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L’alphabet sacré

 

v  Si  l'on  admet  que  l'histoire  commence  à Sumer, il  faut  reconnaître  que  l'écriture  cunéiforme  n'offre  aucun  point  de  comparaison avec  l'écriture hébraïque.

 

v  Le  sumérien  comporte  300 signes ( à l'origine  près  d'un  millier ) , l'hébreu  n'en  possède  que  22

 

v  Les  dessins  linéaires en  forme  de  coins  et  de  clous , sont  des  mots - à - lettres  qui  désigne  les  choses  ou  les sons  qui  expriment  ces  choses.

 

v  L'hébreu  ancien est  un  langage - à - nombres qui  traduisent  la  réalité  ontologique.

 

v  La  chose en  soi , le mot « matière « , sont  inintelligibles en  hébreu. Le  mot  « néant » n'existe  pas , l'auxiliaire « être » n'est  pas utilisé, il  n'y  a  pas  non  plus  de  verbe  « avoir ».

 

v  La  liste  des  adjectifs  est courte. La  règle  du  génitif  latin  est  inversée : ex : Si l'on  veut  traduire : «  une  parole  de Roi «  , le  mot  parole : «  davar », se  décline  et  devient  « devar », le  mot  Roi (melekh) demeure  invariable.

 

v  C'est le  contraire qui  se  produit  en latin où le mot roi, se  décline, ce  qui  répond  à  une  structure  mentale  diamétralement  opposée à  celle  des  hébreux .

 

v  Pour  l'hébreu, ce  n'est  pas  la  personne  qui  est variable, mais la  parole. Cette  logique  contraint  l'hébraïsant  à  une  méditation beaucoup  plus  profonde  sur  le  langage. L'idée  hébraïque  de  temps  est  également  différente.

 

v  La  grammaire  ne  traduit  pas  ce mot précisément  par  présent, passé, futur, mais  par  «  achevé »  ou  « inachevé « , « parfait »  où «  imparfait », et présent, passé, et  futur  se  confondent dès  l'instant  qu'il s'agit  d'une  action  qui  se  renouvelle  constamment, car  ce  qui  se  renouvelle constamment  a  été  et  sera.

 

v  Les  mots hébraïques  sont composés  de  trois  consonnes  racines, qu'il  faut  détacher  des  préfixes  et  des  suffixes lorsque  ceux - ci  sont  accolés, pour  les  identifier. Or on  peut  observer  que  l'ordre  des  trois  consonnes  importe  peu  pour  signifier , ex :

 

v   deux  mots  apparemment  aussi  différents  que «  michpat » (jugement  ou  règle  de  justice)  et  « choftim » (juges) ont  le  même  radical. Bien que les  trois  consonnes - racines  ne  soient pas  dans  le même  ordre, le  rapport  entre  ces  deux  mots  est  évident.

 

v  En  outre les  consonnes hébraïques  ont  la  particularité d'avoir  une  valeur  numérique et  de  ce  fait, des  mots  de  consonnes différentes, mais  de  valeurs  correspondantes, possèdent  également  un  radical  ontologique identique.

 

v  Ainsi  les mots  pluie (gechem)  et  paix  (chalom) ont  même signification ontologique. Deux  consonnes  sont  communes aux deux  mots : CH  de valeur  300  et  M  de  valeur  40. Or  le  G  de  guéchem, de valeur  3  a même  signification  ontologique  que  le  L  de  chalom, de  valeur  3(0).

 

v  La  kabbale  ontologique  remarque que  dans les  deux  cas, il y  a  fécondation  du  40 (M) et  la  pluie  apparaît  ainsi, fécondante , )  l'image  de  la  paix .Même le mot  nom ( chem : shine, Mem) soit 300 + 40 = 340, a l'exacte  valeur  du  mot  nombre ( Sephar : samek, pe, Resch ) soit 60 + 80 + 200 = 340. Et  le  mot  livre ( sepher : samek, pe, Resch , mêmes  lettres  que  sephar) contient  tous  les  noms, c.a.d. tous  les  nombres.

 

v  L'alphabet  hébraïque  ne  peut  donc  être  en  aucune  manière comparé  aux  alphabets  des langues  profanes, bien  qu'il  puisse  être transcrit  comme  elles  en  une  seule  colonne.Et  pour l'étude  de  la kabbale, il  faut  les  lire  sous  la  forme  d'un  tableau  répartit  en  trois groupes, dont  chacun  correspond  à un plan.

 

v  De la  première  à  la  neuvième les  lettres  ont  valeur  d'unité  et  correspondent  au  plan  des  archétypes.

