombres tout en racontant un mythe hindou ou un conte indigène. Dans les spectacles de nuit qui sont les plus nombreux, les ombres sont projetées contre un écran de coton blanc (Kelir) à l’aide d’une lampe à l’huile qui brûle à côté du Dalang. Le côté très vacillant des ombres produit par la flamme de la lampe est particulièrement apprécié à Bali car il accentue le côté dramatique du spectacle. Dans les représentations de jours il n’y a pas d’écran, ainsi le public se trouve en relation directe avec les ombres dont la tige est juste piquée dans un tronc de bois de bananier qui fait office de scène. La place particulière que tient le Wayang Kulit par rapport aux autres arts du spectacle balinais est surtout du au fait qu’il a conservé un côté religieux extrêmement fort malgré le flux de touriste de plus en plus important sur l’île.

De nombreuses inscriptions sur piliers de pierre ont été retrouvées à Java, à Sumatra et à Bali, elles témoignent de l’hindouisation très progressive de l’Indonésie à partir de l’ère chrétienne. Certaines de ces inscriptions témoignent de l’existence ancienne du Wayang Kulit : on sait par exemple qu’une représentation de théâtre d’ombre (2) a été donnée en 907 dans le centre de Java et qu’on y a joué une pièce intitulée " Bimaya Kumara " qui raconte l’histoire d’un héros hindou appelé Bima. Cela prouverait que le théâtre d’ombre a d’abord existé à Java pour ensuite arriver à Bali vers le 11ième siècle.

Il est intéressant de noter que c’est à Bali que le Wayang Kulit est resté dans sa forme la plus ancienne. En effet selon la thèse la plus couramment suivie, c’est entre le 11ième et le 14ième siècle de notre ère que le théâtre d’ombre serait passé de Java à Bali en même temps que toute une culture de cour profondément hindoue héritée de l’empire de Mojopahit (situé à l’est de Java). Depuis cette période le Wayang Kulit balinais n’a que très peu évolué, tandis que son homologue javanais a été énormément influencé, notamment par l’arrivée de l’Islam et par la création des premiers empires musulmans vers le 14ième siècle. Le Wayang Kulit javanais a perdu de son authenticité initiale. Pour pouvoir survivre, il a du s’adapter à la nouvelle religion. Dans un premier temps en adaptant son répertoire, puis dans un second temps en stylisant ses ombres pour respecter la loi dictée par l’Islam qui interdit la reproduction de l’image humaine. Cependant le théâtre d’ombre javanais est tout de même resté populaire et à conservé plus ou moins difficilement certaines de ces caractéristiques hindoues.

L’île de Bali n’a pratiquement pas était touchée par l’Islam, sa population est restée jusqu’à nos jours très profondément hindoue, cela explique le fait que le répertoire du théâtre d’ombre balinais soit très proche des textes classiques de la littérature sanskrite . La tradition du Wayang Kulit balinais a donc été conservée intacte depuis son arrivée sur l’île.

A travers cette étude nous tenterons de répondre à deux questions : quelles sont les origines du théâtre d’ombre balinais ? et si il est d’origine étrangère, quel est le chemin qu’il a suivi pour arriver jusqu’à Bali ? Pour tenter de répondre à ces questions il sera nécessaire de passer par trois étapes différentes : tout d’abord nous dresserons un inventaire des différentes thèses qui ont été émises autour de l’origine du théâtre d’ombre en Indonésie. Puis dans un second temps nous étudierons très précisément le déroulement du spectacle ainsi que les ombres elles-mêmes (symbolisme et fabrication), et enfin dans une dernière partie nous décrirons le contexte religieux très significatif qui entoure les représentations de théâtre d’ombre.

 

    1. Différentes thèses autour de l’origine du théâtre d’ombre en Indonésie et plus particulièrement a Bali.
    2.  

      L’origine du théâtre d’ombre en Indonésie reste un phénomène assez mystérieux, plusieurs hypothèses ont été émises à ce sujet. La plupart des scientifiques reconnaissent le fait que le développement du théâtre d’ombre est parti d’un endroit précis en Asie (Inde, Chine), pour aller ensuite se répandre un peu partout sur le continent asiatique, et pour finalement atteindre l’Indonésie. Le problème se pose lorsqu’il s’agit d’identifier le point d’où est parti ce mouvement de propagation du théâtre d’ombre. Certains parlent de l’Inde, de la Chine ou d’un grand mouvement indo-européen, d’autres sont plutôt partisans d’une origine locale basée sur un ancien culte aux ancêtres qui existait en Indonésie avant l’arrivée de l’hindouisme.

      1. La thèse de l’origine indienne.
      2. La thèse de l’origine indienne semble au premier abord la plus crédible. Cela s’explique principalement par le répertoire utilisé lors des représentations qui est principalement d’origine hindoue. En effet, comme le théâtre d’ombre indien, le Wayang Kulit balinais et plus globalement indonésien exploite les grands textes hindous que sont le Ramayana et surtout le Mahabharata (3). De plus le théâtre d’ombre balinais s’inscrit dans un contexte typiquement hindou, d’une part par les personnages qu’il met en scène, mais surtout par les dieux hindous qui interviennent pendant les spectacles (Shiva*, Vishnou*, Krishna*, etc..). Le Dalang lui-même est considéré par la population comme une incarnation d’un dieu hindou (qui peut être Ishvara (4) ou bien Kama (5)). Mais cette théorie se base surtout sur le fait que l’on ne retrouve le théâtre d’ombre en Asie que dans des pays ayant reçut l’influence directe de l’Inde et donc de l’Hindouisme (Malaisie, Cambodge (6)). Le théâtre d’ombre serait donc arrivé dans l’archipel en même temps que la vague d’hindouisation du début de notre ère, il se serait propagé dans toute l’Indonésie en s’intégrant très doucement aux coutumes locales mais tout en conservant ses spécificité hindoues. Il y a deux hypothèses émises à propos du parcours qu’aurait suivi le théâtre d’ombre depuis l’Inde : il a pu être apporté par les commerçants et les colonisateurs indiens venus s’installer en Indonésie, ou bien il est passé de l’Inde à l’Indonésie en traversant l’Asie du sud-est où il reste aujourd’hui des théâtres d’ombre très vivants.

        On peut également remarquer une ressemblance assez importante entre les ombres indiennes et les ombres indonésiennes. Bien que ces dernières soient beaucoup plus ornementées, la technique de fabrication reste la même pour les deux types d’ombres. Elles sont en cuir séché et découpé, elles ont toutes deux une tige en bois ou en os qui leur permet de se tenir droite.

        Il est primordial de noter qu’à Java comme à Bali le mythe de l’origine du théâtre d’ombre est hérité de la tradition indienne, il est écrit en vieux javanais sur un manuscrit en feuille de palme, il est appelé Siwagama. Ce mythe est tiré d’un texte indien rédigé en sanskrit. Voici une version courte de ce texte (7) :

         

        The god Siwa and his wife Uma were cursed and sent to earth in the forms of demons. Uma became Durga and bore numerous demon children by Siwa, all of whom were misshapen. The gods Brahma, Wisnu and Ishwara were distressed to see this. In order to placate the demons and restore Siwa and Uma to their previous forms they decided to make puppets and give a shadow play on earth. Ishwara became the puppeter, Brahma the lamp, and Wisnu the musical instruments. Initially they had no success, but finally Siwa and Uma heeded the message imparted by the shows and were restored to their former beauty.

        Ce mythe raconte comment le théâtre d’ombre a été crée. Le dieu Shiva et sa parèdre Uma* furent maudits du monde des dieux et furent envoyés sur terre sous la forme de démons. Uma prit alors la forme de Durga* et donna naissance à de nombreux petits démons difformes dont Shiva était le père. Les dieux Brahma, Vishnou et Ishwara* étaient ennuyés de voir cette situation. Au lieu de calmer les démons en redonnant leur forme originelle à Shiva et Uma, ils décidèrent de fabriquer des marionnettes (ombres) et de donner une représentation de théâtre d’ombre sur terre. Ishwara devint alors le Dalang, Brahma fut la lampe et Vishnou les instruments de musique. Dans un premier temps ils n’eurent pas de succès, mais finalement Shiva et Uma tinrent compte du message présent dans le spectacle et ils reprirent leur ancienne forme.

        Après la lecture de ce court mythe , on comprend mieux le rôle extrêmement sacré que joue le théâtre d’ombre dans l’hindouisme. Le Dalang et le spectacle permettent de mettre en contact les dieux et les êtres humains. Selon cette théorie le rôle de chaman du Dalang serait hérité de l’Inde ancienne, pendant le spectacle il devient l’incarnation du dieu Ishwara (le dieu Kama peut aussi s’incarner à travers le Dalang).

        La thèse de l’origine indienne du théâtre d’ombre reste la plus suivie car elle est au premier abord la plus évidente. Mais elle comporte malgré tout quelques lacunes qui ont poussé les spécialistes à s’intéresser à d’autres théories possibles tel que celle d’une origine locale.

      3. La thèse de l’origine locale.
      4. Nombreux spécialistes attribuent l’origine du théâtre d’ombre à Bali et plus largement en Indonésie à des cultes locaux qui existaient sur l’archipel bien avant l’arrivée de l’hindouisme. Cette hypothèse est apparue dés le début des recherches sur le Wayang Kulit, c’est à dire vers la fin du 19ième siècle. De grands spécialistes tels que Hazeu (8) ( en 1897) ainsi que l’anthropologiste allemand Rassers (9) (en 1931) ont développé la théorie d’une origine locale du théâtre d’ombre. Le premier défend le fait que le Wayang Kulit serait issu d’un culte aux ancêtres indigènes préexistant à l’hindouisme. Il s’agit ici d’un rituel qui était pratiqué sur des statuettes de pierre. Petit à petit les statuettes ont été remplacées par des figures découpées dans du cuir. Puis l’arrivée de la culture indienne a assimilé les ancêtres aux grands héros des épopées hindoues que sont le Mahabharata et le Ramayana. Mais Hazeu appuie aussi sa thèse sur la signification du terme " Wayang " (10) qui serait d’après lui dérivée du mot " yang " en vieux javanais, ce dernier désignant un être flottant dans l’air ou plus simplement un fantôme. Cela prouverait l’origine du théâtre d’ombre comme un culte indigène dédié aux ancêtres. Rassers est également partisan d’une origine indigène, mais il pense que les racines du théâtre d’ombre se trouve dans des anciens rites d’initiation qui étaient réalisés au moment de la puberté. Ces rites étaient effectués par les jeunes hommes et femmes pour qu’ils puissent ensuite se marier. Ces deux hypothèses peuvent facilement se rejoindre si on prend en compte le fait que le spectacle de théâtre d’ombre pourrait symboliser le mariage des ancêtres de la tribu. Selon ces deux auteurs, la religion hindoue se serait donc assimilée à une tradition du théâtre d’ombre préexistante en Indonésie.

        L’hypothèse d’une origine locale s’appuie aussi sur le vocabulaire utilisé dans le Wayang Kulit. En effet si on étudie précisément tous les termes techniques du théâtre d’ombre (11) , on peut se rendre compte que les mots utilisés sont majoritairement d’origine locale, ils peuvent être en langue balinaise ou parfois en vieux javanais, mais ils sont rarement en sanskrit. Cela est un argument très important en faveur d’une origine indigène, car si le théâtre d’ombre avait été un apport direct de l’Inde, son vocabulaire aurait été uniquement constitué de mots d’origine sanskrite.

        Une autre particularité du Wayang Kulit balinais pourrait prouver une origine indigène, c’est la présence durant les représentations des clowns serviteurs qui sont au nombre de quatre (Tvalèn, Dèlem, Vridah, Sanut). En effet ces clowns-serviteurs sont absents du théâtre d’ombre proprement indien (12), on ne les retrouve qu’en Indonésie. Ils sont plus particulièrement présents dans le Wayang Kulit balinais, ce sont eux qui animent le spectacle et qui lui donnent un côté beaucoup moins austère. Ces clowns seraient d’essence mythologique indonésienne, ils seraient un reste de l’ancienne religion animiste qui existait en Indonésie avant l’hindouisation de l’archipel.

        Cependant un autre élément semble aussi montrer dans le théâtre d’ombre indonésien les restes d’un culte pré-hindou. C’est le rôle d’exorcisme que peuvent avoir certaines représentations, on trouvera là encore les restes de cultes anciens.

