Chapitre IV : Le statut usager de la Montagne et son évolution

                                    

 

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Comme je le précisai dans l’introduction le fait qu’une forêt ait été grevée de droits d’usage n’est pas en soi original. C’était le cas, sous des formes diverses en bien des endroits par exemple  dans les forêts de Fontainebleau en 1340 (bois mort et bois vif pour construire, le racheau), dans le Jura ( forêt de Chaux)  en 1375, en Chartreuse dans le massif de Chamrousse au XIII° siècle, dans les forêts de Vitrival en Belgique en 1287( le mazuyage, du nom du bois de Mazuys où ils se pratiquaient), dans celles de l’Isère (le maronage) ou encore en Couserans, en Ariège, où ils furent confirmés en 1554.

        Ces droits furent, dès l’époque carolingienne, l’objet de limitations qui concernaient surtout les forêts royales : c’est ainsi qu’en  1669 l’ordonnance de Colbert supprime tous les droits concédés à partir de 1560, interdit d’en créer de nouveaux et ne maintient les droits au bois antérieurs qu’au profit des institutions religieuses ou en prévoit le rachat.

Pour les forêts seigneuriales, c’est la Révolution Française qui donnera le coup de grâce avec toute une série de lois restrictives dont celle du 28 Août 1792 sur le droit donné aux communes de  récupérer les biens ou droits dont elles auraient été «dépouillées par les seigneurs » . Encore fallait-il qu’il n’y ait pas d’actes ou transactions contraires ce qui était le cas à La Teste où la forêt ne put devenir communale et dont le cas fut définitivement réglé par les lois des 10 juin et 2 octobre 1793 qui créaient des juridictions arbitrales statuant sans appel sur tous les litiges concernant les droits d’usage.

L’arrêté du 10 mars 1802 soumettant les forêts communales au régime forestier ouvrait la voie à l’interdiction des droits d’usage et le code forestier de 1827 paracheva toutes ces tentatives en généralisant les procédures de cantonnement.

Celles-ci furent cependant plus lentes que prévues et provoquèrent de nombreuses protestations voire des rebellions comme en Ariège où la suppression des droits au bois provoqua, entre 1829 et 1839 la « guerre des demoiselles »  (les contestataires portaient une chemise par-dessus le pantalon) ou comme dans le Capcir (Pyrénées orientales) aux alentours de 1848.

Partout ailleurs, lorsque, après de nombreux procès, les droits d’usage ont subsisté dans les forêts domaniales ou communales c’est sous la forme d’affouage, c'est-à-dire de la délivrance annuelle d’une quantité fixe de bois à certains habitants.

La quantité de bois délivré, son utilisation, le statut des bénéficiaires varie d’une région à l’autre en fonction des textes d’origine : ainsi dans le département de la Moselle, certains habitants de Dabo et d’Engenthal, ancien comté de la forêt vosgienne, à condition de faire partie des 1145 descendants des usagers[1] ayant habité la commune avant 1789 reçoivent tous les ans I3000 m3 de bois délivrés par l’ONF en vertu de textes remontant à 1616. Chaque chef de famille tenant « feu et pot séparé » c'est-à-dire ayant un logis personnel a droit en effet à huit sapins  « bourgeois » (les veuves seulement à 4…) qu’il peut revendre à des négociants dès qu’il les a obtenus.

 

           Si à La Teste la « guerre » resta verbale ou judiciaire, c’est que les transactions antérieures à la Révolution et confirmées en l’An II faisaient échapper la forêt aux lois nationales et en particulier au Code Forestier.

 

 

 

 

I-Origine et évolution des droits d’usage.

 

A- Les textes de base.

 

Cette forêt unique  appartenait au départ aux seigneurs locaux : les captaux de Buch.

Ceux-ci, pour maintenir des habitants sur leurs terres leur avaient, depuis des temps immémoriaux, baillé (concédé) contre « espèces sonnantes et trébuchantes[2] » un certain nombre de droits, toujours révocables puisque, à chaque mutation de seigneur, ceux-ci avaient l’habitude de « remettre en leur main » la forêt ce qui obligeait à de nouvelles négociations au cours desquelles les obligations des uns et des autres étaient ajustées en fonction de l’évolution économique et surtout de l’inflation. C’est ainsi que la monnaie de compte, la livre tournois, a très souvent été dévaluée : elle correspond en 1500 et 1535 à 3,07 grammes d’or, en 1604 à 0,99 grammes et en 1746 à 0,31 grammes.[3]

Ces négociations se produisirent en 1468, 1500,1535, 1604, 1645,1746 et 1759, et ces textes appelés « baillettes et transactions » furent reconnus, fait exceptionnel, sous la Révolution Française comme étant la loi définitive des parties.

 

Ces textes ont fait l’objet de nombreuses études et de nombreuses décisions de justice, mais comme  ils ont souvent été lus avec un œil partisan, un certain nombre d’idées fausses ont été véhiculées à travers les âges.

C’est le grand mérite des historiens Jacques Bernard[4] et Fernand Labatut[5], d’avoir, très récemment, renouvelé l’étude de ces documents et c’est essentiellement leurs conclusions qui seront ci-dessous reprises.

 

  Le  texte original de 1468 a disparu. [6] En effet, le 26 Brumaire An 2 il fut décidé par le Conseil Général de la commune de La Teste, de brûler les terriers et titres féodaux que le Captal, conformément à la loi, avait remis. Ce« brûlement » des titres féodaux  s’est fait au lieu-dit les Places en Frimaire An II. (novembre 1793).

        Mais dès l’origine le notaire Daycard en avait remis un exemplaire à chacune des parties (Seigneur et représentants des manants et habitants) et des copies ont circulé. En  1746, le seigneur de Ruat avait d’ailleurs  remis une copie de cet acte dont la teneur fut rappelée dans la rédaction de la transaction.

      Des copies existaient donc, ainsi, dans la sentence arbitrale prononcée en Septembre 1794, il est dit que le document présenté n’était « ni la minute de l’acte ni l’expédition de cette minute » Ce document avait d’ailleurs été analysé dans le mémoire présenté par les ayant-pins.

      D’ailleurs ce n’était pas la  première « baillette »; en effet, en 1468,  les représentants des habitants[7] montrèrent au seigneur, Jean de Foix Grailly, un parchemin  qui prouvait que les Captaux, en l’occurrence son père Gaston I ,Comte de Foix,  leur avaient donné le droit de faire, dans ces bois et montagnes, galipot (« gema » , produit brut qui suinte de l’arbre) et brais ( « rouzina » , produit cuit dans une chaudière) et d’y prendre « busca » (c’est le bois qu’on ramasse donc du bois pour le chauffage)  et «fusta» (c’est le bois d’œuvre) pour leur service en payant une taxe, le gemayre, de 20 ardits par cas de gemme et rousine. (20 ardits ou liards représente 60 deniers soit 5 sols ; le cas est le chariot sur lequel on transporte les pains de rousine, en général 10 pains, ce qui fait approximativement 1 millier, environ 500 kilogrammes.)

 

           Ces droits  furent donc de nouveau accordés le 19 octobre 1468. Ils concernaient tous les habitants et pouvaient s’exercer sur toute la forêt, « dans les bois de la villa Seouba et autres montagnes de La Teste et de Cazeaux » à l’exception des bois et deffens de Bernet que se réservait le Captal.

Il était précisé que l’exercice de ces droits devait se faire  « sans dommage et déperdition dudit pignada » et dans le cas du bois d’œuvre pour construire, qu’ils devaient demander congé (permission) au receveur du seigneur lequel  se réservait en outre le  droit de payer 7 sols bordelais le quintal de gemme et résine quand il en achetait pour ses besoins. En prenant comme référence ce prix, la taxe du gemayre représenterait  7,14% de la valeur du cas.( à noter qu’au XVIII° siècle, en 1770, elle représentera 10,41 % mais la monnaie n’a plus la même valeur)

 

           Ces habitants  sont peu nombreux : le 7 Juin 1451, ce sont en effet  40 personnes (très vraisemblablement les chefs de famille) qui prêtent serment de fidélité à Charles d’Albret lequel tente de mettre la main sur le Captalat, ces 40 noms relevés par Pierre Labat[8], sont à rapprocher des « 40 oustaus» ou habitations, dont il est question dans une supplique de l’an 1500. Cela ferait dans les 200 personnes.  

 

           Mais  son fils Gaston II de Foix, captal en 1485, ne respecta pas la parole de son père puisqu’en  1500[9], en effet, les habitants se plaignent de ce qu’il leur fait payer 40 francs bordelais par an en échange de certains droits dont le glandage (glandatge)  le pâturage (herbatge, dont le lieu n’est pas précisé) et le fustage (feussatge) c'est-à-dire le droit au bois (au fût) dont la gratuité avait été confirmée en  1468 !

Ils jugent ces sommes trop importantes car ils ne sont que « quarante oustaus » et que son grand-père ne les faisait pas payer. Ils obtiennent d’en être «relaxés perpétuellement et à jamais »s 

 

            Cependant, dès cette époque, comme l’ont montré Fernand Labatut et Jacques Bernard, étaient apparu deux catégories d’habitants : certains habitants associés[10] versaient en 1468  une rente de 210 livres bordelaises au captal. Certains d’entre eux étant morts, la charge devenait trop lourde, ils demandent et obtiennent en conséquence, en 1468, une réduction du gemayre  qui pour eux passe de  20 à 10 ardits, soit 2,5 sols.

        

Ainsi, l’entrée dans la forêt et son exploitation n’était déjà plus  égalitaire. En prenant toujours comme référence le prix payé par le Captal, cette somme correspondrait à 36 cas soit 18 tonnes  Seuls des négociants pouvaient se le permettre. (à titre de comparaison, la production de la forêt en 1863 est de 941 tonnes.

Ces associés « parsouneys » qui se manifestent ainsi en 1468 étaient peut-être des gens qui avaient été reçus auparavant comme « tenanciers » et avaient, en échange de droits d’entrée importants, obtenu, déjà, des parcelles en forêt.

 

A partir de cette époque, on constate en effet que le Captal accepte, en les recevant comme tenanciers, que des « estrangeys », bordelais, landais, basques, italiens … viennent profiter des mêmes droits et faire négoce de résine. Ces tenanciers seront tenus de payer tous les droits seigneuriaux attachés à leur tenure en plus d’un gemayre de 7 sols et demi par millier de résine ou gemme donc plus élevé que celui payé par les autres usagers  en 1468

C’est ainsi qu’en 1521 Nicolas Lande, marchand et bourgeois de Bordeaux (dont l’épouse possédait, au titre de la maison noble de Bardin, deux pignadas à Pey de Mau dans la montagne d’Arcachon)  achète des pièces au Bougeys. Autre exemple celui d’Andrieu de Lamothe, habitant de Sanguinet, dont  Jacques Bernard a relevé des acquisitions en 1500, 1517,1526, 1527, 1531, 1536, 1542,1547 ou le basque  Jehan de Subiette qui achète en 1475 et deviendra sieur de Francon, ou enfin André de Thoaille, originaire de Florence dont la famille fait du négoce à Bordeaux.

Dans le même temps, les actes notariés, étudiés par Jacques Bernard ou signalés dans la sentence arbitrale de 1792, révèlent de nombreuses ventes entre particuliers (36 entre 1468 et 1535, 27 entre 1535 et 1604), tandis que se développent les exportations de produits résineux.[11]

Il semble ainsi qu’on assiste à la lente disparition du gemmeur indépendant au profit de « tenanciers » qui monopolisent la transformation et le commerce de  la gemme tout en faisant exploiter leur « tros de pinhadar » (leurs morceaux de forêts) par des « fermiers ».

 

Ce sont ces « tenans pins » qui, en 1535[12], prétendront devenir  propriétaires  de leurs tenures mais ne l’obtinrent pas. Le Captal, Gaston III de Foix-Grailly, confirma, en effet, le 2 décembre, à tous les habitants l’entrée dans la forêt contre une somme de 1500 livres et un gemayre de 7 sols 6 deniers, sans faire de distinction entre les tenans pins, qui n’avaient acheté que le droit de gemmage, et les « non tenans pins ». Le texte précise, pour la première fois, qu’il est interdit de vendre le bois et de le transporter hors du Captalat et d’autre part qu’ils ne pourront « couper au pied chênes es dits bois et montagnes sinon pour nécessité des bâtiments à moindre dommage que faire se pourra ». Il impose d’autre part la nomination de syndics pour représenter les habitants.[13]

 

En 1543, le 25 Mars, une baillette[14] particulière en faveur de Martin Deseaul exclut du territoire usager les parcelles de « Foursomart et La bette aussi appelées maintenant Labat de Ninot et

Binette

  Au fil des actes,  des changements de dénomination et des incursions de sables, le territoire échappant à l’usage correspondra en 1810 aux parcelles de Bernet ainsi qu’à celles de Binette, Labat de Ninot, Hourn Somart, La Bette (= la lette= Abatilles) et Moulleau, ensemble qui deviendra le fief des Peyjehan de Francon puis en 1775 la propriété de Daisson Jeantas.

Pour pouvoir être « baillé à fief nouveau» et exclu des droits d’usage, cet ensemble de parcelles, devait correspondre à la propriété dénommée « Bernet » que s’était réservée le Captal  en 1468, les toponymes ultérieurs désignant des lieux-dits à l’intérieur d’un seul domaine.[15] Le bail à fief nouveau ou à cens, supposait le versement d’un droit d’entrée de plus la jouissance de la parcelle était soumise au paiement de droits tels que le cens, rente annuelle fixe, l’exporle (versé à chaque mutation de seigneur ou de tenancier)….

  Première page du texte de 1604 (AD 33)        

  

               En 1601, le Captal Jean Louis d’Epernon, reprit et ferma la forêt ce qui  provoqua 3 années de procédures au bout desquelles fut signé un nouvel acte, en 1604.[16]

Ce texte met fin à la situation de fait que le Captal n’avait pas voulu reconnaître en 1535 en ce sens qu’il reconnaît définitivement la propriété, non de la forêt mais des seules  concessions d’extraction de la résine, contre un gemayre de 12 sols 6 deniers par millier , un droit d’entrée, pour jouir à nouveau de la Montagne, de 1200 livres tournois et le paiement en tant que tenanciers de tous les autres droits féodaux, tout en maintenant et précisant les droits d’usage dont jouissent également tous les habitants tenans pins ou non tenans-pins et en précisant qu’en cas de refus du bois par un des tenanciers de parcelle, c’est le seigneur (ou son représentant) qui désignera la parcelle où l’on pourra couper.

Il faut en effet rappeler, à la suite de Jacques Bernard, que la coutume de Bordeaux s’applique en Pays de buch ; or selon ces lois, « qui n’avait pas la propriété des arbres, n’avait pas la propriété du fonds ».

   

             En 1645, le 5 mai, une nouvelle transaction avec Bernard d’Epernon, confirma les précédentes tout en augmentant le gemayre à 22 sols par millier.

            Le seigneur restait toujours le propriétaire de la forêt dont, on l’a vu, il pouvait interdire l’entrée afin d’augmenter ses revenus qui, à cause de l’inflation, ne progressaient pas autant que pourraient le faire croire les différents taux du gemayre. D’après différents calculs, il semble en effet que la valeur de la livre tournois qui correspondait alors à 78,2 francs germinal de 1914 ne représentait plus au XVIII° siècle qu’une valeur de 0,90 francs germinal.

 

               Cela n’empêcha pas, les bourgeois soumis au gemayre de protester contre son taux, ce qui aboutit en 1746 à une nouvelle transaction[17] dans laquelle ils obtinrent du nouveau captal François Alain Amanieu de Ruat (son père avait acheté la seigneurie en 1735), une réduction des taux à 12 sols 6 deniers, une limitation des droits des usagers non tenans pins et surtout la propriété de tout le domaine utile.

D’après Fernand Labatut[18], le seigneur de Ruat avait consenti ces avantages aux « ayant-pins » car il avait besoin de leur accord pour ensemencer les padouens et vacants : c'est-à-dire les terres consacrées au pâturage (le padouentage), landes, lettes humides…. ou les terres vaines, essentiellement les dunes, dont les habitants avaient aussi la jouissance depuis un acte de 1550. En effet les premiers semis, réalisés au Becquet vers 1720, avaient été incendiés en 1733 car ils violaient les droits de pacage des habitants.

Il faut aussi rappeler qu’en 1716, les deux tiers de la forêt avaient brûlé et que d’après les documents postérieurs il semble que ce soient les seuls « ayant-pins » qui aient pris en charge le réensemencement (utilisant d’ailleurs les pins brûlés pour faire du goudron.)

                 Cet accord de 1746, signé, au nom de tous les habitants, par 3 représentants tous propriétaires  et à leur seul profit, provoqua la colère des non propriétaires qui avaient été trompés par les notables.                                                                                                                                                        

                                  

 

 

 

La première page du texte de 1759 (AD 33

 

 

En conséquence fut négocié et paraphé le 16 Juin 1759 un nouveau texte[19] qui rétablit les droits d’usage mais qui confirma le nouveau système. Quant au  captal, il n’a plus comme revenu  que le droit de glandage et de pâturage, et pour le bois il n’est  plus qu’un simple usager, sauf qu’il peut  utiliser le bois hors du Captalat pour sa maison de Ruat au Teich. Le glandage ou glandée est le droit de ramasser les glands (pour nourrir les porcs et en temps de disette…les hommes). Ce droit faisait l’objet d’un « abonnement » contre une somme globale payée par la communauté d’habitants.                                                                                                                                         

 

 

Les  propriétaires  ayant pins  qui sont garants de l’application des textes et de la gestion de l’usage restent désormais seuls face aux « usagers non ayant pins ».                                                                          

                                                                                                                                                       

Mais cela ne donne pas aux ayant-pins l’entière propriété de la forêt : ils ne possèdent que le sol, les cabanes et la gemme.

Pour le reste, l’utilisation des arbres, ils restent soumis aux textes anciens comme les autres usagers et quand ils ont besoin de bois pour eux-mêmes ils   doivent respecter la règle et le prendre, avec accord des syndics, par rang et ordre, sur les parcelles dont c’est le tour d’être soumises à un prélèvement  (y compris la leur, si elle est dans ce cas).

 

 Dernière page de la transaction de 1759 avec les signatures de Jean Dalis et Jean Lesca syndics des non – propriétaires de La Teste, Jean Daney et Pierre Caupos, syndics de Gujan,

suivies de celles des notaires.

 

Ceci ne figure pas dans le texte initial, où il est dit (article 12) que « comme ils ne doivent être tenus en aucun cas de demander ladite permission, il sera observé que chacun dans son fonds pourra couper ainsi que bon lui semblera », leur seule obligation étant de prévenir les syndics. Mais cela a été annulé lors de la ratification du 21 Octobre qui eut lieu devant l’église de La Teste : il y est en effet constaté que l’article 12 en question « semble présenter un sens équivoque » et il est donc précisé «  il demeure convenu que selon l’usage observé jusqu’à ce jour, chacun des dits propriétaires qui aura besoin de bois de pin vert pourra le prendre dans les pièces des autres propriétaires sur l’indication qui lui sera faite par les proposés…,la coupe se fera par rang et ordre et sans frustrer personne …en sorte qu’audit cas , il soit tenu de couper dans son propre fonds, si c’est son rang , proportion gardée néanmoins à ce qu’il pourra supporter afin de n’en subir aucun préjudice et qu’il ne soit pas plus foulé que les autres » Il est enfin « convenu que la présente explication soit gardée comme faisant partie du susdit article 12 et ait la même force et vigueur. »

Malheureusement, on le verra, certains  propriétaires, et, ce qui est plus grave, certains juges,  ont parfois oublié de lire le texte en entier. Ce n’est, en effet, on le verra, qu’en 1967 que le Conseil d’Etat rappela avec vigueur ce texte essentiel que certains ayant-pins, mal conseillés ou ignorants des textes, se refusent toujours à admettre !



Une autre innovation apportée par cette transaction, c’est son article 11 qui prévoit qu’en cas de refus des syndics, « comme lesdites permissions ne peuvent être refusées ;lesdits habitants non  propriétaires  pourront demander la permission à tel …propriétaire que bon leur semblera, lequel ne pourra également la leur refuser et dans le cas où il viendrait à refuser, lesdits non propriétaires, après avoir justifié ledit refus par le témoignage de deux témoins, pourront couper sans aucune formalité ni permission »

C’est cet article qui est actuellement appliqué quand il y a un refus. Mais encore faut-il que l’usager satisfasse aux conditions supplémentaires qui, dans les transactions récentes, ont réduit ses droits.

 

Sous la Révolution, une partie des usagers non ayant pins crut pouvoir, la féodalité étant abolie, récupérer la forêt pour qu’elle devienne une forêt communale mais, le seigneur s’en étant dégagé depuis 1746, on ne pouvait plus la considérer comme une forêt seigneuriale. C’est pourquoi, très justement, les arbitres de 1792 confirmèrent les droits des uns et des autres et reconnurent qu’ils étaient intimement liés, la propriété n’étant confirmée qu’à condition pour les bénéficiaires de servir l’usage : « les défendeurs sont maintenus dans leurs propriété à charge par eux d’exécuter, à l’égard de la masse des habitants desdites communes non ayant pins, les dispositions des transactions de 1604… ainsi que celles de 1759 »

Il y avait alors, selon le rapport établi le 15 Juin 1792 par P.J.Baleste Marichon et P.Taffard pour le compte des propriétaires, 104 parcelles appartenant à 38 familles.

Il faut noter que si les « usagers » avaient gagné, la forêt, devenue communale, aurait été vraisemblablement soumise au code forestier et les droits d’usage auraient été soit cantonnés soit réglementés par l’Etat, comme ce fut le cas, partout ailleurs, pour les forêts seigneuriales usagères.

C’est donc grâce au Captal de Ruat que les usagers ont conservé leurs droits !