 

v  De  la  dixième à  la  dix  huitième, elles ont  valeur de  dizaine  et  correspondent  au  plan  des  réalisations.

 

v  De la  dix neuvième  à  la  dernière  elles ont  valeur  de  centaine et correspondent  au  plan  cosmique.

 

v  Il  y  a  donc  corrélation  entre  la  première lettre  de  chaque  groupe, la  seconde , troisième… Le  troisième  groupe n'étant  composé  que  de  quatre lettres, cinq  lettres  lui  sont  adjointes que l'on  appelle  lettres  terminales, lesquelles placées en  fin de  mot, changent  de  forme et  de  valeur  numérique.

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Les Massorètes

 

Introduction :

 

v   En hébreu, "tradition" se dit masorah ou masorèth. Vers le VIème siècle de notre ère, les dépositaires de la tradition consistant à copier fidèlement les Écritures hébraïques ont fini par être connus sous le nom de massorètes (en hébreu, Baalei Hamasorah, "Seigneurs de la tradition"). On appelle textes massorétiques les copies qu'ils ont réalisées.                          

                                             

v   Ils étaient extrêmement appliqués. Ils élaborèrent divers systèmes de vérification. Dans leur souci de ne rien oublier du texte biblique, ils comptèrent non seulement les mots, mais aussi les lettres. Pour avoir une idée du travail que cela représentait, sachez qu'ils recensèrent 815 140 caractères dans les Écritures hébraïques.

 

v   Le mot hébreu rendu par " copiste ", sophér, évoque l'idée de compter ou de recenser. Les Massorètes repérèrent la lettre médiane du Pentateuque [les cinq premiers livres de la Bible], la section centrale de chaque livre, et ils signalèrent le nombre d'occurrences de chaque lettre de l'alphabet dans l'ensemble des Écritures hébraïques.

 

v   Il se peut d'ailleurs que cette méthode efficace ait été employée longtemps avant eux par d'autres copistes qui désiraient également se garder de toute faute. Jésus faisait peut-être allusion à cette pratique quand il a dit dans son Sermon sur la montagne: "Le ciel et la terre passeraient plutôt que ne vienne à passer de la Loi une seule toute petite lettre ou une seule parcelle de lettre sans que toutes les choses aient eu lieu" (Matthieu 5:18).

 

Quelques exemples :

 

v   Lévitique 11:42. Dans ce verset, on a agrandi la lettre hébraïque wâw pour montrer qu'elle marque le milieu du Pentateuque. Une portion du codex d'Alep (Psaume 80:14).

 

v   La lettre hébraïque `ayin est suspendue, ce qui indique qu'elle tient le milieu du psautier. Pour être en mesure de signaler la lettre médiane des Psaumes et des cinq livres écrits par Moïse, les massorètes avaient dû compter tous les caractères du texte.

 

Le système de prononciation de l'hébreu

 

v   L'hébreu avait cessé d'être une langue nationale et vivante. Beaucoup de Juifs ne le parlaient plus. Des groupes de massorètes à Babylone et en Israël ajoutèrent des signes diacritiques aux consonnes pour indiquer l'accentuation correcte et la bonne vocalisation.

 

v   Ils ont également mis en place un système complexe de signes servant à la fois de ponctuation et de guide phonétique. Au moins trois systèmes furent élaborés, mais la primauté revint à celui des massorètes de Tibériade, près de la mer de Galilée, patrie des Ben Asher.

 

 

La famille Ben Asher

 

v   On a pu établir que cette seule famille a produit cinq générations de massorètes, à compter d'Asher l'Ancien au VIIIème siècle de notre ère. Les autres sont Néhémie Ben Asher, Asher Ben Néhémie, Moïse Ben Asher et enfin, au Xème siècle, Aaron ben Moïse Ben Asher.

 

v   Ces hommes étaient à la tête d'une entreprise visant à arrêter un système d'indices graphiques qui rendrait au plus près ce qu'ils pensaient être la bonne prononciation du texte biblique hébreu.

 

v   Pour mettre au point ces indices, il leur fallait définir les bases du système grammatical de l'hébreu, travail qui, jusqu'alors, n'avait jamais été entrepris. Aussi pourrait-on ranger les massorètes parmi les premiers grammairiens de l'hébreu.

 

v   Aaron, dernier héritier de la dynastie massorétique Ben Asher, innova en regroupant le résultat des travaux et en les publiant dans le "Dikdouké hateamim", le premier livre fixant les règles grammaticales de l'hébreu. Cet ouvrage devint la référence des grammairiens hébreux pendant des siècles. Mais cette œuvre n'est que le corollaire d'un travail plus important réalisé par les massorètes. De quoi voulons-nous parler?