        L’hypothèse de l’origine indigène du théâtre d’ombre reste (malgré les nombreux arguments) relativement peu suivie. Elle explique pourtant logiquement les ressemblances et les divergences entre le théâtre d’ombre indonésien et indien, et elle permet de comprendre le Wayang Kulit dans toute sa complexité tel qu’il existe aujourd’hui.

      5. La thèse de l’origine chinoise.
      6. La thèse de l’origine chinoise du théâtre d’ombre est une des premières à avoir été émise. Cela est du au fait que les ombres chinoises ont été les premières à être connues en ccident, et qu’elles sont à l’origine du théâtre d’ombre en Europe (13). L’occident à donc longtemps attribué la naissance du théâtre d’ombre à la Chine. Le théâtre d’ombre serait parti de Chine pour aller vers l’Inde puis vers l’Indonésie. Mais il existe aussi une autre route qui l’aurait amené en Indonésie après avoir traversé toute l’Asie du sud-est. On a aussi parfois émit l’idée que le théâtre d’ombre avait été apporté en Indonésie par les marchands chinois venus commercer dans le pays (car on sait par les annales chinoises qu’il existait des relations très étroites entre la Chine et les nombreux royaumes indonésiens). Certains points peuvent en effet défendre cette thèse, notamment la présence dans le théâtre d’ombre chinois des clowns-serviteurs comme dans le Wayang Kulit indonésien, mais aussi l’utilisation de cuir pour réaliser les marionnettes.

        Cependant cette thèse a été rapidement mise de côté car on a découvert qu’il existait en Indonésie des spectacles d’ombres chinoises (Wayang Tionghoa (14)) parallèlement aux spectacles d’ombres indonésiennes. Les ombres de ce type de spectacle sont également en cuir comme dans le Wayang indonésien et on utilise aussi un écran, mais le répertoire, le style des marionnettes et la musique sont chinois. Cela prouve que des communautés chinoises se sont installées en Indonésie pour faire du commerce, mais que leurs traditions ne se sont pas du tout intégrées à la culture locale (contrairement aux traditions indiennes). Les communautés chinoises en Indonésie sont très peu intégrées, elles vivent en retrait de la société (que se soit à Bali comme à Java ou à Sumatra). Ces spectacles d’ombres chinoises sont donc destinés uniquement aux membres de la communauté chinoise.

      7. La thèse de l’origine indo-européenne.

      Comme on a pu le voir précédemment, les thèses les plus classiques établissent les débuts du théâtre d’ombre en Chine ou en Inde d’où il se serait répandu dans le monde à partir d’un de ces deux pays. Une nouvelle théorie relativement récente (15) parle d’une origine beaucoup plus complexe du théâtre d’ombre. C’est à la grande migration indo-européenne allant de l’ouest vers l’est que l’on devrait l’apparition du théâtre d’ombre, ce mouvement de population aurait été une sorte de quête vers la lumière. Cet important déplacement de population celte ou bien sibérienne a eu lieu vers le milieu du troisième millénaire avant notre ère et il a duré approximativement un millénaire. Cette grande migration s’est séparée en deux flux allant vers deux points différents : l’un se dirigeant vers la Perse (le sud) et l’autre vers l’Inde (l’est). C’est à cette époque qu’est apparu dans ces deux régions toute une mythologie commune. D’ailleurs on trouve encore de nos jours de nombreuses similitudes dans les langues de ces deux pays (entre le vieux persan et la langue sanskrite) ainsi que dans leurs textes religieux les plus anciens (le Rig-Veda* pour l’Inde et l’Avesta* pour la Perse), ce qui tend à prouver que ces deux civilisations ont la même origine. On peut citer pour exemple le dieu Mithra qui apparaît simultanément dans la mythologie védique et dans des traités politiques entre le royaume Hittites et le royaume du Mitanni*. Mithra (16) est ici cité en tant que garant de l'ordre.

      C’est à l’époque de cette grande migration indo-européenne que le théâtre d’ombre aurait fait son apparition sous la forme de cérémonies d’envoûtement et d’exorcisme. On retrouve ce phénomène dans tous les pays qui ont reçu l’influence de cette grande vague indo-européenne. Ces cérémonies étaient en générale réalisées par un prêtre, elles permettaient d’exorciser les démons par la reproduction et la destruction d’images. Les images pouvaient être constituées de matériaux différents (17) : en Egypte elles étaient faites en Papyrus, à Babylone elles étaient taillées dans des planchettes de bois, les Hittites ont préféré l’argile et la cire. La naissance du théâtre d’ombre à cette période expliquerait aussi le fait que la lumière est l’élément dominant dans les plus anciens textes du Rig-Veda qui ont été écrits à la même époque (c’est à dire aux environs du deuxième millénaire). En effet dans la partie la plus ancienne du Rig-Veda, les dieux Surya* (qui est le dieux solaire) et Agni* (qui est le dieu du feu sacrificiel) apparaissent dans presque tous les hymnes védiques (18).

      Certains éléments iconographiques sont les témoins de l’origine commune des différents théâtre d’ombre. On peut compter parmi eux le fameux bonnet phrygien (19) (bonnet pointu ne couvrant qu’une petite partie des oreilles) qui est considéré comme un apport indo-européen. On le trouve en Grèce sur les Dioscures (jumeaux représentant les forces tectoniques dans la Grèce ancienne), il est aussi porté par le dieu iranien Mithra et de nos jours on le retrouve dans le théâtre d’ombre arabe où il est porté par le héros Karagöz (voir figure XXIV). Cependant le phénomène le plus significatif est que ce bonnet est aussi présent dans le Wayang Kulit indonésien et balinais. En effet, Rama le héros de la grande épopée du Ramayana porte également un bonnet de ce type.

      Ce flux indo-européen serait donc à l’origine de l’extension du théâtre d’ombre à travers le monde. Il est exacte que le spectacle d’ombre s’est développé dans tous les pays ou les indo-européens sont passés. En effet on trouve le théâtre d’ombre principalement en Turquie et en Grèce mais aussi dans la majorité des pays arabes avec le Karagöz . L’Iran avait jusqu’à la fin du siècle dernier un spectacle d’ombre très vivant appelé Bazi-Khial (20). Le théâtre d’ombre existe aussi en Inde et en Chine où il reste populaire et extrêmement diversifié. Et enfin on trouve ce type de spectacle en Asie du sud-est, c’est à dire au Cambodge, en Malaisie et en Indonésie où il reste dans sa forme la plus religieuse et donc la plus authentique. Le théâtre d’ombre a donc traversé tout l’orient, puis il est arrivé en Asie et en Extrême-Orient où il a atteint sa forme la plus raffinée.

       

    3. Description du spectacle et des ombres.
    4.  

       

      Il est important de savoir qu’il y a deux différents types de représentations de Wayang Kulit, chaque sorte de spectacles s’adapte à un moment particulier de la vie du village balinais. Il y a deux catégories de représentations : les spectacles de nuit appelés Wayang Peteng (nuit), et les spectacles de jours nommés Wayang Lemah (jour). Ces deux sortes de représentations ont des orientations différentes, elles ne s’adressent pas au même public et elles ne se passent pas dans les même lieux. Mais elles utilisent les même ombres et pratiquement le même répertoire tiré de la littérature classique indienne et des mythes locaux. Dans les deux cas, tous les hommes du village assistent à la représentation ainsi que quelques femmes, car ces dernières ne sont en général pas très friandes du Wayang Kulit, elles préfèrent nettement les thèmes moins violent abordés par les autres arts dramatiques balinais tels que les danses masquées (Topeng) et les danses (Wayang Wong).

      1. Description des différents types de performances.
      2.  

         

        1. Les représentations de nuit : Wayang Peteng.
        2. Le Wayang Peteng est le spectacle de théâtre d’ombre que l’on retrouve le plus souvent à Bali. Il a une connotation religieuse beaucoup moins forte que le Wayang Lemah (représentation de jour). Dans le contexte d’un spectacle de nuit le Dalang doit mettre l’accent sur le côté pédagogique de la représentation, il doit initier les villageois à la morale et à la philosophie des grands textes hindous. Mais le Wayang Peteng est principalement une distraction pour les Balinais, sauf dans quelques cas particuliers que nous aborderons un peu plus tard.

          Avant le spectacle le Dalang va se livrer à de nombreux rites. Il va tout d’abord purifier l’aire où se fera la représentation en faisant appel au dieu hindou de l’amour qui est Kama et en récitant des Mantra*. Puis une fois la troupe installée il arrosera l’endroit et des offrandes d’eau bénite. Il frappera ensuite sur la caisse à ombres pour que le dieu des marionnettes balinais (Sang Hyang Ringgit) se réveille (21). Enfin le coffre à ombres est ouvert et on en sort la première figure qui est toujours le Kayonan (l’arbre sacré stylisé. Voir figure III). On récite alors des incantations pour que les dieux acceptent de s’intégrer aux ombres et pour que le Dalang soit inspiré par eux.

          Pendant le Wayang Peteng, les spectateurs sont placés devant un écran de tissu ou ils peuvent voir les silhouettes des ombres se mouvoir. Derrière l’écran, une lampe à huile est allumée, elle illumine les ombres et ne devra pas s’éteindre durant toute la durée du spectacle. La base de l’écran repose sur une planche de bois de bananier ou les tiges des ombres sont plantées lorsque le Dalang les utilisent (voir figure IV). Derrière l’écran est assis le Dalang, il est accompagné de chaque côté par un ou deux assistants qui sont souvent en même temps des apprentis Dalang. Leur travail consiste à aider l’ombriste dans le maniement des ombres, ils sortent au fur et à mesure du spectacle les figures qui sont demandées par le maître. La caisse à ombre est située à gauche du Dalang et de ses assistants. Elle joue un rôle assez important car le Dalang donne des coups dessus pendant le spectacle pour animer la performance. Le Dalang frappe aussi ce coffre à ombres avant le spectacle comme on a pu le voir plus haut. En retrait du Dalang et de ses aides se trouve l’orchestre Gamelan qui peut se constituer de deux à une dizaine de musiciens. La grandeur du Gamelan dépend de l’importance du Dalang, si celui-ci est très renommé, il aura un orchestre de cinq personnes et même parfois plus. Mais si c’est la troupe d’un simple Dalang peu connu, il n’y aura parfois même pas d’orchestre. Un Gamelan simple est au moins constitué de quatre instruments (22) : un Gong, un Kendang (tambour), un Trompong (des pots de métal rangés en file qu’on frappe) et un Gendér (un métallophone).

          Après le spectacle les ombres vont être méticuleusement rangées dans la caisse du Dalang dans un ordre très précis. Puis des prières vont être dites pour que le dieu des ombres retourne se coucher, mais aussi pour que les personnages tués pendant la représentation reviennent à la vie pour le prochain spectacle. Puis dans un dernier temps on arrosera encore une fois les différentes offrandes ainsi que la scène pour éloigner les démons.

          La représentation de nuit est souvent donnée lors des naissances et des mariages, le village fait alors appel a un Dalang qui vient faire un spectacle pendant la nuit suivant les cérémonies. Ce type de représentation peut durer de trois heures à cinq heures et même parfois une nuit entière (23). La troupe et son Dalang peuvent s’installer sur la place principale du village ou bien dans la cour d’une maison si c’est un particulier qui les a engagés.

          Mais les représentations de wayang Peteng peuvent aussi avoir une connotation religieuse un peu plus forte. Elles servent parfois à remercier les dieux ou à appeler leur clémence lors d’épidémies. La troupe s’installe alors sur le parvis du temple du village. Dans certaines situations le Dalang peut être invité par une famille du village en particulier, par exemple lorsqu’un membre d’une famille est en danger (voyage, maladies). Malgré cela, le Wayang Peteng est plutôt perçu comme un moment convivial où tout le village est réuni.

          Comme on pourra le voir un peu plus loin (dans le chapitre 3), certains répertoires ne sont utilisés que lors des représentations de nuits, dans ce cas précis on ne parle plus d’un divertissement mais d’une réelle cérémonie religieuse. Le Calon Arang (24) (qui est une légende locale) est joué pour éloigner les démons du village et plus particulièrement pour faire peur à la méchante sorcière Rangda dite " la mangeuse d’enfants ". Le Dalang fait ici office d’exorciste, il chasse le démon du village en utilisant un mélange complexe d’hindouisme et de magie locale. Le Wayang Peteng peut aussi avoir un caractère purificateur lors de la représentation du mythe local de Sapu Leger (25), les ombres ont alors un caractère purificateur, elles servent à protéger du démon Kala les enfants nés pendant la semaine de Tumpek Wayang (26).