            

                Au XIX° siècle, on le verra, l’utilisation des lois nationales, déposséda les non ayant-pins de leur droit de désigner leurs syndics en transférant cette responsabilité aux conseils municipaux, c’est pourquoi les transactions suivantes furent désormais négociées par les élus.

 

               En 1855, le 17 Juillet, eut lieu le cantonnement des droits d’usage sur le périmètre de la Petite Montagne d’Arcachon dans laquelle 311 bâtiments avaient déjà été construits et des voies tracées au mépris des textes ci-dessus. Ce projet provoqué par le développement de la future commune, fut initié par le maire de Gujan, pourtant représentant des usagers…, et soutenu par la plupart des élus  testerins (14 présents, 1 contre, 3 abstentions) et gujanais (3 contre).

Les arcachonnais propriétaires des  parcelles cadastrales concernées devaient racheter les droits (300 francs par hectare) et perdaient, s’ils voulaient l’utiliser sur les parcelles rachetées, le droit au bois vif  ne conservant que le droit au « bois sec, mort, abattu ou à abattre » pour leur chauffage.

Depuis cette époque, plusieurs autres transactions furent signées dont la plus importante est celle de 1917.

Deux « affaires »  avaient en effet envenimé les rapports, déjà conflictuels, entre les parties : la première fut l’ouragan de 1897 à la suite duquel les usagers, qui s’étaient emparés des chablis, arbres renversés par le vent. furent condamnés par la Justice tandis que les  propriétaires, qui avaient transporté ces bois hors du Captalat, se mettaient à leur tour dans l’illégalité. Il faut noter que dans ces affaires il y a souvent contradiction entre le droit forestier que les tribunaux appliquent généralement et le droit local codifié par les transactions.

La seconde fut l’incendie  de 189815 : bien que le commerce du bois soit interdit,  les propriétaires  (avec l’accord, le  9 Novembre 1898, du tribunal des référés confirmé par la Cour le 22 février1899) vendirent les bois brûlés, en profitant, au passage, pour abattre nombre de pins vifs. Un constat en date du 4 Avril 1899 note que 27 pins vifs ont été coupés à la Gemayre par les ouvriers de Beaumartin. Les ayant-pins estimaient en outre qu’il y avait 200.000 arbres de détruits alors qu’il n’en fut recensé que 39460 dont 13464 étaient verts et vifs et pouvaient encore porter résine !

Excédée, la population,  « entraînée par Pierre Dignac, un jeune homme qui s’était fait le champion des usagers non ayant-pins et par Mlle Labèze, une belle jeune fille qui gagna dans l’aventure le surnom de  la belle usagère » [20], ravagea, en Février puis en Mars1899, le chantier de l’exploitant  à la suite de quoi le tribunal, le12 Juin 1899, dans un jugement digne de Salomon, partagea l’argent des ventes entre usagers (les communes) et  propriétaires ayant pins, estimant qu’une grande partie du capital bois ayant été détruit, les usagers avaient droit à une indemnité.

L’exploitant  se retourna alors avec succès (1901) contre les communes et les  propriétaires  pour réclamer son dû et des indemnités.

Suite à ce dernier jugement ce sont les  propriétaires  qui se retournèrent contre les communes : pour celle de La Teste, qui fut condamnée en instance et en appel, l’addition, se monta, en 1908, à la somme de 27.483 francs 36 (ce qui correspond en valeur 1999 à  82554 euros) pour sa responsabilité dans les évènements de 1899, somme qui fut versée dans la caisse syndicale.[21]

Ces faits conduisirent, pendant la guerre, à la transaction de 1917 qui régla le problème des ventes en cas de « cyclone, incendie ou tout autre fléau », créa une caisse syndicale et fixa la répartition des fonds ainsi obtenus : 3/6° pour les  propriétaires, 2/6° pour les deux commune de La Teste et Gujan, 1/6° pour la caisse syndicale. La justification de cette répartition était que le capital bois ayant été amputé, il était normal que les usagers, en fait les communes qui les représentaient, touchent une partie des fonds à charge pour elles de subventionner la caisse syndicale. C’est ainsi que, dans le seul cas de La Teste, la subvention municipale grimpa entre 1918 et 1935 de 1500 à 7500 francs.

Quant aux syndics, assistés de gardes payés par la caisse, elle en décida la parité (2+2), alors que depuis 1759 les syndics non ayant-pins, au nombre de 4 étaient majoritaires. Elle leur confia le rôle, de « régir et administrer les affaires communes » entre   ayant pins  et usagers, c’est à dire la délivrance du bois usager.

 

La population et donc le  nombre d’usagers augmentant, dès 1930 des élus proposèrent une limitation des droits ; des propositions furent faites en 1936, une commission fut nommée par le Conseil testerin en 1947 pour établir un texte. Celui-ci fut sera négocié par les syndics

et la commission intercommunale à partir de 1951 et signé par les Maires le 25 Janvier 1952 (habitanat porté à 5 ans) avant d’être modifié en  1955 (habitanat porté à 10 ans)

Un dernier texte fut voté en 1977. Sa durée ne devait pas excéder 5 ans mais comme il modifiait totalement l’esprit des textes antérieurs, nous en reparlerons plus loin

 

Cet historique des transactions[22] ayant été rappelé, nous résumerons dans un tableau l’essentiel des droits accordés par chacune d’entre elles ainsi que les charges qui en découlaient, la façon dont on peut les exercer, avec ou sans autorisation, et les différents bénéficiaires de ces droits.

 

B Tableau des droits d’usage

 

Année

                         droits

autorisation

bénéficiaires

 

 

 

 

1468

bois mort sec et abattu (busca)

non

tous

 

bois vert pour bâtir (fusta)

oui

tous

 

galipot (gema) et brais (rouzina)

5 sols/cas

tous

 

 

2,5 sols

abonnés

 

 

 

 

1500

herbage, glandage, fustage

non

tous

 

 

 

 

1535

bois pour chauffage comme en 1468

non

tous

 

bois pour bâtir comme en 1468

oui

tous

 

galipot et brais

7 sols 6 deniers

tous

 

interdiction de vendre et transporter le bois hors du Captalat

 

 

    

        "     de couper au pied les chênes sinon pour nécessité

non

tous

 

des bâtiments et au moindre dommage que faire se pourra

oui

tous

 

 

 

 

1604

bois mort sec abattu ou à abattre sans en abuser (chauffage)

non

tous

 

bois vert pour bâtir

oui

tous

 

bois pour avirons, mâts, ganchots, tostets de pinasses et bateaux

 

 

 

quand, étant sur la mer, ils sont rompus

non

tous

 

outils nécessaires aux labours et charettes

non

tous

 

pau pour les vignes

non

tous

 

pau de palet pour la pêcherie et la chasse aux oiseaux

 

 

 

                                                       dans les braous et bernèdes

non

tous

 

interdiction de vente et transport hors du Captalat

 

 

 

obligation de peser au poids seigneurial, galipot et brais

12 sols 6 deniers

tenans pins

 

 

 

 

1645

mêmes dispositions que précédemment

 

 

 

obligation de porter secours en cas d'incendie

 

tous

 

 

 

 

1746

Ceux qui tiennent et possèdent la forêt sont reconnus propriétaires de

 

 

 

tout le domaine utile (sauf 5 parcelles)

 

 

 

Le seigneur reste usager pour ses biens dans le Captalat et pour son

 

 

 

domaine de Ruat

 

 

 

galipot, brais

12 sols 6 deniers

 

 

herbage, pacage, glandée, délivrance du bois

 

propriétaires

 

bois de quelque espèce qu'il soit pour usage et entretien des maisons

oui

non tenans pins

 

bois mort, sec, abattu et à abattre uniquement dans les braous et bernèdes

non

non tenans pins

 

cercles, codres, glandage en temps et saison

non

non tenans pins

 

bois pour la construction des bateaux

 

propriétaires

 

interdiction de ne couper aucun jeune chêne

 

 

 

       "         de vente et transport hors du Captalat

 

tous

 

obligation d'aide en cas d'incendie

 

tous

 

 

Notes : -Les ganchots sont des crochets de bois pour fixer au sol les filets de pêche tendus sur les paus de palet ; les tostets sont les planches  percées pour recevoir le mât.

             -Les cercles et codres servent  pour cercler les barriques.

             -Le glandage est le droit de ramasser les glands, il est ici antérieur au XVI° siècle il ne faut pas le confondre avec la glandée qui est le droit d’introduire des  porcs pour qu’ils se nourrissent de glands.

 

1759

bois mort, sec, abattu ou à abattre, ne pouvant plus porter résine (chauffage)

non

tous

 

bois de chêne vert pour la construction ou réparation des bâtiments ou de

 

 

 

leurs bâteaux, barques et pinasses

non

tous

 

arbres pins

oui

tous

 

mise en réserve d'un quartier de chênes pour 20 ans

 

tous

 

cercles, codres et pau comme en 1604

non

tous

 

interdiction aux forains et étrangers de prendre du bois

 

 

 

  "  de vendre et transporter le bois hors du Captalat

 

 

 

  "  de vendre barques et bâteaux hors du Captalat sauf vétusté ou nécessité

 

tous

 

  "  de vendre tout ce qui a été fabriqué avec ces bois à des forains

 

tous

 

glandage de la Saint Michel à la Saint André

non

tous

 

galipot et brais

12 s. 6 d.

propriétaires

 

obligation d'aide en cas d'incendie

 

tous

 

durée d'habitation de 3 an s dans le Captalat pour bénéficier des droits

 

tous

 

nomination de 6 syndics( 4 usagers LT et Gujan- 2 propriétaires LT et Gujan)

 

 

___ 

 

 

 

1794

confirmation de toutes les transactions: les propriétaires sont reconnus

 

 

 

à charge (=à condition) de servir l'usage et d'exécuter les dispositions

 

 

 

de 1604 et 1759

 

 

 

 

Note : un forain est un étranger.

 

La sentence arbitrale de 1792 a donc confirmé le statut ancien : elle a considéré que la forêt ne pouvait être remise aux communes car ce n’était plus un bien seigneurial, a rendu aux   ayant pins  leur droit de « propriété » puisqu’il était déjà reconnu,  mais elle a aussi confirmé que ceux-ci devaient respecter toutes les clauses des transactions antérieures. En cela la transaction confirmait implicitement que les propriétaires devaient se comporter comme n’importe quel usager en ce qui concernait les coupes de bois et que le droit de propriété en forêt usagère étant extrêmement limité, celle-ci ne pouvait être soumise aux lois nationales.

Elle exprimait aussi une idée importante à savoir que propriété et droits d’usage étaient indissolublement liés puisque les  propriétaires étaient reconnus dans leurs droits à condition (à charge) de servir l’usage. C’est ce que constate le Professeur de Droit Gérard Aubin[23] de l’Université de Bordeaux I quand il écrit que « le droit de propriété est un droit conditionnel » et que dans ces conditions, « le cantonnement –demandé depuis 1977 par les ayant-pins- faisant disparaître le droit d’usage, le droit de propriété, conditionnée par l’existence de ce droit d’usage, disparaîtrait du même coup »

 

1855

Suppression du droit d'usage sur les parcelles rachetées de la petite montagne d'Arcachon.

 

 

 

 

 

 

1917

possibilité de vendre tous les arbres mortellement atteints (incendie, cyclone, autre fléau)

caisse syndicale

 

 

branches, cimes et déchets de ces arbres

 

usagers

 

nomination de 4 syndics (2 usagers et 2 propriétaires)

 

 

 

 

 

 

1952

nationalité française

 

usagers

 

durée d'habitanat; résidence réelle et permanente de 5 ans dans le Captalat

 

tous

 

mêmes conditions mais seulement après la fin de leur service

 

militaires

 

 

 

 

1955

habitanat porté à 10 ans (il n'est plus fait mention

 du Captalat mais seulement de La Teste et Gujan)

tous

 

interdiction pour usage industriel ou commercial (sauf ostréiculteurs et artisans)

 

tous

 

       "  de vendre les maisons (sauf succession) et bateaux (sauf destruction) avant 10 ans

tous

 

 

 

 

1976

Nouveaux pouvoirs donnés aux syndics (voir plus loin)

 

 

 

Interdiction de clôturer sauf jardin du résinier (repris dans le POS)

 

 

 

interdiction de tout commerce

 

 

 

Transaction caduque car signée pour 5 ans et non renouvelée depuis

 

 

 

 

 

C- L’évolution de la propriété foncière

 

       Qui sont les « ayant pins » ? Souvent de lointains héritiers des bourgeois testerins qui aux XVIII° et XIX° siècles avaient régné en maîtres sur le massif forestier,  c’est ce qui apparaît  quand on étudie l’évolution de la propriété foncière, mais aussi quelques nouveaux venus qui n’ont pas été éduqués dans les traditions locales.

 

On ne peut  suivre cette évolution qu’à partir du début du XIX° siècle. En effet avant 1810 il n’y a pas de cadastre.

Pour les périodes très anciennes, il faut se fier aux relevés du Professeur Bernard (1456-1532) et  aux actes signalés dans la sentence arbitrale de 1792. D’après ce relevé des actes fournis aux arbitres par les ayant-pins pour prouver l’ancienneté de leurs prises de possession, on peut évaluer le nombre de ventes et partages à 36 entre 1468 et 1535, 27 entre 1535 et 1604, 53 entre 1604 et 1746, 8 entre 1746 et 1759, 6 entre 1759 et 1792.

La seule constatation possible pour ces périodes anciennes c’est donc le peu de transactions : malgré l’insuffisance des sources notariées, on peut  donc conclure à une grande stabilité de la propriété foncière  avec parfois des périodes de fortes activité comme  au XVII° étant donnés les  13 achats de la famille de Caupos[24], attirée par les profits espérés de la Manufacture des Goudrons.

D’autre part l’étude des registres des notaires du XVIII° siècle montre que la propriété foncière était très concentrée :

J’ai reporté sur la carte ci contre les parcelles appartenant en 1794 à Monsieur de Verthamon (en jaune) : confisquées pour cause d’émigration, elles furent vendus comme biens nationaux et achetés par les bourgeois locaux (Cravey, Marichon, Taffard, Fleury, Jougla)[25] ; celles (en rouge) de Joseph de Caupos en 1748[26], les biens de cette famille , alliée à la précédente, échurent la plupart à Fleury ; celles enfin  de Nicolas Taffard en 1785 (en rose)[27] .On aurait pu y ajouter d’autres gros propriétaires tels que Peyjehan de Francon ou Monsieur de Ruat, le Captal. A eux cinq, ils devaient monopoliser près des 2/3 de la forêt qui était plus étendue vers l’ouest, une partie de leurs parcelles ayant été recouverte par les sables comme d’ailleurs au sud où les terrains de Monsieur de  Verthamon s’étendait bien au delà de la  limite actuelle.

 

Ensuite, plusieurs autres documents peuvent aussi nous  aider : les déclarations des ayant-pins sous la Révolution, le cadastre de 1810, celui de 1849, la carte établie par le Dr Hameau en 1863 qui a servi de base à celle de Durègne de Launaguet en 1905, et plus près de nous  les relevés cadastraux que j’ai effectués en 1978 et ceux réalisés par les experts judiciaires en 2004.

 

            La première constatation c’est la permanence du parcellaire : le nombre de parcelles-mères qui était de 104 en 1792 et 108 en 1810 passe à 127 en 1863 (+19) et à 148 en 1978 (+21). Les divisions de parcelles sont donc très réduites, cela est dû essentiellement au fait que le patrimoine est très longtemps resté stable puisque les 33  familles qui, en 1792, se partagent la forêt  atteignent à peine le nombre de 44 en 1810, 64 en 1849  et 62 en 1863. Un cas exemplaire est celui de la parcelle de Hourn Laurès qui se subdivise au fil des temps  en Hourn Laures, Hourn Laures Marichon, Hourn Laures Dumur, Hourn Laures Dumur Duvigneau et Hourn Laures Sud. Mais, plutôt que de partager physiquement les parcelles, on préfère, dans la plupart des cas, les maintenir en indivision ce qui, en 1810 concernait 51 parcelles et 30 en 1863.

Cette tendance va s’amplifier dans les années suivantes : c’est ainsi qu’en 1978 la forêt compte, on l’a dit, 148 parcelles-mères : 85 (soit 3088 hectares) appartiennent à 90 propriétaires  et sont subdivisées en 383 parcelles cadastrales tandis que 63 (soit 697 hectares) sont en indivision, et, subdivisées en 288 parcelles cadastrales, sont partagées entre 84  propriétaires. Beaucoup n’ont que des micropropriétés ou simplement des parts infimes voire ne savent même plus qu’ils sont  propriétaires, mais vis à vis du statut, et c’est ce qui lui permet de fonctionner, chaque parcelle-mère n’a qu’un seul gestionnaires.

Les indivisions souvent très anciennes qui résultent d’héritages vieux parfois de plusieurs générations  sont en général très complexes et cette situation rend  très difficile la réalisation du cantonnement demandé puisque dans le rapport des  experts judiciaires, déposé en 2004, il y a  790 hectares dont ils ne sont pas parvenus à retrouver les  propriétaires, 607  hectares dont les titres sont incomplets et donc seulement 2253 hectares qui ont pu être attribués sans problèmes. Quant aux  l52 propriétaires demandeurs du cantonnement dont les titres ont pu être vérifiés, 23 sont des indivisions.

 

Parallèlement à cette évolution on constate une concentration de la propriété foncière. C’est ainsi qu’en 1978, à la veille du cantonnement j’avais pu  dresser le tableau suivant montrant, pour chaque tranche de surface, le nombre de propriétaires.

 

Ainsi 19 ayant-pins se partageaient 2100 hectares, 84 totalisaient 1600 hectares et  70 détenaient les 100 hectares restants.

               Il est intéressant de constater que parmi les plus gros propriétaires  se trouvaient les principaux partisans du cantonnement comme le syndic gujanais (153 hectares) dont les propriétés avaient été achetées depuis très peu de temps. Par contre, depuis le début de la procédure de cantonnement, seules une quinzaine de mutations ont eu lieu dont huit concernent le syndic gujanais qui, totalisant désormais, en communauté avec son épouse, 228 hectares est devenu, en 2004, le deuxième plus gros propriétaire de la forêt[28] et une l’actuel trésorier de la commission consultative des propriétaires qui n’acheta sa parcelle de Larrouet (38 hectares) en bordure du lac de Cazaux, qu’en 1989[29]et dont la qualité d’usager est contestable puisqu’il n’habite pas le Captalat.

 

 

 

Un autre élément important, était, en 1978, la répartition géographique des propriétaires.

 

              Lieu de résidence                  pourcentage des propriétaires        part de superficie détenue

 

                 Captalat (La Teste/Gujan/Le Ferret)   36,98 %                                    35,10%

                 Arcachon                                         13,54%                                     20,01%

                 Bassin/nord Landes                          13,54%                                     14,99%

                 Bordeaux                                         17,19%                                     16,23%

                 Reste Gironde et Landes                     3,12%                                       4,47%

                 Autres départements                          11,98%                                      8,61%  

 

 

On constate que seuls 1/3 des propriétaires  habitaient le Captalat tendance qui s’est amplifiée depuis. Cela  peut expliquer le changement de mentalité de la plupart d’entre eux : n’ayant plus d’activités en forêt et ne vivant plus à son contact, ils  sont souvent oublieux de ses origines et de son histoire, la plupart ne  connaissant plus les textes qui la régissent. Très mal informés, ils la considèrent donc, souvent de bonne foi, comme un « patrimoine » qui ne leur rapporte plus rien et qu’il faut rentabiliser. C’est pourquoi depuis 1979 une procédure de cantonnement a été enclenchée tendant, par le cantonnement de la forêt, à supprimer les droits d’usage

Cette situation a peu évolué puisqu’en 2008, en examinant la liste des intervenants au procés (lors duquel la Justice refusa le cantonnement), on constate que les pourcentages sont à peu près identiques, l’érosion la plus forte concerne Arcachon qui ne regroupe plus que  9,84% des propriétaires tandis que la proportion augmente pour Bordeaux et la Gironde (54 personnes soit 27,97%), les autres départements (81 soit 41,96%) et l’étranger (7) . Seuls 30 % d’entre eux (58) habitent encore dans le territoire de l’ancien Captalat de

de Buch dont 31 à La Teste.

 Il faut d’ailleurs noter que par rapport aux 173 propriétaires recensés au départ le nombre est passé à 193 lors du procès de 2008. Cela s’explique par les décès qui ont éclairci les rangs des demandeurs initiaux et l’augmentation du nombre d’héritiers qui, très souvent n’habitent plus sur place :

C’est ainsi que dans  la liste des « appelants » du jugement de 2008 on relève 35 familles qui regroupent à elles seules 116 personnes, selon la répartition ci-dessous :

 

Nombre de familles         11

          11

8

2

0

2

        Regroupant chacune         2                    

3

4

5

6

7

 

 

 

 

 

 

Cela confirme que nombre d’héritiers ont été mobilisés pour le procès mais il est intéressant aussi de constater que parmi les opposants au cantonnement 51 d’entre eux habitent le Captalat, dont 41 à La Teste, 7 la Gironde et 8 le reste du pays, ce qui prouve bien que plus on s’éloigne moins on est attaché à cette forêt.

 

En 2011, lors du procès en appel intenté et perdu par les propriétaires, la répartition est à peu près la même:

Sur 195 personnes les résidents hors Gironde 71 ainsi qu’à l’étranger 7, représentent 41,02 % des appelants,

                            les résidents domiciliés en Gironde (hors Captalat) sont au nombre de 55 et représentent 28,20%

Enfin ceux qui résident dans l’ancien Captalat ne sont que 60 (30,76%) dont 33 à La Teste , tandis que les arcachonnais ne représentent plus que 6,15% du total.

