Comment travailler l’épreuve de grammaire moderne ?
(pour l’écrit et pour l’oral)
SOMMAIRE
Le travail minimal et indispensable consiste à chercher dans un
dictionnaire type Petit Robert le sens des mots que l’on ne connaît pas
et à apprendre le métalangage lexicologique (dérivation propre, impropre,
régressive, composition, préfixe, suffixe, étymon…). Bien évidemment, en cas de
texte ancien (du XVIe ou XVIIe siècle, par exemple), le
mot peut ne pas avoir le même sens qu’en français moderne. Dans ce cas, je
conseille de consulter le Dictionnaire Historique de la langue française
d’A. Rey chez Robert mais il ne sert à rien de recopier l’article du
dictionnaire : notez le sens du mot dans le contexte de l’occurrence qui
vous occupe. De même, ne notez l’étymologie que si elle est éclairante, bizarre
ou amusante.
Concernant le métalangage lexicologique, le minimum requis me
semble être la partie IV (« Grammaire et lexique »), qui comprend
deux chapitres, de
Avec ce travail, une bonne lecture des rapports de jury concernant
les attentes du jury et un peu d’entraînement, vous êtes paré, à mon avis, pour
faire quelque chose d’honnête le jour du concours concernant le commentaire de
mots tirés du texte. A mon sens, il est tout à fait inutile de faire des fiches
lexicologiques tout au long de l’année, et ce pour plusieurs raisons :
1)
Cela prend énormément de temps ;
2)
Il est impossible d’en faire pour tous les mots et, même si on y arrive, il est
impossible de toutes les apprendre ;
3)
On vous demande de commenter l’emploi du mot dans le texte (et non de réciter
une fiche d’évolution diachronique) qui est donné le jour du concours et il est
peu probable que vos fiches collent tout à fait au texte donné ;
4)
Enfin, et ceci est un avis tout à fait personnel, je pense que rien n’irrite
plus le correcteur que de lire vingt fois des fiches qui se ressemblent parce
qu’elles sont déconnectées du contexte précis.
Enfin, n’hésitez pas à faire très brièvement un commentaire
stylistique du mot s’il s’y prête, de le commenter par rapport à d’autres mots
du textes (dérivation, composition, préfixe ou suffixe que l’on retrouve dans
d’autres mots du texte, isotopie…) : tout cela « personnalise »
et « contextualise » votre analyse du mot
et vous garantit de ne pas plaquer un commentaire déjà construit sur le mot.
Vous remarquez cependant que je n’ai pas encore parlé de la
nouvelle question de lexicologie, qui a été présentée dans le rapport du jury
de l’agrégation externe de 2003. Pour cette question, une autre approche est
nécessaire. Je recommande chaudement deux ouvrages, que le jury recommande
lui-même depuis plusieurs années :
Conseils bibliographiques.
Pour travailler la grammaire, votre bible doit être
Cependant, ce n’est pas la grammaire la plus accessible et elle
peut en effrayer certains. Pour ceux-là, je préconise de commencer par le Précis
de grammaire pour les concours de D. Maingueneau,
chez DUNOD, collection « Lettres Sup ».
Elle n’est absolument pas suffisante, mais elle est un excellent point de
départ pour les allergiques à la grammaire. En effet, cet ouvrage se compose de
deux parties : la première, « Savoir-faire », définit ce qui est
attendu au concours et vous remonte le moral en flèche en vous expliquant qu
vous savez déjà plein de choses et que maintenant, il suffit d’acquérir le
savoir-faire ; le seconde, « Savoir », est constituée de fiches
classées par ordre alphabétique et balayant un certain nombre de questions
posées au concours. Ces fiches sont moins des modèles de réponses que des
exemples d’approches et de questions à se poser. Ce sont ces fiches qui font à
la fois l’avantage et l’inconvénient de ce livre : inconvénient parce que
l’on n’en apprend pas assez pour le concours ; avantage parce qu’il
apprend à se poser les bonnes questions et que c’est ça qui est demandé au
concours et qui est absent des autres grammaires. Je conclurai en disant que
c’est un livre à mettre entre toutes les mains, à condition de les remplir
aussi avec autre chose !! (P.S. : cet ouvrage est aussi très pratique
pour ceux qui ont déjà de bonnes bases en grammaire car il est compact :
on peut le trimballer partout pour des révisions express).