          Les spectacles de nuits ont donc une double utilisation, ils sont dans la majorité des cas de simple divertissement pour les Balinais. Mais dans le cadre particulier des mythes indigènes, le Wayang Peteng peut devenir une cérémonie de purification ou d’exorcisme des plus puissante, le Dalang se doit alors de montrer la qualité de ses pouvoirs surnaturels. Cependant ces représentations restent peu fréquentes.

           

        3. Les représentations de jour : Wayang Lemah.

         

        Les représentations de théâtre d’ombre de jour sont appelées en balinais Wayang Lemah. Contrairement au Wayang Peteng, le Wayang Lemah a toujours un caractère religieux extrêmement fort et ne peut être joué que pendant des périodes bien particulières qui correspondent souvent avec les anniversaires des grands temples de Bali (27). Mais la particularité du Wayang Lemah est qu’il doit toujours être réalisé dans un endroit pur, et qu’il est dédié à une audience divine. C’est pour cette raison que les représentations ont toujours lieu sur le parvis d’un temple, à l’intérieure de celui-ci ou parfois sur les autels religieux eux- même. Durant toute la représentation les grands prêtres de la caste des Brahmanes* (Pedanta) vont inlassablement réciter des textes sacrés (Mantra). Les spectacles de Wayang Lemah sont évidement réalisés sans écran de tissu ni lampe à huile (28), les spectateurs se trouvent directement en relation avec les ombres et le Dalang. On peut alors profiter des superbes couleurs des ombres qui sont presque invisibles pendant les représentations de nuit. Le positionnement des assistants et du Gamelan derrière la planche de bois de bananier reste le même que dans le Wayang Peteng, mis à part le fait que le gamelan est souvent réduit à seulement deux métallophones. Le nombre de spectateurs est plus restreint que pendant le Wayang Peteng , il n’y a souvent que quelques villageois qui sont accompagnés de prêtres. Ce type de spectacle n’est pas très populaire, il est considéré comme une offrande (Banten) aux divinités, et il permet de faire le lien entre le monde des dieux et le celui des hommes.

        Les spectacles de jour tiennent une place très importante dans les rites qui accompagnent les Jubilés des temples. C’est à cette occasion que de nombreuses représentations sont données, non seulement de Wayang Kulit mais aussi d’autres arts du spectacle balinais. Cependant le théâtre d’ombre reste le plus apprécié, non seulement par sa puissance religieuse mais aussi par le fait qu’une représentation de Wayang Lemah est très peu chère par rapport aux autres arts du spectacle. Cela s’explique par le fait qu’une troupe de théâtre d’ombre est relativement réduite comparée à celles des autres arts du spectacle.

        La vie religieuse des balinais est organisée autour des rituels qui rythment le cycle de leur vie. Il y a donc de nombreux rites de passages (naissance, limage des dents, mariage, crémation), ils sont souvent marqués par une représentation de Wayang Lemah surtout dans les familles Brahmanes qui ne représentent qu’une toute petite partie de la population de l’île. Le répertoire utilisé est presque toujours le Wayang Parwa (29) car c’est le plus respecté de tous les textes anciens. Dans ce contexte le Dalang ne doit pas improviser et rester très près du texte originel, certaines parties de la représentation sont même dites en vieux javanais (Kawi) (30).

        Les représentations de jour ont une connotation purificatrice très forte, notamment durant les crémations, l’âme du mort se trouve purifiée par la force du spectacle et des incantations récitées par les prêtres. Lors de l’anniversaire d’un temple, le Dalang purifie l’espace sacré par la représentation de son spectacle. A travers le Wayang Lemah, il entre aussi en communication avec les différentes divinités qu’elles soient hindoues ou locales. Le Dalang chassent les démons de Bali, et il appelle les dieux à résider dans les temples. Parfois un Wayang Lemah est nécessaire dans un village, par exemple lorsque ce dernier a été souillé par la naissance de jumeaux dans une famille de Basse caste (Sudra).

        C’est dans le Wayang Lemah que les capacités du Dalang à entrer en contact avec les dieux sont mises à l’épreuve. Ici il n’est plus seulement un acteur mais un prêtre à part entière, une sorte d’intermédiaire entre les dieux et les hommes. Evidement tous les Dalang ne peuvent pas exécuter ces spectacles de jours, un Amangku Dalang (31) est donc nécessaire. Mais c’est aussi à travers le Wayang Lemah qu’est mis en valeur tout le système symbolique des ombres elles-mêmes, notamment par leurs couleurs qui sont visibles grâce à l’absence d’écran. C’est ici que l’iconographie des personnages prend toute son ampleur.

         

         

      3. Les ombres.
      4. Les collections d’ombres balinaises classiques ont en général entre quatre vingt et cent trente figures différentes, cela dépend du répertoire auquel la collection est attribuée. Le style des ombres est resté le même depuis des siècles car on copie inlassablement les modèles anciens. Dans tout Bali on remarque donc une grande homogénéité des collections, ce qui est très important pour le public car ça lui permet de reconnaître facilement les personnages durant le spectacle. L’iconographie de chaque personnage est très précise et répond à un canon établi. On remarque seulement quelques différences très légères entre le sud et le nord de l’île (32). La fabrication des ombres est aussi régie par des règles très strictes héritées des anciens. C’est pour cette raison que le processus de réalisation des figures est long et laborieux. Aucune touche d’imagination n’est permise à l’artisan. Plus les ombres se rapprocheront des modèles anciens, plus elles seront appréciées par les ombristes.

         

         

         

        1. Les différents personnages.

 

Comme on pourra le voir dans le chapitre suivant, presque tous les personnages du théâtre d’ombre balinais sont tirés des grandes épopées hindoues tels que le Mahabharata et le Ramayana. Ces deux grands textes classiques sont arrivés à Java aux alentours du cinquième siècle et à Bali vers le treizième siècle avec l’apogée du grand empire javanais de Mojopahit. On retrouve dans le Wayang Kulit balinais les même dieux, démons et héros que dans le théâtre d’ombre indien (33). Cependant on peut rajouter à cette liste des éléments particuliers au théâtre d’ombre indonésien tel que les quatre clowns serviteurs (34), ainsi que le Kayonan qui est l’arbre sacré qui reste sur la scène durant presque tout le spectacle.

Certaines ombres peuvent servir pour plusieurs personnages différents. Pour cela il faut qu’il y ait un lien entre les deux protagonistes : la même ombre peut être utilisée pour les personnages de Rama* et de Krishna* (dans la légende du Ramayana) car ils sont tous les deux des incarnations du même dieu, c’est à dire Vishnou. La même ombre pourra aussi être utilisée pour Sita (héroïne du Ramayana) et Droupadi (femme des frères Pandava* dans le Mahabharata. Voir figure V) car elles sont toutes les deux des incarnations de la même déesse Shri* (déesse de la fortune et de la culture du riz). Par ailleurs, les démons et les ogres n’ont pas de caractéristique personnelle, ils peuvent donc être représentés par n’importe quelle ombre à l’aspect démoniaque. C’est le contexte dans lequel interviendra le démon qui permettra au public de l’identifier précisément.

 

On peut faire un inventaire des différentes catégories d’ombres en les classant par ordre d’importance c’est à dire tels qu’elles sont rangées dans le coffre à ombres du Dalang (dans un ordre décroissant), les ombres les plus sacrées étant placées dans la caisse en dernière :

 

 

 

 

 

 

      1. Les différents types physiques et ornements

 

 

Toutes les ombres sont donc facilement reconnaissables par le public initié grâce à une unité de style qui perdure depuis le 13ième siècle. Mais aussi grâce à un code iconographique très précis dans le rendu des nombreux types physiques ainsi que des vêtements et ornements divers. Chaque partie de l’ombre a un symbolisme, d’une part par sa forme (différents types de bouches, de nez) et d’autre part par la couleur des vêtements (chaque couleur symbolise un dieu). L’agencement des bijoux et plus particulièrement des diadèmes a aussi une certaine importance dans l’identification des personnages. Ce système iconographique ancestral donne un côté encore plus sacré au théâtre d’ombre à Bali, c’est un peu le savoir des anciens qui s’est perpétué jusqu’à nos jours (35). Et cela prend toute son importance lorsque l’on sait combien les balinais respectent profondément leurs ancêtres, c’est pour cette raison qu’ils leur rendent un culte journalier sur l’autel familial. A Bali, on vénère tout ce qui est ancien et on a comme devoir de le perpétuer. On donne une très grande importance à l’héritage culturel pour faire perdurer la mémoire des anciens mais aussi pour que la société balinaise ne perde pas son individualité.

 

On distingue trois critères principaux qui permettent de définir une typologie précise des ombres : les caractéristiques physiques (nez, bouches, yeux), les diadèmes et les casques ainsi que les costumes. Tous ces éléments se déclinent différemment selon le sexe du personnage.

La forme des yeux donnent des indications aux spectateurs sur la nature du caractère du personnage. Il y a principalement deux types d’yeux qui représentent le bien ou le mal. Le symbolisme des yeux est relativement simple et bien visible sur l’ombre pendant la représentation. Ce qui est intéressant car le public sait tout de suite à quel type de personnage il a à faire.

Les yeux peuvent être de deux formes :

Ce système de représentation du côté bénéfique ou maléfique du personnage par l’intermédiaire de la forme des yeux est très courant en Asie, on le retrouve dans l’iconographie hindouiste, mais il est encore plus couramment utilisé dans l’iconographie bouddhiste (36).

La bouche appelée Lambé en balinais est également une caractéristique à prendre en compte. On retrouve les mêmes éléments que pour les yeux :

Ces deux types de bouches se retrouvent aussi dans le domaine des animaux et des ogres qui accompagnent le spectacle (voir figure XVI et XVII). C’est la forme des dents qui différencie les hommes des animaux et des ogres. Les dents des hommes sont petites et régulières, on parle de dent Untu Asat. Au contraire les dents des animaux et des ogres sont aiguisées et de grande taille, on parle alors de dent Untu Rangap (37).

La bouche et plus particulièrement la dentition sont des éléments très importants dans l’iconographie des ombres mais aussi dans la vie des balinais en général. A Bali, c’est la cérémonie du limage des dents qui marque le passage de l’adolescence à l’état d’adulte, c’est souvent l’occasion d’une grande fête durant laquelle un spectacle de théâtre d’ombre peut être donné. Il y a un symbolisme très fort dans ce rite du limage des dents : une fois les dents limées l’enfant s’éloigne de l’image de l’animal pour se rapprocher du statut d’homme civilisé. Ce même processus se retrouve dans l’iconographie des ombres balinaises. Cela est un reste des croyances ancestrales balinaises qui existaient sur l’île avant l’arrivée de l’hindouisme aux environs du 11ième siècle.

 

La coiffure est après le visage un des éléments les plus importants, elle indique au public le statut et le rôle que joue le personnage. Comme le visage, la coiffure a toujours un décor très soigné. Il y a trois principaux types de coiffe : en croissant (Supit Urang), en dôme (Candi Kurung) et en cône (Candi Utama) . Mais il en existe d’autres types moins souvent utilisés. La majorité de ces coiffures sont portées par les hommes. Les coiffures en cône et en dôme sont le symbole d’un certain pouvoir religieux, elles sont portées par les dieux. Ce symbolisme religieux se retrouve dans leur nom qui comporte le terme Candi qui signifie temple en javanais (38)(voir figure XVIII). L’autre type de coiffure est le Supit Urang, ce qui veut dire " pince de crabe " (39), cela explique le fait que cette coiffe n’est portée que par les ennemis des frères Pandava qui représentent le mal.

 

Le vêtement aide aussi à reconnaître les différents personnages par un code de signification précis mais nettement moins élaboré que pour le visage et la coiffure. Cependant les costumes tiennent tout de même une place importante, car selon une légende hindoue ce sont les dieux qui auraient appris aux hommes à se vêtir et à ornementer leurs costumes de fleurs et de bijoux. Encore une fois, les personnages masculins ont un répertoire de vêtement beaucoup plus vaste que les personnages féminins. Cela est du en partie au fait que les personnages du théâtre d’ombre sont majoritairement masculin. Toutes les ombres ont des vêtements sauf le grand dieu balinais Sang Hyang Tunggal qui est toujours représenté nu et dans un style très différent des autres ombres (40). Le vêtement le plus basique pour les hommes est une sorte de pagne (appelé Kain (41) ) rabattu entre les jambes laissant pendre un morceau de tissu qui est sensé représenter le phallus des personnages masculins. La grande force physique des personnages sera proportionnelle à la grosseur de ce pan de tissu, ainsi Bima (le plus courageux des frères Pandava) et le dieu Hanouman* (chef de l’armée des singes dans le Ramayana) qui sont connus pour être des guerriers hors paire ont un pan de grande taille (42).