En ce qui concerne les familles, la situation est quasi identique

 

   Nombre de familles       12        11       8         1        1        2

   Regroupant chacune        2         3        4         5        6        7

     

Parmi les propriétaires  il faut en signaler quelques uns  qui sont atypiques : la commune de la Teste qui possède quelques parts de parcelles, celle de Gujan Mestres dont il sera question plus loin, la Société Civile des Usagers, association issue de l’Association de défense des usagers qui possède quelques hectares et, le dernier venu, le Conservatoire du littoral qui, propriétaire de quelques arpents de sable sur la partie nord de la dune du Pilat (qui est en forêt usagère) a défini une zone de « préemption » de plusieurs centaines d’hectares en arrière de cette dune.

Ces parcelles du Conservatoire sont gérées par le Conseil Général. Les raisons de ce choix n’ont jamais été rendu publiques mais il faut noter que les représentants des ayant-pins déclarèrent lors d’une réunion en Mairie, qu’ils étaient prêts à céder ces 600 hectares à la commune de La Teste en cas de cantonnement amiable !!!

 

 

D- Les contestations

 

Il n’y a actuellement qu’une contestation sur la nature de ces droits, dans le cas des chênes et deux contestations récentes sur la domiciliation géographique des ayant-droit.

 

1-les  chênes

La coupe des chênes vifs « au pied »  a été règlementée, on l’a vu, dès 1535, elle ne concernait que la nécessité des bâtiments cela fut développé dans la  transaction de 1759 qui précise que les chênes verts pourront être coupés par « les non-propriétaires …soit pour la construction ou réparation de leurs bâtiments faits ou à faire, soit pour la construction ou réparation de leurs barques, bateaux, chaloupes et pinasses. Laquelle faculté n’aura d’autre exception que celle dont il sera parlé ci après. Ne sera requis demander permission…pour couper les chênes verts dont les habitants auront besoin pour les usages de leurs maisons et de leurs barques et bateaux. »

 

Les « ayant pins », nombre d’auteurs et l’actuelle municipalité de La Teste[30], considèrent que les « usages de leur maison » sont nettement définis dans la phrase précédente qu’on oublie souvent de citer…, tandis que des usagers, regroupés dans l’ADDU FU[31], veulent y voir une utilisation comme bois de chauffage. Or dans tous les textes il est toujours précisé que le bois de chauffage est celui que l’on ramasse (1468) ou le « bois mort, sec, abattu ou à abattre (1604), ne pouvant plus porter résine » (1759).

                                                                                                                  

Cette situation résulte en fait de  la coutume qui voulait que, les coupes de chênes nettoyant la forêt, les  propriétaires  aient toujours fermé les yeux, tout en rappelant régulièrement que le chêne n’était pas un bois de chauffage et en essayant parfois, en accord avec les syndics des usagers, mais sans succès, d’en soumettre la coupe à autorisation. Certains utilisant en effet cette tolérance pour, parait-il, en tirer revenu.

Il est d’ailleurs intéressant de noter que les propriétaires sont eux aussi soumis aux mêmes textes et qu’ils n’ont donc pas le droit, si on les applique à la lettre, d’utiliser le chêne comme bois de chauffage !                  

Cette question de l’utilisation excessive des chênes apparaît déjà au XVIII° siècle puisque la transaction de 1759, constatant leur raréfaction décide que pendant 20 ans « on ne pourra couper aucun chêne vert gros ou menu dans toute l’étendue du quartier qui confronte des nord et levant aux sables de Notre Dame des Monts et à la lande commune, du midi au Léto de Cazaux, du couchant au restant de la forêt…un chemin de charrette entre deux qui …entre dans ledit bois par la pièce de Baron Capet, passe devant la cabane de cette pièce et ensuite entre les deux cabanes du Becquet..arrive au coin du braous de l’Escouade et ensuite, montant la rège ou hauteur appelée Pignon en passant dans les pièces du Nattas tout au coin du braous de la Taillade , qui fait coin ou coude aux pins de Labat Coude et Bé touret et mène ensuite sur les places de Cordes de bas et au coin du braous de la Cassette, passant après sur la place des Javelles par devant la cabane de Goulu ne, traverse celle du même nom et va aboutir au lieu dit letton de Cazaux »[32]

   Cette raréfaction est constatée aussi par le citoyen Du plantier Président de l’Administration Centrale de la Gironde qui écrit le 19 Juin 1797 : «  On se garde bien qu’aucun chêne puisse s’y élever …car il est permis à tout habitant de La Teste non propriétaire d’aller couper, quand il luy plaît le chêne qu’il veut dans la forêt…partout où les femmes peuvent pénétrer, aucun arbre autre que le pin ne peut recevoir le moindre accroissement ».

Outre l’utilisation pour le chauffage, une autre explication est donnée en 1825 par 31 habitants qui, le 10 Juillet, écrivent au préfet : « on ne trouve plus de quoi faire un bordage de chêne de la longueur de 12 pieds. Les propriétaires faisant justement tout ce qu’ils peuvent pour en anéantir l’espèce attendu que l’espace occupé par un chêne est bientôt remplacé par un pin dont le revenu leur appartient exclusivement »

 Ils accusent les propriétaires de ne pas se formaliser de ce que les « charrons, constructeurs de navires et de tilloles » fassent sortir du Captalat « charettes, pinaces, barques et navires pour le compte d’étrangers » [33]

Cela permet de comprendre pourquoi les propriétaires, tout en protestant, n’ont jamais rien fait pour empêcher le pillage.

Bien qu’ancien, le problème n’est toujours pas résolu 

Ainsi, en 1979, le 14 Décembre, les 4 syndics décidèrent à l’unanimité « d’exclure de l’usage, les personnes   trouvées en train de couper du chêne vif pour le chauffage sans autorisation ou de manière abusive », les autorisations devant être délivrées au bureau des syndics. Outre le fait que cela pouvait mettre un peu d’ordre, cette décision des 4 syndics reconnaissait implicitement que les usagers avaient droit au chêne pour leur chauffage mais avec une autorisation.

L’année suivante[34], un article du Maire demandait donc aux usagers de « solliciter une autorisation écrite du garde de la forêt ou à défaut de ses syndics s’il doit utiliser pour emporter le bois abattu un moyen  de transport autre qu’une remorque à pied, un   cyclomoteur avec remorque ou un véhicule de tourisme ».

Ceci afin d’éviter les coupes abusives qui venaient  de se produire                                                                                  

 

                                                                                 

Cette décision fut l’objet de l’opposition de l’ADDU qui obtint de la municipalité sa condamnation et la publication, le 18 Mars 1980, d’un article, proposé par le président de l’ADDU et rédigé par la commission de la forêt. Dans ce texte, adopté par 6 voix contre deux dont celle de la SEPANSO, le Maire écrivait que l’usager « peut d’après la transaction de 1759 et sa jurisprudence, et comme cela s’est toujours fait, couper, sans autorisation, les cassières (taillis de chênes et jeunes chênes) sous réserve que les coupes soient pratiquées sans dommage pour la forêt »

                                       

   Cette déclaration se réclamait à juste titre de la coutume mais témoignait aussi, on l’a montré, d’une mauvaise lecture du texte de 1759. Une occasion d’officialiser cette coutume avait été perdue

 

      En 1998, dans un article du journal Sud Ouest en date du 6 Mai, le président de l’ADDU précisa que le chêne mort était destiné au chauffage tandis que le chêne vif l’était à la construction ajoutant cependant que la « coutume qui ne saurait être discutée » faisait que ce dernier était utilisé aussi pour le chauffage.

 

      Plus récemment, en 2003, profitant d’une plainte du Conseiller Général du canton de La Teste[35], contre une coupe qu’il jugeait abusive, et de l’attitude de l’association Bassin d’Arcachon Ecologie qui déplorait, elle aussi, ces prélèvements anarchiques, les syndics des « ayant pins » tentèrent une nouvelle fois de réglementer de nouveau la coupe des bois de chêne.  

 

           Mais, leur projet, contrairement à ce qui s’était passé en 1979 précisait bien que le chêne n’était pas un droit d’usage et soulignait que les autorisations n’étaient que provisoires. De plus ils impliquaient dans cette distribution le syndic des usagers qui devait, ès qualités, contrôler « les abus ou ventes illicites » !

La réaction de la Mairie de La Teste fut cette fois différente, le Maire, prenant acte de ce que les propriétaires rompaient « avec des siècles de tolérance pendant lesquels leurs prédécesseurs ont permis le libre prélèvement du bois de chauffage » considérait, en conséquence, que « le syndic des usagers n’a pas à délivrer d’autorisation, ni à les contrôler, ni à constater les délits éventuels » afin que « les propriétaires ayant-pins assument seuls les conséquences de leurs décisions »[36].

 

L’ADDU mena alors une campagne active (réunions publiques, articles) pour développer sa propre lecture des textes et dire aux usagers qu’ils y avaient droit, ce qui eut pour effet d’enterrer le projet et provoqua une interpellation de Bassin d’Arcachon Ecologie s’étonnant de leur position ambiguë et leur demandant de porter plainte contre ceux qui ne coupent pas en bon père de famille.[37]

 

     Alors qu’en 1998 elle  parlait de coutume, son nouveau Conseil d’Administration renoua, en 2005, avec ses conceptions précédentes confirmant aux usagers, dans un communiqué de presse[38], que « conformément à la transaction de 1759…ils peuvent sans autorisation prélever du bois de chauffage dans la forêt (pins morts et chênes verts) …ces prélèvements doivent se faire en bon père de famille, l’usage s’arrêtant quand le besoin est satisfait. » mais, contrairement à 2003, la municipalité ne réagit point.

 

Quant aux  propriétaires qui renouvellent régulièrement, et sans succès, les avis concernant l’obligation de demander l’autorisation à leur syndic, ils décidèrent, lors de leur assemblée de Juin 2006, de se rapprocher de la  commune de La Teste « pour organiser la délivrance de bois de chauffage hors droit d’usage ».

Une procédure judiciaire a cependant été déclenchée par l’un d’entre eux mais le jugement n’a pas encore été prononcé.

 

Une autre contestation est apparue en 2004, l’association des usagers affirmant que les habitants de Lège et certains habitants d’Arcachon ont les mêmes droits que les autres.(voir plus loin)

 

2-Lège Cap Ferret :    

                                                                                                              

Lorsque les 2191 habitants des quartiers du Ferret et du Canon se séparèrent de la commune de La Teste pour rallier celle de Lège (décret du 21 Juin 1976) il fut précisé que cette séparation se faisait « sans préjudice des droits d’usage ou autres qui peuvent avoir été acquis ». Comme à l’époque il fallait 10 ans d’habitanat pour avoir droit aux bois usagers, un consensus s’établit pour considérer que seuls ceux qui habitaient ces quartiers en 1966 continueraient à être usagers puisqu’en 1976 leurs droits avaient été effectivement acquis.

D’ailleurs la municipalité de Lège ne nomma jamais de syndic pour représenter ses usagers, et l’éloignement fit qu’aucune demande ne fut plus présentée.

Mais en 2007 la situation changea : la nouvelle équipe dirigeante de l’ADDU-FU, dont un membre éminent habite le Ferret, décida, par déclaration en préfecture du 24 février, de préciser ses statuts et, déclara avoir pour objet « la défense des intérêts pour l’exercice du droit usager des habitants sur le territoire juridictionnel du Captalat de buch », formulation désignant donc les habitants de La Teste, d’Arcachon et de Lège (quartiers du Ferret et du Canon). Le cas de Gujan Mestras étant différent puisque la municipalité avait signé un cantonnement amiable.

On se trouve donc désormais devant deux conceptions :

-pour les propriétaires ayant-pins, comme le droit d’usage est un droit personnel, seuls peuvent l’exercer ceux qui habitaient ces quartiers en 1966 ; leur syndic refuse donc les demandes qui ne respectent pas cette condition.

- pour l’ADDU-FU, comme les droits sont attachés à l’habitanat dans le territoire du Captalat, quiconque y habite, depuis 10 ans, à la date de sa demande de bois, est usager. Elle a donc désigné un représentant domicilié sur place qui est chargé d’aider les usagers potentiels.

A cette situation conflictuelle s’ajoute le fait que depuis 2007, avec l’accord de la municipalité testerine alors en fonction, l’association, qui s’est chargée de l’abattage et du sciage des bois, a obtenu qu’un de ses adhérents soit nommé syndic des usagers et organise elle-même l’acheminement du bois par  bateau jusqu’au Ferret (ce premier transport a eu lieu le  4  mai 2008 et a donné lieu à une manifestation festive en présence du Maire de Lège qui a salué « ce retour aux sources »[39] un second, concernant du « bois de chauffage » est annoncé pour le 23 Mai 2009.

Pour le moment les nouveaux élus testerins, seuls représentants légaux des usagers, n’ont pas encore réagi et le conflit, s’il n’y a pas de nouvelle transaction, ce qui supposerait un accord entre les parties, ne pourra se résoudre que par une décision du Conseil d’Etat seul habilité à revenir sur une décision qu’il a prise, le décret de séparation portant en effet la mention « le Conseil d’Etat entendu ».

De belles joutes en perspective car le droit d’usage a été, à l’origine octroyé « à tous les habitants desdites paroisses en général et à chacun d’eux en particulier » il est donc attaché à l’habitation mais exercé individuellement. et d’autre part il a été donné par le Captal (à une époque où la presqu’île était moins étendue) « à ses dits sujets et habitants, leurs hoirs -héritiers- et successeurs », ces termes n’ayant jamais été remis en cause par les textes ultérieurs

 

3-Arcachon

 

Pour Arcachon c’est un peu plus complexe puisque, lors du cantonnement de 1855, les droits d’usages sont supprimés sur les seules parcelles usagères rachetées et les propriétaires, leurs héritiers et successeurs, de ces parcelles rachetées perdent leur droit au bois vif pour les constructions « qu’ils voudront faire dans les propriétés ainsi dégrevées » ne conservant, en compensation, que le droit au bois mort, sec, abattu ou à abattre pour leur chauffage.

De plus, l’article 12 de la transaction précise «  la présente ne s’occupant que  de certaines parties de la forêt d’Arcachon, et étant tout à fait spéciale et particulière à ces parties, les droits résultant pour les propriétaires ayant pins et non ayant-pins des transactions locales demeurent entiers pour les uns et les autres en ce qui a trait à toutes les autres parties de la forêt ».

Quand la commune fut créée en 1857, il fut précisé dans l’acte de séparation « sans préjudice des droits d’usage ou autres qui pourraient être respectivement acquis ».

         Si on  suit à la lettre le texte de 1855, on pourrait considérer que les propriétaires des  parcelles rachetées ainsi que les arcachonnais non propriétaires  conservaient leurs droits sur les autres parties de la forêt et qu’ils pouvaient donc demander du bois d’œuvre dans l’actuelle forêt usagère de La Teste sans pouvoir l’utiliser dans les parcelles cantonnées.

C’est ce qu’avait reconnu en 1902 un auteur qui fait autorité, Roger Delage[40], mais il ajoutait :  « Malgré les termes de ces actes on a toujours considéré la transaction de 1855 comme enlevant à tous les habitants d’Arcachon les droits  d’usage autres que le droit au bois de chauffage. C’était peut-être en réalité l’intention des contractants »

         A ma connaissance, depuis 1855, le problème ne s’était jamais posé, je n’ai en effet, jamais trouvé dans les archives locales de document concernant des demandes de bois d’œuvre par des habitants d’Arcachon quel que soit leur lieu de résidence.

 

        Pourtant  , par deux fois, le débat  a été récemment relancé.

Dans une déclaration parue dans le journal Sud-ouest le 14 Septembre 2001, l’un des responsables de l’Association de défense des droits d’usage, déclara, à titre personnel, que la transaction de 1855 étant « muette sur les droits des habitants installés hors des 19 parcelles » les nouveaux propriétaires « hormis l’interdiction du bois vif aux habitants de l’ancienne forêt » conservent donc tous leurs droits.

Or  les terrains autres que ceux des 19 parcelles constituant la Petite Montagne d’Arcachon n’étaient pas usagers et n’étaient toujours pas habités en 1857 ; de plus la plupart de ces terrains avaient été  ensemencés entre 1788 et 1811 par l’Etat qui en était, de fait, devenu propriétaire. C’est pour cette raison évidente que le texte de 1857 est muet à ce sujet.

Quant à la partie ouest de la Petite Montagne, depuis l’avenue Sainte Marie jusqu’au Moulleau, elle était constituée de  six parcelles s qui n’étaient plus usagères depuis 1468 (Bernet) et  1543 (Binette, La bat de Ninot, La Bette,  Hourn Somart, les Abatilles et le Moulleau).

          Dans ces conditions, seuls relèvent de la transaction de 1855 les habitants de 13, et non de 19, parcelles, et en ce qui concerne les terrains non usagers de l’Etat, la question n’a jamais été tranchée car depuis 1857 on les a toujours considéré comme non usagers.   

          En Février 2006, l’ADDU-FU, qui désormais veut assurer, selon le compte rendu de l’assemblée générale paru dans le journal Sud-ouest du 15 Février, « la gestion du bois d’œuvre et du bois de chauffage » estima qu’un couple, propriétaire d’une parcelle située à Arcachon dans la partie cantonnée en 1855, désirant agrandir sa maison récemment achetée au Pyla, sur la commune de La Teste, avait droit au bois d’œuvre.

L’argumentation avancée était que ces personnes, nouveaux électeurs à La Teste, habitaient depuis plus de 10 ans à Arcachon, territoire de l’ancien Captalat, et avait donc droit au bois d’autant que c’était pour construire au Pyla et non sur le territoire des anciennes  parcelles cantonnées, où ils étaient précédemment propriétaires.

L’association se basait non seulement sur la transaction de 1855 mais aussi sur un article, en partie inexact, du sénateur Odin qui, le 20 Janvier 1940, dans le journal « La France » reprenait ce texte pour revendiquer ces droits et contester la légalité de la transaction de 1917.

Au lieu de laisser les syndics, dont c’est le rôle, appliquer les textes, et, en cas de refus, de laisser les demandeurs, conformément au texte de 1759, prendre leurs responsabilités, Monsieur le Maire de La Teste, saisi par l’ADDU-FU, estima que les demandeurs, « aujourd’hui testerins, remplissant  les conditions d’habitanat de la forêt usagère telles que décrites dans les transactions de 1952 et 1955 ont droit au bois d’œuvre pour leur projet d’habitation principale à La Teste »»[41].

     Certes, la transaction de 1952 précisait qu’on devait « être domicilié…depuis au moins 5 ans dans les territoires bénéficiant des droits sur la forêt usagère » mais celle de 1955 qui portait l’habitanat à 10 ans (ce qui est actuellement la règle) s’apercevant de la rédaction maladroite du texte, ne reprit pas cette formule, ne parlant, à très juste raison, que des territoires de La Teste et de Gujan. D’ailleurs ces documents ne furent signés que par les Maires de La Teste et de Gujan qui n’étaient pas habilités, ni eux ni leurs syndics, et ne le sont toujours pas, à représenter les habitants d’autres communes.

Ainsi, pour ce cas particulier, le temps passé à Arcachon a été pris en compte, en contradiction avec les textes, créant ainsi un précédent. 

 

        Pourtant  cette question des droits d’Arcachon avait été soulevée dès 1866.

 

En effet l’année précédente, le sieur Lescanne, propriétaire d’une partie des anciens domaines de Nezer avait négocié avec les communes de La Teste et de Gujan pour leur racheter leurs droits de parcours et de pacage qui pesaient sur ces landes depuis 1550. Gujan choisit d’être payée en espèces et La Teste reçut 370 hectares. Mais Arcachon fut exclue de ce cantonnement amiable.

C’est pourquoi  le Maire d’Arcachon Héricart de Thury, écrivit à titre personnel aux élus, rappelant que les droits d’Arcachon représentaient, étant donnés ses 2065 habitants, 2/9° de la valeur du rachat contre 3/9° pour Gujan (2833 h.) et 4/9° pour les 4209 habitants de La Teste. Il suggérait donc le rachat de ses droits et proposait, par la même occasion, de régler  le cas des autres droits d’Arcachon : « affouage » sur la grande forêt, (ce terme  montre d’ailleurs une méconnaissance totale des textes), pacage et enlèvement d’engrais sur le pré salé. »

Un jugement favorable à Arcachon fut rendu le 18 Janvier 1876 et, en 1880, le 15 Mai, Arcachon accepta la somme de 14616 francs pour règlement de l’affaire Lescanne.

Les prétentions arcachonnaises ayant été satisfaites, on pouvait penser qu’elle ne revendiquerait plus.

      Effectivement Arcachon continua, sans protester, d être exclue des affaires de l’ancien captalat : en effet, ils ne firent pas partie de la Commission syndicale de la forêt usagère instituée en application de la loi du 5 Avril 1884 (article 161 ) par le décret du 6 janvier 1886 ; en 1917, les municipalités de La Teste et de Gujan signèrent seules la nouvelle transaction, partant du principe qu’Arcachon s’étant détachée de La Teste en 1857, elle n’était plus concernée par les problèmes de délivrance de bois d’œuvre.

Ce texte, signé en pleine guerre, alors que beaucoup d’hommes étaient malheureusement absents, n’a pas été  contesté par la ville d’Arcachon qui n’aurait pas manqué de le faire si elle avait considéré avoir droit au bois d’œuvre ou si les circonstances avaient été différentes.

            L’affaire rebondit pourtant en 1946 quand le Maire d’Arcachon écrivit au syndic général de la forêt et aux maires de La Teste et Gujan pour se plaindre de ce que les opérations de vente des bois incendiés pendant la guerre aient été faites sans tenir compte d’Arcachon (17 Avril) puis désigna un syndic des usagers (6 Mai), fit signifier par huissier sa lettre recommandée (29 Mai), menaçant, faute d’accord amiable, d’ester en justice. Cela  provoqua, le 10 juin une réunion de la commission intercommunale (La Teste – Gujan) et l’affaire en resta là. Le syndic général des  propriétaires ayant pour sa part répondu le 9 Mai : « nous ignorions que la Ville d’Arcachon pouvait prétendre à figurer parmi les parties prenantes à ces ventes », ce qui confirme bien que, dans l’esprit de tous, Arcachon s’était exclue.

