LE CORPS :

Comment se construit l’image du corps et ses conséquences !

 

 

I.- SCHEMA CORPOREL ET IMAGE DU CORPS

 

 

Dans ma pratique en psychanalyse d’enfants, je propose aux enfants désireux de comprendre la cause de leurs difficultés à vivre, du papier, des feutres, crayons de couleur, pâte à modeler…

Les enfants s’expriment spontanément. Les enfants aiment à raconter avec leurs mains. Ce qu’ils racontent, traduit leurs fantasmes, ils verbalisent ce qu’ils ont dessiné ou modelé à leur thérapeute qui l’écoute. Ce qu’il raconte est souvent sans rapport logique avec ce que l’adulte pourrait croire voir. Mais le plus surprenant c’est que les instances de la théorie freudienne de l’appareil psychique : CA, le MOI, et le SUR-MOI. dans les compositions libres qu’elles soient graphiques, plastiques, paressent, les enfants montrent de véritables fantasmes d’où l’on peut décoder les structures de l’inconscient ;

Ce qu’il y a de particulier dans les analyses d’enfants, c’est ce qui chez l’adulte se déchiffre à partir de ses associations libres d’idées sur le rêve raconté. Chez les enfants c’est par ce qu’ils disent sur les dessins, les compositions  supports de leurs fantasmes et de leurs fabulations dans une relation de transfert que se décode l’inconscient..

Le médiateur de ses trois instances psychiques (le ça, le moi et le sur-moi) dans des représentations allégoriques que fournit le sujet, Françoise DOLTO l’appelle l’image du corps.

(Cas du lycée de quatorze ans). (p 12)

L’exemple qui précède permet d’insister sur deux termes : il ne faut pas confondre image du corps et schéma corporel.

Dans le cas que je viens de rapporter il s’agit d’enfant sain quant à son schéma corporel ; c’est seulement le fonctionnement de celui-ci qui se trouve obéré par des images pathogènes du corps ; L’outil le corps, ou mieux le médiateur organisé entre le sujet et le monde, est en bon état mais son utilisation fonctionnelle adaptée au conscient du sujet était empêchée. L’utilisation adéquate du schéma corporel trouve annulée, entravée par la libido liée à une image du corps inappropriée, archaïque ou incestueuse.

Le schéma corporel est une réalité de fait, il est notre vivre charnel au contact du monde physique. Certes, des atteintes organiques précoces, (poliomyélite précoce) peuvent provoquer des troubles du schéma corporel et peuvent entraîner des atteintes durables de l’image du corps.

Le schéma corporel réfère le corps actuel dans l’espace à l’expérience immédiate. Il peut être indépendant du langage. (Donner exemples).

Donc le schéma corporel est en principe le même pour tous les individus à peu près au même âge et sous le même climat de l’espèce humaine.
L’image du corps est propre, par contre, à chacun, elle est liée au sujet et à son histoire.

 

 

2. -NARCISSISME ET IMAGE DU CORPS

(Par référence au mythe de Narcisse, amour porté à l’image de soi)

                                                       

Narcisse, personnage de la mythologie grecque. Jeune homme d’une étonnante beauté. Il repoussa l’amour de la nymphe Echo. Pour le punir Némésis le condamna à contempler sa propre image. A l’endroit de sa mort poussa la fleur qui porte son nom. Le narcissisme, ou l’amour de soi-même, est pour la psychanalyse, l’un des concepts les plus nécessaires à la compréhension des processus fondamentaux.

 

                    2.1 Freud et le narcissisme

 

Le terme de narcissisme apparaît pour la première fois chez FREUD en 1910 pour rendre compte du choix d’objet chez les homosexuels.

Nous disposons dit FREUD, d’une quantité d’énergie, qui est placée ou investie sur le monde et sur nous-mêmes. Mais cette réserve est limitée. Par conséquent un investissement important consacré à la personne propre entraîne un retrait des forces attachées au monde extérieur. Ainsi la libido d’objet se trouve-t-elle en balance avec la libido du moi. Selon des cas, l’une ou l’autre l’emporte « plus l’une absorbe, plus l’autre s’appauvrit ».[1] (Exemple du malade). Le narcissisme désigne à la fois l’ensemble des processus qui permettent un déplacement de la libido sur le moi, et les effets de ce placement. (Exemple du délire dans la paranoïa).

Entre 1910 et 1925 FREUD établit trois formes d’amour de « soi – même » qui se succèdent :

L’autoérotisme, ou jouissance d’une partie du corps (l’ensemble du corps n’existe pas, celui-ci est morcelé en territoires pulsionnels partiels).