De leur côté les femmes ont un vêtement un peu plus long qui ressemble à une jupe, il est porté avec une sorte de petite brassière (voir figure V). Elles peuvent aussi porter un grand tissu tubulaire qui leur couvre les jambes et le torse. De nos jours on trouve encore des femmes arborant ce costume à Bali.

D’un personnage à l’autre les couleurs vont changer ainsi que la façon dont s’enroule le tissu autour du corps, il peut couvrir les deux jambes, en laisser une visible ou bien les deux lorsqu’il est porté court. Plus le pagne est élégant, plus le personnage sera important et respecté. Cela explique le fait que les démons et les ogres ont en général un costume relativement court (voir figure XI) et peu développé (parfois ils sont même nus), alors que les brahmanes et les dieux ont des pagnes longs et à l’agencement parfois très complexe. Le même phénomène se retrouve chez les femmes, les sorcières sont nues ou portent un costume très court, alors que les nymphes et les princesses ont de longs vêtements.

 

      1. Le symbolisme des couleurs.

 

Il existe dans le théâtre d’ombre balinais un symbolisme très fort des couleurs. En effet les ombres sont en cuir ciselé et sont également peintes. Elles ne sont peintes qu’en l’honneur des dieux car ces couleurs ne sont visibles par le public que lors des représentations de jour (qui sont relativement peu fréquentes) où il n’y a pas d’écran. Ce système de signification des couleurs est en partie hérité des traditions indiennes, chaque couleur représente un dieu et une direction cardinale (43). Ces différentes teintes sont basées sur le mélange de trois couleurs primaires qui sont : le bleu, le rouge et le jaune, ainsi que les deux couleurs neutres que sont le blanc et le noir. Les techniques et le type de peinture utilisé ont évolué avec le temps. On utilise encore des pigments végétaux ou animaux mélangés à un liant qui est une colle animale à base de poisson. Mais aujourd’hui les peintures acryliques sont les plus couramment utilisées par les artisans.

Les pigments utilisés pour créer les couleurs sont donc d’origine animale ou végétale, ils sont en partie d’origine balinaise mais ils peuvent aussi venir de Chine. Le blanc, le noir et l’ocre se trouve facilement sur l’île, tandis que le rouge et le bleu sont importés de chine. Le pigment blanc est obtenu en broyant des os d’animaux. On en trouve de deux types : les plus recherchés sont des os des cerfs de Kalimantan*, les plus couramment utilisés sont des os de poulets récupérés dans les restes des repas. Les couleurs ocre et jaune sont issues de certaines pierres que l’on trouve sur la petite île de Serangan au sud de Bali. Le noir est tout simplement de la suie que les artisans obtiennent en faisant brûler de l’huile de coco dans des lampes en terre cuite. Le bleu venait traditionnellement de l’indigo, mais l’extraction de la couleur demandait beaucoup de travail, alors les Tukang Wayang (les fabricants d’ombres) ont petit à petit préféré utiliser des pigments bleu directement importés de Chine. Le rouge et les feuilles d’or qu’on peut trouver sur les ombres sont également importés de Chine.

La préparation des couleurs se fait en plusieurs étapes (44). D’abord les pigments sont broyés le plus finement possible dans un pot de terre cuite. Ensuite l’artisan va diluer de la colle de poisson avec un peu d’eau et y ajouter les pigments ainsi qu’un peu de craie pour faire chatoyer les couleurs. Le mélange obtenu doit être utilisé rapidement, car au bout de quelques jours la couleur perd de son intensité.

Comme le symbolisme des formes, ce système de couleurs se perpétue depuis bien longtemps à Bali mais aussi sur l’île de Java. On peut trouver des petites différences de teintes entre les collections d’ombres balinaises, mais cela est uniquement du à la multiplicité des procédés de fabrication des couleurs et aux pigments utilisés.

Le système cosmique balinais, comme celui de l’Inde, associe des couleurs et des dieux aux directions cardinales. Ce schéma cosmique est appelé Panca Dewa (cinq dieux. Voir figure XIX). L’est et l’ouest sont reliés entre eux, Keja (vers la montagne) et Kelod (vers la mer) c’est à dire le nord et le sud le sont aussi et au milieu se trouve le point central. L’est et Kaja (nord) sont symboles de pureté tandis que Kelod (sud) et l’ouest représente tout ce qui est néfaste.

Dans ce diagramme, toutes les couleurs sont mises en relation avec un dieu et une direction :

 

Ces cinq couleurs de base peuvent être mélangées entre elles. Par exemple, le bleu et le blanc sont parfois ajouté l’un à l’autre pour peindre les incarnations du dieu Vishnou tels que Krishna (voir figure XVIII) dans le Mahabharata et Rama dans le Ramayana. Le mélange de ces deux teintes rapproche le personnage des deux dieux correspondants, pour le bleu et le blanc les divinités seront Ishwara et Vishnou.

Les démons les plus terribles tels que Kala* et Ravana* sont très souvent de couleur brune. Cette teinte est obtenue en mélangeant toutes les couleurs de base ensemble. Ce type de démon est donc rattaché à tous les dieux du diagramme Panca Dewa en même temps. Le corps de ces démons est recouvert de poils qui sont dessinés à l’encre sur le cuir, cela leur donne une aspect encore plus effrayant. Les poils symbolisent le mal par les balinais, cela s’explique facilement lorsqu’on sait que les habitants de cette région sont presque tous imberbes. Les poils leur semble être une chose marginale donc considérée comme maléfique.

 

      1. Le fabricant d’ombres et la fabrication des marionnettes.

 

C’est un artisan particulier qui fabrique les ombres à Bali, comme le Dalang il tient une place particulière dans la société balinaise, il a un statut très respecté. Le fabricant d’ombres est appelé Tukang Wayang, il peut faire partie de n’importe quelle caste mais c’est en général un membre de la caste des Sudra qui est chargé de ce travail. Le Tukang Wayang doit connaître très précisément les textes et les répertoires du Wayang Kulit, ce qui demande de longues années d’apprentissage. Cela explique pourquoi certains Dalang sont en même temps des Tukang Wayang, ils peuvent alors réaliser eux-mêmes leurs ombres, mais ce phénomène reste encore rare. La fabrication des ombres est un travail très laborieux et extrêmement précis, malgré cela ce n’est pas une activité assez lucrative pour pouvoir en vivre. Le Tukang Wayang est donc souvent obligé de continuer parallèlement à cultiver ses rizières et à réaliser des objets (masques et ornements) servant aux représentations de danses balinaises. De nos jours de nombreux artisans vivent grâce aux touristes occidentaux auxquels ils vendent leurs réalisations.

L’artisan doit toujours se référer à un modèle existant lors de la fabrication d’une nouvelle ombre. Le travail du Tukang Wayang sera jugé sur sa faculté à pouvoir copier le plus précisément possible un modèle ancien. L’artisan est aussi le conservateur des traditions ancestrales de fabrication des ombres, plus elles sont réalisées avec des techniques anciennes, plus elles sont recherchées par les Dalang. L’artisan possède de nombreux modèles qu’il copie inlassablement, ce sont souvent de simples silhouettes en cuir non peintes. Comme le Dalang, le Tukang Wayang reçoit une formation très longue auprès d’un maître, elle est au minimum de cinq années. Il est alors initié aux rudiments du métier, il apprend à choisir ses cuirs et ses bois de bananier et on le forme aussi à la préparation des pigments de couleurs et au découpage du cuir.

On peut distinguer dix étapes majeures dans la fabrication des ombres selon la méthode traditionnelle (46):

 

 

 

    1. Le contexte religieux du Wayang Kulit balinais.
    2.  

      1. La religion balinaise.
      2. L’hindouisme est arrivé à Bali en deux périodes distinctes : dans la période la plus ancienne, il est arrivé directement de l’Inde par l’intermédiaire des échanges commerciaux entre l’ouest de l’Indonésie (Sumatra et Java) et le sud du pays. Mais l’hindouisme s’est surtout développé à Bali dans la seconde période par des influences de l’empire de Mojopahit a l’est de Java vers 1350 après Jésus-Christ (48). Des courtisans de cet empire se sont installés à Bali et ont amené avec eux leur littérature et leur art de cour. Mais une culture hindoue javano-balinaise s’est réellement crée lors de mariages royaux entre Mojopahit et la famille royale balinaise, tout ceci a été consolidé lors de l’invasion de Bali par l’empire de Mojopahit en 1343.

        Il reste de nos jours quelques traces de ces deux vagues d’hindouisation de Bali sous la forme d’inscriptions et de statues. Cependant c’est la deuxième vague javanaise qui a été la plus importante pour Bali, elle a marqué le début de l’élaboration d’un hindouisme typiquement balinais.

        L’hindouisme hérité des traditions de l’Inde est venu se greffer sur une religion balinaise ancestrale basée sur les cultes des ancêtres et sur l’adoration de divinités locales ayant rapport avec la culture du riz (déesses de la prospérité, dieux de l’irrigation). Ce mélange a fait naître une société complexe ou s’entrecroisent ces deux influences, le théâtre d’ombre en est d’ailleurs un des exemples les plus frappant. L’hindouisme reste surtout très présent dans les cérémonies accompagnant les crémations et les rites de passages, mais on ne trouve dans les autels domestiques quasiment que des dieux indigènes et les ancêtres (49).

        A Bali, on vénère les grands dieux de la trinité hindoue : Brahma le dieu créateur, Vishnou le dieu salvateur et surtout Shiva le dieu destructeur qui reste comme en Inde la divinité la plus adorée mais aussi la plus crainte. Cependant la Trimurti* (trinité) hindoue joue un rôle important dans le temple, des autels particuliers lui sont réservés, et même parfois des chapelles, on parle alors de la triple puissance. Brahma, Vishnou et Shiva ont chacun une couleur qui leur est propre, ainsi qu’un point cardinal tel que le veut la tradition indienne (Panca Dewa (50)). Mais à Bali ce symbolisme est diffèrent de celui des textes hindous : Brahma est au sud et porte la couleur rouge, Vishnou est au Nord et peut être noir ou bleu, Shiva peut se trouver au centre ou a l’est et sa couleur est le blanc. Ces trois dieux peuvent prendre des aspects terrifiants qui sont souvent très populaires à Bali, notamment le démon Kala qui est un aspect terrifiant de Shiva ou la déesse de la mort Durga qui est l’émanation féminine du même Shiva. Durga est souvent représentée sous la forme d’une vieille sorcière mangeuse d’enfants appelée Rangda que l’on ne retrouve que dans les légendes indonésiennes (51).

        On trouve aussi d’autres divinités classiques venant de l’Inde tel que : Yama le juge suprême, Ganesha* le dieu du bonheur (voir figure XII), Shri la déesse de la prospérité et de la moisson ainsi que Varouna le dieu de la mer. Les héros des grandes épopées hindoues telles que le Ramayana et le Mahabharata sont aussi très appréciées des balinais, ces thèmes sont très populaires, c’est pour cette raison qu’ils sont exploités dans le Wayang Kulit balinais.

        Mais l’hindouisme a aussi apporté à Bali le système des castes qui lui est propre. Les castes jouent un rôle conséquent dans l’organisation de la société balinaise. Cependant l’arrivée des castes sur l’île est assez récente, elle date de la seconde vague d’hindouisation du pays vers 1350 (52). Ce système est identique au système indien. Les trois castes les plus hautes sont composées par la descendance des colonisateurs javanais de l’empire de Mojopahit, cela ne représente que 10% de la population de l’île. Le reste de la population est composé de Sudras (Djaba en balinais), c’est à dire de hors caste. Ces Sudras sont souvent des agriculteurs et des artisans, on y retrouve les grandes familles balinaises d’avant l’invasion javanaise.

        Il y a énormément de temples à Bali (20000 environs), mais contrairement a l’Inde ils sont rarement dédiés à un dieu en particulier, en général ils s’adressent plutôt a une caste, aux cultures ou bien a l’irrigation. Enormément d’offrandes sont faites au temple (fleurs, nourritures) surtout lors des festivals religieux.

