Concepts techniques et philosophiques
On retrouve dans le Penchak
Silat, des techniques à mains nues communes à beaucoup d'arts martiaux, qui se
composent de balayages, de clés diverses destinées à luxer des membres
supérieurs ou inférieurs, de frappes sur les points vitaux, d'immobilisations
au sol, d'esquives et de blocages.
Les professeurs appelés Pendekar
ont enrichi cette méthode de combat en y apportant des modifications aboutissant
à chaque fois à un style de Penchak Silat. Il existe de nombreuses différences
d'un style à l'autre, mais l'on peut distinguer quelques bases techniques :
Jurus : ce sont les armes naturelles du corps
humain, à savoir les doigts, poings, coudes, genoux, tête, pieds... L'élève
apprend à les utiliser le mieux possible, chacune servant à attaquer une cible
déterminée : l'index plié pour l’œil, le tranchant de la main pour le cou, etc.
Langkah : ce sont les postures et les
déplacements.
Bunga : le salut spécifique lié à l'idée de
self-défense, au cas où l'adversaire attaquerait brusquement.
Sambut : le travail avec un ou plusieurs
partenaires.
Rahasia : l'art d'attaquer les points vitaux.
Le travail des armes : les élèves confirmés
combattent à mains nues contre un adversaire armé.
Kebatinan : c’est le travail spirituel. Certains
maîtres sont censés avoir développés des pouvoirs spéciaux grâce à la
méditation ; les élèves pouvant entrer dans un état de transe.
Le Penchak Silat est souvent
pratiqué en musique, de la même façon que la boxe Thaïlandaise, ce qui pourrait
faire croire, à tort, qu'il s'agit d'une danse. Le Silat, s'il est un art
martial très redoutable, n'en possède pas moins un côté mystique et un ensemble
de pratiques philosophiques initiatiques : L'Ilmu. L'Ilmu revêt plusieurs
aspects. Elle est la mise en harmonie de l'esprit et du corps par la
réalisation d'exercices de méditation et par la pratique de casse ou
d'exposition du corps à des conditions extrêmes qui doivent produire un dépassement
de nos capacités dites normales. Certaines postures de Penchak Silat se
retrouvent dans certains Asanas (postures) du Hatha-Yoga.
L'idée essentielle du Penchak,
c'est que la rapidité, la souplesse, l'emportent toujours sur la force ; de ce
fait, cet art convient parfaitement aux femmes. En Indonésie, il y a 50 % de
femmes parmi les pratiquants. Partant du principe que l'esprit dirige le corps,
c'est l'esprit qui doit être développé, on parle aussi de "Tenaga
Dalem" (force intérieure ou force de l'esprit). Le Penchak a un système de
déplacement en triangle qui représente la base d'évolution du combat en
Penchak. Elle s'intitule "Skutiga". Par exemple, lorsqu'on travaille la position du
"Passang" qui est le point de départ des enchaînements, beaucoup de disciples
ne comprennent pas la nécessité de le perfectionner au maximum, avant de
s'acheminer vers les mouvements qui en découlent. Pourtant, la concentration
sérieuse sur le Passang permettra de localiser parfaitement le centre de
gravité, constituera un exercice de conditionnement des jambes et permettra de
positionner harmonieusement et efficacement les lignes du corps. Notre Passang
constitue un point de départ et donc une trame de ce que vous ferez par la
suite. Avant de faire du spectaculaire, respectons les étapes avec humilité et
apprenons tout simplement à mieux respirer, à mieux nous déplacer sur le sol et
à mieux nous tenir. Se lancer dans un art de combat, c'est peut être déjà
apprendre à poser un pied devant l'autre, à penser son mouvement en sentant
chaque phénomène qui en découle dans notre corps. Pendant l'entraînement, nous
pouvons observer une extrême lenteur dans le but de perfectionner le geste
technique dans les moindres détails, sans rien perdre de sa beauté. Lorsque le
mouvement est maîtrisé, le rythme d'exécution des enchaînements techniques,
intitulé "Djurus", est augmenté jusqu'à atteindre des vitesses
foudroyantes. Le Silat s'inspirant des félins, il faut rechercher le
relâchement musculaire et nerveux. Ainsi, en une fraction de seconde, vous
serez capable d'attaques foudroyantes, de bonds prodigieux suivis d'un retour
immédiat à sa position de repos. C'est une leçon que l'on retrouve chez les
grands maîtres de Silat.
Le Penchak Silat est un style
élastique qui évite le corps à corps, évoquant l'image de l'élément eau, qui se
dérobe pour mieux vous envelopper. Il est à noter la référence fréquente qui
est faite aux quatre éléments, constamment présents dans la symbolique du
Penchak, et dans son cérémonial. Les mouvements sont exécutés souvent à des
niveaux très bas ; ce qui exige de la part des adeptes un énorme travail des
jambes et nécessite un conditionnement intensif pour ne pas dire douloureux.
Les positions basses sont trompeuses car elles invitent l'adversaire à attaquer
pour mieux tomber dans le piège ; on simule une chute, où l'on se met à plat
ventre, ce qui invitera l'adversaire à s'approcher pour lui porter une attaque.
Pendant une fraction de seconde, il découvre ses points vitaux. A ce moment, le
pratiquant de Penchak Silat place un enchaînement qui peut être mortel : ruse,
rapidité, précision. Ensuite, dans la plupart des combats, les doigts sont
positionnés en griffes, fourches ou groupés en bec. Cela impose des mouvements
d'une très grande précision avec un temps d'exécution parfaitement calculé.
L'apprentissage doit être surtout
intérieur : l'esprit avec lequel on pratique le Silat surpasse largement les
exercices techniques proprement dit. Les mouvements exécutés de façon tendu ou
dans un esprit de compétition se situent à l'opposé du Penchak. La seule
compétition concevable est celle que l'on effectue avec soi-même. Le salut
nommé "Hormat" est obligatoirement exécuté par les élèves au début et
à la fin des séances d'entraînement.
Les valeurs de l'ancien style
Silat enseignent à protéger sa vie à n'importe quel prix, en faisant absolument
tout ce qui peut être indispensable à la survie, car l'unique raison du combat
est la protection de l'existence et de celle des êtres qui nous sont chers.
Voilà pourquoi on éduque l'élève à considérer son partenaire d'entraînement
comme un agresseur qui a l'intention de lui ôter la vie. En effet, si l'élève
considère l'agresseur comme un simple compétiteur, la signification du Penchak
Silat est niée, ainsi que l'esprit combatif de cet authentique art de guerre.
Dans un entraînement de Penchak Silat, on enseigne aux élèves à tenir compte de
plusieurs paramètres ; l'ambiance, le vêtement que l'on porte, le terrain où il
faudra lutter. Tout cela se combine pour déterminer les tactiques et l'état
d'esprit adéquat pour aborder le combat. Trouver de bons maîtres ou professeurs
capables de transmettre la connaissance n'est pas chose aisée ; le Penchak
traditionnel est très secret et reste clandestin. Généralement, le maître se
base sur le caractère de l'élève mais surtout sur son tempérament, sa conduite,
sa moralité, son éthique, sachant que la volonté d'apprendre du futur élève est
importante car l'entraînement sera sévère. La discipline est dure et toute
violation des règles se solde souvent par le renvoi de l'élève. L'apprentissage
à l'ancienne n'est pas facile à supporter, c'est pourquoi le nombre de
pratiquants est faible, son but étant de ne pas être accessible à tous.
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