Escalade dans les Cerces : tour Termier par « termier-tière » puis montée au Grand Galibier

(27 août 2003)

 

 

Voilà bientôt deux mois qu’il fait beau quasiment tous les matins dans les Alpes et une perturbation est enfin annoncée pour cette fin de semaine sur nos massifs. Loi de Murphy : avec Manu on avait décidé de faire des courses d’alpinisme en cette fin de semaine. Après avoir repoussé la Pierra Menta par l’arête nord le lundi 18 août pour cause d’orage, notre programme initial Pierra Menta + aiguille du Moine par l’arête sud a du plomb dans l’aile. Lundi soir c’est donc l’agitation : tous topos dehors, toutes les météos possibles consultées, bref il s’agit de trouver un truc à faire la seule journée où l’on est sûr qu’il fera beau : mercredi 27 août.

 

Il est difficile de trouver des courses d’alpinisme ou d’escalade en haute altitude à la journée, mais quand on est basé à Marseille et que l’on travaille le mardi c’est carrément un casse-tête. Finalement après maintes discussions nous éliminons Big Tower is watching you au Pic sans nom (les 22 longueurs et 500m à monter et redescendre en rappels semblent occuper un peu plus qu’une journée…) et nous nous décidons pour la tour Termier par termier-tière, une voie JMC 1999 de 300m et cotée D.

 

Le mardi soir je récupère donc mon diesel chez le garagiste avec des bougies toutes neuves, pour être sûr de redémarrer au col du Galibier le lendemain soir. A Marseille il fait chaud, un bon 35°C encore, à Aix c’est encore pire comme souvent avec 37° C. Je ne comprends toujours pas les imbéciles qui prétendent qu’il ne fait pas si chaud que ça à Marseille puisque la mer est à côté. D’autant qu’avec cet été caniculaire les températures ne sont plus descendues en ville en dessous de 26°C.

Le trajet se passe bien le lac de Serre Ponçon est plutôt bas, sans que cela soit encore trop catastrophique. J’arrive au col du Galibier, à l’avant dernière épingle où je retrouve Manu, l’instit’ venu de Grenoble. Nota : dans le topo il est indiqué avant-dernière épingle, bien sûr il y en a encore quelques unes au-dessus, mais cela fait partie de l’imprécision des topos de JMC…

Au Galibier il fait bon : 10°C, le pied ! Manu a monté notre tente pour la nuit à proximité des voitures. La tente est un modèle de l’armée polonaise, sans double-toit, mais avec un tapis de sol s’il vous plaît. Dedans il y règne une odeur de caoutchouc ramolli par la chaleur. Manu est fraîchement équipé d’un pantalon neuf, il n’a pas enlevé les étiquettes au cas où…

La tente de l’armée polonaise de Manu…

 

La nuit se passe convenablement pour moi, bien mieux que dans les sales refuges du CAF avec leurs hordes de ronfleurs moites et puants ! En plus Manu ne ronfle pas puisqu’il a un duvet Décathlon 1500m, pas de tapis de sol et qu’il se pèle à mort !!

Au petit matin (~7h) je commence à étouffer de chaud dans mon duvet extrême –25°C, je sors voir Manu : il est inerte et recouvert de toutes ses épaisseurs. « Eh ça va ? » « ouais, bon sang moi qui trouvait sympa l’idée du bivouac, j’avais presque envie de venir le faire avec mon fils de 6ans ! Et ben faudra des textiles chauds ! ».

Manu bouge pour se réchauffer après une bonne nuit à la fraîche

 

Manu mange pour se réchauffer. Remarquable aussi les étiquettes du pantalon neuf !

 

Nous sortons de la tente et là le paysage est sublime : le soleil se lève sur la Barre des Ecrins, sur la Meije, et la luminosité est extra.

Nous prenons notre petit déjeuner, un peu de thé dans une thermos, de coca cola Light Lemon et de biscuits sucrés.

Devant nous deux couples de grimpeurs sont déjà partis : un couple d’isérois partis pour ouvrir une nouvelle voie dans la paroi de la tour Termier, et des drômois que nous reverrons plus loin. Après avoir préparé le matériel nous nous lançons pour la marche d’approche. Le sentier est bien tracé et il est magnifique en balcon sur les plus belles montagnes du massif des Ecrins : Barre, Meije, Pelvoux, Agneaux,  Gaspard et autres merveilles élancées. Nous redoublons les drômois partis dans je ne sais quel vague sente à la recherche de la même voie que nous. Au pied de la falaise un bouquetin est là et s’en va tout doucement dans les éboulis du col Termier.

Alex au pied de la voie

 

Une fois n’est pas coutume c’est Manu qui trouve le départ de la voie. Les drômois arrivent visiblement émoussés par leur détour dans les collines alentours. Ils vont faire la même voie que nous, ils déposent leurs affaires au pied de la voie. J’en profite pour ramasser ma polaire rouge qui traîne là je ne sais pourquoi au milieu de leur affaires. Bien mal m’en a pris, ils viennent immédiatement la récupérer en me signifiant que ce n’est pas la mienne. Merde c’est vrai la mienne est au fond du sac. L’entente est néanmoins cordiale, les deux grimpeurs sont sympathiques ils viennent de Valence et sont partis ce matin à 4h. Quand je leur annonce que je viens de marseille ils choisirent néanmoins de ne rien laisser traîner au pied de la voie… Ils partent en tête dans la voie, quant à nous nous laissons un sac avec du matériel et quelques couches de Manu bien superficielles.

