Séjour  de Chasse en Uruguay (1/4)

« Je suis allé chasser en Uruguay ». C'est à peine si mon injonction a retenu l'attention des convives qui se trouvaient avec moi autour de la même table. Juste un seul, chasseur bien sûr, a relevé « Mais que chasse-t-on en Uruguay ? ». Partir pour une destination chasse reste très banal à l'heure actuelle, où tout le monde propose plus exotique ou plus sensationnel.

Pourtant croyez-moi, chasser en Uruguay n'a rien de banal, je dirai même que cela a de quoi ravir plus d'un chasseur ou d'un tireur, le tout face à du gibier exclusivement naturel. Le bonheur en quelque sorte !

Ce voyage était programmé depuis un an déjà et il me tardait de rencontrer Jean-François, notre hôte et guide de chasse sur place, mais aussi et surtout ami de longue date. Nos chemins s'étaient croisés il y a une bonne vingtaine d'années lorsque jeunes conducteurs en field-trials, il présentait ses pointers et moi mes setters. Jean-François est maintenant devenu juge pour ce type d'épreuves et nous nous côtoyons régulièrement tous les ans, nous contant nos histoires de chasses d'ici ou bien d'ailleurs.

C'est toujours avec attention et envie que je suivais ses récits et appréciais les photos des ses parties de chasses sur le continent américain. La vie aidant, Jean-François s'associant avec Lalo, un remarquable guide de chasse du cru, m'attend à l'aéroport de Montévidéo ce matin et trois amis, un français, un espagnol et un italien me rejoindront dans une semaine, pour chasser sur les immenses plaines de ce remarquable petit pays.

Après un trajet rapide de Bordeaux à Madrid, ce sont 12 heures de vol qui attendent les voyageurs à destination de l'Uruguay, sans oublier 5 heures de décalage horaire. En ce début de moi de Mai, la température sur place est celle de la fin d'un bel été sur le continent européen, car ne l'oublions pas nous sommes en Amérique du Sud sur l'autre hémisphère et c'est un magnifique automne qui commence à poindre.

Les retrouvailles faites, nous attendons devant le petit aéroport de Montévidéo, une livraison de cartouches, car l'ouverture est dans une semaine et Jean-François attend plusieurs groupes de chasseurs après le nôtre. Un détour fait par le plus grand super marché de la ville pour assurer les victuailles des quinze prochains jours et nous nous dirigeons à bords de notre pick-up Chevrolet en direction de San-José, sur un axe routier en bon état. La circulation est fluide et les plus anciens pick-up côtoyent les 4X4 les plus récents. Il est même fréquent de rencontrer des véhicules constitués de pièces de carrosserie ayant appartenu à des voitures de marques différentes. Des prototypes en quelque sorte. À droite comme à gauche, le campo est très vert et a une topographie assez vallonnée, avec d'interminables clôtures, au milieu desquelles paissent d'innombrables troupeaux de bovins.

L'Uruguay est bien un pays d'élevage, où l'on compte trois têtes de bovins par habitant. Le tiers de la population réside à Montévidéo et dans sa banlieue, les campagnes sont vastes mais très peu peuplées.

Délimité par l'Argentine à l'ouest et le Brésil au nord-est, l'Uruguay étend ses côtes le long du Rio de la Plata et de l'Océan Atlantique. Sa superficie est d'environ 1/3 celle de la France et sa population de seulement 3 millions d'habitants. Le pays est très bien irrigué, on y dénombre de nombreuses rivières et lagunes. La langue officielle est l'espagnol et la monnaie locale est le peso uruguayen (environ 30 cts d'€), mais le  dollar US et l'€uro se changent très facilement.

Le décalage horaire « digéré », il est difficile de parler de dépaysement, tant on s'adapte facilement au rythme de vie locale. Les uruguayens sont des gens sympathiques et très affables, qui ont le souci de bien accueillir les étrangers. Les français sont très appréciés dans ce pays. La topographie du terrain, ainsi que son utilisation ressemble à s'y méprendre au sud de l'Andalousie, céréales en moins, bien que dans le nord les rizières soient omniprésentes.