             Nouvelle relance en 1948 puisque le 27 Février le Maire d’Arcachon fut autorisé par son conseil à saisir la justice et qu’il écrivit le 9 Décembre en expliquant les droits de ses administrés :

-bois de chauffage pour les habitants de la petite forêt (ce qui est beaucoup plus restrictif que ce que propose aujourd’hui l’ADDU ! et correspond mieux à l’esprit sinon à la lettre de la transaction de 1855)

-mêmes droits que les testerins et les gujanais pour les autres.

Il rappelle aussi qu’Arcachon n’a pas été partie prenante à la transaction de 1917 et n’a donc pas bénéficié de la répartition des fonds et il brandit la menace si on lui oppose, malgré sa lettre de 1946, la prescription trentenaire, d’aller en justice. Ce qui prouve donc qu’il n’y a pas eu d’autre démarche malgré les conseils de l’avocat de la commune qui, le 21 Mai 1946, écrivait : « la lettre recommandée que vous avez adressée aux syndics et maires ne suffit pas pour interrompre la prescription. Il faut une cédule ou une assignation qu’un rappel de l’obligation assumée comportant mise en demeure devrait précéder. Cet acte seul interrompra la prescription trentenaire et préservera vos droits »

Il s’agit donc essentiellement d’une question de gros sous puisque le Maire d’Arcachon souhaite, en compensation de l’abandon de ces « droits », obtenir de La Teste des terrains afin de réaliser le port et le lotissement que prévoit son plan d’urbanisme !

On est loin de la défense des droits des habitants qui on l’a déjà dit, ne réclamaient pas de bois.

Le 5 février 1949, le maire de La Teste, répondit, comme le fit aussi son collègue de Gujan, que la question était à l’étude et contacta son avocat. Celui-ci, détail amusant, ne voulut pas développer ses propositions par écrit, craignant des fuites de la part du personnel communal… mais proposa une rencontre. Ses conclusions ne figurent donc pas dans le dossier.

Par contre y figure un autre rapport adressé au Préfet, le 30 Mai 1948, par Monsieur Lallemand, Inspecteur des Eaux et Forêts. Il y développe la même idée que le Maire d’Arcachon : bois de chauffage, uniquement, pour les habitants de l’ancienne Petite Montagne et bois d’œuvre pour les autres. Mais il signale cependant que ce n’est pas si simple car ces terrains étaient à l’Etat et ne pouvaient donc être usagers. Il précise aussi que la transaction de 1917 est bien illégale mais que pour la contester il aurait fallu interrompre la prescription trentenaire « par une bonne et valable citation » avant le 28 Novembre 1947, ce qui n’a pas été fait.

         Le 26 Mars 1949, l’affaire fut de nouveau évoquée au Conseil Municipal d’Arcachon qui entendit un rapport sur la question. La description des « droits arcachonnais » était identique à celle du 27 Février 1948 mais il était précisé que la démarche du 29 Mai 1946 signifiait qu’Arcachon n’avait pas renoncé à ses droits.

Ce qui est intéressant dans cette délibération c’est la demande de rectification des limites territoriales en échange de quoi « Arcachon renoncerait à  tous droits d’usage antérieurs, présents et futurs sur la forêt usagère », ce que confirme le Maire, Lucien de Gracia, qui est donc habilité à poursuivre les contacts avec son collègue testerin et à saisir éventuellement le tribunal.

          Le 27 Mai, c’est une lettre de L’Inspecteur des Eaux et Forêts qui est communiquée au Conseil. Cet inspecteur préconise tout simplement un …cantonnement général, vieille tradition de l’Administration, mais le conseil, trouvant le problème trop complexe, décide de ne se prononcer sur cette éventualité, qu’après le règlement de son différend avec La Teste qui fera d’ailleurs l’objet, le 14 Octobre, d’une décision budgétaire (15000 francs) pour pouvoir consulter un avocat auprès du Conseil d’Etat.

Le port de plaisance ayant été depuis réalisé en grande partie sur le domaine maritime testerin et la limite de 1857 ayant été rectifiée dans le secteur des Abatilles, on peut penser bien qu’il n’y ait que très peu d’archives, que dans les faits, Arcachon avait obtenu satisfaction et renoncé, conformément à sa promesse à ses revendications.

Pourtant la commune d’Arcachon, assignée comme ses voisines par les  propriétaires  de la forêt dans le cadre de la procédure de cantonnement, refusa le cantonnement amiable et rappela que « les habitants de la petite forêt d’Arcachon ont droit au bois de chauffage et que les autres habitants ont les mêmes droits que les habitants de La Teste et de Gujan-Mestras »

La ville ne réclamait toujours pas le droit au bois vif pour les habitants de l’ancienne petite montagne, mais continuait à revendiquer, espérant certainement une part sur la superficie attribuée aux communes !

Un dernier élément traduit une évolution ; il s’agit d’une lettre du maire d’Arcachon à son collègue testerin en date du 6 Août 1981, dans laquelle, ayant à régler 60000 francs de frais d’avocat, suite à la fin du procès de cantonnement en appel, il s’en étonne d’autant plus que l’affaire, dit-il, « intéresse à priori la seule Ville de La Teste »[42]

 

En effet  la Ville Arcachon n’a, depuis 1857, jamais nommé de syndic pour défendre ses « usagers » (sauf en 1946 pour les raisons qu’on a expliquées), n’a jamais été partie prenante des répartitions de fonds prévues par la transaction de 1917, n’a jamais cotisé à la Caisse syndicale, n’a pas non plus signé les transactions de 1917,1952, 1955 et 1977 et ne l’a pas demandé ; elle s’est donc, de fait,  retirée des instances usagères et de l’exercice du droit d’usage, si bien qu’il semble difficile que  ses habitants puissent,150 ans plus tard, réclamer un droit que leurs élus ont abandonné et dont ils ont confirmé l’abandon en 1949, en échange de concessions territoriales. Ce renoncement  concernait aussi le bois de chauffage dont l’utilisation, impossible à chiffrer puisque le prélèvement est anarchique, semble inexistante.

 

 

    

 

II Les conséquences environnementales du statut.    

 

  Les conséquences concrètes de ce statut sur le massif forestier sont les suivantes :

 

A- le libre parcours,

 

Condition de l’exercice des droits, il interdit donc toute clôture hors la cabane et le jardin du résinier. Cette interdiction est d’ailleurs reprise dans les documents d’urbanisme de La Teste en application de l’esprit des transactions mais, comme certains rêvent de limiter la pénétration aux seuls usagers,  le texte cite aussi de la Loi du 31 Décembre 1976 qui, beaucoup plus large, précise que «  l’édification d’une clôture  peut être refusée quand elle fait obstacle à la libre circulation des piétons admises par les usages locaux ».

On ne peut en conséquence barrer les chemins répertoriés ni clore les parcelles, et le respect de ces libertés locales,  relève du pouvoir de police du Maire. Mais les infractions se multiplient.

 

B- la  forêt « jardinée

    

La nécessaire répartition de la charge de l’usage sur les 148 parcelles, a imposé une rotation des prélèvements de pins et donc des coupes "pied par pied ", à l'exclusion  de toute coupe rase.

La forêt doit donc être "jardinée" « en bon père de famille » et non "exploitée". C’est ainsi que, sur chaque parcelle, (sauf dans les semis de Cazaux) des pins de tous âges se mêlent et que, lors des coupes qui apportent de la lumière, la régénération naturelle est immédiate car l’humus  est, on l’a vu, très fertile. Cette situation a perduré tant que l’usage a été important ce qui n’est plus le cas mais c’est ce paysage particulier qui a justifié toutes les mesures de protection dont on parlera.

                

 

 

 C-La protection des vieux pins

 

Il est en effet interdit d’abattre tout pin pouvant encore porter résine : celui-ci  est considéré comme vif et donc maintenu en place sauf s’il est demandé pour l’usage.

 C’est pourquoi nombre d’arbres sont âgés comme  ces majestueux "pins-bouteilles", plusieurs fois centenaires, orgueil de cette forêt, qui furent gemmés à mort et dont les troncs éclatés abritent de nombreuses espèces d'oiseaux qui contribuent, en détruisant les nuisibles du pin, à l'équilibre

biologique du massif

Ces pins, souvent impropres au bois d’œuvre mais portant encore résine sont rarement coupés, seules les tempêtes en viennent à bout car leur tronc est fragilisé.                              

 

                                                                                                                         Pin bouteille (Photo R.Aufan 1978)

 

Outre leur fonction vitale pour l'avifaune, et leur esthétique, ils contribuent aussi à la régénération naturelle de la forêt. C’est pour cela qu’ils doivent faire l’objet de toutes les attentions : leur coupe, sous des prétextes économiques, supprimerait une des  principales originalités de cette forêt.                                  

 

C'est aussi à cause de ce statut qu'on y trouve parfois de grands pins au tronc lisse, les "pins-bornes" qui délimitaient les parcelles, mais, dans les années, 1950/75, l’intensification du gemmage par des résiniers souvent étrangers, donc moins sensibles aux traditions, en a considérablement réduit le nombre.

 

 

D- Les inconvénients

 

Ce type de prélèvement s’impose à tous qu’on soit « usager non-ayant pins » ou « propriétaire ayant pins » mais on ne peut cacher cependant que cela  entraîne un écrémage du massif, les plus beaux pins partant les premiers, et que la quasi disparition des demandes de bois d’œuvre (volontaire ou provoquée) freine depuis 25 ans la régénération naturelle qui, lorsque les coupes étaient importantes, suffisait à. renouveler la forêt

 

De même la désaffection pour le pin en tant que bois de chauffage (étincelles) a souvent conduit à laisser sur place capit (sommet de l’arbre) et branches ce qui n’améliore pas la situation sanitaire du massif.

Il en est de même quand la cherté de l’évacuation couvre largement le bénéfice qu’on pourrait espérer de la vente des bois.  C’est le cas par exemple des chablis isolés qui sont très rarement exploités.

 

 

 E- Un statut protecteur de la forêt ancienne.

 

Mais c’est ce statut, à la fois social et protecteur, qui a permis à ce témoin des forêts du néolithique, de se perpétuer au cours des  siècles, un subtil équilibre écologique ayant été longtemps maintenu entre la forêt, qui se régénérait d'elle-même sans intervention mécanique ou chimique, et les hommes qui l'entretenaient, y prélevant "en bon père de famille" ce dont ils avaient besoin, gemme pour les uns, bois pour les autres, tout en veillant à la pérennité de ce véritable monument historique naturel.

Si à certaines époques cet équilibre a été compromis c’est à cause d’un laisser aller dans l’application des textes et non à cause du statut. 

Ce fait avait déjà été reconnu le 15 Janvier 1806 par M. Guyot Laprade, Conservateur des Eaux et Forêts[43] , qui déclarait : « Si elles eussent été fidèlement observées – les transactions de 1604,1746 et 1759-, les abus dont se plaint l’adjoint de Monsieur le Maire de La Teste n’auraient pas lieu et on n’aurait pas à craindre de voir disparaître cette belle forêt … La cause des abus est donc dans le vice de gestion et de l’administration de cette belle forêt. »

Il se plaignait surtout de l’anarchie et du peu de soins apporté aux coupes par les habitants

 

De nos jours ces causes perdurent mais c’est surtout la disparition du gemmage, le changement des mentalités et les rivalités d'intérêts qui ont rompu cet équilibre. Si bien que depuis plus de 30 ans, ce sont dans les enceintes judiciaires et administratives et non plus sur le terrain que se joue l’avenir de cette forêt totalement abandonnée à elle-même.

Néanmoins, si la forêt a besoin d'être entretenue et régénérée, cela ne peut se faire au détriment d'un paysage  qui est un des atouts majeurs du Sud Bassin et qui est unique en Aquitaine.

Ce n’est pas le statut qui est en cause, dans l’abandon actuel de la forêt, c’est la volonté d’une des parties, les propriétaires, de le supprimer qui, depuis 1981, bloque toute tentative de gestion raisonnable et provoque, en retour l’intransigeance des usagers.

C'est pour cette raison  que la forêt fut, dans les documents d’urbanisme, classée en « espace boisé classé à conserver » puis dès 1978 inscrite à l’inventaire des sites, et enfin  classée en 1994 comme une grande partie des forêts visibles depuis la dune du Pilat, tandis qu’un  « comité de gestion » était créé pour, en conciliant les intérêts des hommes et de la forêt, tenter de la régénérer afin d'en conserver le paysage pour les générations futures

Malheureusement, comme on le verra, son action, qui était proche de la réussite, a été prématurément  interrompue et c’est désormais la mise sous tutelle de la forêt par l’Etat (volonté qui s’est manifesté dès…1806 !!) qui, de nouveau semble être privilégiée par des autorités administratives qui ne veulent  entendre parler ni de la jurisprudence ni du statut qu’elles considèrent comme archaïque, encore que, dans le dernier arrêté préfectoral règlementant la circulation en forêt, il soit fait référence aux transactions qui régissent le massif. Ce qui tend à prouver que l’Administration a sur ce point évolué.

De son côté, le Conseil Général a tenté, avec l’accord du Maire de La Teste, d’y faire appliquer les nouveaux textes sur les « Chartes forestières de territoire » qui, comme tous les textes « nationaux », ne sont pas adaptés au statut local (le massif échappe au code forestier) tandis  que les « Verts » et l’association « Bassin d’Arcachon Ecologie », ont réussi à la faire classer dans le réseau Natura 2000.

 

Mais avant d’exposer ce qui s’est passé depuis 25 ans dans les enceintes administratives et judiciaires, il faut préciser comment fonctionnait le système avant qu’il ne soit bloqué et quels en sont les différents acteurs.

 

III Le fonctionnement du système.

 

 A-Qui  représente les usagers ?

 

             Jusqu’en 1746, le régulateur entre ayant pins et non ayant pins, était, on l’a vu, le seigneur. De 1746 à 1792 les deux communautés s’autogérèrent et les 6 syndics furent chargés de veiller à l’application des textes. Cela fut confirmé par la sentence arbitrale de 1792 qui, à juste titre, écarta les communes.

Pourtant, malgré cet arbitrage la confusion des responsabilités devint, au XIX°, la règle.

              En effet dès 1789, on voit les syndics testerins Desgons et Moureau, s’adresser aux « officiers municipaux » pour se plaindre de l’entrée dans la forêt d’habitants du Teich et de Biscarrosse venus y prendre du gland[44].

Il semble donc que devant l’effondrement de toutes les autorités traditionnelles, on prenne l’habitude, au moindre problème, de se tourner vers les nouvelles, d’autant que les conservateurs des Eaux et Forêts (lois de 1798 et 1801)  et les Préfets  tentent déjà en 1806 puis de nouveau en 1834 de mettre la forêt sous tutelle considérant , au mépris des réalités, qu’elle était communale !

 

B- L’obstination dans l’erreur de l’Administration
 

             C’est ainsi que le Conservateur Guyot Laprade répondant à une plainte de l’adjoint au Maire de La Teste, rédigea, le15 Janvier 1806, un rapport[45] dont l’argumentation  était basée sur le fait que les usagers ne prenaient que les parties de chênes et de pins intéressants et laissaient le reste pourrir sur place. Il déclarait que « l’exercice du droit d’usage doit être régularisé de manière à préserver cette belle forêt de son entière destruction dont elle est menacée »et demandait, en conséquence, que « la forêt soit déclarée communale quant à ce qui regarde le bois chêne et le bois sec et abattu, les pins exceptés » et proposait l’abrogation de tous les textes anciens remplaçant les droits d’usage par un système d’affouage avec coupes annuelles.

Le Préfet, suite à ce rapport, décida de soumettre aux conseils municipaux le règlement préparé par le conservateur et, en attendant leur avis et sa décision finale, de « faire défense à tout individu quelconque même aux propriétaires, d’exercer aucun droit de propriété ou d’usage  dans ladite forêt » ! [46]. Suite à la protestation du Maire, le préfet revint sur l’interdiction et confirma que dans l’attente des futures décisions, le seul texte applicable serait celui de 1759[47].

Le conseiller Meynié affirma en Conseil municipal [48] qu’il n’y avait aucune trace de « communalité » et que les transactions donnaient les moyens de faire face aux dégradations mais que l’insouciance de ceux qui étaient chargés de les faire appliquer était responsable de la situation.

Le Maire et le Conseil municipal de La Teste refusèrent donc la proposition ce que ne comprit pas le Conservateur des Eaux et Forêts qui, le 26 Mars, proposa un règlement légèrement modifié pais inchangé sur le fond tout en précisant qu’il « ne s’attendait pas à une opposition formelle de la part surtout des propriétaires et ne pouvait prévoir qu’ils entendissent assez peu leur intérêt pour s’opposer à des vues qui étaient toutes à leur avantage ! »

En 1834 la Conservation des Eaux et Forêts repartit à l’assaut, avec aussi peu de succès, demandant cette fois la soumission au code forestier de la totalité du massif : « l’une des plus belles forêts de France peuplée d’un mélange de pins maritimes et de chênes futaie…sans maître mais surtout sans police…qui présente l’image de la plus triste dévastation, bien que la richesse extraordinaire du sol y soit en lutte continuelle avec la barbarie des hommes et suffise depuis des siècles à la préserver d’une entière dévastation »[49] Le conseil municipal reprit la même délibération qu’en 1806 et le Maire, Fleury fils aîné, écrivit au Préfet que le Conservateur « après en avoir pris lecture, reconnaitra qu’il a été complètement mis en erreur lorsqu’on lui a persuadé que cette forêt était communale… »[50]

              Il est intéressant de noter que de nos jours l’acharnement des Administrations à supprimer ce statut et à soumettre la forêt au code forestier est toujours aussi vif ! C’est en effet le Directeur du  Service Régional d’Aménagement Forestier qui déclare en 1979 « il faut savoir convaincre non seulement les amoureux sincères de ces lieux mais aussi les autres qu’une forêt vit et meurt et que celle-là  en train de mourir » et nous verrons qu’en 2004 ce sont les politiques qui, jouant aux apprentis sorciers, reprendront le flambeau pour essayer de lui appliquer le code forestier !

1806, 1834, 1979 la théorie ne change pas, les idées sont les mêmes - pour la grande majorité des forestiers officiels les droits sont archaïques et nuisibles -, la mort de la forêt est toujours annoncée… mais elle est toujours là ! Parodiant Brassens, on pourrait chantonner « mourir pour des idées oui mais de mort lente »

 

Il fallait donc, tous le reconnaissaient, remettre de l’ordre et faire appliquer les textes, mais il y avait un problème : comment assembler la population pour élire des syndics (cela se faisait auparavant à la sortie de la messe, devant l’église) quant les lois interdisent tout attroupement (21 Octobre1789, 27 Juillet 1791 : 15 personnes, 10 Avril 1831, 7 juin 1848, 25 Février 1852).

C’est certainement la raison pour laquelle le Conseil Municipal de La Teste se saisit du pouvoir de nomination des syndics en élisant, le 21 Mars 1810, le conseiller Meynié (ce qui entraîna des protestations car, percepteur à Audenge, il y était logé … !) et le boulanger Moureau qui refusant le poste fut remplacé par Dehilotte.[51]

D’ailleurs, la loi du 29 Vendémiaire An V (20 0ctobre 1796) confirmée par un arrêt de la Cour de cassation du 2 Janvier 1811, avait confié aux « agents municipaux l’exercice des actions qui intéressent un corps commun d’habitants ».

Pourtant en 1825 le 10 Juillet et en 1826, le 23 Avril[52], face à la volonté des «  propriétaires les plus aisés » de réduire leurs droits (ceux-ci avaient écrit au Préfet le 25 Mars, pour qu’il constate les abus de l’usage) ce sont les usagers qui lui réclament l’autorisation de se réunir pour élire eux-mêmes leurs syndics « afin de faire revivre les anciens statuts ». Cette autorisation déjà donnée en Avril 1793 par le Directoire du Département, fut accordée et la réunion eut lieu, pour ce qui concerne La Teste, le 16 Avril 1826, comme par le passé, à la sortie de la messe, Allées de Tournon, et François Meynié et Jean Baptiste Marichon jeune, ancien notaire, furent élus.

Dans le même temps, le Préfet, suite à une pétition et à 2 délibérations du Conseil Municipal de Gujan, nommait, le 26 Janvier 1827, Bertrand Daisson Verduren et Martin Jules Cameleyre « syndics des propriétaires et usufruitiers » de Gujan (!) après  que le Maire de la commune ait indiqué le 15 avoir nommé 2 syndics pour représenter les  non propriétaires.

Il s’agit alors d’un conflit entre les propriétaires et la commune à laquelle ils refusent, à juste titre puisque les droits sont personnels, du bois pour réparer le presbytère.

 

           Ces péripéties montrent qu’on est alors en pleine confusion : les testerins demandent le respect de la  transaction de 1759 et obtiennent l’élection directe de leurs syndics usagers, le Maire de Gujan, comme son collègue testerin 17 ans plus tôt, s’en affranchit puisqu’il y est autorisé par la loi de 1796, et le Préfet se permet de nommer des syndics !

Une autre constatation, c’est que les syndics usagers qui devaient, depuis 1759, être renouvelés tous les 3 ans n’étaient nommés qu’épisodiquement, quand il y avait un problème grave et qu’entre temps les usagers étaient donc représentés par leur maire.

 

C- Le sommet de la confusion : la loi de 1837

 

           Le 18 Juillet 1837 intervint la loi d’organisation des communes, son article 17 précisait que les conseils municipaux devaient « régler les affouages en se conformant aux lois forestières », elle précisait aussi qu’était concernés « le mode de jouissance et  la répartition des pâturages et fruits communaux, autres que les bois ».