 

L1 : V. Il fait encore froid sur ce versant ouest. L’équipement est bon je m’élance en tête dans la voie. L’escalade n’est pas difficile elle se déroule sur un rocher très adhérent et très râpant pour les doigts. Le pas de V passe bien, bien que j’aie encore le bout des doigts insensible à cause du froid. Les points sont rapprochés et cette première longueur met en confiance. Manu arrive avec le sac à dos en second, il apprécie lui aussi ce bon rocher, et en profite pour me rendre mes baskets (pour la descente) oubliées au pied de la voie...

 

L2 : IV+. Manu s’élance en tête, d’abord une vire herbeuse puis quelques pas easy de IV+ jusqu’au relais. Il me demande s’il peut continuer et enchaîner la suivante. Je lui répond bien sûr que non à cause du tirage. J’arrive ensuite au relais où se trouvent de nombreux edelweiss.

 

L3 : V,V. Le « crux » de la voie, une fissure chamoniarde. Les drômois ont trouvé cette longueur très belle avec pleins de grattons. Pourtant l’homme de tête est passé en tire-dégaine ! Je m’élance donc dans L3, qui est un peu physique au début tout de même. Une fois arrivé au relais Manu m’indique deux bouquetins, une mère et son petit vraisemblablement qui flânent au pied de la voie. Après quelques « aarrgghhhh » râgeurs Manu arrive au relais, il m’annonce qu’il a grillé une carte fraîcheur dans ses bras. Heureusement cela ne jouera pas sur la suite.

 

Manu au relais

 

L4 : V,IV . Manu se paie une belle traversée gazeuse en tête, puis au prix d’un tirage finit en husky au relais. Je m’élance en second dans la traversée, qui s’annoncera être la plus gazeuse de la voie. A côté de nous mais à bonne distance les isérois nettoient la paroi et font tomber de gros blocs instables.

 

L5 : IV, V. Une sorte de vague éperon-arête avec quelques pas d’escalade ici et là. Pas la longueur la plus intéressante.

 

L6 : IV, V. Une belle dalle, de la belle escalade, sous le regard des randonneurs du col Termier.

 

L7 : III, IV- : longueur husky, tout en tirage pour moi en tête, même en enlevant une dégaine du bas.

 

L8 : V, IV, V. Manu passe en tête. A un moment il hésite un peu, puis carrément et finalement passe, pour tirer une longueur interminable en tête. Lorsque je remonte en second je comprends tout. Manu s’est dégonflé sur le pas de V, il a contourné ! Et pour rejoindre la voie, il s’est payé une traversée bien flipante en ayant pas mousquetonné les points plus bas. Résultat : il n’a pas vu le relais juste après la traversée et a enchaîné la longueur suivante, pour finalement s’arrêter au milieu de la celle-ci pour un relais sur 1 spit + 1 friend. Sacré Manu !

 

L9 : V. Courte en fait puisque je me contente de me remettre dans le tempo des relais.

 

L10 : V, IV+. Manu repasse en tête pour à mon avis la plus belle longueur de la voie. Une superbe dalle en adhérence des bonnes prises qui crochètent dès que ça se redresse, bref un régal.

 

L11 et L12 : III. Histoire d’arriver au sommet de la tour Termier. Je récupère au passage la bouteille multi-vitamino-dopo-oligo-éléments de Manu tombée malencontreusement du sac qu’il a gardé pour la dernière longueur en tête.

 

Superbe vue sur la Meije et les Ecrins

 

Alex au sommet de la voie

 

Manu sous le grand Galibier

 

Après avoir marqué le territoire nous nous décidons à rejoindre le proche sommet du Galibier à pied (3228m) où une vue époustouflante nous attend.

Au sommet du Grand Galibier, au fond les Aiguilles d’Arves

 

Grand Galibier (3228m)

Puis s’ensuit la longue descente à pied, nous passons à côtés des ouvreurs isérois qui s’en donnent à cœur joie avec la perceuse. Dans le ciel une scène de chasse redoutable : un rapace qui prend en chasse un petit oiseau, impressionnant par les vitesses et les bruits. Nous retrouvons notre sac au pied de la voie avec les affaires au complet, et nous redescendons à voiture pour 17h30.

Notre voie sur la falaise de gauche

 

Sous notre voie...

 

Vue d’un peu plus loin

 

Après avoir souhaité une bonne rentrée à Manu et rassuré Virginie au téléphone, je rentre sur la puante et moite (eh oui ce soir là c’était bien vrai) ville de Marseille qui a les yeux rivés sur le stade vélodrome et son OM qui essaie de se qualifier pour la champion’s money league !