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C.O.P. en UPI un travail comme les autres (Johann Isern).

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19 février 2010

COP en UPI, un travail comme les autres

 

Les U.P.I., étant quelque chose de riche, il nous faut bien choisir un angle. Je choisis celui de l’orientation. Il y en aurait beaucoup d’autres mais le travail sur l’orientation des élèves en U.P.I. va-t-il de soi ? Un élève en U.P.I. travaille-t-il son orientation comme les autres ?. Est-il finalement un élève comme les autres ?

Dans un premier temps, Anne-Laure Garrigues-Louche nous fera partager son expérience de l’accompagnement de l’élève dans son orientation. Dans un second temps, j’essaierai de poser le regard du, ou plutôt d’un Conseiller d’Orientation – Psychologue…

Je précise que notre texte portera sur une U.P.I. de collège accueillant des enfants déficients intellectuels, U.P.I. dans laquelle nous avons travaillé tous les deux.

 

 

I REGARD D’UNE ENSEIGNANTE SPECIALISEE

 

Les principales orientations après la 3ème U.P.I. se font vers une U.P.I. de lycée professionnel, un CFA Spécialisé (C.F.A.S.), un Institut Médico-Educatif (I.M.E.), voire la vie active.

 

Une orientation vers une U.P.I. de lycée professionnel semble profitable pour des jeunes qui aiment l’école et qui ont les capacités requises. En effet, plus l’écart entre les jeunes de l’UPI et les autres est important moins l’intégration a de sens. Les élèves à qui on propose cette orientation doivent également être suffisamment autonomes pour évoluer dans un lycée professionnel qui n’a pas toujours un public compréhensif à leur égard.

Trois problèmes peuvent perturber cette orientation : des contre-indications médicales, un choix de filières souvent restreint, ou tout simplement la vie dans les lycées professionnels.

 

Le C.F.A.S. est une orientation généralement séduisante pour les jeunes en UPI qui, souvent, subissent leur scolarité. Cette orientation leur permet d’entrer dans le monde du travail, d’avoir un salaire, un statut, une fonction…

Pour prétendre à cette orientation, ils doivent avoir effectué des stages en entreprise durant leurs années d’UPI, dans des domaines variés, afin de pouvoir justifier un choix de filière et, si possible, avoir participé à des ateliers professionnels où ils auront acquis quelques connaissances et habitudes de travail. Ces stages leur permettent parfois de trouver un maître d’apprentissage qui aura pu évaluer leurs aptitudes pour le métier. Il doivent également faire preuve d’autonomie pour leurs déplacements, contacts avec les employeurs mais aussi périodes de classe au CFA.

Dans le cas du C.F.A.S., les problèmes rencontrés concernent surtout la recherche du maître d’apprentissage (difficile de faire entrer dans les entreprises des personnes « handicapées ») ou le transport vers le CFA, le lieu de travail (l’internat n’étant pas toujours envisageable pour ces jeunes).

 

L’I.M.E. est une orientation souvent vécue de manière négative par les familles. En effet, après avoir été scolarisé dans le milieu « ordinaire », l’élève se trouve dans un milieu « spécialisé ».

Cette orientation est néanmoins intéressante pour des jeunes peu autonomes, ayant besoin d’un cadre pour évoluer. La possibilité d’être interne leur permet parfois de se protéger d’un milieu familial à risque ou d’un entourage peu favorable.

L’I.M.E. est une bonne passerelle pour un adolescent qui ne serait pas suffisamment mature pour intégrer un CFAS à la sortie de l’UPI, ou assez autonome pour entrer dans le monde du travail.

Les difficultés rencontrées ici sont surtout de « convaincre » les familles et les jeunes du bien-fondé de cette orientation, mais aussi d’obtenir une place. C’est d’autant plus difficile lorsque le jeune a atteint l’âge de la fin de la scolarité obligatoire.

 

La vie active est une orientation souhaitée par certains jeunes qui se contentent de répondre à l’obligation scolaire jusqu’à l’âge de 16 ans. Ces jeunes souffrent surtout d’un manque de motivation pour tout ce qui est proposé.