Or la forêt usagère n’était pas une forêt communale, et les droits d’usage n’étaient pas un affouage ; ce n’est pas cette loi qui pouvait  s’y appliquer, mais celle de 1796. Pourtant cela n’empêcha pas, le 13 Décembre 1845, soit 8 ans plus tard (!), le Maire Jean Hameau de déclarer : « Depuis que de nouvelles institutions régissent la France, les Conseils Municipaux sont devenus les représentants des communes et les défenseurs de leurs droits. C’est donc à eux qu’appartient de faire les élections de ces syndics  comme Gujan et les propriétaires viennent de le faire.»[53]

Sur 14 votants, Meynié et Mouliets obtinrent chacun 8 voix sans qu’on sache pourquoi les 6 autres ne les ont pas choisis.

C’est encore ce que le Préfet confirme le 15 Janvier 1846 à l’officier de santé gujanais Daney quand il lui écrit : « ce droit appartient à la généralité des habitants et le conseil municipal étant d’après la loi chargé des intérêts des habitants c’est à lui de les désigner », ajoutant que les propriétaires doivent rester libres de désigner les leurs.

On peut se demander s’il n’y a pas, de la part des autorités, une certaine répugnance à se réclamer des lois de la Révolution, période encore honnie en ces temps de pouvoir monarchique, à quoi peut s’ajouter aussi l’oubli des traditions.

 

D- La loi de 1884

 

           En 1886, le 6 Janvier, un décret du Président de la République institua une

«  commission mixte » de 6 élus (3 testerins, 3 gujanais) au prétexte que la loi de 1884 le prévoyait quand 2 communes avaient « des biens ou des droits indivis » et que l’une d’entre elles le réclamait. Or là encore, la forêt usagère n’étant pas un bien communal indivis et les communes n’ayant qu’un  pouvoir de représentation des usagers, cette loi n’aurait pas dû s’appliquer. Pourtant La Teste l’avait  demandé  le 20 Février 1885 et Gujan le17 Août. Cela entraîna la protestation du syndic des « ayant pins » et pendant de nombreuses années c’est cette commission syndicale qui va se substituer aux Maires et prendre les décisions.

Mais cette commission ne pouvait se substituer aux élus en ce qui concernait les ventes, échanges, partages, acquisitions et transactions.

Ainsi quand, en 1916, suite à la demande des propriétaires de nommer un expert séquestre après l’incendie qui, le 30 Juillet 1913, avait ravagé  300 hectares, les Maires allèrent jusqu’à prétendre que c’était au Président de la Commission, M.Sémiac, de représenter les usagers !!!

L’affaire alla en justice et la Cour d’Appel leur donna tort.

 

 

E- La victoire des communes et la définition juridique de la « propriété »

 

            On ne note pourtant aucune autre  réaction à cette usurpation du pouvoir par les municipalités.… ! Il faudra attendre qu’un usager conteste une amende et réclame en… 1961, l’annulation de la transaction de 1955 pour que   l’Association de défense des usagers intervienne et conteste ce  pouvoir municipal.

Un seul conseiller municipal, Monsieur Garnung, osa  l’appuyer, quant aux autres ils votèrent une déclaration indignée et très « politique » accusant le « Syndicat des Usagers (d’engager) une polémique inacceptable dans son esprit et dans ses termes ayant pour but essentiel de créer une agitation injustifiée » 

 

Si le Tribunal d’Instance d’Arcachon lui donna raison le 1 Février 1963, la Cour d’Appel de Bordeaux lui donna tort le 13 Octobre 1965. L’affaire passa alors devant le Tribunal administratif  qui, le 28 Avril 1967, estima que « les conseils municipaux de La Teste et de Gujan représentant seulement une partie des titulaires des droits privés résultant des transactions,…ne sauraient être considérés comme ayant réglé par les délibérations litigieuses les affaires de leurs communes ». En conséquence il annulait les délibérations de 1917, 1951 et 1955 et la décision du Préfet qui en 1962 avait rejeté la demande de l’ADDU.

 

Mais le Conseil d’Etat, en 1970[54], annula cette décision qui semblait pourtant logique puisque les habitants n’étaient usagers qu’au bout de 10 ans.

L’argumentation du Conseil s’appuie sur le fait que le droit des habitants était attaché à leur domicile dans les communes du Captalat et que le droit n’a pas été donné à chacun en particulier mais à l’ensemble des habitants ayant ou non ayant pins.

 Il considère en effet et c’est fondamental que « les ayant-pins sont les bénéficiaires au même titre que les non ayant-pins » et que « s’ils veulent utiliser le bois  leur appartenant, ils ne peuvent le faire en tant que propriétaires, ils ne peuvent le faire qu’en tant qu’usagers et conformément à la réglementation de la forêt en demandant l’autorisation de l’usage ».

     En 1976, c’est  le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux qui reprit cette argumentation, jugeant que « l’exercice des droits étant lié à l’habitation sans qu’il y ait lieu de distinguer entre les habitants non propriétaires et propriétaires, ces derniers étant, comme les premiers, titulaires de ces droits et tenus d’en respecter les modalités…les communes avaient vocation pour représenter les usagers… que cette représentation s’était d’ailleurs perpétuée depuis la création des communes sans poser de problèmes ». Ces deux jugements qui, à juste titre ne s’appuyaient  pas sur la loi de 1837, mirent donc fin à la procédure.

 

Ils  justifiaient, à posteriori, l’abandon, depuis …180 ans, des dispositions de  la Transaction de 1759 au profit des  Maires, qui étaient parfois eux-mêmes  propriétaires ayant-pins en forêt usagère comme d’ailleurs nombre de leurs collègues conseillers, ce qui créait parfois une situation pour le moins originale et surtout fréquente au XIX° siècle, les usagers non ayant pins devant être « défendus » par des élus propriétaires  alors que ceux-ci, bien qu’usagers, avaient droit à leurs propres syndics…!

 

Mais au delà de ces problème de représentation, ce qui est fondamental, on l’a vu, c’est l’affirmation claire  par le Conseil d’Etat de ce qu’est la « propriété » en forêt usagère.

 

Malheureusement cette jurisprudence est encore niée par les responsables des propriétaires et quelques forestiers qui continuent de s’appuyer sur les décisions des tribunaux du XIX° siècle et sur une lecture partielle et partiale des transactions.

 

Pourtant en 1984, le 22 Février, c’est en s’appuyant sur ce texte que le Président du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux, statuant en référé, « interdit toute coupe qui ne serait pas autorisée par les quatre syndics », jugement qui fut confirmé, le13 Novembre, par la Cour d’Appel de Bordeaux retirant ainsi  aux  propriétaires ayant pins le droit de couper comme bon leur semble.

 

Ces deux jugements confirment donc  le fait que les propriétaires, s’ils sont bien propriétaires du sol,  ne sont pas maîtres des arbres et que toute coupe ne peut se faire que dans le cadre fixé par les transactions.

Et ce malgré la reconnaissance par la même Cour d’Appel en 1981 du fait que la forêt était « privée » ce qui n’a jamais été contesté pour le sol, la gemme et les cabanes, mais que les juges ont oublié de préciser, car la Cour d’Appel reprend, en 1984, les analyses du Conseil d’Etat et s’appuie sur la ratification de la transaction de 1759, effectuée le 21 octobre de la même année qui précise, on l’a vu, le sens exact de l’article 12 du texte.

 

Il faut dire que dans le passé les ayant-pins connaissaient parfaitement leur statut : ainsi le 26 décembre 1938,  M. Boisot, conseiller municipal et grand spécialiste des questions forestières, demanda que dans la future transaction, à propos des conditions pour bénéficier du bois, le terme d’ « habitants » soit remplacé par celui « d’habitant non ayant-pins ». Cette simple petite modification de vocabulaire aurait ainsi créé ainsi deux groupes : les usagers non ayant-pins soumis à des restrictions et les  propriétaires pouvant utiliser librement le bois… Malgré l’accord du Conseil Municipal, cette habile suggestion ne fut pas retenue lorsqu’il fallut rédiger la transaction de 1952.

 

 

IV- Les conflits du XIX° siècle à nos jours.

 

C’est donc devant les Conseils Municipaux qu’ont été réglés les conflits qui concernèrent, depuis le  XIX° siècle, la forêt, que ce soit dans la petite Montagne d’Arcachon où se construit la station balnéaire ou dans le reste du massif usager. Il faut cependant remarquer que cela est surtout valable pour le XIX° siècle. En effet au XX°, les Conseils municipaux se dessaisissent de leur rôle au profit de la Commission syndicale intercommunale.

 

Cette confusion des pouvoirs et des intérêts à laquelle il faut ajouter l’attitude de la commune de Gujan qui n’avait pas toujours les mêmes conceptions que sa voisine, fait que nombre d’affaires finirent devant les tribunaux, les différentes parties étant incapables, contrairement à ce qu’espéraient  les rédacteurs de la transaction de 1759, de gérer leurs affaires eux-mêmes et de se comporter « en bon père de famille. »

 

C’est surtout à partir de 1825 que les incidents arrivent devant les Conseils municipaux et que ceux-ci s’impliquent de plus en plus dans les affaires de la forêt usagère, nommant même le 11 Mai 1846 deux gardes, en plus de celui des « ayant pins » pour réprimer les abus.

On peut classer ces affaires en 3 grandes catégories :

                                          

A- les infractions liées au développement d’Arcachon[55]

 

C’est en 1823 que le premier établissement de bains, celui de Legallais, s’installe sur le rivage d’Arcachon. Son exemple est suivi par Duprat, propriétaire d’une cabane au Moing qu’il agrandit en 1829 et  par son gendre Lesca qui construisit un hôtel en 1839. En 1836 c’est un « étranger », Tindel qui se lance à son tour, tandis qu’à l’Aiguillon Jean Bourdain ouvre le 4° établissement de bains qui, en 1842, passera à son gendre Grenier.

 

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Jusqu’en 1841 année de l’arrivée du chemin de fer à La Teste, ne furent  construites que 8 maisons, entre l’arrivée du chemin de fer et la construction de la route La Teste-Eyrac, en 1845, ce sont 9 maisons supplémentaires qui sont édifiées et de 1845 à 1848 on en bâtit 47 et  17 de plus avec la prolongation de la route d’Eyrac à La Chapelle en 1849 (l’actuel boulevard de la Plage).

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Deux questions se posent à propos de ces premières constructions 

-Les propriétaires des parcelles avaient-ils le droit de construire ?

Rien dans les transactions ne s’y oppose d’autant que les premiers édifices sont édifiés sur le rivage, souvent dans des espaces dénudés comme on peut le relever dans nombre d’actes notariés : sables blancs, vacants, places, pelous, friche, espace parsemé de quelques pins….

-Avaient-ils le droit d’utiliser le bois de la forêt usagère ?

La réponse est oui s’ils sont propriétaires usagers résidant dans le Captalat et si la maison n’est pas destinée à être louée ni vendue à des étrangers, car le droit doit servir uniquement à la satisfaction des besoins personnels, ce qui ne pouvait s’appliquer à aucun des établissements de bains ni aux nombreuses maisons destinées à la location.. Certes en 1759, ce cas ne pouvait être prévu, mais il était précisé que « le droit d’usage desdits bois était purement personnel … sans pouvoir en faire négoce ni commerce, pas même les céder ou donner à autres non habitants ». 

Les élus et les syndics auraient donc du intervenir dès 1823 pour les testerins Legallais, puis pour Duprat, Lesca, Bourdain et Tindel  en se posant la question suivante : avaient-ils le droit (s’ils ont utilisé du bois de la forêt, ce que nous ne savons pas mais qui est vraisemblable au moins pour les  4 premiers qui étaient testerins)  de construire avec ce bois  des établissements commerciaux ?

 

De plus les ayant-pins sont soumis au même régime de délivrance que les autres usagers et ne peuvent pas couper librement sur leur parcelle et s’ils sont étrangers au Captalat, ils n’ont pas droit au bois, même chez eux.

Là encore les syndics et les élus auraient dû intervenir et ce dès les premières constructions édifiée par deux étrangers : Lamarque de Plaisance en 1842 et  son voisin le négociant bordelais Jehenne qui, la même année, édifie une maison en bois…

Léo Drouyn :Maisons Lamarque 1842 (Maire de 1852 à 1857)                                                      

et Bestaven 1846 (Maire en 1852)

 

Or ce n’est qu’en 1848 que le Conseil Municipal testerin commence à s’émouvoir !

L’explication est simple, sur les 64 maisons construites entre 1845 et 1849 seules 23 l’ont été par des « étrangers » et dans les conseils municipaux les propriétaires-ayant pins sont souvent majoritaires tandis que de 1846 à1857, le Maire lui -même l’est aussi.                                                                                            

 

Léo Drouyn : A gauche, la villa Hameau 1843, (Maire 1844-46), à droite Lestout.

 

La première réaction eut donc lieu en 1848 quand, M.Mérillon, un bordelais, qui n’habitait donc pas le Captalat, fut accusé d’avoir coupé tous les arbres d’une parcelle achetée à Legallais.   

Que répondit le conseil (14 ayant pins dont le Maire Oscar Dejean sur 24 membres…) : que les usagers étaient dédommagés de leurs droits «  par le bien-être qu’apportent dans le pays les travaux exécutés dans le sens de ceux de M. Mérillon»                       

                                                          

Quelques exemples furent cependant faits : en 1850, un charpentier « coutumier du fait » est verbalisé pour avoir porté  du bois chez un étranger M.de Marpon  

En 1851, Madame Lafon, née Jehenne, fut accusée « d’une vente considérable d’arbres », mais le Maire « n’était pas au courant » !

 

En Mars 1851, une poursuite est engagée par La Teste contre trois testerins dont un charpentier pour la vente de pieux en bois à un étranger Hovy. Gujan refuse car le bouvier a été interpellé hors de la forêt usagère et « rien ne prouve que le bois en venait puisque le PV n’en parle pas… » En 1844, Hovy, négociant bordelais, avait acheté la pièce d’Eyrac et construit 6 maisons destinées à la location (il en reste encore une qui est donc la plus ancienne d’Arcachon).L’année précédente il a obtenu le droit de clôturer et ces pieux doivent vraisemblablement servir à cela à moins qu’il ne s’agisse de protéger les maisons contre la mer.

 

Nuit du 5 mars1852 : des chênes « usagers » de l’allée de La Chapelle à Arcachon sont abattus. L’affaire  fut souvent considérée comme le symbole de ce que les droits d’usage permettaient comme dévastations, beaucoup oubliant que la coupe n’était peut-être pas le fait d’usagers. Bien qu’objet plus tard d’une polémique féroce entre Deganne et le maire Lamarque de Plaisance, on ne trouve pas trace de cet évènement dans les registres municipaux alors que, d’après ces personnalités, l’affaire avait soulevé «l’indignation générale». En 1858, Oscar Déjean[56] l’évoque lui aussi: «depuis le bas de cet escalier (qui conduit à Notre Dame) jusqu’au bord du Bassin, s’étendait autrefois une superbe avenue de chênes séculaires. Par un déplorable abus du droit d’usage on a abattu ces magnifiques arbres en 1852 pour les remplacer par des marronniers » .A sa suite, en 1859, Henri Ribadieu[57] précisa, quant à lui : «nous devons à ce terrible droit de coupe la disparition d’une magnifique allée de chênes qui il y a 10 ans tombèrent sous la hache aveugle des bougès» Pourtant, en 1909, l’Abbé Petit[58], bien que très hostile aux usagers, minimise l’affaire, affirmant que les constructions nouvelles en avaient déjà mis à mal la plupart et réduisant le chiffre à quelques unités survivantes !. Son affirmation est d’ailleurs inexacte car, avant 1852, nous n’avons relevé que deux ventes de parcelles le long de l’Allée de La Chapelle.

L’affaire, pourtant restée célèbre, est donc pour le moins obscure. C’est le mérite d’André Rebsomen[59] d’avoir rétabli en partie la vérité : il précise que l’abattage a été effectué par M. Moureau père et que les chênes servirent « en partie à la construction d’un bateau de plaisance ». Il constate aussi que cette « œuvre de destruction » avait commencé dès 1847 après la vente par M. Lalesque des terrains à des particuliers dont il cite les noms. mais dont les achats sont, d’après les actes notariés concernant la parcelle de Bos, postérieurs à la date du 5 Mars ! Seul le pâtissier Dehilotte Ramondin avait à cette date acheté la parcelle située à l’angle de l’actuel cours Lamarque et de l’allée de la Chapelle (Décembre 1851). Plus près de nous, Jacques Ragot, reprend la même idée mais, en ce qui concerne la coupe des derniers arbres en 1852, il affirme, de façon gratuite, que « des usagers testerins étaient venus les couper durant la nuit, seul moyen trouvé pour protester contre la violation de leurs droits par les nouveaux venus dans le pays ». En réalité, toute la partie ouest de l’allée de la Chapelle avait été vendue le 21 Août 1851 au chanoine Gustave Montariol, secrétaire général de l’archevêché dont le fondé de pouvoir était Jacques Etienne Moureau, capitaine au long cours. Quant à l’allée elle-même, large de 10 mètres, elle avait été classée comme chemin rural en 1846. Il est donc très vraisemblable que les arbres coupés l’aient été, par son mandataire, chez le chanoine Montariol, propriétaire de la parcelle par un certain Moureau afin de construire, dans un chantier testerin, un bateau de plaisance.

 

Ces coupes de chênes sont parfois ciblées : ainsi c’est la pièce de Binette, près de la Chapelle, propriété de Nelly Robert épouse Deganne qui est visée en Janvier 1854 alors qu’elle ne fait pas partie de la forêt usagère !

Le contrevenant, un certain Bouscaut, chante aux gendarmes venus l’interpeller un refrain de son cru : « ces arbres sauteront et lui sautera aussi ». Il s’agit donc bien d’une opération contre Deganne qui va se poursuivre pendant deux jours  et s’accompagner d’un chantage financier : la mère de Martin Bouscaut réclama à Deganne qui l’accepta  300 francs pour arrêter les coupes, puis changea d’avis. L’affaire  se termina par un procès-verbal.

Il faut dire que les époux Deganne étaient, pour les coupes qu’ils pratiquaient sur les parcelles d’Eyrac et des Places, accusés par les élus testerins de « dégrader leur propriétés au point de vue forestier » de « vendre un grand nombre de pins soit à des étrangers soit à des habitants du pays qui les emploient pour des constructions appartenant à des forains et étrangers » et « d’anéantir les droits dans les deux pièces ». Une enquête révéla l’exactitude des faits, il fut donc décidé de contacter Gujan pour réclamer…une indemnité.

         Lorsque, en 1853, le chiffre de la population arcachonnaise eut atteint 329 habitants, le Maire, Lamarque de Plaisance (qui avait construit en 1842 sur le rivage…) s’inquiéta enfin  « de l’accroissement de la population et des bâtiments qui risque d’épuiser la forêt !!! »

Le comble avait été atteint avec, en 1849, les autorisations de clôturer données par la préfecture au prétexte que la plupart des constructions bordaient la route départementale. Ainsi en 1853 toute la façade, de l’Aiguillon à La Chapelle, sauf 2 parcelles et les chemins classés en 1846, était clôturée.

Eugène Dignac, Maire de Gujan, protesta lui aussi, le 23 Août de cette année 1853, contre ces atteintes aux droits et proposa … le cantonnement « cette mesure si salutaire pour tous …qui sera un jour le signe certain d’une prospérité nouvelle pour les deux communes »   précisant  que « ce sera un éternel honneur pour celui qui, le premier, mettra sérieusement en avant cette proposition ».

 

Il ne restait plus qu’à nommer une commission pour « l’affranchissement de tous droits sur la petite forêt d’Arcachon » c’est à dire un cantonnement, ce que proposa La Teste le 10 Novembre, mais qui se heurta à l’hostilité du Conseil Gujanais, qui, en retard sur son maire, ne voulut parler que d’indemnité ! Mais la commission proposa le cantonnement qui fut approuvée par les deux conseils municipaux et signée le 17 juillet 1855.

 

B- Les constructions au bord du lac[60]

 

Le même problème, mais à une échelle plus réduite, se posera plus tard à Cazaux avec l’affaire Sémiac/ Brannens  jugée en première instance le 30 Janvier 1888.

Ces deux personnes, toutes deux d’Arcachon, avaient acheté, le 19 Décembre 1885, les 16 hectares de la pièce de Lauga, en bordure du lac et  y avait abattu 39 pins utilisés pour construire sur place une villa.

Attaqués par les syndics des «ayant pins  » Lacombe et Lesca, ils plaidèrent qu’ils avaient construit dans une clairière, se réservant 2 pièces dans une construction destinée à leurs résiniers…Ils furent blanchis par le tribunal le 30 Janvier 1888 et la Cour d’Appel, le 5 Avril 1889[61], confirma le premier jugement  estimant : « qu’en aucun cas, dans les actes qui régissent la forêt, il n’est interdit au propriétaire d’élever une construction sur le sol de cette forêt et que la nature des constructions n’est pas précisée », ce qui était vrai.