♠ Le narcissisme primaire où le corps propre se constitue comme objet unique.

♠ Le narcissisme secondaire ou l’objet n’est plus l’organe, ni même un ensemble d’organes mais le moi c’est – à – dire un système de liaisons, de représentations entre elles. Freud apportera par la suite des modifications essentielles. La première apporte plus de souplesse dans la succession des stades, la seconde consiste à reconnaître dans les deux types d’investissement opposés la manifestation d’un seul instinct Eros : libido du moi et libido d’objet travaillent en sens inverse de celui vers lequel tend la pulsion de mort Thanatos.

 

                            2.2 Le stade du miroir et l’image du corps

 

☻ L’œuvre de J. LACAN s’est ouverte par la reprise de cette question. Le moi prend son origine dans la captation de l’enfant par sa propre image, expérience qui ne cessera plus de projeter son ombre sur le monde extérieur. A la naissance, l’enfant ne possède aucune maîtrise tonique et motrice de son propre corps. Il ne peut pas appréhender celui-ci comme unité, des expériences hétérogènes, discordantes de ce corps, au contraire, se succèdent sans lien entre elles, sur un fond de « détresse originelle ». Bien avant que la maturation permette la coordination des activités organiques, un modèle d’unité se propose pourtant au regard. Ce modèle est l’image globale du corps propre que l’enfant découvre dans le miroir. Expérience fascinante, et leurrant, puisque le sujet s’identifie à la forme qu’il considère, tout en n’étant pas cette forme : «  ce rapport érotique où l’individu humain se fixe à une image qui l’aliène à lui-même, c’est là l’énergie et c’est là la forme d’où prend origine cette organisation passionnelle qu’il appellera son moi ». Avant que l’enfant se repère comme « un », il participe au fantasme de l’autre, en tant d’objet de son désir.

☻ Françoise DOLTO aborde dans un langage différent cette question. Elle met l’accent sur l’existence d’un narcissisme primaire antérieur au stade du miroir. Dans l’univers fantasmatique, chaotique, morcelé de l’enfant des liaisons pourtant se constituent.

Pour elle, la liaison s’établit dans le rapport de l’enfant à la parole maternelle. Une fois le besoin apaisé, les soins donnés, la mère parle « gratuitement » pour ainsi dire, pour son seul plaisir et celui de l’enfant. Peu importe les paroles dites. Ce qui compte, c’est que des phonèmes (son minimal d’une langue possédant des traits caractéristiques qui permettent de distinguer les mots des uns des autres), qu’une voix énonce au moment où la satisfaction est apaisée. La parole dit qu’il existe un registre où les mots ne sont plus de simples instruments à l’usage de la satisfaction. Ces expériences privilégiées, où la parole maternelle se soutient des états de satisfaction du corps propre, sont les « organisateurs » les plus anciens, les plus fondamentaux du narcissisme. Selon DOLTO, elles fixent des images du corps. (♠ Attention !! L’image désigne d’ordinaire la représentation visuelle ou conceptuelle du corps propre ce qui ne saurait désigner l’image du corps).

La formule désigne, au contraire, une mobilisation d’organes, privilégiée parce qu’elle s’est produite en même temps qu’une découverte symbolique, celle d’un discours où se soutient non le besoin, mais le désir. (Exemple 3 de DOLTO[2])

 

L’image du corps est donc la synthèse vivante de nos expériences émotionnelles : inter humain, répétitivement vécues à travers les sensations érogènes électives, archaïques et actuelles. L’incarnation symbolique inconsciente du sujet désirant. L’image du corps réfère le sujet du désir à son jouir, médiatisée par le langage mémorisé de la communication entre sujets. L’image du corps est toujours inconsciente, constituée de l’articulation dynamique d’une image de base, d’une image fonctionnelle et d’une image des zones érogènes où s’exprime la tension des pulsions.

 

Toute souffrance peut s’exprimer à travers le corps. Savoir écouter le langage du corps, c’est savoir écouter l’individu qui parle de son corps, et écouter ce qui se cache derrière une demande. Le chirurgien qui écoute cette demande est au cœur même du lien entre le corps et l’âme, le corps et l’image du corps.

Le « passage à l’acte » opératoire permet –il en modifiant l’extérieur d’influencer l’intérieur ?