        L’hindouisme en Inde comme a Bali donne beaucoup d’importance à la pureté. Tout acte impur devra être suivi d’une cérémonie de purification par l’eau et le feu appelée Agama Tirta (53). Ces deux éléments sont indispensables pour la purification. Ces rites sont très présents lors des crémations. Ce sont les prêtres qui effectuent ces cérémonies purificatoires. Les prêtres ont un rôle très important dans la société balinaise, ils servent de médiateurs entre les hommes et les dieux. On dénombre à peu près cinq types de religieux différents à Bali : le Padanta (prêtre brahmane), le Pamangku (prêtre simple), le Balian (prêtre médecin), le Sengguhu (prêtre exorciste), ainsi que le fameux Amangku Dalang (le prêtre ombriste et exorciste) qui tient un rôle très particulier que nous étudierons plus tard.

        Mis à part les dieux hérités de l’Inde, il existe à Bali un panthéon de divinités locales très développé. Cet ensemble de divinités est constitué principalement des ancêtres divinisés appelés en balinais Leluhur. Ils jouent un rôle presque plus important que les dieux d’origine hindoue. On vénère aussi dans six grands temples la déesse Besakih qui est la mère de Bali selon la tradition locale. Les temples dédiés à Besakih sont des lieux de pèlerinages, ils se trouvent sur le volcan Gunung Agung qui est considéré comme le centre de l’île. Cependant la religion balinaise reste proche de l’Inde par son côté ritualiste mais surtout par l’importance donnée à l’esthétique pendant les cérémonies. Toute fête religieuse est l’occasion d’une effusion d’offrandes de toutes sortes ainsi que d’une multitude de fleurs et de couleurs.

      3. Le répertoire.
      4. Le répertoire dramatique utilisé dans le théâtre d’ombre à Bali a été très fortement influencé par la culture indienne. En effet la majorité des mythes utilisés dans le Wayang Kulit dérive tous de la littérature classique indo-javanaise qui s’est développée dans les courts de l’est de Java à partir du 11ième siècle. On retrouve les grandes épopées hindoues tels que le Ramayana et surtout le Mahabharata. Durant certaines occasions des mythes locaux peuvent être mis en scène, mais ils sont plus rarement représentés. Tous ces textes sont écrits sur des manuscrits en feuilles de palmes, ils étaient rédigés en Kawi, c’est à dire en vieux javanais qui est une sorte de sanskrit archaïque combinant des formes littéraires et familières. Pour les Balinais ces textes ont une valeur très particulière car ils considèrent le Kawi comme la langue des dieux. C’est pourquoi ces textes sont gardés très précieusement par les familles de hautes castes tel que les Brahmanes et les Kshatria. Le Dalang (ombriste) a une connaissance parfaite de ces textes, et c’est de cela qu’il tient une partie de son prestige.

         

        1. Les grandes épopées indiennes.
        2.  

           

          Les Balinais divisent les répertoires du Wayang Kulit selon les thèmes et les textes qu’ils abordent :

          Wayang Parwa :

          Le Mahabharata (54) est de loin le texte le plus apprécié par les Balinais donc le plus utilisé dans le théâtre d’ombre. Ce texte est intéressant par la diversité des sujets qu’il aborde et par la multiplicité de ces personnages. La grande majorité des collections d’ombres est d’ailleurs basées sur ce cycle. A Bali, le répertoire utilisant le Mahabharata est appelé le Wayang Parwa. La très longue rédaction de cette épopée s’est déroulée en Inde entre le 3ième siècle avant JC et le 4ième siècle après JC, elle a marqué la naissance de l’hindouisme tel qu’on le connaît aujourd’hui. Le Mahabharata est attribué au sage indien Biasa, cependant vu la longueur de la rédaction du texte, ce dernier n’a du rédiger qu’une petite partie de l’ensemble. Ce texte compte dix huit volumes appelés Parwa. Cependant seulement huit volumes sont connus à Bali (55), car ce sont les seules à avoir été traduit en vieux javanais dans les environs du 10ième siècle après JC.

          L’intrigue du Mahabharata est basée sur le conflit entre deux clans voisins vivant dans la cité de Nastina : les frères Pandava* considérés comme les représentants du bien, et les frères Kaurava* qui incarnent le mal. Ce récit se passe dans les environs de New Delhi aux alentours du 9ième siècle avant J.C.. Les Kaurava réussissent à faire s’exiler les Pandava a l’issue d’une partie de dés qu’ils gagnent. Après avoir vécu douze ans dans la forêt, Les frères Pandava tentent de reprendre le pouvoir sur leur royaume. Le récit atteint son paroxysme lors de la grande bataille (Bharatayuddha) qui durera dix huit jours. C’est le dieu Krishna (incarnant Vishnou dans sa forme terrestre) qui soutiendra des Pandava. Le dieu Krishna sera le cocher du grand Pandava nommé Arjouna (voir figure XXIII). Les frères Pandava sortent victorieux de ce combat, et retrouvent leur trône. Le côté épique et plein de rebondissements plaît énormément aux spectateurs. La représentation est donc très animée car le récit est ponctué de combats, de scènes dramatiques, et d’interventions divines. Lorsque le Wayang Parwa est joué, la scène est divisée en deux parties symbolisant le bien et le mal (56), les Pandava sont à la droite de l’ombriste et les Kaurava sont à sa gauche. Les Pandava sont considérés comme plus pures et respectant la loi du Dharma*, alors que les Kaurava sont méchants et ne pensent qu’aux biens matériels. Cependant on trouve dans chaque groupe des personnages ambiguës.

          Cependant c’est le premier volume de l’épopée (l’Adiparwa) qui est considéré comme la partie la plus sacrée du récit tout entier, et même de la littérature classique en général. L’Adiparwa raconte la naissance des deux tribus Kaurava et Pandava, mais surtout il nous éclaire sur la genèse du monde et la création des dieux et des démons. C’est de là que l’Adiparwa tire son côté le plus sacré. C’est aussi pour cette raison que l’Adiparwa n’est presque exclusivement joué que lors des représentations de jour.

          Wayang Ramayana :

          Le Ramayana est le second répertoire le plus utilisé. Le texte est originaire de l’Inde, il a été écrit à la même époque que le Mahabharata, par un sage et poète appelé Valmiki. Ce répertoire s’inspire du texte javanais appelé Hikayat Seri Rama et qui date des environs du 10ième siècle. La version javanaise s’est inspirée du texte original, mais certains passages ont été un peu modifié. Bien que ce répertoire soit très apprécié en Inde, il est plus rarement joué à Bali.

           

          L’histoire raconte les aventures de la belle Sita et de son époux Rama qui est en fait un avatar du dieu Vishnou. Le démon Ravana qui vit sur l’île de Lanka succombe au charme de la belle Sita, il décide alors de l’enlever. Après avoir lutté contre de nombreux démons (Rama réussit, avec l’aide de l’armée des singes et surtout d’Hanouman (le dieu singe. Voir figure XX) à vaincre le terrible Ravana (voir figure XXI) et à récupérer sa très belle épouse sita.

           

        3. Les mythes locaux.

        On trouve dans le répertoire du Wayang Kulit des Mythes d’origine balinaise et javanaise, certains sont restés dans leur état originel tandis que d’autres ont été influencé par l’hindouisme ou par l’Islam venu de Java. Cependant ces mythes sont rarement utilisés par le Dalang. D’une part parce qu’ils nécessitent des ombres particulières qui ne sont pas possédées par tous les Dalang, et d’autre part parce que certains de ces mythes sont sensés contenir des pouvoirs surnaturels très puissants qui pourraient attaquer violemment le Dalang et les spectateurs.

        Wayang Calon Arang :

        Ce récit (très célèbre en Indonésie) est présent à Java et à Bali. Des versions de ce mythe existent en balinais et en vieux javanais. On le retrouve notamment dans la littérature poétique. Le Wayang Calon Arang est toujours joué lors des performances de nuit. Cependant il n’est jamais considéré comme un divertissement, contrairement à ce que l’on a pu voir précédemment à propos du Wayang Peteng (57). Ici la représentation de nuit prend le caractère d’une cérémonie d’exorcisme (58). L’utilisation de ce répertoire permet d’éprouver les qualités surnaturelles du Dalang.

        Wayang Calon Arang raconte l’histoire de la méchante veuve Rangda (dite mangeuse d’enfants) qui est une incarnation de la déesse Durga, et de sa fille Ratna Mangali. L’intrigue se construit autour de la recherche désespérée d’un époux pour la jeune fille. Aucun homme ne veut d’elle car ils craignent tous les colères destructrices de sa terrible mère. Mais un homme providentiel appelé Mpu Barada intervient auprès de Ratna Mangali et réussit à la transformée en une femme bonne et généreuse.

        Wayang Sapu Leger :

        Ce conte typiquement balinais a été emprunté à un poème balinais appelé Sapu Leger. Ce répertoire n’est utilisé que dans le cadre de conditions particulières, il est souvent joué lors de la naissance d’enfant durant une semaine bien précise de l’année appelée Wayang Tumpek. Il y a une semaine Wayang Tumpek toutes les trente semaines. La représentation est toujours suivie d’une cérémonie de purification de l’enfant appelée Sudamala (59), c’est lors de ce rite que le rôle purificateur des ombres est mis en exergue. Le démon Kala (qui est une émanation du dieu Shiva) est le personnage principal de ce récit, il est né de l’unique semence de Shiva (60) et c’est à cela qu’il doit son aspect difforme et son appétit de chair humaine, son père Shiva lui a assigné certaines proies pour qu’il ne s’attaque pas à tout le monde, ses proies sont les enfants nés durant la semaine de Tumpek (Archipel) . Kala est très craint (61) dans toute l’Indonésie, on le retrouve souvent sculpté au-dessus de l’entrée des temples, sa face à l’allure terrifiante est sensée repousser les visiteurs ayant de mauvaises intentions. Ce mythe connaît à Bali plusieurs variantes.

        Il y a très longtemps le démon Kala apprit la naissance de Jumeaux dans une famille de Brahmane durant la semaine de Tumpek (62). Alors il décida immédiatement qu’il les dévorerait tous les deux, car à Bali la naissance de jumeaux est considérée comme un signe de bonne augure surtout s’ils sont de même sexes (63). Kala effraya tous les habitants du village dont les jumeaux étaient issus. Heureusement, un Dalang nommé Empu Légér réussit à combattre le démon en faisant une représentation de Wayang Kulit et une cérémonie d’exorcisme.

        Une autre version du mythe met en scène Kumara (qui est le frère de Kala), ce dernier est né durant la semaine de Tumpek et son frère Kala cherche à le dévorer. Le dieu Shiva cherche à protéger Kumara des griffes de Kala, c’est pour cette raison que Shiva enverra Kumara sur terre auprès du roi Kerta-Negara. Mais Kala va retrouver son pauvre frère et lutter contre les armées du roi qui le protège. Kumara sera sauvé par un Dalang appelé Empu Légér qui le cachera pendant une représentation de Wayang Kulit. Kala va perturber le spectacle en dévorant les offrandes destinées aux dieux, le Dalang va alors intervenir en expliquant au démon qu’il a outrepassé ses droits en intervenant pendant une cérémonie prescrite par les dieux. Kala reconnaît alors son erreur et promet qu’il ne fera plus de mal aux enfants nés durant la semaine de Tumpek.

        Wayang Gambuh :

        Ce cycle était autrefois relativement populaire a Bali (64), il est de nos jours que très peu représenté. Ce mythe s’inspire de l’histoire de la quête amoureuse d’un roi de l’est de Java appelé Panji (65). Ce récit apparaît dans des textes en vieux javanais et en balinais. La rareté de ce type de représentation à Bali s’explique par le fait qu’une collection d’ombres particulière est demandée. Les marionnettes utilisées pour jouer ce répertoire sont très fortement stylisées, elles se rapprochent de l’esprit des ombres javanaises. Cela est sûrement du au caractère javanais du récit.

        Il existe d’autres répertoires qui sont très peu utilisés ou qui ont complètement disparus, ils se limitent souvent à des zones géographiques très petites. On compte parmi ceux-ci le Wayang Cupak qui se localisait dans le sud de Bali ainsi que le Wayang Sasak qui est toujours en cour dans l’est de Bali et dans l’île voisine de Lombok. Il existe aussi un théâtre d’ombre chrétien utilisant certains passages de la Bible (66). Mais il reste très peu développé car on ne le trouve que dans les petites communautés chrétiennes de l’île.