 Mais le tribunal interpréta à sa façon le rectificatif apporté lors de la ratification de la transaction de 1759 selon lequel chaque « propriétaire qui aura besoin de bois pin vert pourra le prendre dans les pièces des autres…sur l’indication qui lui sera faite par les préposés à la coupe….Afin que la dite coupe se fasse par rang et ordre…,en sorte qu’audit cas , il soit tenu de couper dans son propre fonds, si c’est son rang, proportion gardée à ce qu’il pourra supporter afin qu’il ne soit pas plus foulé que les                                                                                                                                autres. »                               

 

   Laouga 1977 (Ph. R.Aufan)

 

 

Ce texte qui précisait bien qu’un ayant-pins ne pouvait couper chez lui que si son tour arrivait fut au contraire interprété par le tribunal comme s’ajoutant à l’article qu’il modifiait car il « présentait un sens équivoque ». Pour ces juges, qui n’avaient pas lu la transaction jusqu’au bout, le propriétaire pouvait donc, «dans son fonds couper ainsi que bon lui semblera…sans permission …après avoir seulement remis une note aux syndics » (article 12), mais encore couper chez les autres comme tout usager !et cela «  quel que soit le lieu de sa résidence » !! Le tribunal estimait en effet que ces deux arcachonnais n’étaient pas des forains « puisqu’on ne peut concevoir qu’un propriétaire ne puisse pénétrer sur son propre domaine pour y faire acte de possession »

           

     Ainsi blanchis, ils essayèrent d’obtenir plus mais, en 1894, le tribunal  débouta Alban Brannens et Jean Clément Sémiac, d’une demande de cantonnement partiel  (2 hectares, 60 ares et 66 centiares laissés aux usagers sur une superficie de la pièce de Laouga de 15 hectares, 75 ares et 52centiares). Le tribunal déclara que « l’action en cantonnement n’était pas introduite avec le concours de tous les propriétaires de la forêt et que les demandeurs n’offraient pas le cantonnement pour l’intégralité du droit »

    Ce jugement interdisait donc tout cantonnement partiel et  exigeait l’unanimité de tous les propriétaires, y compris des indivis.  Cette tentative était le résultat d’une conférence sur le cantonnement faite le 3 avril 1892 devant les propriétaires par leur avocat ; le vote qui s’en suivit donna une majorité (14 voix contre 9) pour un cantonnement mais aucune instance collective ne fut engagée.

                 Pendant la guerre de 14-18 un certain nombre d’édifices furent construits, à Cazaux, en bordure de plage et en lisière de la forêt. Les syndics en 1919, refusèrent d’agir à cause du précédent Brannens-Sémiac de 1888, ils furent suivis par la commune de Gujan (30 Juin) puis ils acceptèrent (20 Juillet 1920) avant de se rétracter (18 Avril1921) suite à une intervention de La Teste ! On se contenta finalement de faire enlever les clôtures.

 Le 28 Août 1919 les avocats des communes avaient en effet  remis leurs conclusions estimant que, les empiètements ayant été faits en lisière, mieux valait cantonner la zone comme à Arcachon en exigeant une indemnité. Ils confirmèrent leurs dires en 1924 après être allés sur le terrain. L’affaire traîna en longueur : en 1929, le 23 Novembre le Conseil municipal de Gujan accepta la proposition testerine d’engager un procès mais ne retient qu’une partie des conclusions de la commission intercommunale, si bien qu’en 1931 une autre construction eut lieu, une autre clôture fut posée et que le procès, lui, ne fut jamais enclenché.

Avoir une  résidence en bordure de lac était évidemment agréable mais les droits d’usage en gênaient certains, c’est pourquoi une nouvelle demande de cantonnement portant sur 1 hectare 12 eut lieu sans succès en Décembre1941.

 Cette affaire de constructions aurait pu se terminer en 1973/75 lorsque la commune de La Teste décida d’aménager les bords du lac, mais, alors que c’était l’occasion de régler le problème, les expropriations de bâtiments furent, on le verra, très sélectives. Malgré ses défauts, l’opération d’aménagement était beaucoup moins dommageable  que celle envisagée en 1961 par la Commission municipale de la forêt qui, pour régler le problème, proposait au Conseil Municipal[62] :

-la régularisation des lotissements défectueux et clandestins en bordure du lac

-la réalisation pour cela d’un lotissement sur 500 mètres de large dans la partie Nord

-la création d’une plage jusqu’à Laouga et d’un lotissement le long de cette plage avec comme compensation le report des droits sur une autre parcelle de forêt.
Heureusement ce projet démentiel ne vit pas le jour, mais un seul conseiller, M. Garnung, éleva la voix avant que le Maire  déclarant « qu’il ne couvrira jamais des actes faits au détriment des usagers » ne clôture la discussion.

 

 

C- Les utilisations du bois à usage commercial ou industriel :

 

Une autre affaire illustre l’ambiguïté d’un système ou les intérêts se mélangent, c’est ce qu’on peut appeler « l’affaire Brothier ».

Le garde de la forêt dresse très souvent des procès verbaux contre ceux qui coupent ou transportent du bois pour la Forge Dans ceux que j’ai retrouvés  ce sont souvent les mêmes personnes qui sont prises : il y en a  1 en 1845, le  11 novembre quand 2 employés de la forge coupent au Courneau ; 5 en 1846 : le 13 mars un bouvier et un journalier de Cazaux  coupent à Courdeys, nient mais sont suivis jusqu’à la forge, le 30 avril deux charpentiers de Biscarrosse surpris à couper des chênes pour la construction de bateaux pour la Compagnie d’Arcachon , en juin 2 cazalins coupant à Lauga , les 10 Septembre et 9 octobre ce sont deux employés de la forge et un bouvier de Cazaux qui coupent à La Gemeyre et aux Baillions des chênes adultes de 1 à 2 mètres de circonférence pour, sur ordre d’Oscar Dejean, receveur principal du canal des landes, les livrer à la forge ;  en 1849 enfin, le 26 Janvier, le garde dresse  procès-verbal contre deux cazalins occupés à abattre des chênes vifs.

Tous ces arbres sont destinés à être transformés en charbon de bois pour alimenter le haut fourneau  qui était installé sur le territoire de Gujan (actuel domaine de La Forge) dans lequel  l’alios fossilisé, la « garluche » locale, amenée par le « canal des forges » servait de  minerai de fer. Cette entreprise fut dirigée par le futur maire d’Arcachon, Héricart de Thury et par M.Brothier.

Ce trafic malgré les procès verbaux et les condamnations durait depuis longtemps. Pourtant en 1848, le Conseil de Préfecture n’autorisa pas la poursuite de deux bouviers qui avaient chargé à Bétouret et livré a la forge. L’argument était qu’il y avait prescription, l’affaire arrivant en préfecture le 30 décembre alors que le PV était du 7 Septembre cela malgré 2 votes favorables des conseils testerins (15 septembre) et gujanais (29 octobre) !

 

De plus, le 5 janvier 1850, le jour où l’affaire Brothier devait être plaidée, on apprit, en Conseil municipal de La Teste, que Messieurs Daussy, Méran, Lalesque fils, Marichon ainsi que Lalesque père et Fleury syndics des « ayant pins », avaient autorisé les coupes dans leurs parcelles et demandaient que les communes soient déboutées. Le scandale fut d’autant plus grand que les 3 derniers, élus testerins, n’avaient rien dit depuis 3 ans votant même pour toutes  les procédures. Le conseil décida cependant de poursuivre et tint à souligner à propos de ces personnages « qu’ils interviennent pour poursuivre la croisade des gros propriétaires contre les droits d’usage » (ils possèdent à eux seuls 1031 hectares sur les 3697 que compte alors la forêt).

Le 6 Mars, Brothier fut condamné et  les membres des deux commissions municipales se rendirent, le 15 Avril, en inspection sur les lieux pour estimer les dommages et intérêts : ils constatèrent que les pièces de La Gemeyre (appartenant à Lalesque) la Cabane d’Arnaud, Goulugne et Arrouet (à Daussy), Lauga (au gujanais Daney) et les Courpeyres (à Marichon) avaient été dévastées de leurs chênes : ils estimèrent le préjudice à 18000  mètres cubes.

 

En 1871 plainte fut déposée pour une coupe de chênes à Bat bedouch et aux Tioules, destiné à la fabrication par un constructeur d’Arcachon d’un ponton pour le compte de M.Dauris, marin de La Teste.

Les syndics Legallais et Baleste précisèrent que c’était aux syndics seuls à poursuivre les fraudes en application de l’article 11 du règlement édicté par les propriétaires  dans leur assemblée du 22 Septembre 1869.

L’année suivante, malgré cette prétention des  propriétaires ayant pins  à fixer seuls les règles,  le Conseil municipal de La Teste se saisit d’une affaire semblable : procès verbal avait été  dressé contre Jean Bal pour une coupe de chênes à Goulugne et à La Bat du Porge. Ce bois était destiné à la fabrication d’un ponton ostréicole pour le compte d’un certain Sieuzac. Une coupe identique avait été réalisée pour la scierie Delis afin d’en fabriquer un pour un certain Moureau.

Le conseil désigna une commission composée de Mrs Lalanne, Vénot et Hameau, qui conclut à la nécessité de poursuivre car la transaction de 1759 ne parlait que de …barques et bateaux et qu’il s’agissait « d’établissements industriels sur le domaine maritime » !!!

Dans ce cas se manifeste une volonté de s’en tenir non à l’esprit mais à la lettre des textes. On retrouve la même discussion en 1888 lorsque les syndics refusent bois à un certain Maurin, qui voulait construire une « cabane de pêche » au port gujanais de Larros. Il fallut pour qu’il l’obtienne que la Commission organise une coupe selon les termes de la transaction de 1759 mais l’affaire se poursuivit en justice

Plus près de nous des affaires semblables furent évoquées en Conseil Municipal, mais le fait que les cas soient beaucoup plus rares vient de l’habitude de régler les cas litigieux  devant la commission intercommunale (dont il n’existe pas d’archives).

On trouve ainsi quelque affaires évoquées en 1902, 1923,1924 mais il faudra attendre 1955 pour que le texte précise bien que les « ostréiculteurs et les artisans » puissent, s’ils  satisfont aux autres conditions, utiliser le bois pour leurs usages professionnels. Encore faut-il remarquer que ce texte peut encore prêter à interprétations quant à la définition de l’artisan.

En effet, comme, avant 1849 on pêchait les huîtres, il n’y avait  pas d’ostréiculteurs ni de pontons pour surveiller les parcs. Il n’était question, dans la transaction de 1759, que des « charrons, sabotiers, tonneliers et autres », ceux-là pouvaient utiliser le bois pour leur métier sauf s’ils étaient nouvellement arrivés : dans ce cas ils devaient attendre 3 ans et d’ici là payer une taxe pour l’utilisation du bois.

Ce souci d’éviter qu’on « spécule » après avoir utilisé du bois on le retrouvait dans l’interdiction générale de vendre le bois - et tout ce qui avait été fabriqué avec - à des étrangers, ainsi que  de le transporter hors du captalat (sauf pour les bateaux vétustes et dans le cas de nécessité).

              En 1843 deux décisions furent prises concernant des immeubles vendus alors qu’ils avaient été construits avec du bois usager : dans un cas on estima qu’étant donnée  la situation particulière du propriétaire, il n’y avait pas faute ; par contre pour l’autre, un entrepreneur qui construisait pour revendre, des poursuites furent proposées.

C’est en vertu de ce principe que se posa celui des maisons louées ou destinées à la location. 

En 1852/53 c’est l’affaire Dasté, accusé d’avoir utilisé du bois pour construire une maison destinée à être louée alors qu’il aurait signé une déclaration dans laquelle il s’engageait à ne pas le faire, il fut cependant  blanchi par la cour de Bordeaux, qui, d’après Delage, avait mal lu les textes. Mais cette  décision resta lettre morte et les syndics continuèrent à poursuivre.

Toujours en vertu de ce principe fut, le 14 Novembre 1865, refusé à un certain Argilas du bois pour construire une salle de danse.

Là encore il fallut longtemps (1955) pour que cette interdiction soit inscrite clairement dans les textes

 

D- les infractions courantes.

 

Pour ce qui va suivre il faut avoir à l’esprit que les archives sont la plupart du temps inexistantes ou lacunaires, la  seule  période qui nous livre des documents abondants est celle où officie le garde Dutruch, au milieu du XIX° siècle.

 

Quelques exemples  permettront de cerner les causes des conflits qui sont toujours les mêmes :

 

1-La fabrication du goudron [63] :

 

En 1835 le 4 Octobre un refus est opposé à un cazalin Arnaud Condou qui a construit illégalement, malgré l’intervention du 1° Adjoint, un four à goudron dans une lande communale ! Traduit devant le tribunal ; il ne peut justifier de sa propriété et comme il ne possède pas de bois et compte utiliser celui de la forêt, il est considéré que cela serait « une cause de destruction de la forêt » et malgré sa pétition au préfet, l’autorisation lui est refusée.

En 1843, le 4 Mai, ordre est donné par le Maire, aux frères Lalanne de Cazaux de démolir leur four à goudron, même s’il n’est pas précisé sa situation, on peut penser qu’il était dangereux et donc proche ou à l’intérieur de la forêt.

Le 8 Juillet 1846, procès verbal fut dressé contre un certain Souleyran accusé d’avoir coupé un pin vif à Courdeys pour le convertir en goudron.

En Avril 1849, les 21 et 22 mars, 3 cazalins, Dubernet, Dubourg et Landraut sont l’objet de procès verbaux dressés par le garde Dutruch. Ils sont accusés, d’avoir coupé du pin vif et de le transporter au four à goudron des gujanais Daney qui se trouve en forêt usagère dans la pièce de Lauga, au bord du lac. Le Conseil Municipal de Gujan [64] estime que  que ces bois, ainsi distraits de la consommation particulière deviennent l’objet d’une spéculation que les transactions ont voulu prévenir », et  que «  l’emploi de bois de pin pour en obtenir du goudron  est un fait de commerce » et décide de poursuivre, mais, le 23 avril, le Conseil testerin, estime que « le PV est trop vague, n’indiquant pas le lieu d’où ont été tirés les bois » et refuse de poursuivre.



     De fait il est interdit de couper des pins vifs pour autre chose que la construction comme le confirmera, à propos d’une autre affaire, la Cour de cassation en 1853 mais les transactions ne parlent jamais de la fabrication du goudron qui n’était pas un droit d’usage. Les  fours qui existaient depuis très longtemps en forêt, fonctionnaient d’ailleurs, comme je l’expliquerai plus loin, de façon épisodique avec les résidus du gemmage (cela concernait alors le propriétaire et son résinier)ou avec les chablis quand il y avait des tempêtes (ce qui concernait alors les seuls  propriétaires). Ainsi en 1822, le 28 Mars, le Conseil testerin évoquant un récent ouragan qui a diminué les revenus des résiniers, précise que « les propriétaires, pour indemniser ces derniers, leur ont abandonné les arbres abattus pour en faire le goudron »

D’ailleurs les actes notariés sont clairs à ce sujet : pour pouvoir faire du goudron il faut une autorisation du propriétaire, c’est le cas de Jean Techoueyres, dit Byzance, habitant de Salles qui, par un acte du  26 Juillet 1704 la reçoit de Mesteyreau, lesquels par un acte de Mai 1719 constateront l’incendie survenu en Août 1716.[65]

 

 

2- Le libre parcours du bétail

 

Encore une affaire qui ne concernait pas les usagers ; pourtant le 23 mars 1846, deux bergers, Dubos et Condou, sont verbalisés pour faire pacager deux troupeaux de brebis appartenant à Lalanne et Bal dans les bernèdes de Hameau et Videau (ce sont des lieux humides plantés de vergnes).

En 1851, le 5 avril, le Maire interdit en forêt usagère les chèvres et les brebis cependant on lit, quelques années plus tard dans le rapport de 1863, que les  propriétaires  veulent interdire la présence du bétail estimé à 15 troupeaux de vaches (environ 1200 têtes) plus les chevaux, porcs, chèvres et brebis, car ces animaux consomment la végétation [66].

Ce droit d’herbage et de pacage avait été confirmé en 1500 par le Captal Gaston III de Foix les « sujets et manants » de La Teste ayant protesté contre une taxe instituée par son père [67].

Comme Gaston de Foix supprime la taxe pour l’herbage mais aussi pour le glandage et le fustage qui ne pouvaient s’exercer qu’en forêt, il est évident, même si cela n’est pas dit, que les troupeaux pouvaient aller en forêt. Pourtant en 1550 le seigneur octroie aux habitants le droit de pacage sur les padouens et vacants, donc les dunes, landes et prés salés hors de la forêt et en 1604 il se réserve « les droits de glandage et pâturage …pour jouir du tout et user comme ses prédécesseurs en ont joui par ci devant » car il loue ce droit à des pasteurs étrangers.  En 1746 c’est aux propriétaires ayant-pins que sont concédés « les droits d’herbage et pacage dans lesdits bois, forêts et montagnes, braous et bernèdes quoique les précédents actes n’en fassent aucune mention » et en 1759 seul le droit de glandage est accordé aux usagers non ayant pins de la Saint Michel à la Saint André.

Les ayant-pins sont donc les seuls à pouvoir profiter mais comme il leur a été transféré collectivement, ils l’exercent donc de façon collective sur toute l’étendue de la forêt et non chacun chez soi comme le reconnut le 5 mars 1850 la Cour de Bordeaux.

C’est cette  vaine pâture qui, au XIX° siècle, pose problème d’autant que les troupeaux ne connaissent pas les frontières et vont aussi bien jusqu’à la plage, à travers les semis de l’Etat, au grand dam des gardes des Eaux et Forêts qui n’arrêtent pas de verbaliser.

Cette situation qui permettait aussi d’augmenter la fertilité du sol (fumures) dura pourtant jusqu’après la seconde guerre mondiale puisqu’en Juin 1945 des élus réclament au Maire de La Teste un arrêté sur la divagation des vaches.

 

 

3- L’usage des chênes :

 

1825 : les habitants écrivent au Préfet le 10 Juillet pour se plaindre « qu’on ne trouve de quoi faire un bordage de chêne de la longueur de 12 pieds car les propriétaires faisant tout ce qu’il faut pour en anéantir l’espèce  attendu que l’espace occupé par un chêne, sur lequel ils n’ont pas plus de droit que les non-propriétaires est bientôt remplacé par un pin dont le revenu leur appartient exclusivement »

Ils se plaignent de ce que « les charrons et constructeurs de navire font sortir hors du captalat des charrettes, pinasses, bateaux, barques et navires pour le compte d’étrangers » ce qui est interdit. Ils citent d’ailleurs le cas des frères Bettus qui viennent de vendre à un bordelais un brick de 160 tonneaux tandis qu’un autre constructeur naval travaille à construire « un navire de 250 tonneaux pour un habitant d’Audenge ».Ils citent aussi d’autres propriétaires qui vendent pins et chênes à des étrangers sans que leurs syndics ne s’en émeuvent.

En Septembre de la même année, ils écrivent encore au préfet pour se plaindre des « forains qui exploitent la forêt et transportent le bois hors du Captalat » mais il répond, très justement, que cela regarde les tribunaux.

C’est pour cela qu’en 1826, le 6 Mars,  ils demanderont au Préfet le droit de désigner leurs propres syndics[68] précisant qu’ils n’ont pas sollicité le Maire car c’est un des  propriétaires. Il s’agit en effet de Jean Baptiste Marsillon Lalesque.

Cet épisode est intéressant car il montre bien pourquoi les propriétaires laissent faire : seuls les pins leur rapportent, c’est pourquoi tout au long des XIX° et XX° siècles ils laisseront couper, les chênes vifs comme bois de chauffage, au mépris des textes qu’ils rappellent pourtant de temps en temps, car c’est un moyen gratuit de nettoyer la forêt et de favoriser la pousse des pins.

A condition toutefois qu’on ne coupe que les cassières. Ainsi en 1828 est-il rappelé que le code forestier de 1827 (pourtant non applicable en forêt usagère…)  interdit de couper sans autorisation les chênes qui ont plus de 15 décimètres de circonférence à 1 mètre du sol

Le 5 mars1851 un procès verbal est dressé pour l’usage abusif de chênes contre le testerin Dulau et deux cazalins Bal et Plantey. La Teste (dont le Maire et la majorité des conseillers sont ayant-pins…) veut poursuivre mais Gujan refuse !

1851 : admonestation contre un habitant, Dubernet, qui se livre « à l’exploitation de chênes qu’il met en bûches sans aucun ménagement pour les sujets propres à la construction, des quartiers entiers étant dépeuplés par cet industriel. »

Une commission sera constituée pour, en accord avec les « propriétaires », pourchasser les délinquants qui considèrent que le chêne est un bois de chauffage….

En 1861 les  propriétaires  voulurent faire des dépôts de bois morts et de bois abattus par les tempêtes et  propres à la construction afin de les délivrer contre paiement du prix de la coupe, du transport et de l’équarrissage.

Le Conseil fut d’accord à condition qu’il n’y ait pas pénurie d’autres bois pour le chauffage.

En 186269 le Conseil Municipal proposera des mesures courageuses : le martelage des chênes vifs propres à la construction et au charronnage et leur obtention, à l’avenir, par un élagage intelligent ainsi que  la mise en réserve, dans ce but, de taillis de chênes, l’affectation pour le chauffage de 20 hectares de bois des marais chaque année.

 Elles restèrent sans effet et l’on a vu plus haut que le problème n’était toujours pas résolu

 

4- Les coupes de pin vif sans autorisation

 

 En dehors du cas prévu expressément par la transaction de 1759 sur lequel nous reviendrons, quand les syndics refusent injustement le bois, elles semblent assez rares mais les archives ont disparu ce qui relativise cette constatation … !

Deux exemples : en 1845, le 16 décembre, c’est un résinier Guillaume Taffard qui est pris au Petit Dulet, en 1846, le 26 mars, c’est le tour d’un charpentier Sentout, qui coupe sans « papier signé » au Bougès.

 

5- Les excès de certains  ayant-pins

 

En 1867, une coupe de pins vifs est faite  par M.Lalesque pour « son chauffage » sur sa pièce du Becquet. Lors de la délibération, un conseiller déclare que « les propriétaires ont toujours détruit les jeunes pins superflus, exploité à mort les  pétars  et coupé les vieux sujets nuisibles » situation qui se comprend quand le propriétaire est en même temps gemmeur de ses propres arbres, ce qui n’était pas le cas de M. Lalesque.

Un autre cas intéressant s’est produit en 1939 : Le propriétaire de la parcelle du Natus, M.L., a martelé des pins pour son chauffage et les a abattus et n’en laissant qu’un seul en place. Sur ces entrefaites, deux usagers ont, malgré l’avertissement du résinier, pris les cimes (capits) et branches. Plainte pour vol fut déposée et nos deux usagers condamnés à une amende et à 8 jours de prison avec sursis.

