L'Etat engeôle les néo-nazis de Nomad 88
Au terme de quatre jours de procès, le tribunal correctionnel d'Evry a condamné jeudi les membres d'un groupe néo-nazi à des peines allant de quatre mois d'emprisonnement avec sursis à 30 mois de prison ferme. Ils étaient poursuivis pour leur participation à un groupe de combat et pour deux d'entre eux à une fusillade dans l'Essonne en 2008 qui n'avait pas fait de victimes.
Le ministère public avait requis des peines allant de 800 euros d'amende à 42 mois d'emprisonnement ferme.
"Au combat, tu agis déterminé avec passion et avec haine. Tu ne respectes pas tes ennemis, tu les écrases comme de la vermine", stipulait le règlement intérieur de Nomad 88 (NDLR: 88 Heil Hitler, le 8 représente le H, huitième lettre de l'alphabet). Mais lors des quatre jours d'audience, les néo-nazis ont fait pâle figure.
Peintre en bâtiment, carriste, employé de pompes funèbres, boulanger... Ils n'ont rien d'idéologues. Ceux qui ont lu "Mein Kampf" n'ont pas dépassé le second chapitre. "Ca m'a saoulé", a déclaré l'un d'eux à la barre.
Les deux chefs du groupuscule ont comparu détenus: le fondateur, Camille Farout, 24 ans, et Thomas Coumont, 25 ans. Au nom de l'hygiène raciale prônée sous le IIIe Reich, ce dernier n'aurait peut-être pas survécu: atrophie de la main gauche, partielle de la droite et les deux jambes amputées au-dessous du genou. Le premier a été condamné à quatre ans, dont 18 mois avec sursis, et le second à trois ans dont un avec sursis.
Ce groupuscule, proche de la "droite socialiste", se voulait le fer de lance d'une nouvelle révolution. Son existence n'aura duré que quelques mois avant son démantèlement fin mai 2008. Les enquêteurs ont saisi tout un arsenal datant de la Seconde guerre mondiale et du TATP, un puissant explosif. Selon l'accusation, ses membres s'entraînaient au combat. Les entraînements militaires avancés par l'accusation se résument à quelques séances de tir sur des canettes de bière.
"Les entraînements qu'on faisait, c'était boire de l'alcool", a souligné Coumont. Mais également passer à tabac les déserteurs du groupe. Ou de tirer en l'air au fusil de chasse au-dessus d'un camp de Gitans pour se venger d'avoir été exclu d'un concert.
Parmi les prévenus, un armurier d'Eure-et-Loir chez qui quelques membres du groupe voulaient acheter des munitions. Il se retrouve poursuivi pour non-respect de la législation sur les armes. "Il fallait trouver l'armurier qui fournissait le groupe", a grincé cet ancien militaire. Aujourd'hui, il préfère s'intéresser aux Amérindiens. Au point de vivre l'été dans un tipi, de se coiffer à l'iroquois et d'enfiler des perles avec une épine de porc-épic.
Le 30 mai 2008, les principaux membres de ce groupe sont interpellés suite d'une fusillade survenue deux jours plus tôt à Saint-Michel-sur-Orge (Essonne). Un des témoins expliquera aux enquêteurs que les tirs étaient rapides. "J'avais l'impression que les balles me suivaient". Une trentaine de cartouches percutées seront retrouvées sur les lieux.
En garde à vue, Camille Farout et Cédric Rasle, 21 ans, vont expliquer avoir voulu monter une expédition punitive. Rasle avait été pris à partie à plusieurs reprises. En rejoignant Nomad 88, il s'était senti "plus en sécurité", a-t-il expliqué. Les deux jeunes gens vont s'armer d'une mitraillette britannique de la Seconde guerre mondiale et d'un fusil à canon scié. Et partir à la recherche des agresseurs de Rasle.
Dans le box, Camille Farout dit ne pas avoir visé les passants mais juste voulu faire peur. A la barre, Cédric Rasle, perclu de tics au visage, tatouage identitaire sur l'index de la main gauche et les trois points signifiants "Mort aux vaches", convient que l'expédition "est devenue un désastre". Après une année en détention provisoire, il explique vouloir tirer un train sur cette vie antérieure. Il a écopé de deux ans, dont un avec sursis.
Tous, en dépit de leur tenue vestimentaire sombre, assurent avoir tiré un trait sur leur passé. Coumont assure vouloir se retirer en Alsace-Lorraine. Un autre affirme au tribunal que sa nouvelle petite amie est juive d'Afrique du Nord. "Ma belle-famille est informée de mon histoire. Ils m'ont soutenu moralement. C'est une belle leçon de vie". AP
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