Association Algerienne Enfance et Familles d'Accueil Benevole - 27 rue Med. Fellah Kouba ALGER - 00 213 24 49 26 19


Qui dit adoption dit enfant abandonné. L'abandon a de tous temps éxisté, nos mythes fondateurs participent de personnages solitaires, ceci n'a pas empêché l'humanité - en l'absence de maîtrise de la procréation - de s'accomoder du sort réservé aux enfants malvenus, handicapés, fruits d'inceste, de viol ou d'adultère.

La valeur affective de l'enfant n'a pas toujours été ce qu'elle est aujourd'hui,un rapide survol historique des conditions faites à l'enfant illustre de façon éloquente ce fait.

Adoption et kafala

Témi Tidafi
Pt fondateur de L'Association algérienne enfance et familles d'accueil bénévole

 
 

L'enfant malvenu était enterré vivant en Perse, immolé en offrande à Carthagène, en Grèce le père pouvait d'un simple signe devant témoins signifier l'abandon de son nouveau-né, à Rome ce droit était dévolu au paterfamilias jusqu'à ce que l'Etat romain en quête de soldats pour ses conquêtes substitua l'esclavage avec possibilité de libération à l'élimination physique (cf. le cas d'Octave adopté par César (101 - 44 av. n.e.) et futur empereur Auguste).

Il a fallu attendre le 6ème siècle (et le code Justinien (528 - 534) et la loi de 553 pour que l'infanticide et les transactions sur les enfants esclaves soient sévèrement punis  et l'avènement de l'Islam au 8ème siècle pour que ces pratiques soient interdites à tout musulman (cf le cas de Zaïed offert comme esclave au prophète qui l'adopta après l'avoir libéré).

Les premiers hospices pour enfants abandonnés virent le jour en Europe à partir du 14 ème s et c'est grâce à l'action sans relâche de Saint Vincent de Paul (1581 - 1660) qu'un peu d'humanisme se fit jour dans la société européenne.

C'est après la seconde guerre mondiale et la maîtrise progressive de la procréation que la valeur affective de l'enfant prend un sens. Un projet sur les Droits de l'enfant proposé en 1953, fût mis de côté, la CIDE ne vit le jour qu'en 1989 après des années de débats et de multiples réserves pour tenir compte de la philosophie des états (qui ne l'ont d'ailleurs pas tous ratifiée).

L'engagement quasi général de la communauté mondiale à défendre les Droits de l'enfant et la promulgation d'une législation pour garantir sa protection où qu'il se trouve, témoigne de la prise de conscience par les Etats signataires, des besoins fondamentaux incontestables de l'Enfant.

Après des siècles de stagnation (on a pu parler de période de glaciation) en matière de sauvegarde de l'enfant abandonné, la société occidentale s'est progressivement dégagée de l'inhibition religieuse rétrograde qui frappait d'opprobre toute naissance hors mariage et a pu ainsi envisager des solutions au profit de la mère et de l'enfant.

L'action pour promouvoir un véritable humanisme au profit des plus démunis, a grandement contribué -pour ce qui concerne l'adoption- à la définition d'une réglementation qui tient compte des progrès sociaux, des exigences de la modernité et du respect de la liberté des femmes.

Le dernier demi siècle, a enregistré les plus belles pages de l'émancipation de la femme et de l'adoption dans la société occidentale.

Il en va tout autrement pour la société musulmane où le Code de Statut Personnel puise ses règles dans les interprétations des écritures sacrées des 1ers siècles de l'Islam.

Un bref rappel historique permet de saisir les raisons des prescriptions qui ont fondé le Droit musulman pour ce qui concerne la famille et l'adoption.

Dans la société pre-islamique jusqu'à l'époque du prophète, coexistaient deux systèmes d'union différenciés par le statut de la femme dans chacun d'eux et impliquant des différences fondamentales en matière d'éthique et de droit, ce sont : le système matrilinéaire et le système patrilinéaire.

Dans le système matrilinéaire la filiation est incontestablement établie par la mère qui demeure dans sa tribu avec son enfant après le mariage.

Il n'en va pas de même dans le système patrilinéaire où seule la chasteté de la mère, légitime la filiation paternelle de l'enfant et son appartenance à la tribu de l'époux.