Le tribunal ne s’est pas penché sur l’acte du propriétaire (était-il ou non contraire aux transactions) mais seulement sur celui des usagers.

Cela nous amène à envisager un autre cas d’espèce :

 

6- La propriété des chablis

 

-En 1843, le Conseil municipal de Gujan décide, parce qu’il considère que c’est du bois de chauffage… de défendre un usager accusé par Nelly Robert d’avoir «enlevé» un morceau d’arbre pin abattu par un ouragan.

-En 1849, le 20 Avril, un procès eut lieu devant la Cour d’Appel de Bordeaux, sur la propriété des chablis suite à l’ouragan de Décembre 1846. Il opposait des usagers au syndic des propriétaires Dejean. La Cour estima que les arbres abattus, bien que verts, étaient « dans l’impossibilité absolue de continuer à porter résine » et pouvaient donc être considérés comme des arbres morts utilisables par les usagers.

           Le tribunal privilégiait l’esprit du texte de 1759 et non la lettre puisque celui-ci parle de « bois sec, mort, abattu ou à abattre ne pouvant plus porter résine».

Mais, cette lecture des transactions fut annulée par un arrêt de 1892 considérant que les chablis n’étaient pas usagers : suite à l’ouragan du 21 Mai 1891, des usagers furent, en effet, poursuivis pour avoir pris des arbres abattus. La commission des droits d’usage demanda aux communes de les soutenir s’appuyant sur le précédent de 1849. Mais le Tribunal d’Instance (le 4 Février 1892) puis la Cour d’Appel (en Septembre) donnèrent tort aux usagers en privilégiant la lettre de la transaction et en s’appuyant sur le Code Forestier alors que la forêt n’y était pas soumise !

Cette question avait déjà été tranchée dans le même sens pour d’autres forêts par d’autres Cours à Orléans et  à Nancy ainsi que  par la Cour de Cassation (1830 et 1855, 1885 et 1886). De ces jugements il ressortait que l’arbre mort devait être entièrement sec en cime et racines et que sa mort devait être naturelle en dehors de tout sinistre ou circonstance exceptionnelle.

          Des conflits de ce genre ne peuvent plus avoir lieu puisque la transaction de 1917 décida de ne laisser dans ce cas aux usagers que « les cimes et déchets »

 

Liée à cette dernière question est celle de la propriété des pins incendiés. J’ai relaté plus haut, car elles sont à l’origine de la transaction de 1917 les deux affaires de chablis et de pins incendiés qui agitèrent La Teste en cette fin du XIX° siècle. Elles confirment la confusion de pouvoirs qui s’est installée au XIX° siècle.

Mais même après cette transaction, le problème continua à se poser surtout après les incendies de 1943. Il fut décidé sous réserve de l’accord de Gujan et des propriétaires, de laisser les cimes et déchets aux usagers, une entreprise étant chargée de les façonner et de les transporter en bord de route, et de vendre le reste. La SNCF en acheta la plus grande partie mais en 1945 on fit constater par huissier que, parmi les pins vendus, il y en avait 6000 qui était encore vifs. Puis en 1947 le syndic des propriétaires ayant pins» fut accusé d’avoir vendu 77 pins issus des incendies de 1943 et 1945 alors que la transaction l’interdisait. Il était dit en effet que les pins venant à mourir après la vente étaient réservés aux usagers.

 

En fait, les syndics avaient souvent tendance d’interpréter les textes à leur manière. Un dernier exemple suffira à le montrer : en 1960 le Conseil Municipal fut saisi d’une affaire de coupes dans la  parcelle de La Bat du Loup. La Société Forestière du Sud-ouest, propriétaire, avait, avec l’autorisation du syndic, abattu des pins vendant au Syndicat de la Forêt le bois de chauffage pour qu’il soit rétrocédé aux usagers contre le prix du façonnage et réservant le bois d’œuvre à l’usage.

L’argument avancé fut que « depuis plusieurs années , il était d’usage, après entente entre les propriétaires et les syndics, de faire disparaître les vieux pins gênant le développement des jeunes arbres », malheureusement pour eux, ce n’était pas prévu par les textes qui ne  permettait aux syndics que d’administrer les « affaires communes » soit la délivrance de l’usage non de gérer la forêt.

 

 

V– L’évolution du statut au XX° siècle 

 

A- La confusion statutaire : 1917

 

Cette transaction de 1917, négociée par le Maire de La Teste, a abouti, on l’a vu, à consacrer les  communes comme  partenaires institutionnels et financiers des  propriétaires  de la forêt puisque la caisse syndicale doit être désormais alimentée par moitié par les  propriétaires et les communes de La Teste et de Gujan et que celles-ci touchent en contrepartie les 2/6° des ventes.

 La confusion d’intérêts et de responsabilité est désormais institutionnelle :  d’une part les communes représentantes de tous les usagers (ayant ou non ayant pins)  nomment les seuls syndics usagers et perçoivent des fonds en cas de cantonnement (Arcachon) ou de grande destruction d’arbres (incendie, cyclone ou tout autre fléau) ;  d’autre part les propriétaires ayant-pins, seuls responsables de la gestion mais ne pouvant disposer des arbres,  tirant, profit du seul gemmage, restent usagers quant à l’utilisation du bois et récupèrent la moitié du produit des ventes. 

            Ce n’est qu’en 1945, que les conseils municipaux de La Teste et de Gujan eurent une réaction de rejet de ce texte

Fin Juillet 1945 un incendie s’était déclaré en forêt ; selon la transaction de 1917, les bois incendiés devaient être vendus par la Caisse syndicale, ceci ne souffrait aucune contestation. Pourquoi, dans ces conditions, les syndics des « ayant pins » notifièrent-ils, par huissier, aux deux maires d’avoir « sous trois jours » à donner leur accord sur l’adjudication des pins sinistrés, les archives ne le disent pas.

Par contre cette sommation provoqua, en urgence, une réunion des deux conseils de La Teste et de Gujan qui, le 28 Décembre s’étonnèrent du procédé pour le moins cavalier qui était employé d’autant que « les syndics n’avaient pas averti les communes ».

Ils donnèrent cependant leur accord mais en profitèrent pour émettre des réserves à savoir que l’accord « ne vaut pas ratification de la transaction de 1917 mais » comporte « au contraire d’expresses réserves quant à sa validité et à sa révision éventuelle ».

Les arguments avancés étaient que ce texte avait été « élaboré en pleine guerre alors que la plupart des hommes étaient absents » qu’il n’avait pas été soumis à référendum et qu’il avait été signé par un Maire représentant des usagers et par ailleurs « gros propriétaire ».

En conséquence les deux conseils municipaux « qui sont obligés de subir cette transaction » considèrent que « ce texte est attaquable » et « décident d’en poursuivre par tous les moyens la révision ».

Ces intentions louables avaient deux défauts : elles n’étaient pas juridiquement valables et elles venaient trop tard d’autant que les testerins avaient constamment réélu Pierre Dignac, resté Maire du 8 Juin 1902 au 2 Mars 1941 ! Seule son élimination de la vie politique locale peut expliquer ce réveil bien tardif et sans lendemain des élus.

 

           Une autre affaire vint, en 1951, démontrer les insuffisances de cette transaction.de 1917 : les syndics ayant décidé de vendre les pins abattus pour la construction de la « piste 214 ». Le cas n’ayant pas été prévu par le texte, le syndicat de défense des usagers organisa une manifestation. Un des deux syndics des usagers se désolidarisa de la décision et la commission intercommunale fut réunie le 31 Janvier. Elle décida d’attribuer les cimes et le petit bois (inférieur à 20 cm de diamètre) aux usagers et de leur réserver 200 m3 pour satisfaire les demandes de bois d’œuvre en cours, le reste étant vendu à au profit de la Caisse syndicale.

 

B-L’échec du groupement forestier : 1959.

 

En 1959, se tinrent, en la Mairie de Gujan, les 29 Avril et  22 Mai, deux réunions intercommunales. Il fut proposé, par M.Lallemand, au nom des  propriétaires, une mesure révolutionnaire qui ne fut pas suivie d’effet car le syndic des usagers gujanais  estima qu’ils seraient lésés « au profit des propriétaires et des communes » et Messieurs Taffard, syndic général des propriétaires ayant pins, représentant le Maire de la Teste ( !) et   Dubernet syndic des usagers de La Teste  estimèrent que « l’étude devait être fouillée  et poursuivie pour établir une base de travail ». Il s’agissait d’un projet de groupement forestier dans lequel  propriétaires  et communes apporteraient chacun leurs droits et qui aurait « la pleine propriété des terrains intéressés », les apporteurs recevant en compensation des parts du groupement (1/6° pour les communes)

Ce groupement aurait eu pour mission de mettre la forêt en production sous forme de « futaie régulière » car les participants affirmaient que « l’exercice de l’usage tel qu’il résulte de la transaction de 1604 amène la ruine progressive et rapide de la forêt », que « l’aménagement en futaie jardinée n’est favorable ni à la production de bois d’œuvre ni à celle de la gemme. » C’était un moyen détourné pour supprimer effectivement les droits, remplacés par les revenus qu’en tireraient les communes, et, comme le déclaraient les représentants des  propriétaires  cela résolvait  « d’épineux problèmes vieux de cinq siècles », sans passer par le cantonnement. C’était aussi un moyen d’exploiter la forêt comme une forêt de production et donc d’en supprimer l’originalité, mais comme on l’a vu pour les semis effectués à Cazaux, cette éventualité n’effrayait alors personne.

Ces propositions, faites par M. Lallemand, Président Directeur Général de la Société Forestière du Sud Ouest, n’eurent pas de suite et l’on continua comme avant sans rien changer.

      

C-La confusion à son point culminant : 1977

 

          Mais c’est en 1977 que la confusion de responsabilités connaîtra son point culminant. Alors que les 4 syndics étaient seulement chargés (sauf en cas des destruction importante du capital bois par incendie, cyclone ou tout autre fléau) de  gérer « les affaires communes », c’est à dire la délivrance des bois usagers, la nouvelle transaction étendit leurs attributions et leur donna  la responsabilité entière de la gestion de la forêt, leur accordant  le droit exclusif « pour assurer un repeuplement et une exploitation correcte de la Forêt Usagère, de faire procéder à l’abattage des vieux pins vifs inutilisables en bois d’œuvre et ne pouvant  porter résine, à l’exclusion de toute coupe rase, de faire procéder à tout élagage, dépressage, éclaircissage, nécessaire au développement des pins afin de permettre éventuellement la mise en production des différentes parcelles … ceci sur toute la forêt usagère ».

       Cela avait déjà été envisagé en 1946, la commission municipale de La Teste proposant le recensement des pins aptes à la construction, l’abattage des gros arbres impropres à cet objet ainsi que  des  pétards et des jeunes pins qui gênaient la croissance des autres.

Cette demande avait été renouvelée en 1960 par les syndics  ajoutant à l’abattage de tous les arbres ne pouvant plus porter résine, des éclaircissages annuels et la vente des bois non absorbés par l’usage. Puis en 1973 et 1974 de  nouveaux  assauts avaient été repoussés pour en arriver aux négociations finales en 1975/76 et à son adoption par le Conseil testerin le 12 Février 1976, le texte n’étant signé par le nouveau Maire qu’en 1977.

Ce texte, qui ne prenait en compte que les pins, était dangereux quant à l’avenir du massif. Les syndics pouvaient en effet « pour assurer un repeuplement et une exploitation correcte de la forêt usagère, faire procéder à l’abattage des vieux pins vifs inutilisables en bois d’œuvre et ne pouvant porter résine, à l’exclusion de toute coupe rase »  cette formulation pouvait très bien permettre l’abattage des pins bouteilles et le paragraphe suivant préconisant « tout élagage, dépressage et éclaircissage nécessaire au développement normal des pins sur toute la forêt » pouvait très bien s’appliquer au sous bois. De plus, en donnant aux syndics le droit de « s’adjoindre les services de forestiers qualifiés et avertis qui, tout en s’inspirant des droits d’usage, pourront conseiller et proposer aux syndics tous travaux à entreprendre, toute nouvelles méthodes tendant à une exploitation plus rationnelle de la forêt »  ce texte  risquait de permettre la  banalisation du massif forestier, ce qui s’est vérifié dès les premières mesures.

On assiste donc à un élargissement des pouvoirs des syndics qui, jusque là, n’avaient que deux fonctions :

-l’enregistrement des demandes de bois et le marquage des pins à abattre

-la surveillance de la forêt afin d’y faire respecter les transactions et la répression des fraudes. Cela pouvant donner lieu soit à des actions en justice, soit à des amendes.

Ils étaient pour cela assistés d’un garde rémunéré par la caisse syndicale.

Autre nouveauté, le texte prévoyait une taxe par mètre cube de bois d’œuvre à la charge de l’usager.

Ce texte dépossédait donc les ayant-pins individuels de leurs responsabilités de gestionnaires (qu’ils n’exerçaient plus depuis longtemps…) et c’est une des raisons de la décision de certains d’entre eux de proposer, en 1978, un cantonnement alors que ce texte expérimental avait été, à la demande du représentant de la SEPANSO, et à cause de ses dangers, limité à cinq ans, délai qui devait permettre de voir combien coûtait la nécessaire régénération, quelles erreurs il ne fallait pas commettre, et de prendre ensuite ensemble de nouvelles dispositions. Ce souhait adopté par la commission intercommunale les 24 janvier et 26 octobre fut repris par le Conseil municipal  de La Teste le 12 Février et fut confirmé par un vote du Conseil le 16 Novembre 1976.

Au lieu de cela les nouveaux syndics des  propriétaires ayant pins   préférèrent le conflit, croyant, comme cela venait de se passer à Biscarrosse que le cantonnement serait acquis sans problème.

      

Ce sont en effet la disparition du gemmage, l’arrivée au pouvoir de nouveaux responsables moins attachés que par le passé aux traditions, le changements des mentalités qui s’en est suivi, les rivalités d'intérêts et  l’espoir chez certains de spéculations possibles, qui ont  rompu l’ équilibre ancestral.

Depuis plus de 30 ans, on l’a dit, c’est donc dans les enceintes judiciaires et administratives et non plus sur le terrain que se joue l’avenir de cette forêt totalement abandonnée à elle-même.

 

VI- L’importance de l’usage

 

A-Les quantités délivrées

 

Pour les périodes anciennes, il est difficile de connaître avec précision les quantités de bois délivrées aux usagers, à cause de l’imprécision des archives. Par contre existent aux Archives municipales de La Teste deux documents anonymes portant sur les années 1910-1938 à partir desquels il a été possible de réaliser le graphique ci dessous.

 

L’un concerne la période 1922/1938 avec un décompte trimestriel mais six années seulement présentent une statistique des bois délivrés portant sur les 4 trimestres ; l’autre est un décompte par années de 1910 à 1930. Deux années doivent donc être ajoutées : 1936 avec  2589 m3 et 1936 avec 2741 m3

On constate une nette diminution entre 1914 et 1918 ce qui est normal puisque les hommes étant

 partis à la guerre les gros travaux employant du bois d’œuvre se sont donc interrompus. Il faudra attendre 1921/22 pour retrouver les niveaux antérieurs.

Ensuite ce sont quelques rares données glanées dans les registres du Conseil Municipal qui, ce n’est plus le cas depuis longtemps, était parfois informé des quantités délivrées.

                                               

                        

 

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Si on les compare à ceux communiqués par les syndics des propriétaires aux seuls chargés d’étude du SRAF, pour la période 1957/1976, on peut estimer que les cubages précédents ne concernaient que La Teste

 

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On constate une poursuite de l’érosion des délivrances. Elle est due en partie aux restrictions apportées en 1955 : suppression du bois pour les usages industriels et commerciaux (sauf pour les artisans et les producteurs agricoles ou ostréicoles qui ne vendent que leur seul travail ou produit.) et habitanat porté à 10 ans ; mais elle est surtout la conséquence des changements apparus dans les techniques de construction individuelle : il est de plus en plus fait appel à des sociétés ou à des entreprises qui se chargent de tout y compris de la fourniture des matériaux. C’est surtout à cause de cela que le nombre de demandes diminue régulièrement alors que la population et donc les constructions continuent de croître.

Quant à la hausse brutale de 1974, elle est simplement due au fait que les interdictions qui frappaient les ostréiculteurs ont  été assouplies en 1973.

Deux points restent à éclaircir : combien d’arbres cela représentait-il et qu’en faisait-on ?

 

Pour la première question, nous avons les chiffres de 1977 :

     Période                        nombre de demandes           volume délivré            pins abattus

 

1° semestre                                   284                                       911                     1522

2° semestre                                      ?                                        610                       923         

 

 Totaux                                                                                       1521                   2445    

 

Quant à l’utilisation du bois elle peut être illustrée par ce tableau concernant l’année 1976 :

 

Types de demandes           nombre de demandes            volume délivré (m3)   

 

    Divers                                     259                                       757

    Ostréiculteurs                         110                                       388

    Constructions                           46                                       519

 

           Totaux                             415                                     1664

 

B- Les causes de la « disparition » des délivrances.

 

En 1977, une nouvelle restriction fut introduite avec une taxe par mètre cube délivré à l’usager.

De plus, le conflit entre  propriétaires ayant pins  et usagers provoqua de nouvelles difficultés quant à la procédure de délivrance. C’est ainsi que la moyenne de bois sciés sur la période 1967/77  s’élevait (d’après la proposition amiable de cantonnement faite par les ayant-pins) à 1785 m3/ an de bois sciés, mais qu’elle n’était plus que de 600 m3 (moyenne calculée, dans la nouvelle proposition de 1987, sur la période 1977/1987). Les archives sont dispersées, et les quelques chiffres retrouvés sont irréguliers, ainsi en 1980 les délivrances concernent  600 m3,  300 m 3  en 1982 et, en 1985, pour 270 demandes, le total atteignit 1100 mètres cubes.

Les freins apportés à la délivrance  s’expliquent  par le procès en cantonnement déclenché en 1977 : en effet la part dévolue aux communes (en cas de succès de la procédure) devait être calculée en fonction de la quantité de bois délivrée : avec les chiffres de 1977 il était proposé 744 hectares, avec ceux de 1987 cela ne faisait plus que 120 hectares !

Mais outre ces freins, c’est surtout la diminution de la demande qui a joué contre les usagers.

Pourtant l’utilisation du bois usager était encore économiquement rentable comme le montre cette comparaison réalisée en 1984 entre bois marchand et usager pour deux utilisations :

 

       Nature des travaux               bois marchand         bois usager

 

   Charpente (15 m3)                     19200 F.                        9750

   Bateau-bac (7,2 m3)                     10440                          4670

       

                     

Or depuis cette époque avec la disparition des scieries privées et  l’échec de la scierie communale, la diminution a été encore plus rapide et les délivrances ne sont plus actuellement qu’épisodiques malgré les initiatives récentes  de l’ADDU-FU qui depuis 1998, louant des scieries mobiles, tente d’en empêcher la disparition complète en appliquant la transaction de 1759. Celle-ci, en cas de refus du bois par les syndics permet à l’usager, après avoir sollicité un propriétaire et en cas de nouveau refus, de le prélever lui-même en présence de deux témoins. Encore faut-il qu’il soit dans son droit quant à l’utilisation du bois et aux autres dispositions des transactions et que le bois soit coupé sur le territoire du captalat sans pouvoir en sortir. Cette possibilité avait déjà été employée, quand il existait encore des scieries, mais c’était alors la municipalité, seule représentante légale des usagers, qui se chargeait, avec son syndic, de la procédure.

Cependant il ne s’agit chaque fois que de cubages symboliques malgré les nombreuses réunions publiques organisées par cette association pour sensibiliser les habitants et tenter de mobiliser des usagers potentiels.

D’après les renseignements communiqués par le syndic des usagers, il aurait été délivré les cubages suivants :

          

   1999/2000 :           50 m3

            2001             0                                 2004             30

            2002             0                                 2005             50

            2003             0                                 2006             30  (1°Trimestre)                                  

 

 

Il est possible que l’installation récente par l’ADDU-FU d’une scierie associative (pôle forestier du Natus), fasse augmenter ces chiffres. C’est du moins ce que ses dirigeants espèrent ; pourtant les chiffres officiels de délivrance, communiqués par le syndic des propriétaires, s’élèvent pour 2007  à 36 mètres cubes, soit 44 pins pour 18 demandeurs testerins et en 2009[69] à 72 mètres cubes pour 30 demandeurs, ce qui entraîna l’abattage de 117 pins.

Depuis peu, les propriétaires ont décidé de publier les demandes  (noms, objet, décision) ce qui va permettre de rompre avec le flou antérieur. Pour le dernier trimestre 2010 il fut ainsi accordé 37,18 m3  à 24 usagers (13 de La Teste et 11 de Gujan) soit une moyenne de 1,43 m3. L’examen des demandes montre qu’il ne s’agit (outre la construction d’un bateau) que de travaux de rénovation (clôtures, chais, cabanes….) mais à aucun moment de la construction d’une maison. L’analyse des demandeurs montre d’autre part la volonté d’appliquer strictement les règles en vigueur : 2 refus pour Lège-Cap Ferret dont le cas n’est toujours pas réglé, 1 refus pour le Pyla (cet habitant depuis moins de 10 ans et ancien propriétaire arcachonnais dans la partie cantonnée avait bénéficié d’une faveur « politique » sous la municipalité Acot Mirande, mais sa nouvelle demande a été normalement refusée). Après 2 ans d’inactivité les coupes ont repris en 2013 afin de satisfaire des demandes dont certaines dataient de 2010 : avec un premier  sciage de 80 m3 puis d’un second de 20 m3 en Mars 2013, pour un coût de 225 euros le mètre cube à la charge de l’usager [70]

 

C- Les avatars de la caisse syndicale.