 

II- REGARD D’UN CONSEILLER D’ORIENTATION – PSYCHOLOGUE

 

a. Du temps logique au temps chronologique

 

Le temps logique dont parle Jacques Lacan dans les Ecrits est celui de la cure analytique qui suppose, dans un mouvement logique et non chronologique, l’instant de voir, le temps pour comprendre et le moment de conclure. Ce temps logique est un temps dont le sujet a besoin pour avancer. C’est un temps qui dure ce qu’il dure, un temps qu’il faut respecter puisqu’il est celui dont le sujet a besoin. Ce temps logique s’oppose au temps chronologique qui, lui, est le temps de l’institution : « Le temps logique est, entre autres choses, une mise en question du temps chronologique, de l’ordre de la succession qui voudrait qu’une décision ne se prenne qu’après avoir réfléchi, parcouru, soupesé tous les arguments les uns après les autres, que la décision soit le fruit d’une délibération ordonnée. » Lacan Les non-dupes errent (séance du 9 avril 1974).

 

Le Conseiller d’Orientation – Psychologue travaille sur ce temps logique. Le sujet a besoin d’un certain temps pour avancer dans son projet. Cela peut devenir problématique quand ce temps logique est en décalage avec le temps chronologique de l’institution. C’est, par exemple, l’élève qui (bien qu’informé) ne sait pas où il en est de son projet au mois de juin alors que l’institution lui demande de le savoir pour pouvoir gérer les affectations…

 

Le Conseiller d’Orientation – Psychologue use alors de ses compétences pour, tout en respectant ce temps singulier, tenter de faire avancer les choses. Il s’agit, au delà de l’information, d’effectuer un travail psychologique : aider l’élève à être en avant de soi, à avancer dans son projet, à poser une réflexion, prendre une décision. Le COP amène donc le jeune à confronter son temps logique avec le temps chronologique.

 

A l’U.P.I., j’ai pu constater qu’il fallait tenir compte du temps logique, pas seulement avec l’élève.

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Avec les parents aussi :

Il est nécessaire de s’assurer que les parents des élèves handicapés intègrent la situation. La situation, cela peut être : compte tenu des limites de cet adolescent, quelles sont les orientations possibles après la 3ème U.P.I. ? Pour les parents, accepter ces possibles-là revient à accepter l’étendue du handicap. Il peut y avoir désaccord sur l’orientation conseillée. Ce sont par exemple les parents qui demandent une orientation vers une U.P.I. de lycée alors que le handicap ne permet pas d’envisager autre chose qu’un IME… Ou alors les parents qui demandent une orientation vers une formation dans les espaces verts tandis que l’élève a de très sérieux problèmes pour se déplacer.

Face à ces situations difficiles qui sont le symptôme d’une souffrance, nous avons toujours considéré qu’il fallait travailler en équipe (enseignant spécialisé, enseignant référent, médecin scolaire, assistant de service social scolaire, chef d’établissement et Conseiller d’Orientation–Psychologue) et faire travailler les parents sur ce temps logique. Les aider, avec respect, à passer de l’imaginaire (leur enfant rêvé dans le temps du mythe, le temps logique) à la confrontation difficile avec le réel. Mais le temps logique dure ce qu’il dure… Parfois, les situations se sont débloquées très rapidement mais parfois il a fallu beaucoup de temps…

 

Et bien-sûr, avec l’élève :

Cela peut être l’élève qui, après un stage en boulangerie et un autre en horticulture, hésite fortement entre ces deux orientations. Ou l’élève qui hésite entre une orientation vers une U.P.I. de lycée professionnel et une autre vers un C.F.A.S..