A l'instar de la religion chrétienne, l'islam a privilégié le système patrilinéaire; il a pour ce faire, opté pour l'institution du mariage.

Il a considéré la famille comme la structure de base fondamentale de la société, il édicta des principes et des règles pour la protéger contre toute transgression, illustration flagrante d'une possible survenance.

Selon l'origine de la privation de parents, l'islam classe les enfants en 3 catégories: légale (enfants nés dans le mariage), illégale (nés hors mariage), d'origine inconnue (enfants trouvés).

Il pose le principe que l'origine d'un acte qualifie ses conséquences, un acte illégal ne peut engendrer que des conséquences illégales, l'enfant né hors mariage est par conséquent illégitime et ne peut prétendre à une filiation.

Cependant toute latitude est laissée aux docteurs de la Loi pour imaginer les solutions les plus appropriées, propres à garantir la paix sociale.

Ainsi fût fait durant des siècles, dans un esprit de générosité envers la mère et l'enfant, quelquefois au mépris du bon sens pour tempérer les conséquences de la fameuse maxime latine dura lex, sed lex (la loi est dure mais c'est la loi).

Afin d'éviter les éventuelles controverses relatives à la filiation d'un enfant, le législateur musulman a décidé que tout enfant né d'une mère mariée appartient réellement ou putativement au lit du mari, et doit donc être systématiquement inscrit dans sa filiation.

Afin d'écarter autant que faire se peut le doute sur la paternité de l'enfant à naître, il est exigé de la femme veuve ou divorcée de respecter un délai de viduité couvrant plusieurs cycles menstruels avant de pouvoir se remarier;

Afin d'éviter les naissances hors mariage (illégitimes), la polygamie est reconduite et il est recommandé aux parents de marier leurs filles dés la puberté, dès qu'elles sont en âge de procréer.

Les maternités hors mariage sont prohibées, les précautions juridiques sont prévues pour qu'il n'y en ait point et s'il advenait qu'une femme mariée soit enceinte alors que le mari est absent depuis plus de neuf mois, la tradition confortée par certains imams (hommes de loi) permettait le recours à un subterfuge qui consistait à admettre que la grossesse pouvait durer très au-delà de la gestation normale, jusqu'à 3 ou même 5 ans selon l'imam Malek.

Chaque société engendre des mécanismes régulateurs de tension sociale en fonction de ses valeurs.

On peut considérer l'adoption comme l'un de ces mécanismes qui consiste à pallier les conséquences d'une privation parentale et secondairement l'absence d'enfant.

C'est l'enveloppe d'une sauvegarde éthique, dont la forme juridique dépend de la culture et du degré de prégnance des traditions dans le pays considéré à une période donnée.

Elle participe de l'éthique d'une société, elle change avec elle et présente de ce fait une dimension historique qui relativise sa conception dans le temps.

Hormis en Tunisie, l'adoption en tant que sauvegarde avec filiation, est prohibée dans tous les pays où l'islam est religion d'État.

Dans ces pays, la sauvegarde de l'enfant privé de famille est conçue différemment selon le degré d'engagement des militants de l'enfance et de l'esprit d'ouverture des décideurs.

Les articles 20 et 21 de la CIDE traitent des obligations de l'État en matière de protection de l'enfant privé de famille,

L'article 20 évoque l'adoption comme une des sauvegardes possibles à côté de la kafala de droit islamique sans aucun jugement de valeur sur l'une ou l'autre;

L'article 21 rappelle les principes et la réglementation en vigueur en matière d'adoption.

Aucune ouvre de placement n'existe dans les Etats musulmans, lesquels sont juridiquement tuteurs des enfants privés de famille jusqu'à ce qu'ils soient confiés en kafala ou tutelle légale.

La kafala peut être prononcée simplement par devant notaire ou judiciaire objet d'un jugement.

En Algérie la seule autorité compétente pour ce faire est le Directeur de l'Action Sociale par délégation du wali (préfet).

L'enfant est confié en kafala après enquête sociale de la famille postulante qui doit le considérer comme son propre enfant et peut, s'il est d'ascendance inconnue, lui donner son nom patronymique par décision du ministre de la justice; pour autant, l'enfant mekfoul (adopté) n'en a ni la filiation ni ses attributs (héritage notamment).