Le seigneur de la plaine c'est le « Gaucho », dont on dit qu'il est le descendant des sangs mêlés des conquistadores et des derniers indiens. Il règne en maître sur quelques milliers d'hectares de campo, avec plusieurs centaines de têtes de bétail à surveiller, marquer, penser. Accompagné de ses chiens, il manœuvre avec une aisance remarquable ces immenses troupeaux. À la tête d'un piquet de 5 ou 6 chevaux, les gauchos passent leur vie à cheval. Quatre heures de balade dans la sierra accompagnant le gaucho de notre estancia, à la rencontre de nouveaux territoires de chasse, rassemblant bovins et chevaux restera pour moi un véritable souvenir de liberté, de grands espaces, une petite partie de rêve américain, que je pensais jusque là inaccessible.

Sur place, la table est excellente et abondante. La spécialité du pays est « l'asado », grillade de viande de bœuf en majorité, mais aussi d'agneau et de cochon de lait. Le vin uruguayen est remarquable, tant en blanc qu'en rouge, avec des cépages de sauvignon, de cabernet et de merlot.

Ma première semaine uruguayenne va donc s'égrainer au rythme de la préparation de l'ouverture en cherchant les meilleurs campos à perdrix en compagnie des chiens, mais aussi, soirs et matins, les meilleurs couloirs de passage pour les tourterelles entre mangeoires et dortoirs.

Sur San-José Jean-François possède des territoires immenses pour chasser, avec une densité remarquable de perdrix. Il n'est pas rare en une matinée accompagné d'une paire de pointers de lever une centaine de perdrix.

Cette perdrix d'une taille se situant entre la perdrix grise et la caille des blés de par son aspect et son comportement ressemble étrangement à cette dernière. Jamais en compagnie, la perdrix uruguayenne vit généralement en couple ou seule, dans un biotope de graminées et de prairies, où elle piète énormément devant l'arrêt des chiens. Très rapidement les jeunes se dispersent et quittent la mère. Il est très rare de lever plusieurs oiseaux ensemble, ce qui permet un travail très intéressant des chiens qui dans un biotope favorable ne passent pas cinq minutes sans se bloquer à l'arrêt. 

Pour le chasseur au chien d'arrêt, cette chasse est merveilleuse, car elle permet dans des conditions faciles de suivre le ou les chiens dans les prairies et de tirer de magnifiques oiseaux sauvages à leur arrêt. Tout simplement ce que nos grand-parents ont du connaître à l'époque bénie ou la perdrix abondait dans nos plaines et nos coteaux.

Par contre, pour lever et mettre dans de bonnes conditions de tir ces oiseaux, il faut des chiens parfaitement mis, qui se respectent et ne soient pas trop sensibles. Pour ne pas se laisser berner, les chiens doivent coller à l'oiseau en le coulant de façon autoritaire. Tout arrêt un peu imprécis permettra rapidement à l'oiseau de prendre dix mètres et de voler à sa guise, souvent une fois que le chien et le chasseur sont passés. En fait un véritable oiseau qui se défend et donne des tirs très intéressants, car comme pour la caille, cette perdrix sous des aspects de facilité se manque très bien, même pour les meilleurs fusils.

Depuis maintenant quatre années Jean-François a pu sélectionner sur place des pointers de premier ordre parfaitement aguerris au comportement de ce petit gallinacé fantasque. Tous ont des origines de grande quête et nous ont enchanté par leur comportement. D'autre part, la relève est assurée, car au moins deux portées de jeunes très prometteurs nous ont monté des qualités pour le moins remarquables face à cet oiseau. Certainement de réels moments de plaisir en perspective pour les prochains chasseurs du camp d'Arachannes. Le chenil complet compte une trentaine de chiens, pointers, setters, labradors et springers. Même si pour le moment une partie du cheptel est jeune, je fais entièrement confiance à Jean-François pour les préparer tous au mieux.

Suite .........