 

 

3 – CONCLUSION

 

Reconnaître, respecter, favoriser ce travail chez les patients doit être l’objectif de l’intervention analytique. Permettre au patient une ré appropriation de sa maladie et de son corps malade. Cette ré appropriation ne se fait pas d’emblée. Elle passe par des modifications comme la régression, le désinvestissement puis la production de sens. L’intervention peut donc permettre au patient de parler de sa maladie, de ses symptômes, de son histoire, d’exprimer ses affects et le renoncement à sa toute puissance. Mais il arrive aussi que cela ne se fasse pas. Le travail est alors mis en échec : le clivage entre le corps et la psyché, les phénomènes de déni, l’utilisation du corps comme langage, le passage à l’acte ou mise en objectivité du corps sous la forme de pensée opératoire paraissent.

L’intervention analytique peut alors aider le sujet à restituer une parole sur la maladie alors que les mécanismes de défense coûteux mis en place vont dans le sens de l’exclusion de la maladie et du sujet.

La réparation (intervention) n’est pas très simple. D’autant plus que la question de la maladie se joue à plusieurs protagonistes : le sujet, le conjoint parfois, la famille, le médecin et l’équipe médicale et l’analyste…

Cette intervention est difficile à mettre en place. Les différents phénomènes décrits plus hauts vont parfois à l’encontre de la conception médicale du sujet et de la maladie. La vérité du sujet s’oppose bien souvent à la vérité médicale. L’expression du sujet, la représentation personnelle de la maladie par le patient, l’expression à travers la maladie de la structure psychique du sujet peuvent être perçues comme des signes négatifs par les équipes. Les soignants repèrent bien  ces aspects régressifs liés à la maladie en oubliant parfois ce que ces productions renferment d’élaboration.

L’intervention multidisciplinaire ne doit pas bien sûr entraîner des mécanismes de défense de la part de l’équipe, visant à l’exclusion de la subjectivité par certains ou au contraire à l’exclusion de toute technicité par d’autres. Cette intervention doit se mettre en place dans une collaboration réciproque, une complémentarité et un respect mutuel des champs d’intervention. Face à cette épreuve de réalité, l’intervention multidisciplinaire peut permettre un réaménagement du monde interne du patient, de ses désirs et de ses attentes, un renoncement à la toute puissance, une reconnaissance du manque et de la limite et ouvrir sur la question du sujet.

 

 

 

 

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 

Les grandes découvertes de la psychanalyse. Le narcissisme. I.P.C. 1992.

 

 

Chemins. 1992. Le corps. Sous la direction de GODDARD,JC. LABRUNE,M. Intégrale, Vrin. Paris.

 

 

BERTAGNE, P ; 1987. Approche psychopathologique du discours des diabétiques. Mémoire de Psychiatrie, Amiens, 1987.

 

 

CELERIER, MC. Corps et fantasmes. 1991. Paris, Dunod. 1992.

 

 

DOLTO, F. 1984. L’image inconsciente du corps. Paris. Editions du Seuil. 1984.

 

 

FAIN, M. DEJOURS, C. 1984. Corps malade et corps érotique. Paris, Masson, 1989.

 

 

FREUD, S. 1914. Pour introduire le narcissisme. In La vie sexuelle. Paris, P.U.F. 1969.

 

 

FREUD, S. 1971. Deuil et mélancolie. In Métapsychologie, Paris, P.U.F. 1969.

 

 

ZORN, F.1977. Mars. Paris, Folio, 1982

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

PLAN

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LE CORPS

Comment se construit l’image du corps et ses conséquences

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1. – SCHEMA CORPOREL ET IMAGE DU CORPS (Dolto)

         Cas d’un adolescent

 

2. – NARCISSISME ET IMAGE DU CORPS

 

         2.1 Freud et le narcissisme (mythe de narcisse).

                             Cas cliniques cas de la paranoïa

         2.2 Le stade du miroir et l’image du corps (Lacan, Dolto)

 

3. – CONCLUSION

 

Références bibliographiques.

 

 

Questions :

 

1)      Définitions de l’image du corps et du schéma corporel.

2)    Quelles sont les conséquences d’une mauvaise construction de l’image du corps ?

3)    Quelles aides un soignant peut apporter chez des patients atteints de pathologie portant atteinte à l’image du corps ?

4)    Comment se construit l’image du corps : à partir des théories de Freud, Lacan, Dolto ?



[1] FREUD, S. Pour introduire le narcissisme. 1914.

DOLTO, F. L’image inconsciente du corps.1984 ; ( P 12). Editions du Seuil. Paris.[2]