         

      5. Le rôle joué par l’ombriste ou le "Dalang ".
      6. Le Dalang ou l’ombriste est celui qui manipule les ombres durant le spectacle, mais il est aussi le concepteur et le narrateur de la représentation. Selon l’étymologie locale, le mot Dalang viendrait de l’expression " Galang " (67) qui signifie éclairer ou bien mettre en lumière, cela appuie sur le rôle éducateur qu’a le Dalang sur la population. Il joue un rôle très important dans la société balinaise, à travers son spectacle d’ombres, il révèle au public la signification des grands textes de la littérature classique, qu’elle soit hindoue ou d’origine locale. Le Dalang sera toujours un homme mais il pourra être issu de n’importe quelle caste. Il devra être marié ou être veuf pour pouvoir exercer, car dans les mythes les hommes sans descendance sont sévèrement punis. Son statut dans la société balinaise est extrêmement respecté, qu’il soit un Brahmane ou un Sudra le Dalang sera toujours considéré comme un homme de savoir et comme un prêtre à part entière (68). Le titre de Dalang est considéré à Bali comme très honorifique.

        Il y a deux types différents de Dalang :

        L’Amangku Dalang (69) est le plus respecté car il a des responsabilités religieuses importantes. Il peut faire partie de la caste des Brahmanes, mais s’il est de la caste des Sudra, il prendra le titre de Jero et non plus d’Amangku. Il ne fait pratiquement que des représentations de jour pour l’anniversaire des temples et parfois des représentations de nuit pour protéger des démons les enfants nés un mauvais jour (le wayang Sapu Leger). Mais le Dalang est aussi considéré comme un prêtre à part entière, il intervient lors de nombreux rites et cérémonies. Il est souvent présent pendant les rites de purification. Il confectionne de l’eau sacrée en plongeant les embouts de certaines de ses ombres dans de l’eau après le spectacle (70), il accompagne cela par la récitation de Mantra. Puis il se sert de cette eau pour purifier et exorciser. La présence de l’Amangku Dalang est aussi nécessaire lors des cérémonies de crémation, il récite des prières et amène les offrandes en étant accompagné d’un petit orchestre.

        La deuxième catégorie de Dalang est sûrement la plus représentée. Ces ombristes ont un rôle religieux mais beaucoup moins puissant que l’Amangku Dalang. Ils peuvent faire des représentations de jour mais ils sont plutôt spécialisés dans les spectacles de nuit qui sont beaucoup plus axés sur le côté dramatique et anecdotique des mythes. Mais ce type de Dalang reste tout de même très respecté au niveau social. Comme pour l’apprentissage de l’amangku Dalang, de longues années de travail et d’entraînement sont nécessaires pour devenir un ombriste et un conteur de qualité.

        1. La formation du Dalang.
        2. A priori n’importe quel homme peut devenir Dalang à Bali. Cependant c’est en général un art héréditaire, on devient Dalang parce que son père ou son grand-père l’était lui-même. Mais rien n’empêche un jeune balinais d’aspirer à devenir un jour Dalang, il devra seulement constituer lui-même sa collection d’ombres. Alors qu’un jeune venant d’une famille de Dalang récupérera la collection d’ombres familiale.

          L’apprentissage du futur Dalang peut être très long. Il existe depuis quelques années une classe d’art du théâtre d’ombre au conservatoire de Denpassar (capitale de Bali). Mais la formation la plus complète est celle effectuée auprès d’un ou plusieurs maîtres Dalang, c’est cette solution qui est le plus souvent choisie, elle permettra à l’apprenti d’avoir une connaissance plus complète de l’art du wayang Kulit. L’élève peut donc rentrer dans une troupe de théâtre d’ombre et sert d’aide a l’ombriste. L’apprenti apprend à manier les ombres et à accorder sa voix avec la musique pendant la représentation. Bien entendu, le choix de la troupe et du maître est d’une importance capitale, plus le maître est renommé, plus la formation sera de qualité. Son maître va l’initier aux pratiques religieuses accompagnant les représentations telles que les rites de purification et surtout la récitation des Mantra hindoues.

          Le Premier élément essentiel de la formation du Dalang est la connaissance parfaite du grand traité des lois du Wayang Kulit qui est le Dharma Pawayangan (71). Il explique clairement les règles qui régissent les représentations de théâtre d’ombre, autant sur le plan religieux (incantations, rites) que sur le plan technique (différents types de représentations, la musique, le coté dramatique). Il existe de nombreuses versions de ce traité, mais les différences ne sont que sensibles. Ce texte étant rédigé en vieux javanais, il est essentiel que l’élève ait une bonne connaissance de cette langue. Il apprendra par cœur toutes les incantations, et c’est à travers ce traité qu’il découvrira la valeur mystique et philosophique de sa future activité.

          Dans un second temps l’élève devra développer son sens du dramatique et de l’improvisation. En effet, il devra être capable d’avoir une très grande variété d’intonation de voix, car à chaques personnages correspondra une voix différente. Cette tache se révélera très difficile, notamment dans certains répertoires tel que le Wayang Parwa où le nombre de personnages est très élevé. Des qualités d’acteur seront demandées au futur Dalang, il devra savoir passer d’une scène tragique à un passage comique. Les ombristes les plus populaires sont souvent ceux dont les représentations sont les plus animées, le public apprécie d’être tenu en haleine tout au long du spectacle. C’est à ce niveau que l’improvisation joue un rôle de taille, un bon Dalang doit savoir broder autour des mythes, improviser des anecdotes qui plaisent au public. Le Dalang n’utilise en général que le squelette du mythe et improvise autour de celui-ci, il fait des interludes comiques et des satyres de la société balinaise par l’intermédiaire des clowns serviteurs (Tvalèn, Dèlem, Vridah, Sanut. Voir figure VII, VIII, IX et X), mais la bonne morale est toujours respectée. Une certaine connaissance musicale sera nécessaire pour une bonne formation car n’oublions pas que le spectacle d’ombres est toujours accompagné d’un fond musical, soi par un orchestre appelé Gamelan, soi par le Dalang lui-même qui jouera du Gendèr (metallophones) ou bien qui tapera sur son coffre à ombres en guise de percussions. La musique est un élément indispensable a toute fête balinaise, ainsi l’orchestre Gamelan est très souvent présent dans le théâtre d’ombre mais aussi dans tous les autres types d’arts dramatiques à Bali (72).

          Lorsque la formation du Dalang est terminée, il ne pourra faire de représentation avant d’avoir été consacré lors d’un rite bien particulier. Cette cérémonie peut avoir lieu sous deux formes différentes : soit c’est une petite consécration et le rite peut être réalisé par le simple prêtre du village (on parle alors de Mewinten Bunga), soit c’est une très importante consécration où la présence d’un prêtre brahmane est obligatoire (ce type de rite est appelé un Mewinten Ageng). La seconde cérémonie est la plus commune et aussi la plus importante, c’est elle qui donne au futur Dalang le plus de pureté donc les meilleures capacités à pouvoir communiquer avec les dieux. Lorsque le Dalang récupère une collection d’ombres qui lui vient, d’un membre éloigné de la famille de son père, d’un membre de la famille de sa mère ou bien lorsqu’il achète une nouvelle collection d’ombres, on procède à un rite de mariage (Mesakapan) entre le Dalang et son coffre a ombres. Un lien très fort doit exister entre le Dalang et sa collection d’ombre, il restera lié à elle jusqu'à la fin de sa carrière d’ombriste.

           

        3. Son rôle de lien entre les hommes et les dieux.

Comme nous avons pu le voir précédemment, le Dalang a plusieurs rôles importants dans la société balinaise, celui de professeur (il initie le public à la morale des grands textes classiques), celui de comédien et surtout celui de prêtre qui semble être de loin le plus essentiel. Le Dharma Pawayangan (le grand traité sur le théâtre d’ombre) explique très clairement le rôle de prêtre du Dalang (73), il doit pratiquer certains rites de purifications, mais il est aussi une sorte de lien entre les dieux et les hommes. Selon le même Dharma Pawayangan, l’ombriste doit être inspiré par les dieux s’il veut faire une représentation de bonne qualité. Le Dalang doit donc se mettre en relation avec les différentes divinités, et doit pouvoir communiquer avec elles. Pendant le spectacle, l’ombriste apparaît en tant que manifestation du dieu Shiva (sous sa forme appelée Ishwara), comme on peut le voir dans le mythe hindou de l’origine du théâtre d’ombre conté précédemment. Selon cette légende, Ishwara aurait pris la forme d’un Dalang pour donner une représentation de Wayang Kulit sur terre afin qu’Uma et Shiva perdent leur forme démoniaque. Le Dalang permet donc aux hommes d’être initier aux savoir des dieux, et de s’éloigner le plus possible du monde des démons. D’autres auteurs (74) pensent que le Dalang s’incarnerait en Kama (le dieu de l’amour) pendant la représentation.

On peut donc comparer le Dalang à un chaman, comme ce dernier il est inspiré par les dieux (75) et il est même considéré comme l’émanation d’un dieu. Le Dalang apparaît ici clairement comme un médiateur entre le monde terrestre et le monde divin, entre les hommes et les dieux.

 

 

 

 

 

 

 

A travers cette brève étude du théâtre d’ombre balinais, nous avons pu constater la multiplicité des influences qui ont participé à l’élaboration d’un art du spectacle unique par son symbolisme et sa complexité. L’influence indienne reste la plus spectaculaire notamment dans les similitudes que l’on peut retrouver entre le théâtre d’ombre indien et celui de Bali au niveau du répertoire et des personnages. Cependant certains éléments tels que la présence des clowns serviteurs, ainsi que le rôle de chaman-exorciste que peut avoir le Dalang tentent à prouver qu’il existait en Indonésie (dans la période pré- hindoue), une culture indigène dont certains rites (dédiés aux ancêtres ou des rites de passage) étaient peut-être une forme archaïque du théâtre d’ombre que l’on retrouve aujourd’hui dans l’archipel.

Le Wayang Kulit balinais serait donc le fruit d’un mélange très élaboré entre des influences indiennes arrivées à Java et à Sumatra au début de notre ère, et une religion ancestrale indonésienne basée sur le culte des morts (ce même culte des morts est d’ailleurs encore très vivant à Bali). De ce mélange très complexe est né le théâtre d’ombre de Java qui a atteint son apogée entre le 11ième et le 14ième siècle à la cour de l’empire de Mojopahit dans l’est javanais. C’est d’ailleurs de cette période que les personnages ont hérité leurs somptueux costumes qui étaient portés par les hauts dignitaires de l’époque. De l’est de Java le Wayang Kulit est arrivé à Bali par l’intermédiaire des colons javanais venus pour conquérir l’île. C’est à cette époque qu’elle est devenue entièrement hindoue et que le théâtre d’ombre y est arrivé. On l’a d’abord considéré comme un art de cour, puis petit à petit il est devenu extrêmement populaire jusqu’à avoir une influence certaine sur la population. L’arrivée de l’Islam en Indonésie à transformé très profondément le théâtre d’ombre de Java. Bali est restée hindoue ce qui lui a permis de conserver cette tradition intacte jusqu’à nos jours. C’est d’ailleurs pour cette raison que le théâtre d’ombre balinais est intéressant, il est le témoin d’une ancienne tradition née au cœur de l’île de Java.

Cependant, il serait regrettable de parler de l’élaboration du théâtre d’ombre balinais, sans mentionner la théorie très intéressante qui tend à prouver que l’origine des ombres viendrait des grandes migrations indo-européennes. En effet tous les pays qui ont eu à un moment ou un autre de leur histoire une tradition des ombres(l’Iran, la Turquie, l’Inde etc…), ont été en contact avec les indo-européens. Ces peuples sûrement d’origine celtique ont répandu une culture commune basée sur le culte de la lumière. C’est de ces rites que serait né le spectacle d’ombres. Cette thèse prouve que tous les théâtres d’ombre sont issus de la même racine indo-européenne. A partir de cela il est relativement simple de retracer le chemin qu’a suivi le théâtre d’ombre jusqu’à Bali. Il s’est d’abord longtemps développé en Inde, en Chine et dans tout le Moyen orient pour arriver à sa forme moderne (ombres à tiges). Puis il est arrivé à Java et Sumatra (par l’intermédiaire des colons indiens) où il s’est intégré aux coutumes locales qui connaissaient déjà des rites particuliers durant lesquels on façonnaient des statuettes représentant les ancêtres. Le théâtre d’ombre indien d’obédience hindoue s’est donc mélangé lentement à ces coutumes indigènes pour aboutir au Wayang Kulit que l’on trouve à Bali de nos jours. Cette théorie semble la plus complète, elle permet d’expliquer le cheminement des ombres dans le monde depuis leurs création. Le bonnet phrygien est d’ailleurs un argument de poids car on le retrouve dans tous les types de théâtre d’ombre, qu’il soit arabe ou extrême-oriental.