 

Jusqu’en 1917, il n’y avait pas de règles claires en cas de sinistres, ainsi, après l’incendie de 1916, c’est au tribunal que les syndics des propriétaires, Messieurs Picot et Lalesque, demandèrent la nomination d’un expert chargé de vendre les bois incendiés car lors de l’incendie précédent, le tribunal avait estimé que, le capital bois ayant été amputé, les usagers avaient droit à indemnisation. Les Maires estimant que c’était au président de la Commission syndicale de représenter les usagers, la Cour leur donna tort.

Ce n’est qu’à partir de 1917 que le problème fut réglé et que fut créée la Caisse Syndicale.

On a déjà dit comment étaient répartis les revenus des ventes de bois issus de cyclones ou d’incendies mais ce n’était pas son seul rôle. En temps normal elle devait payer le(s) garde(s) et indemniser les syndics de leurs frais. Pour cela elle était alimentée par les cotisations des propriétaires  et des communes ainsi que par le montant des amendes infligées, par les syndics, pour non respect des textes.

Mais la régularité de ces ressources n’était pas garantie : un exposé devant le Conseil Municipal le 17 Janvier 1943 donne pour les 7 années précédentes les chiffres suivants :

 

Année             cotisations                    cotisations            subventions       amendes

                    propriétaires                  non perçues

 

 

1936                   10226                                                     12000               6145

1937                     9928                           1108                  12000                 627

1938                   13141                           1425                  14000               5637

1939                   11089                           1425                  14000                 592

1940                   10541                           1535                  14000               3350

1941                   17085                           1535                  14000               2620

 

Le rapporteur demandait que les subventions municipales soient égales aux cotisations des propriétaires, ce qui était normal mais qui était compliqué à cause de l’irrégularité de leurs rentrées.

Les subventions municipales furent ramenées à 750 francs pour chaque commune tandis que de nouvelles ressources furent instituées ainsi en 1977  une taxe sur les bois délivrés de 20 franc par mètre cube.

La transaction de 1977 donna une nouvelle mission à la Caisse, en effet la mission des syndics étant d’abattre tout ce qui n’était pas utilisable en bois d’œuvre et de réensemencer, la totalité des recettes (ventes à l’industrie) devait être versée à la Caisse, chargée aussi de régler les factures ; ce n’est qu’à la fin des travaux de « rénovation » que la Caisse devait procéder à la répartition selon les principes adopté en 1917.

A titre d’exemple voici un des derniers bilans connus, celui adressé par le syndic testerin des usagers, il date du 17 Janvier 1978 et indique  ce qu’il  avait eu à gérer depuis sa nomination le 1 septembre 1977.

 

Recettes

                        Taxe sur les bois délivrés :                                                                    10396,00 francs

               (taxes perçues à La Teste, celles de Gujan n’ayant pas été versées)

             

                       Divers                                                                                                      300,00

Dépenses

                       Salaire du garde avec cotisations patronales :                                          6022,57

                       Frais de bureau                                                                                           339,08

                       Indemnités des syndics

               (6 mois pour ceux des propriétaires et le syndic usager de Gujan,

               4 mois pour celui de La  Teste)                                                                        4590,28

En caisse au 31.12.1977 :                                                                                              32315,37

 

[1]A quoi il fallait ajouter les prévisions de dépenses pour les actions en cours :

 

 

Gestion en cours : débroussaillage semis de Cazaux                                                     25000,00

Réensemencement d’une partie de la parcelle de Bourrassouze                                     5480,00

 

Comme on le voit ces comptes sont incomplets, le syndic des usagers, pourtant responsables de la gestion de la caisse, commençant déjà à connaître des difficultés.

Jusqu’au déclenchement du cantonnement ce système fonctionna mais dès 1981, pour n’avoir pas voulu se solidariser avec les propriétaires  lors du conflit concernant les bords du lac, le syndic des usagers testerins se vit retirer la gestion de la Caisse qui, jusque là était gérée à parité par les 4 syndics. En effet, les deux syndics usagers de La Teste et de Gujan avaient écrit au Président du Tribunal administratif  pour se désolidariser de l’instance engagée, en leur nom, par leurs collègues propriétaires ayant pins.

 

Depuis, les  nombreux conflits entre les parties ont perturbé le fonctionnement de cette institution dont la gestion est devenue tellement mystérieuse que les chargés d’études du SRAF furent obligés d’écrire en 1979 « Nous n’avons pu établir exactement les comptes de la caisse syndicale, aucune  gestion officielle n’en étant fait, et aucun bilan réel n’ayant été déposé à la fin de l’année civile 1978 . Nous savons seulement par ouï-dire que le montant de la caisse s’élèverait actuellement à 150.000 francs (sous toutes réserves)».

En 1981 le syndic de l’usager informa le Maire que les cotisations des propriétaires  n’étaient plus versées depuis 1973 (!) et que celle de la commune de La Teste, contrairement à Gujan, ne l’avait pas été depuis 1980. Il se plaignait aussi de l’impossibilité d’obtenir des comptes d’autant que les propriétaires avaient décidé d’ouvrir leur propre compte pour y recevoir le produit des ventes partant du principe que le bois leur appartenait et qu’en conséquence la gestion de la Caisse Syndicale relevait d’eux seuls !

En 1984, le 22 Février, sur demande de la commune de La Teste, face à ce refus des propriétaires de partager la gestion et de communiquer les bilans, une ordonnance de référé nomma un expert-comptable pour vérifier les comptes de la Caisse de 1978 à 1983, mais des erreurs du greffe et l’absence de provision pour frais ralentirent l’expertise qui ne fut jamais, l’expert étant décédé, menée à son terme !

C’est alors l’ADDU  qui, le 18 décembre 1989, assigna en justice les 4 syndics afin d’avoir des comptes. A cette occasion l’avocat de la commune constata que « l’alimentation de la caisse syndicale par les  propriétaires  est tombée en désuétude » car nombre d’entre eux ne sont pas identifiables, mais elle fut déboutée le 24 Juin 1992 car le Tribunal, estima que « le mandataire n’était obligé qu’envers  son mandant ». Etant donné que les communes représentaient les usagers, c’étaient à elles de demander les comptes aux syndics, mais contrairement à ce qui s’était passé en 1984, la nouvelle municipalité, élue le 19 Mars, ne bougea pas…

 En 2005 de nouveaux comptes furent ouverts afin que la Caisse syndicale reparte mais il n’y a toujours aucun document concernant les comptes de l’ancienne et la destination des capitaux qu’elle possédait. Quant à l’expertise judiciaire ordonnée par le tribunal en 1984, et jamais réalisée, personne  n’en a  encore demandé la relance.

 

D Les gardes de la forêt

 

En ce qui concerne les gardes, la municipalité de La Teste avait proposé à  la commune de Gujan de payer chacune  ¼ du salaire de leur salaire mais celle-ci  conditionna son accord à la participation des  propriétaires  sur la ½ part restante et surtout à l’abandon des instances judiciaires remplacées par un accord amiable….c’est à dire à l’acceptation du cantonnement.

Et, bien que Le Tribunal de grande Instance de Bordeaux ait, le 15 mai 1991,condamné les 4 syndics à désigner des gardes assermentés, leur laissant un délai de 6 mois , avant astreinte, pour les recruter, la situation n’a guère évolué. Cette requête avait été formulée par l’ADDU qui fut déclarée recevable car, dit la Cour, « elle ne se substituait pas aux mandants mais demandait seulement l’application de la transaction de 1917 ».

Faute de ressources les gardes sont parfois bénévoles mais le plus souvent épisodiques ou simplement  virtuels. En 2008, un garde a pourtant été désigné par les propriétaires avec l’accord du Maire de La Teste ; assermenté devant le tribunal d’instance il a été nommé par arrêté préfectoral : il s’agit d’un propriétaire bénévole ,Monsieur Taffard, ancien président de l’ADDU et de l’Association des propriétaires opposés au cantonnement. Depuis sa nomination le 4 Juin 2008, il a, en un an, dressé 32 procès verbaux concernant la circulation,(il s’agit des règlements préfectoraux sur la circulation et les promenades en forêt qui sont expliqués dans le chapitre VI) les décharges sauvages et les vols de bois, cette dernière rubrique  concernant les coupes que les ayant pins considèrent comme illégales mais que les syndics usagers autorisent, appuyés par l’ADDU-FU.

Cette nomination n’a donc fait, faute de concertation, qu’attiser le conflit entre les parties. D’ailleurs, cette nomination  suite au recours gracieux déposé par  l’ADDU-FU a du être modifiée en Mars 2009 et ce dernier arrêté a fait l’objet d’un recours devant le tribunal administratif qui a, le 28 décembre 2010, rejeté la demande et confirmé la nomination. Frappé à son tour d’un recours devant la Cour Administrative d’Appel, l’arrêté a été annulé le 8 décembre 2011.

A ce jour il n’y a donc plus de garde en forêt.

Ces péripéties juridiques ont montré, une fois de plus, la volonté des ayant-pins et des autorités de l’Etat, en l’occurrence du Sous Préfet d’Arcachon, de faire appliquer le code forestier à une forêt dont les tribunaux ont déjà plusieurs fois reconnu qu’il ne pouvait s’y appliquer. Cette volonté de méconnaître la réalité vient de ce que les responsables locaux de l’Etat ont toujours autant de mal à appréhender la complexité de ces dossiers. Il en est toujours malheureusement de même du ministère de l’agriculture qui, dans son mémoire du 31 août 2011 affirmait que la forêt était privée et relevait du code forestier.

C’est ainsi qu’ils avaient oublié de lire le code de procédure pénale qui précise que les titulaires de droits sur les propriétés gardées ne peuvent être agréés comme gardes. Or le garde incriminé était propriétaire de plusieurs parcelles et aussi usager. Cet oubli obligea l’Administration à rédiger un nouvel arrêté précisant que le garde était chargé de surveiller la forêt, à l’exclusion de ses propres parcelles ! Pirouette qui ne résolvait rien puisque propriétaire et usager il était toujours « titulaire de droits réels » sur le reste de la forêt. Cette entorse à la loi n’a pas été relevée par le Tribunal Administratif mais l’a été par la Cour d’Appel qui a donc annulé les deux arrêtés préfectoraux.

L’argumentation de la Cour d’Appel s’appuie sur deux séries de textes : les baillettes selon lesquelles le garde choisi était bien « titulaire de droits réels sur les bois qu’il était chargé de surveiller » et le Code  de procédure pénale qui interdit à ce type de personnes d’être agrées comme garde des bois particuliers en vertu du Code Forestier.

Ce subtil mélange de textes lui a permis d’éviter de se prononcer sur un des principaux points de contestation : qui doit désigner le garde ? Est-il, comme prévu par les baillettes, au service des syndics qui le nomment ou n’est-il qu’un employé, nommé par eux, des ayant-pins. Autre question soulevée par ce jugement : si un garde ne peut avoir de droits réels sur la forêt, où doit-il résider ?

 

Une réponse à la première question a été apportée par le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux le 4 septembre 2012. Saisi par l’ADDU-FU, le tribunal a reconnu que « le Code forestier n’a pas abrogé »   les conventions anciennes, c'est-à-dire les baillettes et transactions. En conséquence, il a rappelé que  « l’article 10 de la transaction de 1759, modifié le 28 mars 1917[71],est toujours en vigueur sur le territoire de la forêt usagère et impose que la désignation d’un garde assermenté soit faite collectivement par les syndics des propriétaires et des usagers » [72], il a donc confirmé « la nullité de la nomination de M.Taffard » et décidé de nommer un administrateur provisoire chargé, dans les 3 mois, de réunir les syndics pour procéder à cette désignation. La première réunion a tourné court en l’absence du syndic des ayant-pins.

Mais ce jugement louable ne répond pas deux questions

- qui choisir pour qu’il n’y ait pas de conflits d’intérêt:

- à défaut d’un garde bénévole, qui le rémunèrera ou, si l’on en trouve un, qui paiera ses indemnités? D’après les textes anciens, ce sont, on l’a vu, les propriétaires et les communes représentantes des usagers.

                 _________________________________________________

 

Notes du Chapitre IV



 



1  En 1977. Ces renseignements m’ont été communiqués par un de mes correspondants, M. Obstetar, membre de la Société

    d’Histoire et d’Archéologie de Lorraine et auteur d’un mémoire sur les anciens « Droits d’usage de Garrebourg ».

2  L’expression vient du fait que pour vérifier la valeur des pièces de monnaie, le changeur les faisait tinter sur une surface 

    adaptée et les pesait sur une balance, le trébuchet.

3  Nathalie de Wailly- « Mémoire sur les variations de la livre de 1200 à 1789 » Librairie impériale 1857).

4  Jacques Bernard « Forêt usagère de La Teste, les aspects historiques XV° et XVI° siècles » in Forêt Usagère de La Teste,

    SEPANSO 1979

5  Fernand Labatut, « L’évolution sociale de La Teste au cours des temps modernes » DES Bordeaux 1950

     et nombreuses études parues dans les bulletins de la Société Historique et Archéologique d’Arcachon –Pays de Buch de 1995 à 2004. dans les

     N° 84 et 85 « Forêt usagère et cantonnement dans le Captalat au XIX° siècle »

          90 « Aux sources du clivage usager dans le Captalat de Buch »

          114, 115, 116, 117,118, 119 et 120 « Au fil des transactions usagères sous l’ancien régime »

  Tous les textes de Fernand Labatut ont été regroupés et réédités au mois de décembre 2008 par la Société Historique et Archéologique d’Arcachon

  dans un ouvrage intitulé  « Histoire des droits d’usage dans la Montagne de La Teste », qui relate donc cette histoire de 1468 à 1892.

6  Il est en particulier relaté par A.Ferradou « La propriété des dunes de La Teste » Bordeaux Gounouilhou, 1930. Une  copie

   manuscrite, non signée et non datée, se trouve à la Bibliothèque Municipale d’Arcachon. La difficulté c’est que les documents

   actuellement publiés malheureusement sans référence  qui ont été collationnés, en 1985, par Mr Jacques Ragot ne sont pas

   toujours bien traduits. (texte A) Il existait aussi à la Bibliothèque Municipale d’Arcachon  une traduction souvent maladroite,

   non signée et non datée, du texte de 1468.(Texte B).

   La comparaison de ces divers documents montre ainsi qu’en ce qui concerne la demande des parsouneys. Il y  a aussi une 

   erreur de transcription quant à la somme payée au Captal : dans le texte A, il est dit au début 1200 livres (montant que reprit le

   Professeur Jacques Bernard) et quelques lignes plus loin 120 livres, comme dans le texte B, ce qui paraît plus vraisemblable.

7 Jean Dariet, Bernard Demoliets, Peyrot Dejean, Jean de Baleste surnommé Mouret, Bernard de Berot, paroissiens de La Teste

  de Buch, Guilhem de Castaing (Castanh) surnommé de Notes, Manjou de Fourton (Forton)  surnommé Ferran, Peyrichard

  Gaissot du Bernet, Hellier de Maynon (Mayran) et Combrot de Mespla paroissiens de Gujan,

8 Pierre Labat « Le rôle des habitants du Pays de Buch en 1451 » SHAA 1991, bulletin N° 69.

9  AD 3E 10 notaire Gatelet

[10] Pey de  Lausta ( ?), Guilhem Duprat surnommé de Cravei (Crabey), Guilhem de Serrot appelé de Soumarcq et Pey du Porge

   appelé de Bounica et leurs consorts (associés : « parsouneys ») habitants de La Teste. Le nom de Guilhem de Serrot appelé

   de Soumarcq a été oublié dans le texte A (alors que le de Hourn Somard à Labat de Ninot, attesté en 1546 existe peut-être déjà)

11 Voir R.Aufan et François Thierry « Histoire des produits résineux landais » SHAA 1990.

[12] Acte passé devant Pagnan, notaire royal à Castelnau, collationné le  7 Avril 1745, AM La Teste,

L’ « ayant-pins » ou « tenans-pins » est celui qui, en plus du droit au bois, dans les mêmes conditions que l’usager non ayant pins, a le droit de gemmer les pins. Ces deux termes ont été, au fil des temps remplacés par ceux de « propriétaires » et d’ « usagers » ce qui entraîne, on le verra beaucoup de confusion.

 Cependant, parce que ce sont ceux qui  sont le plus souvent utilisés, nous emploierons parfois ces deux termes de  propriétaires  et d’usagers  bien que le premier n’ait, dans le cas de la forêt usagère, pas le sens qu’on lui prête habituellement.

[13] Il s’agit de Périnot du Porge et d’Arnauton de Mouliets pour La Teste et d’ Arnaud de Caupos, Jeannot Daycard et Raymond

    Daisson pour Gujan-Mestras. Ces négociateurs du texte  qui furent confirmés le 20 Novembre 1635.

[14] Relatée dans la transaction de 1746 AD 33 3E 22625 notaire Peyjehan

15 Robert Aufan « La naissance d’Arcachon, de la forêt à la ville  1823-1857 » SHAA 1994.

16 Original dans AD Gironde E notaire Chadirac liasse 3149/50 et copie dans AD Gironde 3 E 25252.

17 AD Gironde, 3E22625 Notaire Peyjehan.

18 Fernand Labatut « Préludes à l’ensemencement des dunes » SHAA 2000 Bulletin N°103.

19 AD Gironde 3E 5474 notaire Duprat cahier 930

20 Jacques Ragot « Cazaux avant les bangs » page 27.

21 Claude Revil, « Le pouvoir municipal à La Teste de Buch », page 119. Institut d’Histoire, Université de Bordeaux 1987. 

[22] Le texte des transactions de 1604,1746 et 1759 ainsi que la sentence arbitrale de 1792 ont été publiés par Sainlary « Baillettes et

    transactions qui règlent le droit d’usage » Bordeaux Gounouilhou 1903.

[23] Gérard Aubin « La transaction du 7 Août 1746 et la forêt usagère de La Teste » in « Etudes offertes à Pierre Jaubert »

    Presses Universitaires de Bordeaux, 1992.

[24] Ils sont mentionnés dans la sentence arbitrale de 1792.

[25] R.Aufan « Les biens nationaux des Verthamon » SHAA 1993, bulletins N° 76 et 77.

[26] AD Gironde 3E 22626 Reconnaissances féodales.

[27] AD Gironde 3E 22656 Exporle de Nicolas Taffard.

[28]   Id° pages 155 et 156

[29] Rapport des experts 2004

[30] Sud Ouest du 26 Décembre 2003.

[31] Association de défense des droits d’usage et de la forêt usagère.

[32] AD Gironde 3E 5474.Transaction du 16 Juin 1759

[33] Ces deux textes ont été cités dans « La Naissance d’Arcachon » R.Aufan. SHAA.1994.

[34] Sud Ouest du 2 Février 1980

[35] La Dépêche du Bassin N°366, 22/28 Mai 2003.

[36] Sud Ouest du 26 décembre 2003

[37] Sud-ouest du 17 Juin 2003

[38] Sud Ouest du 19 Décembre 2005

[39] Compte rendu du journal Sud ouest en date du 5 mai 2008.

[40] Roger Delage « Du droit d’usage dans la forêt de La Teste de Buch » Bordeaux, Cadoret 1902

[41] Lettre du 22 Mars 2006.

[42] Tout ce qui précède est basé sur les documents détenus par les archives municipales d’Arcachon. Celles de La Teste n’en

    gardant presqu’aucune trace. Cette analyse a été exposée, à sa demande, au Maire de La Teste préalablement  à sa décision.

[43] AD Gironde 7 M 622.

[44] AD Gironde 4 L 157

[45] AD Gironde 7 M 622

[46]  Id°, Arrêté du Préfet en date du 20 Janvier 1806.

[47]  Id° Lettre du 12 Février 1806

[48] AM La Teste,  séance du 24 Février 1806.

[49] AD Gironde 7 M 622 lettres du conservateur en date des 15 Avril et 18 Juin, du Préfet en date des 20 et 24 Juin.

[50] Id°, lettre du 24 Juin 1834.

[51] AM La Teste.

[52] AD Gironde 3 E 25154 Notaire Soulié.

[53] AM La Teste

[54] Décision du 9 Janvier 1970. N° 73338.

[55] Voir R.Aufan « La Naissance d’Arcachon, de la forêt à la ville, 1823-1857 » SHAA 1994.

[56] Oscar Dejean « Arcachon et ses environs ». Dentu et Chaumas-Paris, Bordeaux.1858

[57] H.Ribadieu : « Un voyage au bassin d’Arcachon ». Paris –J.Tardieu-1859

[58] Abbé Petit : « le Captalat de Buch pendant la Révolution française ».Bordeaux Feret et fils 1905

[59] André Rebsomen « Notre Dame d’Arcachon » Delmas –Bordeaux-1937

[60] Tous les faits cités dans les paragraphes suivants sont tirés des dossiers souvent non cotés des Archives municipales

   de La  Teste

[61] AM La Teste 2 N 10.

[62] Séance du 22 Avril 1961. AM La Teste.

63 Sur les goudrons et leur fabrication voir :Robert Aufan et François Thierry « Histoire des produits résineux landais » SHAA

   Arcachon 1980 et mon site internet  http://lesproduitsresineux.free.fr

 

[64] Conseil municipal du 10 Avril 1849

[65] Procès Peyjehan / Lauzac de Savignac, 1818. AM BX K 115

[66] Bissérié « Rapport de la commission de cantonnement de l’association des propriétaires »  1863 BM Arcachon.

[67] AM La Teste 2 N 10

[68] Séance du 27 Février 1862

[69] Source ADDU-FU (Sud Ouest du 5 Mars 2010).

[70]  Source ADDU-FU (journal Sud Ouest du 4 mars 2013.

[71]  Dans le jugement on peut lire 1971, ce qui est certainement une erreur de frappe.

[72]  On peut relever dans ce jugement une contradiction, il s’appuie sur la transaction de 1746 pour affirmer qu’alors les propriétaires ont obtenu la propriété du sol et des arbres accrus sur ce sol, oubliant que cette transaction a été annulée en 1759 et qu’en conséquence les propriétaires n’ont quant aux arbres pas plus de droits que les autres usagers.