Besoin de temps pour mûrir son projet… de temps… ce bien précieux que l’on ne peut pas toujours offrir. Alors, il n’y a qu’une seule solution : faire travailler la réflexion de l’élève, l’aider à penser son orientation, à avancer vers une décision. Je me rappelle ce jeune garçon dont le projet était de suivre une formation en CAP menuiserie par l’U.P.I. d’un lycée professionnel. Un projet construit, travaillé durant des mois. Début juin, la nouvelle tombe de la médecine scolaire : sa vision ne le lui permettra pas. Début juin, deux nouveaux chantiers sont donc ouverts : faire le deuil de l’orientation en menuiserie, construire un nouveau projet (nouveau ?). Un temps pour voir, un temps pour comprendre, un temps pour agir… Ce garçon a finalement fait un nouveau choix et a eu son affectation. Il prépare actuellement un CAP d’Assistant Technique en Milieux Familial et Collectif (ATMFC). Choix contraint ? Vrai choix ? L’avenir nous le dira…

Un travail avec les 3ème U.P.I. totalement identique à celui des autres 3ème finalement, non ?

b. Le rapport au savoir

 

Une orientation se fait toujours vers une formation qui permet d’exercer des métiers, donc vers un savoir. L’élève s’oriente donc pour apprendre. Il est de ce fait toujours intéressant de considérer le rapport qu’entretien l’élève avec le savoir. Qu’en est-il des élèves de 3ème U.P.I. ?

 

Avant toute chose, je vais zoomer sur le rapport au savoir. Citons Bernard Charlot :

« un savoir ne peut être totalement extérieur à celui qui l’intègre […], le savoir est un rapport au Monde, un construit. […] Ainsi, il n’est pas de savoir sans rapport au savoir. »

 

Dans mes entretiens avec les élèves en U.P.I. de collège, je me rends compte que leur désir d’apprendre est là, immense, gigantesque. Le savoir c’est le plus souvent le savoir-lire, le savoir-compter. Ils ont une très grande fierté à se mobiliser sur le savoir-lire et le savoir-compter qui sont des savoirs primordiaux pour pouvoir vivre en collectivité, ce sont des savoirs qui font… lien social.

 

Au bout de trois années d’U.P.I. de collège, on amène les élèves de 3ème à réfléchir à l’accès à de nouveaux savoirs. Des savoirs ici associés à des métiers. Il s’agit alors de savoir faire du pain, de savoir s’occuper d’espaces verts, de savoir faire des travaux de menuiserie,…

 

J’ai pu constater au collège que l’idée de se mobiliser sur de tels savoirs modifiait profondément le rapport des élèves à eux-mêmes et au monde extérieur. Il leur faut du temps pour comprendre qu’il y a du savoir autre que le savoir-lire et le savoir-compter. Il leur faut du temps pour comprendre, pour intégrer qu’ils ont accès à ces nouveaux savoirs. La suite… c’est autant de réactions que d’élèves. Il y a ceux pour qui cette idée donne des ailes. Ils vont être plus qu’enthousiastes, réclamer des visites, parler encore et toujours de ce qu’ils vont apprendre. Il y en a d’autres pour qui c’est plus compliqué. Certains ont peut-être besoin d’être maternés. Or, se mobiliser sur ces savoirs est associé à une position d’adulte. Quelques élèves craignent donc un bouleversement global de leur univers.

 

Les élèves d’U.P.I. que nous avons côtoyés ont donc eu besoin d’être accompagnés sur ce terrain. La professeure spécialisée a expliqué, illustré, travaillé en lien avec le Conseiller d’Orientation – Psychologue. Des visites en U.P.I. de lycée professionnel, dans les C.F.A.S. ont été organisées. Les parents ont été reçus, informés. Bref, un gros travail pour créer autour de l’élève un Discours. Un Discours faisant exister ce savoir. Puis… un travail sur le rapport au savoir.

 

CONCLUSION

 

Voilà ce que c’est d’écrire : on n’ose pas au début et puis on ne s’arrête plus.

Nous vous avons présenté un écrit sur les élèves d’U.P.I. qui finalement sont des élèves comme les autres, sur notre travail avec eux qui finalement est un travail comme les autres.

Il y aurait beaucoup d’autres choses à écrire sur les U.P.I., nous vous passons la plume…

 

 

 

 

 

Johann ISERN

Conseiller d’Orientation – Psychologue

C.I.O. (Aude)

Anne-Laure GARRIGUES- LOUCHE

Enseignante spécialisée

U.P.I. Collège (Aude)

Mis à jour (Mercredi, 12 Mars 2014 10:13)