 

C’est peut-être la très grande ancienneté du théâtre d’ombre qui fait que de nos jours il est encore extrêmement vivant et populaire à Bali. Il est une des fiertés du patrimoine culturel balinais. Le Dalang reste aujourd’hui plus que jamais un personnage important dans la vie des balinais. L’avancée de l’Islam et de la culture occidentale venue de Java a renforcé la relation qu’avaient les balinais avec leur tradition. Ils s’accrochent à cette culture aux multiples facettes que le wayang Kulit symbolise très bien. Le gouvernement indonésien à d’ailleurs très bien compris l’influence que pouvait avoir le wayang Kulit sur la population , il a donc crée un nouveau type de représentation appelé Wayang Suluh (76) qui fait la propagande du gouvernement au pouvoir.

Cependant le flot incessant de touristes venant sur l’île a entraîné la dénaturation de certaines coutumes. Aujourd’hui les Dalang sont payés en Dollars pour donner des représentations en anglais dans les grands hôtels pour touristes de Denpassar. Heureusement la plupart des Dalang continuent encore à sillonner les petits villages de Bali pour conjurer les démons, pour fêter l’anniversaire d’un temple ou bien simplement pour divertir les villageois. On peut alors se demander quelles sont à long terme les chances de survie du wayang Kulit à Bali comme rituel, alors que l’on tente de plus en plus d’en faire un spectacle simple et non symbolique facilement compréhensible par les touristes occidentaux ?

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

BONNEFF (M.)c

" Bibliographie critique d’un ouvrage de Hooykaas (C.) "

dans Archipel n°9.1975. Page 199-202.

COEDES (G.)

"  les états hindouisés d’Indochine et d’Indonésie "

Edition E. de Boccard. Paris. 1964.

FOURNEL (P.) et autres.

" Les marionnettes "

Bordas. Paris. 1982.

GORIS (R.)

" Bali, services religieux et cérémonies "

Koninklijke Paketvaart Maatchappit. Sans date.

HOBART (A.)

" Balinese shadows play figures "

British Museum occasionnal Paper n°49.

Departement of ethnology. London. 1985.

HOBART (A.)

" Dancing and shadows of Bali : theater and myth "

K.P.I. New York and London. 1987.

HOOYKAAS (C.)

" Kama and Kala, materials for the study of shadow theater in Bali "

North-Holland Publishing Compagny.

Amsterdam, London. 1973.

HOOYKAAS (C.)

" Religion in Bali "

Institute of religious iconography. State University Groningen.

E.J. Brill. Leiden. 1973.

HOOYKAAS (C.)

" Ritual purification of Balinese temple "

Amsterdam, North-Holland. J. H.. 1961.

KHAZNADAR (F. et C.)

" Le théâtre d’ombres "

Maison de la culture de Rennes.1975.

LOMBARD (D.)

" Le théâtre indonésien "

Encyclopedia Universalis.

 

LOTH (A.M.)

" Védisme et hindouisme du divin et des dieux "

Le Bas. Les Pavillons-sous-Bois. 1981.

PHALGUNADI (I.G.)

" Evolution of hindu culture in Bali,from the earliest period to the present time "

Sundeep Prakashan. Delhi. 1991.

VAN GRAENENDAEL (V.M.C.)

" Wayang theater in Indonesia, an annotated bibliography "

Bibliographical series 16.

Dordrecht (Holland).1987.

ZURBUCHEN (M.S.)

" The language of Balinese shadow theater "

Princeton University Press. 1987.

 

 

 

Sources Internet :

http://www.Pacificnet.Net/gamelan/wayangbali.html

http://alize.ere.umontreal.ca/~vervillj/sat1.html

 

 

GLOSSAIRE

 

AGNI : Il est le dieu du feu sacrificiel dans la mythologie hindoue. Il est un des symboles du culte ancien védique. Il est en effet dans les Veda l’une des divinités majeures car de nombreux hymnes lui sont dédiés.

AVESTA : C’est le livre saint de la religion zoroastrienne. L’Avesta constitue encore de nos jours les écritures des Parsis de l’Inde. Le texte original a été rédigé dans une langue très ancienne proche de celle des Veda que l’on appelle Avestique.

BODHISATTVA : " Etre éveillé ". Ce nom est donné à des personnages divins du bouddhisme qui renonce temporairement à l’état de Bouddha afin d’aider les autres êtres à atteindre l’éveil.

BRAHMA : C’est la première divinité de la grande triade hindoue. Il est le maître des horizons et des quatre Veda. Il a donné naissance à la création du monde elle-même. Il est le dieu créateur par excellence. Cependant, Brahma est demeuré très abstrait donc son culte est resté très peu développé. Sa parèdre est Sarasvati qui est la déesse des arts et plus particulièrement de la musique. Sa monture est l’oie sacrée que l’on nomme le Amsa.

BRAHMANE : C’est la plus haute des quatre castes traditionnelles hindoues (Varna). C’est de cette caste que viennent les prêtres. Les Brahmanes seraient nés de la tête de Brahma qui est le dieu créateur.

DHARMA : C’est l’ensemble des règles et des phénomènes qui régissent l’univers et l’ordre des choses.

DURGA : C’est un des noms qui a été donné à la parèdre de Shiva. Sous le nom de Durga, elle apparaît dans sa forme destructrice et terrible. En Indonésie elle a été assimilée à une démone d’origine locale appelée Rangda " la mangeuse d’enfants ".

GANESHA : " Seigneur des troupes ". Il est le fils de Shiva et de Parvati. Il est facilement reconnaissable à sa tête d’éléphant qui lui donne un côté très sympathique. Il est extrêmement populaire, car il est celui qui enlève les obstacles. Sa monture est un rat appelé Moushaka.

GAROUDA : Il est l’oiseau fabuleux de la mythologie indienne. Il est aussi la monture de Vishnou, c’est pour cela qu’on le considère comme " le roi des oiseaux " . Il ressemble à un aigle et à un vautour en même temps. Il est aussi la représentation des enseignements ésotériques des Veda.

HANOUMAN : Cette divinité est reconnaissable à sa tête de singe. Il est le chef de l’armée des singes dans le Ramayana, et il aidera le héros Rama à reprendre sa femme qui avait été enlevée par le démon Ravana.

IRIAN JAYA : C’est le nom qu’a donné l’Indonésie à la partie de la Nouvelle Guinée qu’elle possède.

KALA : Dans la mythologie indienne on l’appelle " le noir " et il symbolise le temps. C’est un monstre mythique qui a une tête de démon sans mâchoire inférieure, son image orne souvent les linteaux des portes des temples indiens, khmers et javanais. Kala est le fils de Shiva, il est parfois considéré comme son émanation.

KALIMANTAN : C’est le nom indonésien qui a été donné à Bornéo.

KAURAVA : Ceux sont les membres de la tribu des Kuru qui est une tribu indo-européenne du nord de l’Inde. Dans le Mahabharata ils sont les ennemis de leur cousins les frères Pandava, ils sont au nombre de cinq et sont les fils du roi Dhritarashtra.

KRISHNA : Il est un des dieux les plus populaire du panthéon hindou. Il est également une des incarnations de Vishnou sur terre. Dans la grande épopée du Mahabharata, on le retrouve comme cochet du vaillant Arjouna qui est un des frères Pandava.

KSHATRYA : C’est la deuxième grande caste hindoue. C’est la caste des souverains et des guerriers. Les frères Pandava et Kaurava qui sont les grands héros du Mahabharata font partie de cette caste.

MANTRA : C’est une formule sacrée qui peut être hindoue ou bouddhique. Le Mantra est considéré comme la forme matériel de la divinité qu’il est censé évoquer. Le Mantra a un caractère magique, il a le pouvoir de faire matérialiser la divinité qu’il symbolise.

MITANNI : C’est un vaste empire qui est apparu brusquement vers le 16ième siècle avant notre ère. C’est un peuple d’origine indo-aryenne comme en témoigne les noms des différents souverains ainsi que les neuf premiers chiffres de leur langue. Le royaume du Mitanni s’étendait des Zagros à la Méditerranée et il englobait aussi la Syrie du nord.

PANDAVA : " Fils de Pandu " dans le Mahabharata. C’est un clan indo-européen installé près de Delhi (Astina). Leurs chefs étaient cinq frères : Yudishtira, Arjouna, Bhima, Nakoula et Sahadeva. Ils avaient en commun une seule épouse appelée Droupadi. Ils s’opposèrent à leur cousins les Kaurava durant une grande bataille.

RAKSHASA : C’est une sorte de démon mangeur d’homme que l’on retrouve dans la mythologie hindoue. Ils sont parfois les gardiens de certaines divinités. Leurs femelles sont appelées des Rakshasi.

RAMA : Il est le héros de l’épopée du Ramayana, il va réussir à récupérer sa jeune et belle épouse Sita que le démon Ravana lui avait enlevé avec l’aide du chef de l’armée des singes Hanouman. Rama est une des nombreuses incarnations sur terre du dieu Vishnou.

RAVANA : Dans le Ramayana, il représente le roi-démon de l’île de Lanka (actuel Shri Lanka). Il fut tué par le héros Rama qui voulait récupérer son épouse Sita. Ravana a un aspect terrible, il possède dix têtes et vingt bras.

RIG-VEDA : C’est la premier et le plus ancien des quatre Veda. Ses origines remontent probablement au début de l’arrivée des peuplades indo-européennes dans la vallée indo-gangétique (vers le premier millénaire avant notre ère). Tous ces hymnes ont été écrits par des sages inspirés appelés Rishi. Le Rig-Veda contient des hymnes, des prières, des incantations et des prescriptions rituelles.

SHIVA : Il est le dieu le plus vénéré de la grande triade hindoue et le plus populaire. Il a un rôle très ambigu, car il est en même temps le dieu créateur et le dieu destructeur. Sa colère cosmique peut détruire tous les démons. Il est symbolisé par le Lingam qui est l’organe sexuel masculin. Il a de nombreuses émanations dont le démon Kala ( le temps destructeur). Sa monture est le taureau Nandim (taureau à bosses).

SHRI : " Beau, brillant, fortuné ". C’est un des noms qui est donnée à la parèdre de Shiva qui est Parvati.

SUDRA : C’est la quatrième caste traditionnelle de la société hindoue, et donc la plus basse. Les Sudra sont considérés comme les serviteurs des trois autres castes restantes. Ils représentent l’impureté et on les dit non aryen. Ils sont majoritairement représentés à Bali, on les appelle Djaba.

SURYA : C’est le dieu du soleil. Son costume paticulier (bottes et cape) prouve qu’il est probablement d’origine iranienne. Il parcourt le ciel sur son chariot à une seule roue tiré par sept chevaux.

TRIMOURTI : " Trois formes ". C’est la triade hindoue qui est constituée de Brahma, Shiva et Vishnou. Mais la Trimourti peut aussi représenter trois formes d’une même divinité.

UMA : " Lumière " en Sanskrit. Un des noms de la parèdre ( Devi) de Shiva. Elle symbolise la connaissance éternelle et la puissance de la création.

VISHNOU : C’est le deuxième grand dieu de la grande triade hindoue. Il est le dieu qui préserve et qui fait évoluer la création. Il représente les forces qui font évoluer les mondes entre deux ères cosmiques. Sa Monture est l’oiseau sacré Garouda.

WESIA : C’est la dernière des hautes castes hindoues. Les Wesia sont des agriculteurs, des artisans et des paysans. Selon la légende, ils seraient nés de la cuisse de Brahma.

YAKSHA : Ils sont des génies locaux de l’Inde ancienne qui ont été adoptés par l’hindouisme. Ils sont parfois considérés comme les serviteurs de Shiva. Leurs femmes sont les Yakshini, elles seraient des dévoreuses d’enfants.

 

ILLUSTRATION

plan de Bali

FIGURE : Plan de l’île de Bali.

Extrait du site web : http://alize.ere.umontreal.ca/~vervillj/sat1.html

Plan de l'indonesie

FIGURE II : Plan de l’Indonésie.

Extrait du site web : http://alize.ere.umontreal.ca/~vervillj/sat1.html

Kayonan

FIGURE III : Kayonan.