Une fois qu’on a bien travaillé son Maingueneau,
on peut passer à
Enfin, pour ceux qui soit sont vraiment fâchés avec
Tout cela concernait principalement la théorie, passons maintenant
à la pratique. Je rappelle tout d’abord que les rapports de jury présentent
bien évidemment les sujets des années précédentes et constituent de ce fait
d’excellents concours blancs. Je conseillerai d’autre part les Questions de
grammaire pour les concours de F. Calas et N. Rossi, chez Ellipses,
collection « CAPES/Agrégation Lettres » et les Questions de
syntaxe française de P. Monneret et R. Rioul chez les PUF. Pour ceux qui trouveraient ces deux
ouvrages trop durs, on peut commencer par les Trente Questions de grammaire
française de F. Mercier-Leca chez Nathan. Ces
trois ouvrages présentent des questions de synthèse grammaticale sur des textes
littéraires et sont donc tout à fait dans l’optique du concours. A noter que
l’ouvrage de F. Calas et N. Rossi présente pour chaque question l’analyse du
sujet, ce qui est très intéressant pour acquérir la technique et la méthode de
l’épreuve.
Enfin, on peut utilement compléter tel ou tel point qui vous
passionne ou au contraire vous angoisse par les ouvrages publiés par Hachette
dans la collection « Ancrages Lettres », notamment l’excellent
La question de synthèse (à l’écrit et à l’oral).
D’un point de vue pratique, qu’attend-on de vous ? Encore une
fois, la lecture des rapports de jury est incontournable. Si nous résumons,
nous retenons les éléments suivants :
Ø
L’introduction définit la notion que vous étudiez, pose les jalons théoriques.
En fin d’introduction, on annonce le nombre d’occurrences et le plan d’étude
suivi ;
Ø
Le développement étudie les occurrences du texte selon un classement justifié
(souvent dans l’introduction). Dans vos différentes parties, vous opérez un
recensement complet des occurrences que vous traitez. Vous essayez de faire une
progression dans votre traitement de la question (quand c’est possible) et vous
traitez en dernier les cas difficiles, les cas limites ou pouvant être
interprétés de diverses manières ;
Ø
Dans ce développement, il s’agit moins de classer les occurrences de manière
catégorique que de les interroger. Il vaut mieux poser la bonne question,
quitte à ne pas trancher entre différentes analyses possibles (que vous
présentez le mieux que vous pouvez) que de dire péremptoirement « C’est un
attribut. » sans autre explication.
Ø
Dans la conclusion, vous résumez ce à quoi vous êtes arrivé et vous pouvez
éventuellement, dans la dernière partie de votre conclusion, ouvrir à la
stylistique.
Le piège, dans la question de synthèse de grammaire, est de trop
analyser d'un point de vue stylistique dans le développement. Il d’agit d’une
question de grammaire, pas d’une analyse stylistique que vous ferez en temps et
en heure dans la troisième partie de votre devoir. Ne cherchez donc pas un sens
« littéraire » à ce que vous relevez.
Ensuite, faites attention à la formulation de la question :
« syntaxe » n’est pas « morphosyntaxe ». Dans le premier
cas, vous vous cantonnez à une pure analyse syntaxique, dans le second, vous
intégrez des notations morphologiques : en quoi la syntaxe conditionne la
morphologie des pronoms personnels, par exemple ? Si l’intitulé est
« grammaire », il faut faire une analyse morphosyntaxique, en
intégrant éventuellement d’autres dimensions de la grammaire ou de la
linguistique, la pragmatique ou la sémantique, par exemple.
Enfin, gardez à l’esprit la manière dont on peut résumer la
« philosophie » de cette épreuve : il s’agit d’aller de la
grammaire traditionnelle à la linguistique. Partez donc de ce que vous avez
appris en primaire et dans le secondaire et remettrez-le en question à la
lumière des nouveaux acquis de la grammaire et de la linguistique.
Dernière remarque : à l’écrit, le plan est apparent. A l’oral,
travailler bien vos transitions et vos annonces de parties et de sous-parties pour que le jury vous suive bien.
Les remarques nécessaires (à l’écrit et à l’oral).