En Algérie la kafala judiciaire est recevable pour la concordance de nom à condition que l'enfant soit d'ascendance inconnue ou que la mère biologique ait préalablement donné son consentement par écrit à ce changement de nom ce qui n'est pas le cas dans les autres pays musulmans où la concordance de nom entre " kafil " et " mekfoul " est absolument prohibée.

Ce progrès dans le droit algérien date de février 1992, il est le résultat de deux années d'efforts de l'AEFAB pour convaincre le Conseil Supérieur Islamique de la nécessité d'une fetwa dans ce sens, fetwa signée en aoüt 1991 et préalable comme pour tout amendement apporté par le gouvernement au Droit des personnes.

Tout en respectant certains principes fondateurs le droit se doit d'être constamment aménagé pour refléter la réalité sociale et culturelle du pays où il s'applique.

Dans la mesure où le développement de certaines activités met en relation deux ou plusieurs pays, des conventions internationales sont négociées, elles définissent les responsabilités des parties et préviennent autant que faire se peut, les empiétements de souveraineté qui pourraient survenir et les voies de leur traitement en cas de survenance.

Ces conventions sont évidemment nécessaires, elles représentent avant tout une obligation morale, obligation plus ou moins contraignante selon la volonté des signataires.

Pour l'enfant abandonné, l'adoption nationale ou internationale à défaut, est ce qui peut lui être offert de plus précieux puisqu'elle lui permet de grandir et de s'épanouir dans une famille de substitution désireuse de le considérer comme sien et de l'investir en tant que projet singulier.

Certaines dispositions de la Convention internationale des droits de l'enfant (CIDE), signée et paraphée à la quasi unanimité des membres de l'ONU traite justement de ce sujet.

La recherche par ses rédacteurs du consensus le plus large sur l'ensemble du texte, a aboutit à certains compromis en matière d'intérêt supérieur de l'enfant autorisant les pays signataires à appliquer à l'enfant accueilli chez eux la loi de son pays d'origine en matière d'adoption. 

Ceci est illustré par le fait qu'un français ne peut pas adopter un enfant abandonné algérien, du fait qu'en Algérie l'adoption n'existe pas stricto sensu , qu'elle a pour équivalent la kafala.

Non seulement il ne peut pas l'adopter mais il ne peut même pas obtenir pour lui un visa de séjour en France, alors que les règles de conduite en matière de protection de l'enfant sont clairement définies par les dispositions de l'article 21 de la CIDE, en effet ;

l'alinéa 2, assujettit la protection de remplacement, à la conformité à la législation nationale ;

l'alinéa 3, admet la kafala de droit islamique au même titre que l'adoption; en conséquence la kafala devrait être reconnue au même titre que l'adoption dans les pays où cette dernière est admise lorsque sont respectées les dispositions visées par l'article 21 qui traite de l'adoption et qui imposent deux conditions préalables à toute adoption :

1/ l'intérêt supérieur de l'enfant ,

2/ les autorisations des autorités compétentes pour l'accueil de l'enfant.

La kafala de droit algérien répond précisément à ces deux conditions,

L'intérêt supérieur de l'enfant privé de famille est assuré par la famille kafila à qui il est confié et qui le prend pour sien de façon continue et permanente;

L'autorisation des autorités compétentesest donnée par acte doublement authentifié:

- une première fois par le tribunal qui délivre la kafala judiciaire à la famille kafila (adoptive),

- une seconde fois par le ministre de la justice qui autorise le kafil (adoptant) à donner son nom patronymique à l'enfant mekfoul (adopté).

Si adoption et kafala participent toutes deux du même désir de permettre la vie,

si kafala et adoption répondent au même titre à l'intérêt supérieur de l'enfant,

si les sentiments kafil/mekfoul sont de même intensité que ceux adoptant/adopté,

si les peines et les joies dans l'un et l'autre cas sont éprouvées avec la même force,

si l'intérêt supérieur de l'enfant et l'autorisation des autorités compétentes sont assurés par la kafala pour quelle raison l'adoption simple, ne s'appliquerait-elle pas à l'enfant mekfoul ?

Heureusement qu'en matière de droit rien n'est jamais définitif, il se trouvera des législateurs français pour trouver - le plus tôt serait le mieux - une solution à ce problème dans l'esprit du génie français.

Juillet 2004

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