 

 

La transmission fidèle de chaque mot

 

v   La préoccupation première des massorètes était la transmission fidèle de chaque mot, et même de chaque lettre, du texte de la Bible. Par souci d'exactitude, ils marginèrent chaque page pour signaler les éventuels changements effectués, volontairement ou non, par les copistes prémassorétiques.

 

v   Dans ces notes marginales, ils indiquèrent également les variantes orthographiques et les tournures peu usitées, précisant le nombre de leurs occurrences à l'intérieur d'un même livre ou dans l'intégralité des Écritures hébraïques.

 

v   Vu le peu de place disponible, ils recoururent à un code extrêmement abrégé pour porter ces commentaires. Ils signalèrent en outre le mot ou la lettre médiane de certains livres, fournissant ainsi un instrument supplémentaire de vérification. Ils allèrent jusqu'à dénombrer toutes les lettres de la Bible pour s'assurer de la fidélité de leurs copies.

 

v   Dans les marges supérieures et inférieures, les massorètes portèrent des commentaires plus étendus concernant les notes abrégées des marges latérales, commentaires très précieux pour effectuer des vérifications.

 

v   Puisqu'il n'existait ni numérotation de versets ni concordance biblique, comment ces notes comparatives renvoyaient-elles à d'autres parties de la Bible? Les massorètes inscrivaient dans les marges supérieures et inférieures un extrait des versets parallèles pour se souvenir des autres occurrences du ou des mots indiqués.

 

v   Le manque de place les amenait souvent à ne porter qu'un seul mot-clé du verset parallèle.

 

v   Pour que ces notes marginales présentent un intérêt, ces copistes devaient pratiquement connaître par cœur l'intégralité des Écritures hébraïques.

 

v   Les listes trop longues pour figurer en marges étaient reportées à un autre endroit du manuscrit. Par exemple, la note massorétique en regard de Genèse 18:3 indique les trois lettres, qui correspondent en hébreu au chiffre 134.

 

v   Ailleurs dans le manuscrit sont recensés les 134 emplacements du texte hébreu où les copistes prémassorétiques ont délibérément remplacé le nom divin YeHoWaH <nom-divin00000000031C071C.htm> (Jéhovah sous la forme francisé) par "Seigneur".

 

v   Les massorètes connaissaient pertinemment ces changements, mais ils ne se sentaient pas autorisés à modifier le texte dont ils étaient les dépositaires, aussi préférèrent-ils signaler les altérations par des notes marginales. Pourquoi mettaient-ils un tel point d'honneur à préserver un texte pourtant déformé par leurs prédécesseurs? Le judaïsme qu'ils professaient était-il différent de celui de leurs devanciers?

 

Leur position religieuse

 

v   L'essor massorétique s'effectua alors que le judaïsme était empêtré dans une lutte idéologique. Depuis le Ier siècle de l'ère chrétienne, le rabbinisme avait étendu son emprise.

 

v   La rédaction du Talmud et les interprétations rabbiniques de la loi orale avaient commencé à reléguer le texte biblique au second plan. Dès lors, la conservation minutieuse du texte de la Bible risquait de perdre de son importance.

 

v   Au VIIIème siècle, un groupe connu sous le nom de Karaïtes s'insurgea contre cette tendance. Apôtres de l'étude individuelle des Écritures, ces hommes rejetaient l'autorité et les interprétations rabbiniques, ainsi que le Talmud. Pour eux, seul le texte biblique faisait autorité. Cette position accrut le besoin d'une transmission fidèle du texte, et l'étude massorétique y trouva un nouveau souffle.

 

v   Dans quelle mesure les croyances du rabbinisme et du karaïsme influencèrent-elles le travail des massorètes? Moshe Goshen-Gottstein, spécialiste en manuscrits bibliques hébreux, déclare: "Les massorètes étaient convaincus (...) de perpétuer une longue tradition, et renoncer à cette mission eût représenté pour eux l'offense suprême."

 

v   Les massorètes considéraient comme sacrée la reproduction fidèle du texte de la Bible. Quelque élevée que pût être leur motivation religieuse individuelle, il semble qu'à leurs yeux l'œuvre massorétique à elle seule transcendait toute considération idéologique. La nécessaire concision des notes marginales laissait bien peu de place au débat théologique. Le texte biblique était la préoccupation de toute leur vie; toute falsification de celui-ci leur était insupportable.

 

[Notes]

 

En hébreu, "ben" veut dire "fils". Ben Asher signifie donc "fils d'Asher".

On appelle petite massore les notes latérales, et grande massore celles portées en haut et en bas de chaque folio. Les autres listes du manuscrit constituent la massore finale.

 

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