Concernant l’analyse du segment complexe (« Faites toutes les
remarques nécessaires sur… » ou « Faites
toutes les remarques syntaxiques nécessaires sur… »), on
la fait souvent très rapidement. Une méthode est possible (fortement
recommandée à l’oral), mais il me semble que nous avons assez peu de temps pour
l’appliquer à l’écrit. En tout cas, la voici :
Ø
En guise d’introduction, vous commentez la structure générale du segment, ainsi
que son environnement textuel, en évoquant d’éventuels phénomènes de connexion
argumentative, d’anaphore, de progression thématique…
Ø
Vous signalez ensuite quels points retiendront votre attention et pourquoi.
Ø
Dans l’analyse de détail, les remarques peuvent être d’ordre morpholexical, syntaxique, morphosyntaxique, et/ou
sémantique (sauf dans la cas d’une formulation « Faites toutes les
remarques syntaxiques nécessaires sur… » où elles
sont bien évidemment seulement… syntaxiques)
Ø
La dernière partie est consacrée à un élargissement théorique, un développement
construit ayant pour support l’un des faits de discours précédemment abordé.
Comme vous vous en rendez compte, ça marche du tonnerre pour l’oral
(car on a à peu près le temps de faire tout ça), beaucoup moins pour l’écrit.
Mon conseil dans ce cas : foncez dans le tas. En gros, vous commencez par
faire des remarques sur la structure, puis vous avancez en analysant les
groupes, puis à l’intérieur des groupes, en notant ce qui paraît le plus important.
Conseils bibliographiques.
L’année
Heureusement, un certain nombre d’ouvrages balaient les différents
aspects de la stylistique et regroupent les différents types de sujet qui, à
mon avis, peuvent tomber. Je commencerai par conseiller les deux ouvrages de G.
Molinié,
Parmi les autres ouvrages, j’ai un coup de cœur particulier pour Stylistique
de la prose d’A. Herschberg-Pierrot chez Belin Sup, collection « Lettres », qui est une sorte
d’adaptation française de Style in fiction, la bible de tout apprenti
stylisticien anglo-saxon. Il est organisé en chapitres qui s’intéressent chacun
à un aspect (par exemple les expressions déictiques, l’ironie, le discours
rapporté et la polyphonie, la cohésion du texte…), en exposent les aspects
théoriques et l’appliquent à des textes littéraires.
Enfin, je conseillerai deux ouvrages majeurs : les Commentaires
stylistiques de J.-L. de Boissieu
et d’A.-M. Garagnon (vous avez remarqué que l’on
retrouve toujours les mêmes ? ;)) chez SEDES et
Bien évidemment, il est possible de compléter tel ou tel point par
les ouvrages de la collection « Ancrages Lettres » chez Hachette,
notamment Initiation à la rhétorique de C. Reggiani (le meilleur ouvrage
d’initiation à la rhétorique à mon avis) et Le Dialogue dans le roman de
F. Rullier-Theuret.
Quelques remarques sur l’épreuve elle-même.
Le commentaire stylistique se présente comme un commentaire composé
où l’on analyse comment le dispositif discursif permet de construire le sens.
Il faut donc relever des phénomènes purement langagiers et les analyser afin de
leur faire faire sens dans le texte. Le plan peut être apparent
(personnellement, je le conseille vivement : cela fait gagner du temps et
aide le correcteur). Toujours d’un point de vue personnel, je conseille de
faire des titres de grandes parties « thématiques » ou
« littéraires » et des titres de sous-parties
« techniques », « stylistiques » ou
« linguistiques ». Cela permet de ne pas oublier les deux dimensions
de l’exercice : le relevé des faits langagiers et l’interprétation
littéraire de ces faits. Enfin, il ne faut pas oublier la dimension littéraire
de l’exercice, malgré la lourde préparation technique
qu’il impose : tirez profit de la situation du texte dans l’œuvre, si vous
pouvez le situer, dans votre approche du texte ; parlez éventuellement
d’autres moments de l’œuvre dans votre conclusion ou au cours de votre
développement pour enrichir votre réflexion.
Il ne me reste plus qu’à vous remercier d’avoir lu en entier ma
prose et de vous souhaiter plein de courage pour cette épreuve certes
difficile, mais passionnante quand on commence à en maîtriser les tenants et
les aboutissants.