Extrait de " Le théâtre d"ombre " par Khaznadar (F. et C.). 1975. Maison de la culture de Rennes.

disposition spatiale

FIGURE IV : Disposition spatiale durant une représentation de nuit.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

droupadi

FIGURE V : Droupadi.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

<font color="#FFFFFF">Sang hyang Tunggal</font>

FIGURE VI : Sang hyang Tunggal.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Tvalen

FIGURE VII : Tvalen.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

D&egrave;lem

FIGURE VIII : Dèlem.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Vridah

FIGURE IX :Vridah.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Sanut

FIGURE X : Sanut.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Yaksha

FIGURE XI : Yaksha.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

oeil et bouche

FIGURE XII : Œil Sumpé.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

FIGURE XIII : Œil Dedelingan.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

FIGURE XIV : Bouche Lampé Manis.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

FIGURE XV : Bouche Lampé Rengas.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

FIGURE XVI : Bouche animale.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

FIGURE XVII : Bouche d’ogre.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

krishna

FIGURE XVIII : Krishna avec coiffure dite en " Candi ".

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

Diagramme Panca Dewa

FIGURE XIX : Diagramme Panca Dewa montrant les associations entre les dieux, les directions et les couleurs.

Extrait de " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.).British Museum occasional paper n°49. Department of ethnography. 1985.

Hanouman

FIGURE XX : Le dieu Hanouman.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Ravana

FIGURE XXI : Le démon Ravana.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Ganesha

FIGURE XXII :Le dieu Ganesha.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Arjouna

FIGURE XXIII : Le héros Arjouna du clan des Pandava.

Extrait de " Kama and Kala,materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.). North Holland Publishing Company. Amsterdam, London.1973.

Karagöz

FIGURE XXIV : Le héros du théâtre d’ombres turque Karagöz avec son bonnet phrygien.

Extrait de " Le théâtre d"ombres " par Khaznadar (F. et C.). Maison de la culture de Rennes. 1975.

 

 

Notes :

1. Voir périodique de la maison de la culture de Rennes par Khaznadar (F. et C.) page 20. [texte]

2. : Voir " Le théâtre d'ombres " de Khaznadar (F. et C.) page 21. [texte]

3. : Ces deux grands textes seront détaillés au chapitre 2 du grand III. [texte]

4. Voir le mythe hindou de la création du théâtre d'ombre dans " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) page 2.[texte]

5. Voir dans " Kama and Kala, materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.) dans la première partie intitulée " Dalang, incarnation of Kama ". [texte]

6. Il existe en effet en Malaisie et au Cambodge une tradition du théâtre d'ombre très proche de celle de Bali. On y utilise le même répertoire hindou et les ombres sont confectionnées avec du cuir comme à Bali. Il y a donc un lien de parenté évident entre ces théâtres d'ombre du sud-est asiatique. [texte]

7. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) page 2. [texte]

8. : Voir " Wayang theatre in Indonesia, an annotated bibliography " par Van Groenendael (V.M.C.) page 14. [texte]

9. Voir " Wayang theatre in Indonesia, an annotated bibliography " par Van Groenendael (V.M.C.) page 14. [texte]

10. Définition du terme Wayang dans " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) page 21. [texte]

11. Une étude très intéressante a été menée sur le langage du théâtre d'ombre par Zurbuchen (M.S.) dans " The language of balinese shadow theatre ". [texte]

12.C'est le chercheur Kats (J.) qui a développé cette théorie. Voir dans "Le théâtre d'ombres " par Khaznadar (F.et C.) page 20. [texte]

13. Voir " Le théâtre d'ombres " par Khaznadar (F. et C.) page 5. [texte]

14.Voir la rubrique théâtre indonésien par Lombard (D.) dans l'encyclopédia universalis. [texte]

15.Cette théorie est développée dans " Le théâtre d'ombres " par Khaznadar (F. et C.) aux pages 6,7 et 8. [texte]

16.Voir le premier chapitre de " Védisme et hindouisme du divin et des dieux " par Loth (A.M.). [texte]

17.Voir " Le théâtre d'ombres " par Khaznadar (F. et C.) page 7. [texte]

18. Voir " Védisme et hindouisme du divin et des dieux " par Loth (A.M.). [texte]

19. Voir dans " Le théâtre d'ombre " par Khaznadar (F. et C.) à la page 6 et 39. [texte]

20. Voir dans " Le théâtre d'ombre " par Khaznadar (F. et C.) à la page 29. [texte]

21. Voir dans " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) page 53. [texte]

22. Voir au chapitre musique dans " Bali services religieux et rites " par Goris (R.). [texte]

23. Cependant à Bali les représentations durent rarement toute une nuit. La longueur des spectacles de nuit est une des caractéristiques du théâtre d'ombre javanais. Il est courant à Java qu'une représentation dure neuf ou dix heures, le Dalang doit alors être très endurant.[texte]

24. Pour quelques détails sur l'histoire de Calon Arang, voir " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 40. [texte]

25. Le Wayang Sapu Leger peut aussi s'appeler Wayang Sudamala. Voir dans " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 39. [texte]

26. La semaine de Tumpek wayang correspond dans le calendrier balinais à la date anniversaire de la création du théâtre d'ombre. [texte]

27. De très grands festivals religieux sont organisés lors des anniversaires des temples (Odalan). Ces cérémonies ont lieu une fois tout les 210 jours du calendrier indo-balinais appelé Wuku. Ces fêtes sont l'occasion de nombreuses représentations de théâtre et de danse. [texte]

28. Parfois durant un Wayang Lemah, l'écran est remplacé par une simple ficelle tendue qui démarque le monde des ombres et le monde des humains. [texte]

29. Voir au 2 du chapitre III sur les différents répertoires. C'est le nom indonésien donné au spectacle reprenant le thème du Mahabharata. [texte]

30. Le Kawi est une langue rappelant le vieux javanais littéraire, elle est principalement utilisée par les religieux hindous, elle est considérée comme la langue des dieux . Voir " The language of balinese shadow theatre " par Zurbuchen (M.S.). [texte]

31. On vera dans le chapitre suivant les différents types de Dalang existant. Pour le rôle particulier de l'Amangku Dalang voir dans " Religion in Bali " de Hooykaas (C.) dans le chapitre consacré au prêtres. [texte]

32. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) page 21. [texte]

33. Voir article sur le théâtre indien dans l'Encyclopedia Universalis. [texte]

34. Ces quatre clowns sont Tvalèn, Dèlem, Vridah et Sanut. [texte]

35. En effet l'iconographie et le style des ombres balinaises sont hérités des costumes de cour que l'on portait sous l'empire de Mojopahit entre le 11ième et le 14ième siècle. La tradition s'est perpétuée jusqu'à notre époque. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A .) à la page 30.[texte]

36. On retrouve ce type d'iconographie dans l'hindouisme, mais c'est dans les images tantriques et dans celles du bouddhisme tibétain qu'il sera le plus développé, notamment dans la représentation du démon protecteur Mahakala. [texte]

37. Voir dans " Balinese shadow play figures " de Hobart (A.) à la page 31. [texte]

38. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) à la page 23. En effet à Bali comme à Java le terme Candi signifit temple. [texte]

39. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) à la page26. [texte]

40. Cette différence de style ainsi que le fait que Sang Hyang Tunggal est nu montre le caractère indigène de ce dieu. Il est peut-être l'un des restes de cet ancien culte dédié aux ancêtres qui existait sur l'île avant l'arrivée de l'hindouisme.[texte]

41. le Kain est d'ailleurs encore très couramment porté à Bali. [texte]

42. Voir dans " Balinese shadow play figures " à la page 30. [texte]

43. Cependant ce code symbolique des couleurs est quelques peu différent de celui de l'Inde, car il mélange des traditions indiennes à des traditions indonésienne. Cela explique que l'on retrouve quelques symbolisme en commun tel que la couleur bleu qui en Inde comme en Indonésie est représentative du dieu Vishnou. [texte]

44. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) à la page 13. [texte]

45. En effet dans le tradition indienne le dieu Brahma n'est pas considéré comme un dieu du feu, il est le dieu créateur et sa couleur est le blanc. La tradition balinaise au contraire lui donne l'aspect d'un dieu néfaste en faisant du rouge sa couleur et du sud sa direction.[texte]

46. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) de la page 14 à la page 20. [texte]

47. C'est la forme de la tige d'une ombre qui permet de savoir son origine. A Bali, les ombres ont toujours des tiges de bois de bananier droite et très rigide, alors qu'à Java elles ont des tiges en os ou en corne qui sont ondulées et qui suivent la forme du corps de la marionnette. [texte]

48. C'est en effet sous le règne du roi Rajasanagara (1350-1389) que l'expansion de l'empire de Mojopahit vers Bali a été la plus forte. Cependant cette expansion avait commencé dès le 11ième siècle. Voir " Les états hindouisés d'Indochine et d'Indonésie " par Coedes (G.) à la page 431. Voir premier chapitre de " Religion in Bali " par Hooykaas (C.). [texte]

49. Voir " Bali, services religieux et rites " par Goris (R.). [texte]

50. Voir chapitre 2. [texte]

51. Voir dans " Bali, services religieux et rites " par Goris (R.). [texte]

52. Voir dans " Bali, services religieux et rites " par Goris (R.). Le phénomène des castes est appelé Triwangsa. [texte]

53. Voir " Religion in Bali " par Hooykaas (C.). [texte]

54. Il existe une version française très fidèle du Mahabharata aux éditions Flammarion traduite par Péterfalvi (J.M.) et commantée par Biardeau (M.). [texte]

55. Voir " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 39. [texte]

56. C'est parfois le Kayonan (arbre sacré stylisé) qui marque sur la scène cette limite entre le bien et le mal. [texte]

57. Voir chapitre 2 sur les représentations de nuits. [texte]

58. Voir dans " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 40. [texte]

59. Voir dans " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 39 [texte]

60. Le mythe de la naissance de Kala est raconté par Bonneff (M.) dans l'article du périodique Archipel n°9 à la page 200. Ce mythe de Kala est présent dans plusieurs textes javanais, et en particulier dans le texte célèbre appelé Tantu Panggelaran. [texte]

61. Kala est considéré par le Dalang comme le démon principal contre lequel il doit lutter. Kala est le symbole du mal. Voir dans " Kama and Kala, materials for the study of shadow theatre in Bali " par Hooykaas (C.) dans la deuxième partie appelée " Kala, the evil to be defeated ". [texte]

62. La semaine de Tumpek wayang est considérée dans le calendrier balinais comme la semaine de l'anniversaire de la création du théâtre d'ombre. Voir article sur Hooykaas (C.) dans le périodique Archipel par Bonneff (M.). [texte]

63. Cela est vrai s'il s'agit d'une famille de haute caste. Par contre la naissance de jumeaux de sexes différents dans une même famille apportera la misère dans tout le village. Voir Hooykaas (C.) dans " Religion in Bali ". [texte]

64. Malgré cela il reste très populaire à Java. [texte]

65. Voir dans " Dancing shadows of Bali " par Hobart (A.) à la page 40. [texte]

66. Cette information provient d'un site web très intéressant sur le théâtre d'ombre à Bali : http://www.Pacific.net/gamelan/wayangbali.html [texte]

67. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) à la page 8. [texte]

68. Voir chapitre intéressant sur le Dalang dans " les marionnettes " par Fournel (P.) à la page 65. [texte]

69. Voir le chapitre sur les prêtres dans " Religion in Bali " par Hooykaas (C.). [texte]

70. Voir le chapitre sur les prêtres dans " Religion in Bali " par Hooykaas (C.). [texte]

71. Le Dharma Pawayangan est un traiter général du Wayang Kulit, on y trouve beaucoup d'incantations magiques et des instructions concernant l'accomplissement de certains rites dont ceux d'exorcisme. C'est à travers ce traiter que Hooykaas (C.) étudie le rôle de l'Amangku Dalang dans " Kama and Kala, Materials for the study of shadow theatre in Bali ". [texte]

72. Voir au chapitre théâtre dans " Bali, services religieux et rites " par Goris (R.). [texte]

73. Voir " Balinese shadow play figures " par Hobart (A.) à la page 9. [texte]

74. Tel que Hooykaas (C.) dans " Kama and Kala, materials for the study of shadow theatre in Bali " dans la première partie de l'ouvrage. [texte]

75. Dans " Kama and Kala, materials for the study of shadow theatre in Bali " Hooykaas (C.) parle d'un " enlightened Dalang ", les balinais l'appellent Sang Mangku Dalang. [texte]

76. Voir site Web http://www.Pacificnet.Net/gamelan/wayangbali.html [texte]