Proposé en sixième, cet exercice essaie d’éclairer sous deux sources bien distinctes les nombres entiers.
A l’œil :
2370 = (2x1000) + (3x100) + (7x10)
On décompose en interprétant chaque chiffre (ou presque) du nombre étudié
A l’oreille :
2370 : deux mille trois cent soixante-dix
2370 = ( 2 x 1000) + (3 x 100) + 60 + 10
On n’utilise que les nombres entendus pour cette décomposition.
Suivent les nombres à décomposer :
3083 ; 12073 ; 1111 ; 1016098
Dans la suite de l’exercice, la ligne écrite en français disparaît et l’on décompose d’autres nombres comme :
1073 ; 2000020222 ; 1001101 ; 93000 ; etc.
On termine en inventant un nombre dont l’écriture en chiffre contient trois 7 mais dont la décomposition à l’oreille n’en contient aucun.
L’exemple présenté au début de l’exercice met en lumière les enjeux :
Prendre conscience des différences entre l’écriture chiffrée d’un nombre entier et sa forme parlée.
Les élèves ont l’habitude de la première décomposition qui ne pose presque aucun problème (voir plus loin). C’est un exercice complémentaire du classique « Quel est le chiffre des centaines ? ».
La seule question a été de savoir comment traiter les 0 et si l’on devait rajouter (0x1) à la fin du premier exemple. Je n’avais pas fait le tour de cette question (avantages, inconvénients, pour cette activité, pour ce qu’il restera des entiers après cette activité), j’ai dit que l’on pouvait éviter d’écrire ces « produits nuls ».
La deuxième décomposition n’est pas un canon.
Après la surprise légitime de ce « 60+10 », vient l’acquiescement général ; « Ah oui, SOIXANTE...DIX »
Si on voulait avoir (7x10) dans cette décomposition, il aurait fallu que 70 se dise « sept dix » comme 700 se dit « sept cent ». C’est le cas en esperanto, langue sans Histoire donc sans exception, dans laquelle 70 se dit « sep dek ».
J’ai enchaîné sur le cas des belges francophone qui ont conservé le mot de vieux français « septante » et qui, par conséquent, ont une « décomposition à l’oreille » différente :
2370 = (2x1000) + (3x100) + 70 (« plus septante »).
La réaction a été unanime : « N’importe quoi » ; « Ils sont fous, ces belges » ; etc.
J’ai eu beaucoup de mal à les convaincre que c’était beaucoup plus logique ainsi. A bien regarder la suite :
« quarante, cinquante, soixante,... », « septante » paraît être un bien meilleur candidat que « soixante-dix ».
Mais quand on est tombé dedans quand on était petit, difficile de voir bousculer son modèle. (J’y vois là l’essentiel du travail du prof de maths.)
J’ai encore tenté de leur faire ouvrir leur livre d’anglais pour y voir la suite :
« forty ; fifty ; sixty ; seventy ... », rien n’y fit !
(Ca va quand même faire son chemin dans les petites caboches, j’en suis convaincu.)
Le reste des nombres à étudier propose de discuter des autres particularités de notre langue :
3083 = (3x1000) + (4x20) + 3
Le « x » entre le « 4 » et le « 20 » n’est pas évident pour tous. Ca a été l’occasion de reparler du comptage par paquet : si les paquets de 10 se sont imposés (voir l’article : "Compter les moutons), beaucoup de peuples ont adoptés les paquets de 20 et les nombres parlés en portent encore la trace (essentiellement dans les pays nordiques). Ils ont aussi ouvert leur manuel (le Phare) à la page 61 qui propose un bref extrait du « Bourgeois gentilhomme » de Molière dans lequel Dorante doit six-vingt sous à monsieur Jourdain. Là aussi, le « 120 » tarde à émerger des propositions de la classe (après « 26 » et « 620 » et d’autres dont je ne me souviens plus). La page se termine par l’évocation de l’hôpital des Quinze-vingt à Paris. Au vu de la discussion précédente, « 300 » arrive très rapidement dans les réponses.
Là encore, « octante » soulève l’hilarité générale.
La moitié de la classe s’est trompé pour la « décomposition à l’oeil » du suivant. Cette fois, au contraire, ils ont trop « écouté » le nombre et ont commencé par :
12073 = (12x1000) + ...
Cela a très vite été corrigé et n’a plus posé de problème pour la suite.
La « décomposition à l’oreille » proposait deux nouveaux mots : « douze » qu’en esperanto, on dit « dek du » et treize, « dek tri ». En français comme dans beaucoup de langues vernaculaires, on remarque qu’on a donné un nom à certains nombres (probablement parce qu’ils étaient très utilisés bien avant de mettre en place un système logique et économique de l’écriture). On remarque quand même qu’ils portent déjà des traces du système décimal puisqu’on retrouve la racine de « un » dans « onze », celle de « deux » dans « douze », etc. Et on a ce suffixe « -ze » qui doit vouloir dire « +10 » et qu’on retrouve en anglais avec le suffixe « -teen » et en allemand avec « -zehn ».
La décomposition de 1111 fait remarquer qu’on ne dit pas « UN mille » ni « UN cent » alors que le suivant 1016098 rappelle que l’on dit « UN million ». AU passage, vous pouvez imaginer la joie immense que procure le mot « nonante ».
Je n’ai volontairement pas introduit de nombres comme 123006 qui obligent en sixième à des paenthèses imbriquées :
123006 : ((100 + 20 + 3) x 1000) + 6
Ou encore pire : 198005.
L’énigme finale (Inventer un nombre dont l’écriture en chiffre contient trois 7 mais dont la décomposition à l’oreille n’en contient aucun.) oblige à considérer cette écriture mais ce n’était pas l’essentiel de la question et puisque ça allait sonner, la question a été traitée à l’oral en laissant de côté cette difficulté.